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18/02/2002 | SUISSE | N°2P.241/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 février 2002, 2P.241/2001


«/2»
2P.241/2001/otd

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
********************************************

18 février 2002

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Merkli. Greffier: M. Merz.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. EMS C.________ SA,
2. H.________,
tous deux représentés par Me Jean-René H. Mermoud, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 7 août 2001 par le Tribunal administrat

if
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants
au Département de la santé et de l'action sociale du canton
...

«/2»
2P.241/2001/otd

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
********************************************

18 février 2002

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Merkli. Greffier: M. Merz.

_____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. EMS C.________ SA,
2. H.________,
tous deux représentés par Me Jean-René H. Mermoud, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 7 août 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants
au Département de la santé et de l'action sociale du canton
de V a u d;

(art. 8, 9 et 29 al. 2 Cst., art. 6 CEDH: refus de prolonger
l'échéance d'une autorisation d'exploiter un EMS)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1983 fut délivrée à H.________ l'autorisa-
tion d'exploiter l'établissement médico-social (EMS)
C.________ à X.________/canton de Vaud. Par décision du 19
octobre 1998, le Département de la santé et de l'action so-
ciale du canton de Vaud (le Département) ordonna la ferme-
ture définitive de cet établissement. Suite à un recours, le
Tribunal administratif du canton de Vaud (Tribunal adminis-
tratif) statua par arrêt du 10 juin 1999 qu'il devait être
laissé aux exploitants, H.________ et la société EMS
C.________ SA, un délai de l'ordre de deux ans pour procéder
à la fermeture de l'établissement. Cet arrêt ne fut pas at-
taqué. Le 23 septembre 1999, en exécution de l'arrêt, le Dé-
partement prolongea l'autorisation d'exploiter jusqu'au 30
juin 2001 et confirma que l'établissement serait fermé à
cette échéance.

Le 1er mai 2001, H.________ et l'EMS C.________ SA
ont informé le Département qu'ils envisageaient la construc-
tion d'un nouvel établissement, à côté des bâtiments exis-
tants; la réalisation de ce projet nécessitant la prolonga-
tion de l'autorisation délivrée, le Département était invité
à prendre une position de principe sur le projet. Par lettre
du 10 mai 2001, le Département a répondu qu'une reconstruc-
tion sur le site était inadéquate, en raison de la situation
topographique et géographique, et que la date du 30 juin
2001 pour "démobiliser l'EMS" restait en vigueur. H.________
et l'EMS C.________ SA ont réagi le 18 mai 2001, en invo-
quant entre autre l'existence d'un précédent et faisant va-
loir que les circonstances avaient changé depuis l'arrêt du
Tribunal administratif, notamment parce que d'autres EMS

avaient obtenu des prolongations d'autorisation. Ils ont de-
mandé expressément la prolongation provisoire de l'autorisa-
tion d'exploiter leur EMS.

Par lettre du 29 mai 2001 le Département a refusé
d'entrer en matière, se référant à la décision de fermeture
pour le 30 juin 2001 signifiée le 23 septembre 1999.
H.________ et l'EMS C.________ SA ont recouru auprès du Tri-
bunal administratif en demandant d'annuler les décisions du
Département du 23 septembre 1999 et du 29 mai 2001 et de
prolonger l'autorisation d'exploiter l'EMS jusqu'au 30 avril
2007. Le Tribunal administratif a rejeté le recours le 7
août 2001, en tant qu'il l'a reçu.

B.- Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic, H.________ et l'EMS C.________ SA requièrent le Tribu-
nal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 7
août 2001 pour violation de leurs droits constitutionnels.

Le Tribunal administratif se réfère aux considé-
rants de son arrêt et conclut au rejet du recours. De son
côté, le Département de la santé et de l'action sociale a
renoncé à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Déposé en temps utile contre une décision
finale prise en dernière instance cantonale et fondée sur le
droit public cantonal, le recours de droit public pour vio-
lation de droits constitutionnels est en principe recevable
(art. 84 al. 1 lettre a, 86 al. 1 et 87 OJ).

b) Aux termes de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ,
l'acte de recours doit contenir un exposé des droits consti-
tutionnels ou des principes juridiques violés, en précisant
en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un re-
cours de droit public, le Tribunal fédéral ne vérifie pas
lui-même si la décision entreprise est en tous points con-
forme au droit ou à l'équité; il est lié par les moyens
invoqués dans l'acte de recours et peut se prononcer uni-
quement sur les griefs de nature constitutionnelle que le
recourant a non seulement clairement allégués mais encore
suffisamment motivés (ATF 127 III 279 consid. 1c p. 282;
125 I 492 consid. 1b p. 495; 122 I 70 consid. 1c p. 73; 110
Ia 3 consid. 2 p. 3).

Le présent recours doit dès lors être examiné à la
lumière de ces principes.

2.- a) Les recourants font valoir une violation du
droit d'être entendu. Ce droit est une garantie constitu-
tionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne
l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des
chances de succès du recours sur le fond. Comme les recou-
rants ne se prévalent pas en l'espèce de la violation de
normes du droit cantonal, le mérite de leurs griefs doit
être apprécié au regard des principes constitutionnels, sans
qu'il y ait lieu d'examiner si l'art. 6 CEDH (RS 0.101) est
en l'espèce applicable, car cette disposition n'accorde,
quant aux griefs invoqués, pas une protection plus étendue
que celle découlant directement de l'art. 29 al. 2 Cst. Tel
qu'il est reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être
entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'of-
frir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du
dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de
preuves pertinentes, de participer à l'administration des
preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur

son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la dé-
cision à rendre (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 15
consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités).

b) Le juge instructeur du Tribunal administratif
avait pris une décision sur effet suspensif le 4 juillet
2001. Au vu des considérants de cette décision, il invitait
les recourants à retirer leur recours jusqu'au 16 juillet
2001 avec radiation de la cause sans frais. Par courrier du
16 juillet 2001, les recourants ont répété leur requête de
"production de pièces, destinées à être versées au dossier"
déjà formée dans leur recours au Tribunal administratif. De
plus ils ont demandé, suite à la production de ces pièces,
la consultation du dossier et une prolongation du délai im-
parti pour retirer le recours. Le juge instructeur du Tribu-
nal administratif leur a répondu, qu'en l'état, la seule
mesure qu'il convenait d'ordonner était la production du
dossier du Département d'ici au 30 juillet 2001. Par lettre
du 23 juillet 2001, les recourants ont réitéré leurs deman-
des déjà formulées dans le courrier du 16 juillet 2001. Sans
s'être prononcé préalablement sur ces requêtes, le Tribunal
administratif a rejeté le recours par arrêt du 7 août 2001.

Les recourants voient dans cette manière de procé-
der une violation de leur droit d'être entendus; ils n'au-
raient pas pu consulter le dossier ni pu se déterminer sur
son contenu.

En l'occurrence, les recourants savaient que le
dossier devait être produit au Tribunal administratif jus-
qu'au 30 juillet 2001. Après cette date, ils n'ont entrepris
aucune démarche en vue de consulter le dossier. En outre,
leur demande se limitait à pouvoir consulter le dossier
après la production de certaines pièces dont ils avaient re-
quis l'édition; or, le Tribunal administratif a renoncé à
l'administration de ces preuves.

Dès lors, une violation du droit d'être entendu
n'entre en ligne de compte que si le Tribunal administratif
était tenu de procéder à la mesure d'instruction requise.

c) Un tribunal a la possibilité de renoncer à l'ad-
ministration de certaines preuves offertes, lorsque le fait
dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas
important pour la solution du cas, que la preuve résulte dé-
jà de constatations versées au dossier, lorsqu'il parvient à
la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solu-
tion du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier
son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être
entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la
pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a
ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 125 I 127 con-
sid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208
consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b
p. 285 et les arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, voir
ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70).

Avec les pièces requises, les recourants voulaient
démontrer que "plusieurs EMS dont la fermeture avait été or-
donnée ont été mis au bénéfice d'une prolongation importante
de leur autorisation d'exploiter, parfois jusqu'au 30 avril
2007". En plus ils souhaitaient prouver que "ces prolonga-
tions (avaient) été accordées alors que ces établissements
(présentaient) des défauts".

d) Le Tribunal administratif a considéré dans son
arrêt du 7 août 2001 qu'un "changement de pratique n'a
d'effet que pour l'avenir et (qu')il n'est un motif ni de
révision ni de reconsidération [...]. A supposer donc que le
département ait effectivement modifié sa politique en ma-
tière d'exploitation d'EMS, cette circonstance ne saurait
remettre en cause les décisions antérieures, étant rappelé
que la fermeture de l'EMS C.________ SA a été décidée défi-

nitivement en 1999, et que tous les cas cités par les recou-
rants sont postérieurs (2000 et 2001)." Au vu de ces consi-
dérations, il semble que le Tribunal administratif ait esti-
mé - bien qu'il ne se soit pas prononcé explicitement à ces
demandes dans son arrêt - qu'il n'était pas nécessaire d'ad-
ministrer les preuves requises par les recourants.

Concernant la reconsidération, respectivement le
nouvel examen, les recourants ne font pas valoir de normes
explicites. Une autorité n'est - selon la jurisprudence du
Tribunal fédéral - tenue de se saisir d'une demande de nou-
vel examen que si les circonstances se sont modifiées dans
une mesure notable depuis la dernière décision, ou si le re-
quérant invoque des faits et des moyens de preuve importants
qu'il ne connaissait pas lors de la première décision, ou
dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raison
de se prévaloir à cette époque (ATF 124 II 1 consid. 3a
p. 6; 118 Ib 137 consid. 1 p. 138; 109 Ib 246 consid. 4a
p. 251).

Certes, une demande de nouvel examen ne saurait
servir à remettre continuellement en question des décisions
administratives, ni surtout à éluder les dispositions léga-
les sur les délais de recours (ATF 109 Ib 246 consid. 4a p.
250). Ainsi un changement de pratique ou de jurisprudence ne
permet en principe pas d'obtenir une nouvelle appréciation
(cf. ATF 120 V 128 consid. 3b p. 131; 102 Ib 45 consid. 1b
p. 48; Blaise Knapp, Précis de droit administratif, 4ème éd.
1991, n. 1303, p. 276; Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwal-
tungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème
éd. 1998, n. 439, p. 160). Mais comme les recourants l'ont
signalé en se référant à un arrêt du Tribunal fédéral des
assurances (ATF 120 V 128 consid. 3c p. 132), un changement
de pratique peut exceptionnellement conduire à un nouvel
examen - du moins avec effet pour l'avenir - sous l'angle de
l'égalité de traitement (cf. Knapp, op.cit., n. 1346 p. 282;

Thomas Merkli/Arthur Aeschlimann/Ruth Herzog, Kommentar zum
Gesetz über die Verwaltungsrechtspflege im Kanton Bern,
1997, nos 19 ss ad art. 56 LPJA/BE).

e) Le Tribunal administratif a retenu que l'inadé-
quation des locaux des recourants tenait essentiellement à
des circonstances locales très particulières, ce qui rendait
inopérante une comparaison avec d'autres cas. Dans leur re-
cours au Tribunal fédéral les recourants ne font pas valoir
de façon suffisamment étayée (cf. consid. 1b) que le prin-
cipe d'égalité de traitement aurait été violé: la fermeture
de leur établissement a été prononcée en 1999 pour des rai-
sons d'ordre topographique et architectural. Les recourants
font essentiellement une comparaison avec l'établissement
P.________. Mais il ressort de leur propres allégations que
cet établissement n'est, du point de vue topographique, pas
comparable au leur. Concernant les autres établissements
avec une situation topographique prétendument similaire, les
recourants ne procèdent à aucune comparaison d'ordre archi-
tectural; de plus, ils ne précisent pas si ces établisse-
ments ont également reçu un ordre de fermeture pour des rai-
sons topographiques et architecturales avant de se voir oc-
troyer une prolongation d'exploitation.

Ainsi les recourants n'invoquent pas une situation
qui imposerait un nouvel examen. Par conséquent et dans la
mesure de ce qui vient d'être dit, il ne peut être reproché
au Tribunal administratif de ne pas avoir donné suite aux
preuves offertes. Dès lors, le grief portant sur le fait que
les recourants n'ont pas pu consulter le dossier après l'ad-
ministration des preuves qu'ils avaient sollicitées, se ré-
vèle également infondé.

3.- Les recourants voient également un déni de jus-
tice et une inégalité de traitement dans le fait que les au-
torités cantonales ont renoncé à un nouvel examen. Ces

griefs ont implicitement été traités ci-dessus (consid.
2c-e) dans la mesure où ils satisfont aux exigences de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. consid. 1b). En ce qui con-
cerne le moyen tiré de l'arbitraire (sur la notion de l'ar-
bitraire, voir ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a
p. 70), il s'agit pour l'essentiel de critiques appellatoi-
res irrecevables
ou d'allégations sans pertinence. En parti-
culier, le fait que les autorités ont décidé deux ans à
l'avance de la fermeture de l'établissement pour laisser un
délai de transition aux recourants, n'apparaît pas arbitrai-
re. L'idée des recourants, selon laquelle les autorités se-
raient obligées de prendre une nouvelle décision après ces
deux ans, est contraire au sens de la période transitoire,
accordée par le Tribunal administratif dans son arrêt du 10
juin 1999, et qui servait justement à atténuer les effets
d'une fermeture immédiate.

4.- Il résulte de ce qui précède que le recours
doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, avec
suite de frais à la charge solidaire des recourants
(art. 156 al. 1 et 7, art. 153 et 153a OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2.- Met à la charge des recourants un émolument
judiciaire de 3'000 fr., solidairement entre eux.

3.- Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourants, au Département de la santé et de l'ac-
tion sociale et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

_________________

Lausanne, le 18 février 2002
MLA/otd

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.241/2001
Date de la décision : 18/02/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-18;2p.241.2001 ?
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