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18/02/2002 | SUISSE | N°6S.721/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 février 2002, 6S.721/2001


«/2»
6S.721/2001/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

18 février 2002

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président,
M. Kolly et M. Karlen, Juges. Greffier : M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représentée par Me Willy Lanz, avocat à
Courtelary,

contre

le jugement rendu le 12 septembre 2001 par la IIème
Chambre pénale de la Cour suprême bernoise dans la cause<

br> qui oppose la recourante à X.________, Y.________ et
Z.________, représentés par Me Mauro Poggia, avocat à
Genève, e...

«/2»
6S.721/2001/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

18 février 2002

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président,
M. Kolly et M. Karlen, Juges. Greffier : M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représentée par Me Willy Lanz, avocat à
Courtelary,

contre

le jugement rendu le 12 septembre 2001 par la IIème
Chambre pénale de la Cour suprême bernoise dans la cause
qui oppose la recourante à X.________, Y.________ et
Z.________, représentés par Me Mauro Poggia, avocat à
Genève, et au Procureur général du canton de B e r n e;

(homicide par négligence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants :

A.- Par jugement du 16 novembre 2000, le Prési-
dent 1 de l'arrondissement judiciaire I Courtelary-
Moutier-La Neuveville a libéré A.________ de la préven-
tion d'homicide par négligence et a renvoyé l'action ci-
vile sans en examiner le mérite.

B.- Statuant le 12 septembre 2001 sur les appels
interjetés par X.________, Y.________ et Z.________ et
par le Procureur général, la IIème Chambre pénale de la
Cour suprême bernoise a reconnu A.________ coupable d'ho-
micide par négligence et l'a condamnée à une amende de
3'000 francs, avec délai de radiation de deux ans. Elle
l'a en outre condamnée à payer à X.________ et Y.________
des dommages-intérêts de 3'308 fr. 25 plus intérêt à 5 %
l'an dès le 1er janvier 2000 ainsi qu'un montant de
2'750 francs, et à payer à X.________, Y.________ et
Z.________ des indemnités pour tort moral de respective-
ment 35'000, 30'000 et 15'000 francs.

Il ressort notamment les éléments suivants de ce
jugement:

Le 29 juin 1999 vers 15 h 45, A.________ circulait
en voiture dans la localité de Tavannes. Sur un tronçon
rectiligne, elle a percuté l'enfant W.________, âgé de
trois ans, qui venait du trottoir situé à droite par rap-
port au sens de marche de la voiture et qui traversait
sur un passage pour piétons. Grièvement blessé, il est
décédé en fin d'après-midi à l'hôpital.

A.________ a expliqué qu'elle roulait à 50 km/h et
qu'elle avait uniquement aperçu l'enfant à la hauteur de
son phare droit, qu'elle avait alors entamé un freinage
sans pouvoir éviter le choc avec l'avant gauche de la
voiture. Elle a indiqué n'avoir vu aucun enfant sur le
trottoir mais uniquement deux dames.

La Chambre pénale n'a pas retenu la présence de
deux adultes sur le trottoir mais uniquement celle de
X.________ et de ses deux enfants, soit la victime
W.________ et sa soeur Z.________, âgée de cinq ans. La
mère a expliqué que W.________ lui donnait la main, que
Z.________ les précédait et attendait près du passage
pour piétons et que brusquement W.________ avait lâché sa
main et couru vers sa soeur en direction du passage pour
piétons (dans le sens de circulation de A.________).
Appréciant les déclarations de différents témoins, la
Chambre pénale a tenu pour établi que Z.________ se trou-
vait devant sa mère et son frère, à proximité du passage
pour piétons, sans qu'il soit possible de dire qu'elle
était arrêtée juste devant, en attente de pouvoir traver-
ser. Sans pouvoir non plus déterminer précisément l'en-
droit où W.________ avait lâché la main de sa mère, la
Chambre pénale a considéré que cela s'était passé aux
abords du passage pour piétons et que l'enfant avait cou-
ru sur une certaine distance sur le trottoir avant de
traverser. Selon tous les témoins, parvenu à la hauteur
du passage pour piétons, l'enfant s'est soudainement jeté
sur la route. Le point de choc avec la voiture se situe
sur le passage, à 2,3 mètres du bord droit de la route.
La voiture s'est immobilisée 10,9 mètres après le pas-
sage.

Une expertise judiciaire a été ordonnée. Selon
l'expert, la voiture roulait à 50 km/h au moment du choc;

la victime a parcouru la distance entre le bord droit de
la route et le point de choc entre 1 et 1,4 seconde;
cette durée correspond approximativement au temps de
réaction de A.________, fixé à 1 seconde; durant ce laps
de temps, A.________ a parcouru une distance de 10 à
13,65 mètres, soit la distance qui séparait la voiture du
passage pour piétons au moment où la victime s'y est
engagée; la distance de freinage proprement dite est de
10,72 mètres, soit une distance totale de freinage (y
compris la distance parcourue durant le temps de réac-
tion) de 23,8 mètres. L'expert a encore observé que si
A.________ avait été prête au freinage, son temps de
réaction aurait été de 0,25 seconde et non plus de 1 se-
conde et que la distance de freinage totale aurait alors
été de 14,2 mètres; dans cette hypothèse, la voiture au-
rait heurté l'enfant à 36 km/h et, compte tenu du fait
que le point de choc se situait à la hauteur du phare
gauche, il n'était pas non plus exclu qu'il ait pu aller
au-delà de la voiture et éviter le choc.

En bref, la Chambre pénale a adopté la motivation
suivante: A.________ connaissait les lieux, soit une zone
d'habitation avec un passage pour piétons; si elle avait
été attentive, elle aurait dû apercevoir la mère et ses
deux enfants à proximité dudit passage, conformément au
devoir de prudence déduit de l'art. 31 al. 1 LCR; le fait
de ne pas les avoir vus constitue une négligence fautive;
elle se trouvait à une distance de 10 à 13,6 mètres au
moment où l'enfant s'est engagé; si elle avait alors été
prête à freiner, son temps de réaction aurait été de 0,25
seconde et elle aurait percuté l'enfant à une vitesse de
36 km/h; le choc ne se serait peut-être même pas produit,
l'enfant disposant de plus de temps pour passer; quoi
qu'il en soit, en étant prête à freiner, le choc aurait
été moins violent et les conséquences moins graves. La

Chambre pénale a encore noté que la visibilité était
excellente sur ce tronçon rectiligne, que A.________
n'étant précédée par aucun véhicule, elle pouvait voir
les piétons pratiquement dès le début du tronçon, qu'elle
aurait dû voir assez tôt l'aînée aux abords du passage
pour piétons et son frère qui courait, qu'elle aurait
donc dû ralentir et être prête à s'arrêter devant le pas-
sage pour piétons, qu'elle aurait également pu klaxonner
et se tenir prête à freiner.

C.- A.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre ce jugement. Tant sur le plan pénal que
sur le plan civil, elle conclut à son annulation.

Elle a également formé un recours de droit public
(6P.200/2001), qui a été déclaré irrecevable par arrêt de
ce jour.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le pourvoi en nullité ne peut être formé que
pour violation du droit fédéral, à l'exclusion de la vio-
lation de droits constitutionnels (art. 269 PPF).

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs
invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions
de la recourante (art. 277bis PPF). Les conclusions de-
vant être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 127 IV 101 consid. 1 p. 103), la recourante a cir-
conscrit les points litigieux.

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous
réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste,
le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait
de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il ne
peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur
la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont
la recourante est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

2.- Sur le plan pénal, la recourante nie s'être
rendue coupable d'homicide par négligence (art. 117 CP).

L'art. 117 CP, qui réprime l'homicide par négli-
gence, suppose la réunion de trois conditions: le décès
d'une personne, une négligence et un lien de causalité
entre la négligence et la mort (ATF 122 IV 145 consid. 3
p. 147 et la référence citée; cf. aussi arrêt non publié
du 4 juillet 1997 (6S.230/1997), consid. 2, reproduit in
SJ 1997 p. 668).

a) La première condition est réalisée en l'espèce,
la victime étant décédée des suites de l'accident.

b) aa) L'art. 18 al. 3 CP donne une définition de
la négligence: "celui-là commet un crime ou un délit par
négligence, qui, par une imprévoyance coupable, agit sans
se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de
son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de
l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les
circonstances et par sa situation personnelle".

Pour qu'il y ait homicide par négligence, il faut
tout d'abord que l'auteur ait violé les règles de la pru-
dence que les circonstances lui imposaient pour ne pas
excéder les limites du risque admissible (ATF 122 IV 145
consid. 3b/aa p. 147). Pour déterminer plus précisément
quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on
peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridi-
que pour assurer la sécurité et éviter les accidents.
Dans le domaine du trafic routier, on se référera donc
aux règles de la circulation (ATF 122 IV 133 consid. 2a
p. 135, 225 consid. 2a p. 227).

Selon l'art. 31 al. 1 LCR, "le conducteur devra
rester constamment maître de son véhicule de façon à pou-
voir se conformer aux devoirs de la prudence". L'art. 33
LCR prévoit que "le conducteur facilitera aux piétons la
traversée de la chaussée" (al. 1). "Avant les passages
pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence
particulière et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la
priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage
ou s'y engagent" (al. 2). L'importance qui doit être ac-
cordée au devoir de prudence des automobilistes vis-à-vis
des piétons a été renforcée par le nouveau libellé de
l'art. 6 al. 1 OCR, entré en vigueur le 1er juin 1994,
selon lequel, "avant d'atteindre un passage pour piétons
où le trafic n'est pas réglé, le conducteur accordera la
priorité à tout piéton qui est déjà engagé sur le passage
ou qui attend devant celui-ci avec l'intention visible de
l'emprunter. Il réduira à temps sa vitesse et s'arrêtera,
au besoin, afin de pouvoir satisfaire à cette obliga-
tion". L'art. 49 al. 2 2ème phrase LCR pose comme règle
que les piétons bénéficient de la priorité sur les passa-
ges pour piétons mais qu'ils "ne doivent pas s'y lancer à
l'improviste".

Le conducteur doit vouer à la route et au trafic
toute l'attention possible, le degré de cette attention
devant être apprécié au regard de toutes les circonstan-
ces, telles que la densité du trafic, la configuration
des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de dan-
ger prévisibles (ATF 103 IV 101 consid. 2b p. 104). La
"prudence particulière" avant les passages pour piétons
que doit adopter le conducteur selon l'art. 33 al. 2 LCR
signifie qu'il doit porter une attention accrue à ces
passages protégés et à leurs abords par rapport au reste
du trafic et être prêt à s'arrêter à temps si un piéton
traverse la chaussée ou en manifeste la volonté. Le con-
ducteur ne peut s'abstenir de réduire sa vitesse que si
personne ne se trouve sur ce passage ou à proximité et
s'il ressort de l'ensemble des circonstances qu'aucun
usager ne va brusquement surgir pour traverser (cf.
ATF 121 IV 286 consid. 4b p. 291/292; 115 II 283 con-
sid. 1a p. 285; cf. également arrêt non publié du 4 no-
vembre 1986 (Str.417/1986) reproduit in JdT 1988 I p. 671
n° 36).

Il est par ailleurs vrai que le principe de la
confiance déduit de l'art. 26 al. 1 LCR permet à l'usager
de la route qui se comporte réglementairement d'attendre
des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances
particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se
comportent également de manière conforme aux règles de la
circulation (ATF 124 IV 81 consid. 2b p. 84). En prin-
cipe, un conducteur peut donc compter sur le fait qu'un
piéton ne s'élancera pas sur un passage pour piétons
lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne
pourrait plus s'arrêter à temps (ATF 115 II 283 con-
sid. 1a p. 285). Cependant, conformément à l'art. 26
al. 2 LCR, le principe de la confiance ne s'applique pas
aux enfants, à l'égard de qui une prudence particulière

s'impose même s'il n'apparaît pas encore qu'ils vont se
comporter de manière incorrecte (ATF 115 IV 239 consid. 2
p. 239/240); en particulier, de jeunes enfants présentent
souvent des excitations momentanées et des comportements
spontanés et irréfléchis de sorte qu'un conducteur doit
toujours le prévoir et se comporter en conséquence
(ATF 104 IV 28 consid. 3c p. 31; Bussy/Rusconi, Code
suisse de la circulation routière, Commentaire,
Lausanne 1996, art. 26 LCR, n° 6.2; René Schaffhauser,
Grundriss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts,
Berne 1984, vol. I, n° 313 ss).

Aussi, résulte-t-il de ce qui précède qu'une pru-
dence accrue s'impose à l'égard d'un jeune enfant qui se
trouve à proximité d'un passage pour piétons où le trafic
n'est pas réglé. Chaque fois qu'un conducteur est con-
fronté à une situation de ce type, il devra décélérer et
être prêt au besoin à pouvoir s'arrêter avant le passage,
jusqu'à ce qu'il ait pu être fixé sur les intentions
réelles de l'enfant.

bb) La Chambre pénale, qui a d'ailleurs mentionné
l'ensemble des normes précitées (cf. jugement attaqué,
p. 8), a consacré une large partie de sa motivation au
temps de réaction de la recourante, qui n'était pas prête
à freiner, et à la probable moindre gravité des consé-
quences si elle l'avait été. Mais elle a aussi indiqué
que la recourante se trouvait sur
un tronçon rectiligne
présentant une excellente visibilité et qu'elle pouvait
voir les piétons sur le trottoir pratiquement dès le dé-
but du tronçon; elle en a déduit que la recourante aurait
dû voir l'aînée aux abords du passage pour piétons et son
frère qui courait et qu'elle devait donc ralentir et être
prête à s'arrêter (cf. jugement attaqué, p. 11 in fine et
12 in initio).

Pour une part importante de son argumentation, la
recourante met en cause les faits constatés, ce qui n'est
pas admissible dans un pourvoi (cf. supra, consid. 1).
Relevant que la Chambre pénale a mentionné que les en-
fants se trouvaient "aux abords" du passage pour piétons,
la recourante se demande ce qu'il faut entendre par là.
L'expression "aux abords" signifie ce qui se trouve à
proximité (cf. Le Grand Robert, 2ème éd., p. 27). Cette
notion ne présente pas de difficulté d'interprétation
particulière et, dans un cas comme celui d'espèce, équi-
vaut à quelques mètres. La Chambre pénale a tenu pour
établi que l'aînée, âgée de cinq ans, se trouvait à
proximité du passage pour piétons, mais qu'il n'était pas
possible de dire si elle se trouvait juste devant en po-
sition d'attente pour traverser. Sans pouvoir déterminer
précisément l'endroit où son frère, âgé de trois ans,
avait lâché la main de sa mère, la Chambre pénale a par
ailleurs retenu qu'il avait couru quelques mètres sur le
trottoir avant de s'élancer sur le passage pour piétons.
Elle a également relevé que la recourante connaissait les
lieux, soit une zone d'habitation avec un passage pour
piétons.

Selon les faits ainsi constatés, qui lient le Tri-
bunal fédéral (art. 277bis al. 1 PPF), il est clair que
deux enfants en bas âge se trouvaient à proximité d'un
passage pour piétons où le trafic n'est pas réglé. Les
enfants étaient certes accompagnés de leur mère. La pré-
sence d'un adulte n'empêche cependant pas d'avoir à re-
douter le comportement inopiné d'un enfant. L'aînée se
trouvait d'ailleurs seule devant sa mère et son frère, ce
qui suffisait à éveiller des craintes. Contrairement à ce
que laisse entendre la recourante, ce n'est pas d'avoir
été surprise par un enfant progressant sur le trottoir et
qui se lance à l'improviste sur la route qui lui est re-

proché. Mais c'est bien son attitude dans la configura-
tion particulière où deux jeunes enfants se trouvaient à
proximité d'un passage pour piétons qui est en cause. La
difficulté des jeunes enfants à apprécier le danger et
l'imprévisibilité de leur comportement dans la circula-
tion constituent des données bien connues, avec lesquel-
les les usagers de la route doivent compter (cf. sur le
comportement des enfants dans la circulation, Maria
Limbourg, Überforderte Kinder: Welche Forderungen stellt
die Kinderpsychologie an Verkehrssicherheitsarbeit ?, in
Aspekte der Überforderung im Strassenverkehr - Forderung-
en an die Praxis, St-Gall 1997, René Schaffauser éditeur,
p. 49 ss). La Chambre pénale a retenu que les enfants et
leur mère pouvaient être aperçus pratiquement dès le dé-
but du tronçon rectiligne de la route. Dans ces condi-
tions, la recourante devait adapter sa conduite de ma-
nière à pouvoir s'arrêter avant le passage pour piétons
et ainsi parer à l'éventuel comportement irréfléchi et
subit de l'un des enfants. Elle n'a pourtant pas vu les
enfants et a circulé à 50 km/h, ne freinant qu'au moment
du choc. Aussi, la recourante a-t-elle négligé le devoir
de prudence découlant en particulier de l'art. 33 al. 2
LCR, qui lui imposait d'adapter sa vitesse de manière à
pouvoir immobiliser son véhicule avant le passage pour
piétons. Il s'ensuit que l'essentiel des développements
de la Chambre pénale est sans pertinence ici et qu'il est
donc inutile d'y revenir, en particulier quant au temps
de réaction de la recourante - les considérations de la
Chambre pénale à ce propos s'écartent d'ailleurs des cri-
tères définis par la jurisprudence (cf. ATF 115 II 283
consid. 1a p. 285; 92 IV 20 consid. 2 p. 23; Bussy/
Rusconi, op. cit., art. 31 LCR, n. 4.6) -, et quant à la
probabilité de conséquences moins graves si la recourante
avait été prête à freiner.

c) Lorsque, comme en l'espèce, il y a eu violation
des règles de la prudence, il faut encore se demander si
celle-ci peut être imputée à faute, c'est-à-dire si l'on
peut reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstan-
ces personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'ef-
fort blâmable (ATF 122 IV 17 consid. 2b/ee p. 22, 145
consid. 3b/aa p. 148; 121 IV 207 consid. 2a p. 211/212).
Il ne ressort nullement des faits constatés que des cir-
constances particulières auraient empêché la recourante
de se conformer à ses devoirs. Il faut donc conclure
qu'elle a commis une négligence.

d) Pour qu'il y ait homicide par négligence, il ne
suffit pas de constater la violation fautive d'un devoir
de prudence d'une part et le décès d'autrui d'autre part,
il faut encore qu'il existe un rapport de causalité entre
cette violation et le décès (cf. art. 117 CP).

La recourante ne remet pas en cause le rapport de
causalité naturelle entre son comportement et le décès,
ce qu'elle ne pourrait d'ailleurs faire dans le cadre
d'un pourvoi s'agissant d'une question de fait (ATF 122
IV 17 consid. 2c/aa p. 23), mais conteste l'existence
d'un lien de causalité adéquate.

Lorsque la causalité naturelle est retenue, il
convient d'examiner si le rapport de causalité peut être
qualifié d'adéquat, c'est-à-dire si le comportement était
propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expé-
rience de la vie, à entraîner un résultat du genre de ce-
lui qui s'est produit. Il s'agit là d'une question de
droit que le Tribunal fédéral revoit librement. La causa-
lité adéquate peut cependant être exclue, l'enchaînement
des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause

concomitante, par exemple une force naturelle, le compor-
tement de la victime ou d'un tiers, constitue une cir-
constance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si ex-
traordinaire, que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'im-
prévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à
interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut en-
core que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose
comme la cause la plus probable et la plus immédiate de
l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous
les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et no-
tamment le comportement de l'auteur (ATF 122 IV 17 con-
sid. 2c/bb p. 23).

La recourante discute de la problématique du temps
de réaction, qui est, comme on l'a vu, sans pertinence
dans le présent cas. Pour le reste, elle soutient qu'elle
ne pouvait pas imaginer le comportement de l'enfant. Que
l'enfant se soit précipité sur le passage pour piétons
n'est pas contestable. Il n'y a pas lieu de rechercher à
cet égard si l'on peut reprocher un éventuel manquement
de la mère quant à son devoir de surveillance car il n'y
a pas de compensation des fautes au pénal (ATF 122 IV 17
consid. 2c/bb p. 24). Comme il n'y a rien d'extraordi-
naire à ce qu'un jeune enfant se lance de manière sponta-
née et irréfléchie sur un passage pour piétons, cet as-
pect ne saurait reléguer à l'arrière plan l'autre facteur
qui a contribué à l'avènement du résultat, soit la ma-
nière de conduire de la recourante. Ainsi, l'enchaînement
des faits n'est pas de nature à exclure la causalité adé-
quate entre la violation des devoirs de la prudence de la
recourante et l'accident.

e) Compte tenu de ce qui précède, c'est sans vio-
ler le droit fédéral que la Chambre pénale a condamné la
recourante sur la base de l'art. 117 CP.

3.- Sur le plan civil, la recourante conteste
l'allocation d'indemnités pour dommages-intérêts et tort
moral dès lors qu'elle doit être libérée au plan pénal.

La recourante a uniquement conclu à l'annulation
du jugement attaqué, ce qui constitue la seule conclusion
recevable au plan pénal en raison du caractère cassatoire
du pourvoi. Mais de la sorte, elle n'a pris aucune con-
clusion séparée et concrète sur le plan civil, ce qui en
principe entraîne l'irrecevabilité du pourvoi à cet égard
(ATF 127 IV 141 consid. 1d p. 143). De toute façon, le
pourvoi quant aux conclusions civiles est aussi irreceva-
ble pour une autre raison. En effet, dans la mesure où la
critique émise par la recourante sur le plan civil n'est
que la conséquence de l'acquittement qu'elle invoque au
plan pénal relativement à l'art. 117 CP, elle est, eu
égard au rejet de son pourvoi sur ce dernier point, irre-
cevable; dans ce cas de figure, même si la limite de
15'000 francs prévue à l'art. 276 al. 3 PPF est atteinte
par les indemnités allouées, l'irrecevabilité du pourvoi
sur le plan civil implique de renoncer à des débats
(ATF 76 IV 102 consid. 4 p. 107; Schweri, Eidgenössische
Nichtigkeitsbeschwerde in Strafsachen, Berne 1993,
n. 594, p. 188/189).

4.- Le pourvoi a pu être suscité par la motivation
en partie inadéquate contenue dans la décision attaquée.
Il se justifie ainsi de statuer sans frais.

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux intimés,
qui n'ont pas été invités à intervenir dans la procédure
devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Procureur général du canton de
Berne et à la IIème Chambre pénale de la Cour suprême
bernoise.
___________

Lausanne, le 18 février 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.721/2001
Date de la décision : 18/02/2002
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-18;6s.721.2001 ?
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