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15/02/2002 | SUISSE | N°U.214/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 février 2002, U.214/01


«AZA 7»
U 214/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 15 février 2002

dans la cause

Lloyd's Underwriters London, 1754 Avry-Centre, recourante,
représentée par Maître Philippe Pont, avocat, avenue
Château de la Cour 4, 3960 Sierre,

contre

S.________, intimée, représentée par Maître Jean-Michel
Zufferey, avocat, avenue du Marché 10, 3960 Sierre,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion
r> A.- S.________, travaillait comme femme de chambre à
l'école X.________. A ce titre, elle était assurée à titre
obligatoire cont...

«AZA 7»
U 214/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 15 février 2002

dans la cause

Lloyd's Underwriters London, 1754 Avry-Centre, recourante,
représentée par Maître Philippe Pont, avocat, avenue
Château de la Cour 4, 3960 Sierre,

contre

S.________, intimée, représentée par Maître Jean-Michel
Zufferey, avocat, avenue du Marché 10, 3960 Sierre,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- S.________, travaillait comme femme de chambre à
l'école X.________. A ce titre, elle était assurée à titre
obligatoire contre le risque d'accidents par la caisse-ma-
ladie Hotela, d'une part, ainsi que Lloyd's Underwriters
London (ci-après : Lloyd's) pour les prestations de longue
durée, d'autre part.

Le 29 octobre 1990, glissant sur une plaque de glace
alors qu'elle amenait des poubelles devant le bâtiment,
elle est tombée sur l'épaule droite, qui a heurté une mar-
che d'escalier. Consulté le jour même, le docteur
A.________ a constaté des douleurs très importantes accom-
pagnées d'une impotence fonctionnelle de l'épaule droite
sans signe radiologique de fracture. Il a posé le diagnos-
tic de contusion de l'épaule avec probable lésion musculo-
tendineuse et ordonné un arrêt de travail à 100 % jusqu'à
mi- ou fin-novembre. En vacances au Portugal de début dé-
cembre 1990 à début janvier 1991, l'assurée a repris son
activité à 100 % dès son retour. Ses douleurs à l'épaule
persistant sans changement depuis l'automne, elle a consul-
té le docteur A.________ régulièrement du mois de mai au
mois d'août 1991, puis dès le mois de janvier 1992, en
poursuivant le traitement de physiothérapie qu'il lui avait
prescrit et qui lui apportait un certain soulagement. Après
lui avoir encore ordonné plusieurs arrêts de travail entre
février et septembre 1992, ce médecin a adressé l'assurée
au docteur B.________, spécialiste FMH en orthopédie et
chirurgie orthopédique afin qu'il formule une proposition
thérapeutique. Dans un rapport du 30 septembre 1992 ce
dernier relève que les épaules sont portées symétriquement,
celle de droite présentant une discrète atrophie muscu-
laire, que ni la mobilité active ni la mobilité passive ne
sont limitées, celle-ci s'accompagnant cependant d'impor-
tants craquements et de douleurs. Constatant en outre une
ascension de la tête humérale d'environ 3 à 4 millimètres
par rapport au côté gauche, il a posé le diagnostic de
rupture de la coiffe des rotateurs intéressant essentiel-
lement le sus-épineux. Ce diagnostic a été confirmé par une
arthrographie et un arthroscanner réalisés le 9 octobre
suivant par le docteur C.________. Après plusieurs inter-
ruptions subséquentes, S.________ a définitivement cessé
son activité de femme de chambre le 6 mai 1995.
Par décision du 10 mai 1999, confirmée sur opposition
le 7 octobre suivant, Lloyd's a refusé de couvrir les

suites de l'accident du 29 octobre 1990. L'assureur invo-
quait l'absence de causalité naturelle et adéquate entre
cet événement et la rupture de la coiffe des rotateurs.

B.- Par jugement du 15 mai 2001, le Tribunal cantonal
des assurances du canton du Valais a admis le recours
interjeté par l'assurée et condamné Lloyd's à lui allouer
les prestations légales pour les suites de l'accident du
29 octobre 1990.

C.- Lloyd's interjette recours de droit administratif
contre ce jugement en concluant, sous suite de dépens, à
son annulation et à la confirmation de la décision sur
opposition du 7 octobre 1999.
S.________ a conclu au rejet du recours, cependant
qu'Hotela et l'Office fédéral des assurances sociales ne se
sont pas déterminés.

Considérant en droit :

1.- Dans la procédure de recours concernant l'octroi
ou le refus de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen
du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à la
violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'oppor-
tunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas
lié par l'état de fait constaté par la juridiction infé-
rieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.- Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et la jurisprudence applicables au
présent litige, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer sur ce
point.

3.- a) En substance, les premiers juges ont retenu que
la chute du 29 octobre 1990 a été le facteur déclenchant la
rupture de la coiffe des rotateurs diagnostiquée en 1992 et
que les suites de cette affection, qui constitue une lésion
assimilée à un accident au sens de l'art. 9 al. 2 OLAA,
doivent être prises en charge par l'assureur-accidents. Ils
se sont référés aux avis concordants du docteur A.________
(lettre du 25 août 1997) et du docteur B.________ (rapport
du 25 octobre 1995) ainsi qu'au rapport rédigé le 5 février
1998 à la demande d'Hotela par le docteur D.________, spé-
cialiste FMH en chirurgie.

b) La recourante reproche, d'une part, aux premiers
juges de n'avoir pas retenu que l'intimée avait recouvré
une pleine capacité de travail, correspondant au status quo
sine, le 14 novembre 1990, ce qui démontre à ses yeux l'ab-
sence de causalité entre la chute et la lésion de la coiffe
des rotateurs diagnostiquée en 1992 seulement.
Elle fait, d'autre part, grief à l'autorité judiciaire
précédente d'avoir mal appliqué les art. 6 al. 2 LAA et 9
al. 2 OLAA. Elle conteste, à cet égard, que la rupture de
la coiffe des rotateurs ait résulté d'une atteinte exté-
rieure soudaine et soutient que la déchirure, survenue
selon elle en 1992 seulement, est exclusivement d'origine
dégénérative. Elle se réfère sur ces deux points au rapport
établi à sa demande, le 29 avril 1998, par le docteur
E.________, spécialiste FMH en chirurgie.

4.- a) Il n'est pas contesté que la recourante souffre
d'une rupture de la coiffe des rotateurs, dont l'existence
est attestée par l'ensemble des pièces médicales figurant
au dossier. En revanche, dans la mesure où cette affection
n'a été diagnostiquée avec certitude que dans le courant
des mois de septembre et octobre 1992 (rapport du docteur
B.________ et protocole d'examen du docteur C.________, des
30 septembre et 12 octobre 1992), soit près de deux ans
après la chute survenue en novembre 1990, il convient

d'examiner si sa cause peut être rapportée à un événement
accidentel ou assimilable à un accident au sens de l'art. 9
OLAA.

b) Sur ce point, la circonstance invoquée par la
recourante, que l'intimée a travaillé entre le mois de
janvier 1991 et le mois de mars 1992 ne permet pas d'éta-
blir que la rupture de la coiffe des rotateurs ne serait
survenue que postérieurement à l'accident de l'automne 1990
et sans relation avec celui-ci, dans la mesure où, même
après que le diagnostic a été posé par le docteur
B.________, l'intimée a néanmoins poursuivi son activité
professionnelle, par périodes, jusqu'en 1995. De même, la
recourante ne peut-elle rien déduire en sa faveur du fait
que les radiographies réalisées par le docteur A.________
au moment de l'accident lui ont permis d'exclure une lésion
osseuse, dès lors que la rupture de la coiffe des rotateurs
- qui n'est précisément pas une atteinte osseuse mais une
lésion des parties molles de l'articulation scapulo-humé-
rale (cf. rapport du docteur E.________, du 29 avril 1998,
p. 4) - n'a pu être confirmée que par d'autres procédés
d'imagerie médicale soit l'arthroscanner et l'arthrographie
réalisés le 9 octobre 1992 par le docteur C.________ à la
demande du docteur B.________, ce dernier qualifiant au
demeurant la lésion, à ce moment-là déjà, d'ancienne.

c) Dans son rapport du 5 février 1998, adressé à la
Caisse maladie-accidents Hotela, le docteur D.________,
invité par cette dernière à déterminer si la chute de 1990
est l'unique cause ou éventuellement une cause concurrente
de l'atteinte physique constatée ou encore, dans le cas où
cela ne pourrait être clairement affirmé ou infirmé, si
l'accident est la cause probable d'une manière prépondé-
rante ou une cause possible seulement, a répondu comme
suit :

«Lors de son accident du 29.10.1990, cette
femme de ménage, droitière, avait 45 ans 1/2. La
présence d'une certaine dégénérescence des ten-
dons de la coiffe des rotateurs intéressant le
côté dominant chez cette travailleuse manuelle
est possible, elle était restée cependant asymp-
tomatique.
La chute sur l'épaule droite a pu provoquer la
rupture de cette coiffe affaiblie et a déclenché
toute la symptomatologie et tout le tableau ac-
tuel.
L'accident est la cause probable d'une ma-
nière prépondérante.
(cf. également le jugement du Tribunal fé-
déral des Assurances du 19.02.1997 : La rupture
de la coiffe des rotateurs doit être considérée
comme une lésion assimilée à un accident lorsque
les éléments caractéristiques de la notion d'ac-
cident à la seule exception du caractère extra-
ordinaire de la cause extérieure sont réunis)».

Par lettre du 18 juin 1998, ce médecin a encore
précisé qu'à son avis, il était clair que l'accident du
29 octobre 1990 avait constitué le facteur déclenchant de
toute la symptomatologie qui a suivi.
Contrairement à l'opinion des premiers juges, on ne
saurait, sur la base de ce seul avis médical, même corro-
boré par les rapports du médecin traitant et du docteur
B.________, admettre que la chute survenue le 29 octobre
1990 a constitué le facteur déclenchant la rupture de la
coiffe des rotateurs diagnostiquée près de deux ans plus
tard. Il convient tout d'abord de rappeler qu'il n'appar-
tient pas au médecin, appelé à porter un jugement sur
l'état de santé et, le cas échéant, sur l'existence d'un
lien de causalité naturelle entre un événement accidentel
et une atteinte à la santé, de se prononcer sur des ques-
tions de droit, telle celle de juger si les lésions cons-
tatées doivent ou non être assimilées à un accident. En
outre, si le docteur D.________ expose certes qu'à son avis
l'accident est la cause probable d'une manière prépondé-
rante de la lésion de la coiffe des rotateurs, il se borne,
en revanche, à constater que la chute sur l'épaule a pu

provoquer la rupture de cette coiffe affaiblie, ce qui ne
permet pas encore d'établir, au stade de la vraisemblance
prépondérante usuelle en droit des assurances sociales (ATF
126 V 360 consid. 5b) qu'elle en a été le facteur déclen-
chant.

d) Il convient, par ailleurs, de tenir compte des
objections formulées par le docteur E.________, dans son
rapport établi le 29 avril 1998 à la demande de Lloyd's, et
dans lequel il conclut que l'événement du 29 octobre 1990
est dissociable de la lésion corporelle constatée en mars
[recte : septembre] 1992. Ce médecin expose, avec de nom-
breuses références à l'appui, que selon les connaissances
médicales en la matière, la rupture de la coiffe des rota-
teurs résulte le plus souvent d'un phénomène de vieillis-
sement naturel et non nécessairement d'une blessure. L'ap-
plication d'une force sur la région de l'épaule, telle
qu'elle s'est produite lors de l'accident de 1990, ne pour-
rait en principe provoquer le déchirement des tendons des
rotateurs, qui nécessiterait un mécanisme indirect sous la
forme d'un mouvement passif soudain de l'articulation sca-
pulo-humérale fixée par les muscles dans le sens d'une
abduction ou d'une rétroversion. A cela s'ajoute, toujours
selon ce praticien que l'assurée n'aurait subi aucune inca-
pacité de travail entre le 14 novembre 1990 et le 4 mars
1992 et qu'elle était alors à un âge auquel 30 % environ de
la population est atteinte de formations défectueuses spon-
tanées de la coiffe des rotateurs, hypothèse qui paraîtrait
d'autant plus vraisemblable chez l'assurée que lors d'un
examen clinique en février 1998 le docteur D.________ avait
également constaté un amincissement du tendon du long
biceps droit.
Les conclusions de cet expert, dans la mesure où elles
reposent notamment sur la constatation que la recourante
n'aurait subi aucune incapacité de travail entre le 14 no-

vembre 1990 et le 4 mars 1992, n'emportent pas la convic-
tion pour les raisons exposées ci-dessus (consid. 3b). Cela
étant, et même si ce médecin semble, par ailleurs n'avoir
interprété qu'imprécisément le rapport médical initial du
docteur A.________, qui faisait état d'une lésion musculo-
tendineuse probable et non seulement possible, ses conclu-
sions sont néanmoins aptes, notamment en relation avec
l'appréciation médico-théorique du déroulement de l'acci-
dent, à mettre sérieusement en doute la pertinence des
déductions du docteur D.________, ce qui justifie que la
cause soit renvoyée aux premiers juges afin qu'ils pro-
cèdent à une expertise judiciaire (ATF 125 V 352 con-
sid. 3b/aa et les références).

e) Il ressort, par ailleurs, du dossier médical de
l'assurée, produit à la réquisition des premiers juges par
le docteur A.________ et dont apparemment ni le docteur
D.________ ni le docteur E.________ n'ont eu connaissance,
que si la recourante s'est plainte de douleurs à l'épaule
droite, pour l'essentiel sans changement depuis la chute de
1990, ce n'est que le 20 janvier 1992, ensuite d'un faux
mouvement, que paraissent avoir été constatées des diffi-
cultés à mouvoir cette articulation («Hebeschwäche»). Il
conviendra dès lors également de demander à l'expert de se
déterminer sur la probabilité que la rupture de la coiffe
des rotateurs, si elle ne devait pas être rapportée à la
chute de 1990, ne soit survenue qu'en 1992 seulement et,
dans cette hypothèse, d'élucider les circonstances de fait
entourant cet événement. Il convient de rappeler à cet
égard
que, selon la jurisprudence, le facteur dommageable
extérieur peut être constitué par un événement discret de
la vie de tous les jours. Il peut en particulier résulter
d'un mouvement du corps, comme se relever de la position
accroupie (ATF 116 V 148 consid. 2c, 114 V 301 consid. 3c;
RKUV 1988 no 57 p. 374 consid. 4b) ou un shoot manqué lors

d'une partie de football (RKUV 1990 no U 112 p. 375 con-
sid. 3), à l'exception toutefois des lésions résultant de
sollicitations répétées tel les travaux avec un marteau ou
une perceuse (ATFA 1947 9 consid. b; Rumo-Jungo, pp. 28 ss,
et les autres exemples cités).

f) Il incombera ensuite au Tribunal cantonal des assu-
rances du canton du Valais, statuant d'office sur l'ensem-
ble du litige (art. 108 al. 1 let. c et d LAA) de se pro-
noncer, le cas échéant, avec suffisamment de précision sur
le droit éventuel de l'assurée à une prestation d'assurance
pour permettre aux parties d'exercer leur de droit de re-
cours en toute connaissance de cause, ce que ne permet pas
le dispositif du jugement attaqué, dans la mesure où il se
borne à allouer «les prestations légales découlant de la
LAA».

5.- La recourante, qui obtient gain de cause, s'est
fait assister d'un avocat. Assureur privé participant à
l'application de la LAA, la recourante est chargée de
tâches de droit public et n'a droit fondamentalement à
aucune indemnité pour les frais de procès (ATF 126 V 143
consid. 4a in fine, 112 V 49).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais
est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité judi-
ciaire de première instance pour qu'elle statue à
nouveau en procédant conformément aux considérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais
ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 février 2002
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.214/01
Date de la décision : 15/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-15;u.214.01 ?
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