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20/02/2002 | SUISSE | N°4P.252/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 février 2002, 4P.252/2001


«/2»
4P.252/2001

Ie C O U R C I V I L E
**************************

20 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz
et M. Favre, juges. Greffière: Mme Michellod.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ Sàrl (anciennement Y.________ Sàrl, représentée
par Me Patrick Burkhalter, avocat au Locle,

contre

le jugement rendu le 18 septembre 2001 par la IIe Cour
civile
du Tribunal cantonal neuchâtelois dans la ca

use qui oppose
la
recourante à A.________, représenté par Me Pierre Heinis,
avocat à Neuchâtel et à B.________, représent...

«/2»
4P.252/2001

Ie C O U R C I V I L E
**************************

20 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz
et M. Favre, juges. Greffière: Mme Michellod.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ Sàrl (anciennement Y.________ Sàrl, représentée
par Me Patrick Burkhalter, avocat au Locle,

contre

le jugement rendu le 18 septembre 2001 par la IIe Cour
civile
du Tribunal cantonal neuchâtelois dans la cause qui oppose
la
recourante à A.________, représenté par Me Pierre Heinis,
avocat à Neuchâtel et à B.________, représenté par Me Yves-
Roger Calame, avocat à Peseux;

(art. 9 Cst., appréciation des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) La société Y.________ Sàrl, avec siège à
D.________, a été inscrite au Registre du commerce le 4 jan-
vier 1996. Cette société avait pour but de permettre à cha-
cun, par le training autogène, le stretching, la gymnastique
préventive et personnalisée, d'améliorer les fonctions car-
dio-vasculaires, musculaires, les articulations et de conser-
ver ou d'acquérir un équilibre psychique et mental sain. La
société s'appelle aujourd'hui X.________ Sàrl.

Le capital social de la société était de 70'000
francs entièrement libérés. Les associés gérants en étaient
A.________, qui détenait 69'000 francs de parts sociales et
B.________ qui en détenait pour 1'000 francs.

b) Par acte du 13 janvier 1999, A.________ et
B.________ ont cédé à C.________ leur parts sociales dans la
société pour le prix de 417'000 francs. L'entrée en jouis-
sance a été fixée au 1er septembre 1999. Le contrat de ces-
sion précisait:

"Au surplus, la différence entre les actifs transi-
toires et les passifs transitoires calculés au
31.12.98 selon comptabilité, sera versée par la
société aux vendeurs ou par les vendeurs à la
société, au plus tard jusqu'au 31.08.99.

Si, à cette date, la quote-part résultant du compte
de chauffage établi au 30.06.99 n'est pas connue,
elle sera versée dans les 30 jours dès la remise de
ce compte à la société."

Plus loin, l'acte précisait: "les cédants prendront
à leur charge exclusive tout passif inconnu à ce jour".

Des problèmes ont surgi quant à la différence entre
les actifs et les passifs transitoires. Par courrier du
6 septembre 1999, Y.________ Sàrl a mis en demeure
A.________
et B.________ de lui verser la somme de 65'430,70 francs
jusqu'au 16 septembre 1999.

B.- a) Le 13 décembre 1999, Y.________ Sàrl a
ouvert action devant la Cour civile du Tribunal cantonal neu-
châtelois contre A.________ et B.________, concluant au paie-
ment de la somme de 103'229,45 francs avec intérêts à 5%
l'an
dès le 1er septembre 1999.

Y.________ Sàrl alléguait avoir payé une série de
factures pour un montant total de 32'687,45 francs en 1999
alors que ces factures concernaient des prestations fournies
avant le 31 décembre 1998. La demanderesse réclamait encore
différents autres montants. Elle en déduisait 12'061,10
francs qu'elle avait reçus en 1999 pour des cotisations dues
pour 1998, ainsi que 11'553,65 francs qui lui avaient été
remboursés.

b) Les défendeurs ont contesté la qualité pour agir
de la demanderesse et, sur le fond, ont notamment contesté
être ses débiteurs.

C.- Par jugement du 18 septembre 2001, la IIe Cour
civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a considéré que la
demanderesse avait qualité pour agir mais qu'elle n'avait
pas
fait la preuve des créances qu'elle invoquait; elle l'a donc
déboutée de ses conclusions.

D.- Y.________ Sàrl (actuellement X.________ Sàrl)
a déposé un recours de droit public contre le jugement canto-
nal, concluant à son annulation. Sa demande d'effet
suspensif
a été rejetée le 19 octobre 2001.

Invités à déposer une réponse, A.________ a conclu
à l'irrecevabilité du recours et B.________ à son rejet. La
cour cantonale s'est référée à son jugement, sans formuler
d'observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La recourante est personnellement touchée par
la décision attaquée, qui la déboute de ses conclusions, de
sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement
protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en viola-
tion de ses droits constitutionnels (art. 88 OJ). Les argu-
ments développés par l'intimé A.________ à l'appui de l'ab-
sence de qualité pour recourir de la société ne sont pas fon-
dés. Il ne remet pas en question la qualité pour agir de la
société telle qu'elle a été admise par le jugement attaqué,
mais l'absence d'un intérêt juridiquement protégé au sens de
l'art. 88 OJ. La recourante invoque toutefois une créance,
respectivement des dommages-intérêts pour l'exécution impar-
faite du contrat de cession du 13 janvier 1999, soit des in-
térêts protégés par une norme de droit fédéral.

2.- La recourante se plaint d'une appréciation ar-
bitraire des preuves.

a) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre

solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait
entrer en considération ou même qu'elle serait préférable;
le
Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que
lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se
trouve en contradiction évidente avec la situation de fait,
qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
clair et indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 127
I 60 consid. 5a p. 70; 126 III 438 consid. 3 p. 440). Pour
qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne
suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il
faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son
résultat (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41, 54 consid. 2b p.
56;
125 I 166 consid. 2a).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves et des constatations de fait, il y a arbitraire lors-
que l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sé-
rieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa por-
tée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments re-
cueillis, elle en tire des constatations insoutenables.

b) La demande en paiement de la recourante portait
sur trois types de créances:

- d'une part, le remboursement d'une série de factures
payées par elle en 1999 mais relatives à l'exercice 1998
(services industriels, primes d'assurances, téléphone,
impôts, AVS, salaires de décembre, vacances non prises
par les employés en 1998, etc.),

- d'autre part, le remboursement de montants payés par les
clients du club en 1998 (abonnements, bons cadeaux,
etc.)
pour des prestations dont ils ont bénéficié en 1999,

- enfin, le remboursement de factures payées par la
société
pour l'intimé B.________ (essence et réparation de sa
voiture).

c) La cour cantonale a estimé que les documents dé-
posés dans le cadre de l'administration des preuves ne per-
mettaient pas de procéder au décompte prévu dans l'acte de
cession du 13 janvier 1999. Elle a ajouté qu'au demeurant,
il
était difficile de déterminer ce que les parties avaient vou-
lu dire en parlant d'actifs et de passifs transitoires dans
leur convention et que l'on ignorait de quoi étaient consti-
tués les actifs transitoires; en outre, les passifs transi-
toires mentionnés dans le document remis par le témoin
F.________ ne semblaient pas correspondre à ceux que les par-
ties avaient à l'esprit.

La recourante soutient que la cour cantonale est
tombée dans l'arbitraire en ignorant le bilan de la société
au 31 décembre 1998, figurant au dossier cantonal.

Dans son jugement, la cour cantonale a relevé que
la recourante n'avait pas déposé sa comptabilité 1998 et
1999; elle en a déduit qu'il était impossible de procéder au
décompte prévu par l'acte de cession. Le bilan au 31
décembre
1998 figure cependant au dossier cantonal sous pièce 24,
suite à son dépôt par le témoin F.________ lors de l'instruc-
tion de la cause, le 19 décembre 2000. Les juges cantonaux
ont d'ailleurs indiqué dans leur jugement le montant exact
des actifs et passifs transitoires au 31 décembre 1998, tels
qu'ils ressortent de ce bilan.

Les intimés ne contestent pas la présence de ce bi-
lan au dossier et ne remettent pas en question son contenu.
Il ressort de ce document que les actifs transitoires de la

recourante au 31 décembre 1998 se montaient à 11'553,65
francs tandis que les passifs transitoires se montaient à
39'943,35 francs. La différence entre ces deux montants
était
donc aisée à déterminer.

En considérant qu'il n'était pas possible de procé-
der au décompte prévu par la convention du 13 janvier 1999,
la cour cantonale a effectué une appréciation arbitraire des
preuves à sa disposition. Elle disposait en effet des pièces
nécessaires à ce calcul. En outre, il ne lui était pas indis-
pensable de connaître la nature exacte des actifs et passifs
transitoires comptabilisés au 31 décembre 1998 pour
effectuer
le décompte prévu par l'acte de cession.

d) S'agissant des autres créances alléguées par la
recourante, la cour cantonale a considéré que le dossier ne
permettait pas de déterminer quels passifs inconnus auraient
surgi après la passation de l'acte de cession et devraient
être mis à la charge des intimés. Elle a estimé qu'il ne pou-
vait pas s'agir de vacances non prises en 1998, de salaires
pour 1998 ou d'heures supplémentaires d'employés du club; le
repreneur de la société s'était certainement renseigné sur
tous ces points, étant employé de la société et assisté d'un
avocat.

La recourante soutient que les documents comptables
qu'elle a déposés démontrent la nature des passifs allégués,
leur montant et l'exercice auquel ils doivent être affectés.
Elle estime que si l'on devait considérer que certains
postes
de sa créance ne constituaient pas des passifs transitoires,
il faudrait admettre qu'il s'agissait de passifs inconnus,
notamment les factures émises postérieurement au bilan du
30 septembre 1998, les prétentions émises en 1999 par les
clients du club sur la base d'abonnements payés en 1998, etc.

La recourante ne démontre toutefois pas de manière
convaincante qu'il était possible de distinguer, sur la base
des pièces à disposition, quels passifs de la société
étaient
inconnus de A.________, B.________ et C.________ le 13 jan-
vier 1999. Le grief d'arbitraire sur ce point est par consé-
quent infondé.

e) S'agissant des cotisations de 1998 dont la re-
courante demandait le remboursement aux intimés, la cour can-
tonale a jugé que le décompte présenté était peu clair.

La recourante soutient qu'il était arbitraire
d'écarter en bloc toutes les pièces qu'elle avait réunies à
l'appui de ses créances.

Pour les abonnements conclus avant le 31 décembre
1998 et dont la durée se prolongeait en 1999, la recourante
a
produit les contrats signés par les clients et des décomptes
individuels par client assortis d'un calcul du nombre de
mois
de validité de l'abonnement en 1999 (pièces 47 à 195 et 196
à
248). La recourante réclamait à ce titre 30'229,45 et
4'521,20 francs. Elle invoquait encore des abonnements utili-
sés en 1999 par des clients qui avaient suspendu leur
contrat
en raison d'une maladie (pièces 219-248), des bons cadeaux
vendus en 1998 et utilisés en 1999 (pièces 214, 218), un
solde du bar du club au 31 décembre 1998 en faveur des
clients (pièces 217 s.) et le remboursement de cartes élec-
trostimulantes vendues en 1998 et utilisées en 1999.

D'après la motivation du jugement attaqué, la cour
cantonale n'a manifestement pas examiné en détail les pièces
produites par la recourante à l'appui de ses créances en rem-
boursement de prestations effectuées en 1999 mais payées en
1998. L'autorité cantonale semble s'être limitée à
considérer
que le décompte de ces cotisations était peu clair et que,

par conséquent, la recourante n'avait pas fait la preuve de
ses créances. Ce raisonnement n'est pas admissible et doit
être qualifié d'arbitraire. En effet, une cour cantonale ne
peut, sans raison valable, se passer d'examiner les éléments
de preuves fournis si ceux-ci sont pertinents. En l'espèce,
la demande en justice de la recourante énumérait de façon
claire les clients concernés par les abonnements 98/99 et
présentait une série de pièces à l'appui de ses allégations.
Par conséquent, la cour cantonale ne pouvait, sans tomber
dans l'arbitraire, écarter en bloc ces nombreuses pièces et
débouter la recourante au motif qu'elle n'avait pas prouvé
ses créances. L'admission du grief d'arbitraire sur ce point
du recours ne signifie toutefois pas que les pièces
produites
prouvent toutes les créances alléguées. Il appartiendra à
l'autorité cantonale de procéder à une appréciation des preu-
ves.

f) En ce qui concerne les factures que la recou-
rante aurait payées pour l'intimé B.________, la cour canto-
nale a estimé que les pièces déposées n'établissaient nulle-
ment les créances alléguées.

La recourante soutenait avoir payé les frais d'es-
sence de B.________ pour 161,80 francs en janvier 1999. Elle
a produit le relevé de son compte bancaire (pièce 37) sur le-
quel il est noté à la main que trois montants d'environ 50
francs concernent "ess. Phil". Il s'agit de débits en faveur
de Shell et Avia datés de janvier 1999. Rien n'établit toute-
fois que ces débits concernaient l'intimé et qu'ils devaient
être supportés par lui.

La recourante alléguait
également que l'intimé
avait fait réparer sa voiture le 6 août 1999 et lui avait
fait envoyer la facture pour 468,55 francs. Elle a produit
un
2e rappel du garage Honda de Neuchâtel qui lui a été adressé

le 14 octobre 1999 pour un montant de 468,55 francs (pièce
253). La recourante ne soutient pas qu'une autre preuve se-
rait disponible à ce sujet. Or les documents déposés ne sont
pas propres à établir que les factures payées concernaient
l'intimé B.________ et que celui-ci en était débiteur envers
la société. L'appréciation des preuves de l'autorité canto-
nale sur ce point échappe au grief d'arbitraire.

3.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
admis et le jugement attaqué annulé. Il appartiendra aux in-
timés, qui succombent, d'assumer conjointement les frais ju-
diciaires et les dépens de la procédure fédérale (art. 156
al. 1 et 7, art. 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule le jugement attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 francs à la
charge des intimés, solidairement entre eux.

3. Dit que les intimés, débiteurs solidaires, ver-
seront à la recourante une indemnité de 5'000 francs à titre
de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal neuchâtelois.

_______________

Lausanne, le 20 février 2002
MSI/dxc

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.252/2001
Date de la décision : 20/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-20;4p.252.2001 ?
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