La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2002 | SUISSE | N°I.770/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 février 2002, I.770/01


«AZA 7»
I 770/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffière : Mme Berset

Arrêt du 18 février 2002

dans la cause

J.________ et L.________, recourants,

contre

Office AI Berne, Chutzenstrasse 10, 3007 Berne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- a) J.________ a déposé une demande de rente de
l'assurance-invalidité le 11 janvier 1996, à la suite d'un
empoisonnement à la jambe survenu le 10 octobre 1

995.
Dans un rapport d'expertise du 30 septembre 1997, le
docteur A.________, mandaté par l'Office de l'assurance-
invalidité...

«AZA 7»
I 770/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffière : Mme Berset

Arrêt du 18 février 2002

dans la cause

J.________ et L.________, recourants,

contre

Office AI Berne, Chutzenstrasse 10, 3007 Berne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- a) J.________ a déposé une demande de rente de
l'assurance-invalidité le 11 janvier 1996, à la suite d'un
empoisonnement à la jambe survenu le 10 octobre 1995.
Dans un rapport d'expertise du 30 septembre 1997, le
docteur A.________, mandaté par l'Office de l'assurance-
invalidité du canton de Berne (OAI), a diagnostiqué des
douleurs et paresthésies à la jambe et au pied gauche suite
à une intoxication neuromusculaire par une piqûre de pois-
son-pierre, un état dépresso-anxieux, ainsi qu'une fibro-

myalgie anamnestique. Il a fixé l'incapacité de travail de
J.________ à 100 % depuis le 10 octobre 1995.
Après avoir enjoint à plusieurs reprises à l'assuré de
se soumettre à un examen médical approfondi au Centre d'ob-
servation médicale de l'AI (COMAI) ZMB de Bâle, l'OAI a re-
jeté la demande de prestations de l'assuré au motif qu'il
persistait à s'opposer à une mesure d'instruction à laquel-
le il pouvait se soumettre, par décision du 12 février
1999.
Par jugement du 12 octobre 1999, la Cour des affaires
de langue française du Tribunal administratif du canton de
Berne a admis le recours interjeté par J.________ contre
cette décision, l'a annulée pour vices de forme et a ren-
voyé la cause à l'OAI pour qu'il se détermine à nouveau sur
l'exigence d'une expertise médicale pluridisciplinaire.
b) Dans le cadre de l'instruction, l'OAI a réuni les
avis des docteurs B.________, spécialiste en neurologie
(rapport du 28 janvier 2000) et C.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie.
Convoqué à deux reprises (les 15 janvier et 27 février
2001) par le ZMB de Bâle en vue de se soumettre à une ex-
pertise pluridisciplinaire ordonnée par l'OAI, J.________ a
refusé de s'y rendre, en se prévalant d'une contre-indica-
tion médicale.
Par décision du 10 septembre 2001, l'OAI a refusé
d'entrer en matière sur la demande de prestations, confor-
mément à l'avertissement contenu dans sa lettre du 9 août
2001.

B.- Par acte du 13 septembre 2001, L.________, épouse
de J.________, a recouru contre la décision précitée en
concluant à son annulation et à l'octroi à son mari d'une
rente d'invalidité et de moyens auxiliaires.
Le 11 octobre 2001, le Conseil municipal de la commune
de X.________ a appuyé le recours et produit un certificat
du 5 octobre 2001 du docteur D.________, attestant qu'un
stage d'observation n'était pas indiqué médicalement. La

recourante a refusé de donner suite à la requête du Juge
instructeur d'amener son mari à délier le docteur
D.________ du secret professionnel.
Par jugement du 15 novembre 2001, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue
française, a déclaré le recours irrecevable, dans la mesure
où il tendait à l'octroi de prestations, et l'a rejeté pour
le surplus.

C.- Par écriture du 13 décembre 2001, J.________ et
L.________ interjettent un recours de droit administratif
contre ce jugement dont ils demandent l'annulation et à ce
qu'il soit ordonné à l'OAI de rendre une décision matériel-
le, sur la base des pièces du dossier. Le 16 janvier 2002,
les recourants ont demandé à être entendus personnellement,
avec deux de leurs témoins.
L'OAI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral
des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Sur le plan procédural, les recourants demandent à
comparaître personnellement, avec des témoins, devant le
Tribunal fédéral des assurances, afin de fournir oralement
d'autres explications.
En l'espèce, les recourants ont eu largement la possi-
bilité de s'expliquer par écrit tant dans la procédure can-
tonale que devant la juridiction fédérale.
C'est dès lors en vain qu'ils forment cette requête.
En effet, une audition personnelle ne se justifie que si
elle est de nature à permettre au tribunal de fonder ou
d'étayer sa décision. Or, en l'occurrence, compte tenu du
dossier et des très nombreuses pièces figurant au dossier,
une telle mesure probatoire est superflue (ATF 122 II 469
consid. 4c, 120 Ib 229 consid. 2b). Dans une telle hypo-
thèse, on ne saurait retenir une violation du droit d'être

entendu tel qu'il est protégé par l'art. 29 al. 2 Cst (ATF
124 V 94 consid. 4b). Cette disposition ne garantit pas le
droit de s'exprimer oralement devant l'autorité appelée à
statuer (ATF 125 I 219 consid. 9b). Par ailleurs, leur re-
quête n'équivaut pas à une demande de débats publics au
sens de l'art. 6 para. 1 de la Convention Europénne des
Droits de l'Homme (ATF 125 V 38 consid. 2; Jean-Maurice
Frésard, l'applicabilité de l'art. 6 para. 1 CEDH au con-
tentieux de l'assurance sociale et ses conséquences sous
l'angle du principe de la publicité ds débats, RSA 1994,
p. 194 ss).
Il s'ensuit que leur demande d'être entendus oralement
par la Cour de céans doit être écartée.

2.- a) L'art. 73 RAI dispose que si l'assuré ne donne
pas suite, sans excuse valable, à la convocation à une ex-
pertise (art. 69 al. 2 RAI), à une audition devant l'office
AI (art. 69 al. 3 RAI) ou à une demande de renseignements
(art. 71 al. 1 RAI), l'office AI peut se prononcer en l'é-
tat du dossier, après lui avoir imparti un délai raisonna-
ble avec indication des conséquences du défaut de collabo-
ration (ATF 125 V 407 consid. 4c; VSI 2000 p. 332 con-
sid. 4c). Au lieu de se prononcer en l'état, l'office peut
rendre une décision d'irrecevabilité, pour autant que le
droit cantonal ou la pratique le permette (ATF 108 V 229
ss; RCC 1983 p. 528; Ueli Kieser, Das Verwaltungsverfahren
in der Sozialversicherung, ch. 227 ss; Meyer-Blaser,
Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungs-
recht, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG],
p. 298).

b) Selon la jurisprudence, c'est au regard des cir-
constances que l'autorité appelée à statuer sur le droit à
une rente d'invalidité choisira de rendre une décision de
non entrée en matière ou une décision matérielle sur la
base du dossier. Ainsi, lorsque les faits peuvent être
élucidés sans difficulté ni complications spéciales, alors

même que le requérant refuse ou omet de coopérer, l'admi-
nistration devra procéder à l'enquête, puis rendre une
décision matérielle. Éventuellement des intérêts de tiers,
jugés dignes d'être protégés, pourront nécessiter une telle
manière d'agir (par exemple l'intérêt de l'épouse à obtenir
une rente AI pour son mari qui refuse de coopérer). De
même, il faudra décider matériellement lorsque le dossier
disponible permet d'admettre un droit partiel (par exemple,
les pièces sont suffisantes pour conclure que l'assuré a
droit à une demi-rente, mais en ce qui concerne la rente
entière, les faits ne sont pas suffisamment établis
(108 V 231 s consid. 2 in fine; RCC 1983 p. 527 consid 2 in
fine).

c) L'art. 20 al. 2 de la loi sur la procédure et la
juridiction administratives (LPJA; RSB 1/2 no. 155. 21)
prévoit qu'en cas de défaut de collaboration, la conclusion
prise est déclarée irrecevable, à moins qu'un intérêt pu-
blic en requière l'examen.

3.- a) En l'occurrence, le point litigieux est de
savoir si l'OAI était en droit de ne pas entrer en matière
sur la demande de rente de l'assuré. Les premiers juges ont
répondu par l'affirmative à cette question. Ils ont consi-
déré, d'une part, que c'était sans excuse valable que le
recourant n'avait pas donné suite à l'injonction qui lui a
été faite de se soumettre à une expertise pluridiscipli-
naire au ZMB et, d'autre part, que cette expertise était
nécessaire pour statuer sur la demande de rente.

b) C'est à juste titre, au terme d'une analyse fouil-
lée, que la cour cantonale a écarté le moyen de la recou-
rante selon lequel les certificats des docteurs B.________
(du 23 janvier 1998), et D.________ (du 5 octobre 2001)
prouveraient, à satisfaction de droit, que l'état de santé
de son mari ne lui permettait pas de se soumettre à l'ex-
pertise pluridisciplinaire ordonnée par l'OAI. Par souci

d'économie de procédure, il sera renvoyé à cet égard au
consid. 3a du jugement attaqué, auquel il n'y a rien à
ajouter. Ce point n'est d'ailleurs plus contesté en procé-
dure fédérale. Il apparaît dès lors que le recourant
n'avait pas d'excuse valable pour se soustraire à la mesure
d'instruction ordonnée par l'office intimé.

c) L'examen du dossier médical fait ressortir que les
avis divergent de manière importante sur les causes de
l'incapacité de travail du recourant. Ainsi différentes af-
fections tant psychiques que somatiques sont avancées par
les médecins (cf. consid. 3b du jugement cantonal du 12 oc-
tobre 1999). A l'exception d'un très bref rapport du
26 janvier 1998 (confirmé le 27 janvier 2000) du docteur
C.________, médecin psychiatre - dont il ressort que le re-
courant souffre d'un état anxio-dépressif important - aucun
spécialiste ne s'est prononcé sur l'aspect psychique de
manière approfondie et notamment sur l'incidence de cette
problématique sur la capacité de travail. Par ailleurs,
médecin généraliste, l'expert A.________ lui-même exprime
des divergences avec les conclusions des docteurs
B.________ (neurologue) et E.________, (médecin généra-
liste) quant à l'état psychique du recourant.
Dans ces circonstances, contrairement à ce que sou-
tiennent les recourants, l'OAI n'était, en l'état actuel du
dossier, manifestement pas en mesure de se se prononcer
matériellement sur le droit à la rente (ou à une fraction
de rente cf. ATF 108 V 232 en haut) de l'assuré, sans dis-
poser d'une expertise complète se prononçant sur l'état de
santé du recourant dans sa globalité en tenant compte de
l'ensemble de de ses atteintes et destinée à établir clai-
rement les conséquences de ces dernières sur sa capacité de
gain.

d) Dans ce contexte, doivent être écartés les moyens
de la recourante (déjà soulevés en procédure cantonale)
selon lesquels son intérêt en qualité d'épouse du recourant

à obtenir une rente AI pour son mari qui refuse de coopérer
(ATF 108 V 231 s consid. 2) et de l'intérêt (public) de la
commune de X.________ - qui verserait une aide sociale à la
famille M.________ depuis 1996 - (art. 20 al. 2 LPJA cf.
consid. 2c ci-dessus) imposent la prise d'une décision
matérielle sur la base des pièces du dossier. En effet,
c'est seulement de manière subsidiaire que les intérêts de
tiers, jugés dignes d'être protégés, pourront nécessiter
une telle manière d'agir (cf. ATF 108 V 232 en haut; RCC
1983 p. 527 consid. 2 in fine). En aucun cas un intérêt de
tiers ne saurait contraindre l'OAI à rendre une décision
matérielle lorsque l'instruction de la cause est insuffi-
sante.
Sur le vu de ce qui précède, l'office de l'assurance-
invalidité était en droit de refuser d'entrer en matière
sur la demande, conformément à l'art. 73 RAI.

4.- Il convient de rendre une nouvelle fois les recou-
rants attentifs au fait que si J.________ accepte de se
soumettre à l'expertise requise à juste titre par l'OAI, il
lui est loisible de déposer une nouvelle demande de presta-
tions.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des

affaires de langue française, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 18 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.770/01
Date de la décision : 18/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-18;i.770.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award