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15/02/2002 | SUISSE | N°C.112/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 février 2002, C.112/01


«AZA 7»
C 112/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Métral

Arrêt du 15 février 2002

dans la cause

Service de l'emploi, rue Marterey 5, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

C.________, intimée, représentée par Maître Ralph
Schlosser, avocat, rue de la Grotte 6, 1003 Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- C.________ a travaillé en qualité d'employée de
commerce au service d

e X.________, puis de Y.________.
S'estimant victime de pressions injustifiées de la part de
cet employeur, elle a résilié son cont...

«AZA 7»
C 112/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen.
Greffier : M. Métral

Arrêt du 15 février 2002

dans la cause

Service de l'emploi, rue Marterey 5, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

C.________, intimée, représentée par Maître Ralph
Schlosser, avocat, rue de la Grotte 6, 1003 Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- C.________ a travaillé en qualité d'employée de
commerce au service de X.________, puis de Y.________.
S'estimant victime de pressions injustifiées de la part de
cet employeur, elle a résilié son contrat de travail pour
le 29 février 1996 et s'est annoncée comme demandeuse
d'emploi à l'Office régional de placement de Z.________
(ci-après : l'ORP), dès le 1er mars 1996. La Caisse
d'assurance-chômage FTMH (ci-après : la caisse) l'a dans un

premier temps suspendue pour 14 jours dans l'exercice de
son droit à l'indemnité de chômage, puis lui a régulière-
ment alloué des prestations.
Dès le 1er mars 1996, C.________ a annoncé réaliser
des gains intermédiaires en travaillant comme secrétaire à
mi-temps pour la société T.________ SA. D'après la lettre
d'engagement qu'elle remit à la caisse, son salaire mensuel
brut était de 2000 fr. pour cinq jours de travail hebdoma-
daire, à raison de 4 heures par jour. Cet horaire et cette
rémunération, à laquelle s'ajoutait un treizième salaire,
étaient invariablement confirmés par les attestations de
gain intermédiaire annexées au formulaire «Indications de
la personne assurée», que C.________ adressait chaque mois
à la caisse. En octobre 1997, l'assurée informa par ail-
leurs l'ORP qu'elle envisageait d'ouvrir une boutique d'art
décoration à U.________. Dans ce cadre, elle constitua avec
son père une société d'import-export établie à U.________,
où elle se rendit à plusieurs reprises, avant de finalement
abandonner ce projet.
Le 7 avril 1998, l'ORP demanda au Service de l'emploi
du Département de l'économie du canton de Vaud (ci-après :
service de l'emploi) de statuer sur l'aptitude au placement
de l'assurée. Invitée à se déterminer, celle-ci indiqua
qu'elle serait engagée à plein temps par la société
T.________ SA, à compter du 1er septembre 1998. L'instruc-
tion menée par le service de l'emploi révéla par ailleurs
que cette société avait pour administrateur unique et
actionnaire principal l'époux de l'assurée, A.________. Ce
dernier exposa que sa femme avait travaillé jusqu'alors
pour son entreprise à mi-temps en moyenne, c'est-à-dire
qu'elle avait alterné des semaines de travail à plein temps
avec des périodes d'activité restreinte.

Par décision du 30 juillet 1998, le service de
l'emploi a nié le droit de C.________ à des indemnités de
chômage, à compter du 1er mars 1996.

B.- Le Tribunal administratif du canton de Vaud a
admis le recours de l'assurée contre cette décision, qu'il
a annulée par jugement du 20 mars 2001.

C.- Le service de l'emploi interjette un recours de
droit administratif contre ce jugement, dont il demande, à
titre principal, l'annulation. Subsidiairement, il conclut
à ce que le droit à l'indemnité de chômage de l'assurée
soit fixé en tenant compte d'un gain intermédiaire mensuel
de 4000 fr. L'intimée conclut au rejet du recours, sous
suite de dépens, alors que la Caisse de chômage FTMH et le
Secrétariat d'état à l'économie ont renoncé à se déter-
miner.

Considérant en droit :

1.- a) Aux termes de l'art. 85 al. 1 let. e LACI, les
autorités cantonales statuent sur les cas qui leur sont
soumis par les caisses de chômage, concernant le droit de
l'assuré à l'indemnité (art. 81 al. 2 let. a LACI). Le cas
échéant, elles sont appelées à se prononcer sur la question
de l'aptitude au placement, qui est l'une des conditions du
droit à l'indemnité de chômage (art. 8 al. 1 let. f LACI).
A cet effet, elles statuent sous la forme d'une décision de
constatation (ATF 126 V 401 consid. 2b/cc), laquelle dé-
termine l'objet de la contestation pouvant être déféré en
justice par voie de recours (cf. ATF 125 V 414 consid. 1a,
416 consid. 2c ainsi que Meyer-Blaser, Der Streitgegenstand
im Streit - Erläuterungen zu BGE 125 V 413 in : Aktuelle
Rechtsfragen der Sozialversicherungspraxis, St-Gall 2001,
p. 30 sv.).

b) Le recourant ne s'est prononcé, sous la forme d'une
décision de constatation, que sur les conditions du droit à
l'indemnité de chômage, conformément à la procédure prévue
à l'art. 81 al. 2 LACI; il n'a en revanche pas statué sur
l'étendue de ce droit. Aussi le recours de droit adminis-
tratif est-il recevable en tant qu'il porte sur le principe
du droit à des indemnités de chômage (en particulier sur la
question de l'aptitude au placement de l'intimée). Mais
dans la mesure où le recourant demande que le droit aux
prestations soit fixé - pour le cas où il serait reconnu
quant au principe - en tenant compte d'un gain intermé-
diaire mensuel de 4000 fr., ses conclusions sortent de
l'objet de la contestation et sont, pour ce motif, irre-
cevables.

2.- Il n'existe pas de droit à une compensation de la
perte de gain, au sens de la législation relative au gain
intermédiaire (art. 24 LACI), si l'assuré n'est pas apte au
placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à
être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail
convenable et est en mesure et en droit de le faire
(art. 15 al. 1 LACI). L'aptitude au placement comprend
ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part,
c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus
précisément d'exercer une activité lucrative salariée -
sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhé-
rentes à sa personne, et d'autre part la disposition à
accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI,
ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel
travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité
suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un
emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF
125 V 58 consid. 6a, 123 V 216 consid. 3 et la référence).
Ainsi, pour pouvoir bénéficier d'une compensation de
sa perte de salaire en application de l'art. 24 LACI,
l'assuré doit être disposé à abandonner aussi rapidement
que possible son activité actuelle au profit d'un emploi

réputé convenable qui s'offrirait à lui ou qui lui serait
assigné par l'administration. En revanche, l'assuré qui
entend, quelles que soient les circonstances, poursuivre
une activité qu'il a prise durant une période de contrôle
ne saurait être indemnisé par le biais des dispositions sur
le gain intermédiaire, faute d'aptitude au placement
(Gerhards, Arbeitslosenversicherung : «Stempelferien»,
Zwischenverdienst und Kurzarbeitsentschädigung für
öffentliche Betriebe und Verwaltungen - Drei Streitfragen,
RSAS 1994, p. 350 sv.).

3.- a) Les premiers juges ont considéré, à bon droit,
que les démarches effectuées par l'assurée à U.________ en
vue d'y ouvrir une boutique ne remettaient pas en cause son
aptitude au placement. Dans la mesure où le recourant ne
soulève aucun grief contre cet aspect du jugement entre-
pris, il suffit d'y renvoyer.

b) Le service de l'emploi fait valoir que l'assurée
était devenue une collaboratrice indispensable de l'en-
treprise de son époux, qui l'occupait à un taux nettement
supérieur à 50 %, notamment parce qu'elle était la seule
habilitée à négocier la représentation d'une nouvelle
marque de véhicules; aussi, toujours selon le recourant,
n'était-elle pas disposée à cesser cette activité au profit
d'un emploi convenable si elle en avait l'opportunité.
Ces allégations ne constituent toutefois qu'une
hypothèse parmi d'autres et ne sont confirmées de manière
déterminante ni par les témoignages des employés de
l'entreprise, ni par les déclarations de l'intimée ou de
son époux. Certes, le dossier renferme un certain nombre
d'indices accréditant la version des faits défendue par le
recourant. Il en ressort notamment que C.________ avait des
contacts étroits avec l'importateur des véhicules vendus
par son employeur, auprès duquel elle a du reste suivi une
formation (compte-rendu d'audience du 22 novembre 2000 du
Tribunal administratif du canton de Vaud). On peut

également s'étonner qu'elle n'ait pas spontanément informé
l'ORP de la fonction exercée par son époux dans la société
T.________ SA - ce qui aurait pu inciter l'office à exami-
ner plus attentivement sa situation - et déplorer qu'elle
lui ait remis des attestations de gain intermédiaire ne
rendant pas compte de manière exacte de son horaire de
travail. Ces éléments ont légitimement pu conduire le
recourant à s'interroger sur la bonne foi de l'assurée et
pourraient inciter la caisse de chômage à examiner si les
conditions d'une suspension du droit à l'indemnité de
chômage sont remplies. Toutefois, ils ne suffisent pas, en
l'absence d'autres indices, à établir de manière vraisem-
blablement prépondérante que l'assurée n'était pas disposée
à quitter son travail au sein de T.________ SA au profit
d'un emploi réputé convenable. A cet égard, le fait est que
C.________ a effectué pendant toute la durée de son chômage
de nombreuses recherches d'emploi, auprès d'entreprises
variées, ce qui démontre suffisamment sa volonté de trouver
et, cas échéant, d'accepter un nouvel emploi salarié à
plein temps. Partant, il convient d'admettre son aptitude
au placement.

c) Le recourant invoque également l'art. 31 al. 3
let. c LACI, qui prévoit que les travailleurs dont la durée
normale du travail est réduite ou l'activité suspendue
n'ont pas droit à l'indemnité en cas de réduction de
l'horaire de travail s'ils fixent les décisions que prend
l'employeur ou peuvent les influencer considérablement.
C'est perdre de vue que cette disposition régit spécifi-
quement le droit à une indemnité pour réduction de l'ho-
raire de travail, à l'exclusion du droit à une indemnité
compensatoire en cas de gain intermédiaire (lequel peut
provenir d'une activité indépendante : art. 24 al. 1 LACI);
elle ne pourrait s'appliquer que si l'intimée avait été
partie à un rapport de travail avec la société
T.________ SA avant de voir son horaire de travail réduit

(cf. art. 24 al. 2 3ème phrase LACI et art. 41a al. 3
OACI). Comme tel n'est pas le cas, le recours est mal fondé
sur ce point également.

4.- La procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par
ailleurs, l'intimée, qui obtient gain de cause, était
représentée par un avocat, de sorte qu'elle peut prétendre
une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le recourant versera à l'intimée la somme de 2500 fr.
(y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour la procédure fédérale).

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, à la Caisse
d'assurance-chômage FTMH et Secrétariat d'Etat à
l'économie.

Lucerne, le 15 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.112/01
Date de la décision : 15/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-15;c.112.01 ?
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