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14/02/2002 | SUISSE | N°I.307/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 février 2002, I.307/01


«AZA 7»
I 307/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 14 février 2002

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Luc
Colombini, avocat, rue Saint-Pierre 2, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________ a obtenu un

CFC de forestier-
bûcheron en 1986. Souffrant de problèmes lombaires, il a dû
cesser l'exercice de cette activité en 1989 et s'...

«AZA 7»
I 307/01 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 14 février 2002

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Luc
Colombini, avocat, rue Saint-Pierre 2, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________ a obtenu un CFC de forestier-
bûcheron en 1986. Souffrant de problèmes lombaires, il a dû
cesser l'exercice de cette activité en 1989 et s'est
annoncé à l'assurance-invalidité, le 23 novembre 1989.

L'assuré a bénéficié de mesures de réadaptation d'or-
dre professionnel de l'AI, consistant en un apprentissage
de vendeur qu'il a terminé avec un CFC en 1993. Par la
suite, il a suivi les cours de l'Ecole X.________ durant
quelques mois (orientation maturité E, puis orientation
commerciale), avant de commencer un apprentissage de ge-
stionnaire de vente; en mars 1995, l'assuré a été renvoyé
de l'école professionnelle pour cause d'absentéisme.
Dans sa décision du 12 janvier 1996, l'Office de l'as-
surance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a
constaté que la formation dispensée postérieurement à l'ob-
tention du CFC de vendeur avait échoué en raison du manque
d'intérêt de l'assuré. En conséquence, l'office AI a consi-
déré que l'intéressé avait été reclassé favorablement et
mis fin à ses démarches. Quant au droit à la rente, l'admi-
nistration l'a nié, dès lors que le degré d'invalidité
s'élevait à 31 %. Cette décision n'a pas été attaquée.

b) Le 14 septembre 1999, l'assuré a déposé une nouvel-
le demande de prestations. Au terme de son instruction,
l'office AI a constaté que l'état de santé de l'assuré ne
s'était pas aggravé et qu'il était pleinement en mesure de
travailler en qualité de vendeur, activité dans laquelle il
subissait désormais un manque à gagner de 23 % par rapport
au revenu qu'il aurait pu obtenir comme forestier-bûcheron.
Considérant en bref que des mesures professionnelles
n'étaient pas indispensables et que le degré d'invalidité
n'ouvrait pas droit à la rente, l'office AI a rejeté la
demande de prestations (reclassement et rente), par déci-
sion du 11 septembre 2000.

B.- A.________ a déféré cette décision au Tribunal des
assurances du canton de Vaud en concluant à la reprise des
mesures de réadaptation, à la charge de l'AI.
La juridiction cantonale de recours l'a débouté, par
jugement du 9 février 2001.

C.- A.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande l'annulation, avec
suite de dépens, en concluant principalement au finan-
cement, par l'AI, d'une formation de gestionnaire de vente,
subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantona-
le pour instruction complémentaire.
L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit du recourant à des
mesures de réadaptation d'ordre professionnel de l'AI,
singulièrement une formation de gestionnaire de vente.

2.- a) Le recourant soutient que la décision du
12 janvier 1996, par laquelle l'intimé avait mis fin à son
droit aux mesures de réadaptation, était nulle car elle
n'était pas désignée comme telle et ne mentionnait ni voie
ni délai de recours.

b) Sont considérées comme décisions, au sens de
l'art. 5 al. 1 PA, les mesures prises par les autorités,
fondées sur le droit public fédéral et concernant les
droits et les devoirs d'un assuré dans un cas d'espèce. Ces
décisions doivent être désignées comme telles et indiquer
les voies de droit, même si elles sont notifiées sous forme
de lettres (art. 35 al. 1 PA).
Lorsqu'une telle lettre ne remplit pas les conditions
formelles, mais que son contenu est celui d'une décision,
il faut la considérer comme une décision; elle peut alors
être attaquée par voie de recours (RCC 1989 p. 193 con-
sid. 2b). Par ailleurs, selon la jurisprudence, la noti-
fication irrégulière d'une décision, notamment celle qui ne
comporte pas d'indication des voies de droit, n'a pas pour

effet d'empêcher indéfiniment le délai de recours de cou-
rir, et n'est de surcroît pas nécessairement nulle. Le
délai de recours s'écoule au plus tard depuis le jour où
l'intéressé est en possession de tous les éléments qui sont
nécessaires à la défense de ses droits. Si l'on peut com-
prendre qu'un justiciable, agissant en personne, se fie aux
renseignements qui lui sont donnés par une administration
ou un tribunal, on peut attendre de lui, s'il entend atta-
quer une décision et n'a reçu aucune indication, qu'il se
renseigne auprès d'un avocat ou de l'autorité qui a statué.
Chacun sait que les décisions deviennent définitives si
elles ne sont pas attaquées dans un certain délai; l'absen-
ce de toute indication incite naturellement à se renseigner
sans attendre. La règle de la bonne foi s'applique aussi au
justiciable et il ne saurait être protégé en cas de faute
lourde de sa part. On ne peut donc pas admettre, en pareil-
le situation, qu'un recours soit déposé dans n'importe quel
délai (voir ATF 119 IV 334 consid. 1c, 102 Ib 91; Grisel,
Traité de droit administratif, p. 878).

c) En l'espèce, nonobstant le défaut d'indication du
terme «décision», le recourant devait, au regard de son
contenu, inférer de l'écriture du 12 janvier 1996 que
l'intimé lui signifiait son intention de mettre fin au
financement des mesures de réadaptation dont il avait
bénéficié. Cet acte constituait ainsi une décision au sens
de l'art. 5 al. 1 PA.
Durant la période de trois ans et demi qui s'est écou-
lée à partir de la notification de cette décision, le re-
courant s'est abstenu d'en contester le bien-fondé et n'a
pas pris contact avec l'administration de l'AI en vue d'ob-
tenir le reclassement qu'il réclame aujourd'hui. Il faut
donc admettre qu'il s'est tacitement incliné devant le
point de vue de l'intimé, si bien que la décision du
12 janvier 1996 est entrée en force, nonobstant les vices
dont elle était effectivement entachée (cf. art. 35 al. 1
PA).

3.- a) Lorsqu'il a sollicité de nouvelles mesures de
l'AI, le 14 septembre 1999, le recourant n'a pas invoqué un
changement important des circonstances (état de santé,
situation économique) propre à influencer le degré d'inva-
lidité, mais il a mis en évidence les problèmes d'ordre
familiaux et de santé qui l'auraient conduit, en 1995, à
interrompre son reclassement (lettre du 20 décembre 1999).
Dans la mesure où le recourant fait grief à l'intimé
d'avoir violé la lettre et l'esprit de l'art. 10 al. 2 LAI
en ayant nié son droit à des mesures de réadaptation, on
doit admettre qu'il lui a demandé - implicitement, certes -
de reconsidérer sa décision du 12 janvier 1996.

b) Selon un principe général du droit des assurances
sociales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
126 V 23 consid. 4b, 46 consid. 2b, 400 consid. 2b/aa et
les arrêts cités).
D'après la jurisprudence, l'administration n'est pas
tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les
conditions fixées; elle en a simplement la faculté et ni
l'assuré ni le juge ne peuvent l'y contraindre. Cependant,
lorsque l'administration entre en matière sur une demande
de reconsidération et examine si les conditions d'une re-
considération sont remplies, puis statue au fond par une
nouvelle décision de refus, celle-ci est susceptible d'être
attaquée par la voie d'un recours. Le contrôle juridiction-
nel dans la procédure de recours subséquente se limite
alors au point de savoir si les conditions d'une reconsidé-
ration (inexactitude manifeste de la décision initiale et
importance notable de la rectification) sont réunies (ATF

119 V 479 consid. 1b/cc et les références; SVR 1995 AHV
n° 71 p. 215 consid. 2a; Meyer-Blaser, Die Abänderung for-
mell rechtskräftiger Verwaltungsverfügungen in der Sozial-
versicherung, ZBl 1994 pp. 337 ss; Die Bedeutung von Art. 4
Bundesverfassung für das Sozialversicherungsrecht, RDS 111
[1992] II 443 ss).

c) Dans le cas d'espèce, l'intimé est entré en matière
sur la demande de reconsidération du 14 septembre 1999,
puis il l'a rejetée au motif que des mesures professionnel-
les n'étaient pas indispensables et que le degré d'invali-
dité n'ouvrait pas droit à la rente. Sa nouvelle décision
de refus était donc susceptible d'être déférée au juge des
assurances sociales.

4.- a) Aux termes de l'art. 10 al. 2 LAI, l'ayant
droit a le devoir de faciliter toutes les mesures prises en
vue de sa réadaptation. L'assurance peut suspendre ses
prestations si l'ayant droit entrave ou empêche la réadap-
tation.
Par ailleurs, selon la jurisprudence rendue à propos
de l'art. 31 al. 1 LAI, laquelle s'applique aussi à l'éven-
tualité visée à l'art. 10 al. 2 LAI, l'assuré doit être
rendu attentif, dans chaque cas, aux conséquences négatives
possibles qu'entraînerait une attitude rénitente de sa part
au sujet des mesures de réadaptation, afin qu'il soit à
même de prendre une décision en pleine connaissance de
cause (ATF 122 V 218 et le commentaire de Ch. Schürer paru
in RJB 1996 p. 540).

b) A n'en pas douter, la décision du 12 janvier 1996
était manifestement inexacte dans la mesure où l'intimé
avait mis définitivement fin aux mesures de réadaptation.
En effet, non seulement l'administration avait omis de

donner à l'assuré l'avertissement requis par la jurispru-
dence (cf. ATF 122 V 218) avant de statuer, mais de plus la
sanction prise à l'encontre du recourant (la suppression et
le refus définitifs de la prestation) n'était pas conforme
à ce que prévoit l'art. 10 al. 2 LAI (la suspension de la
prestation).
En outre, il n'y a pas lieu de s'attarder sur la con-
dition de l'importance notable de la rectification (cf. ATF
126 V 23 consid. 4b), de toute évidence réalisée s'agissant
de la prise en charge d'une formation professionnelle.

5.- Selon la jurisprudence, l'assuré a droit à une
formation supplémentaire lorsqu'un reclassement effectué
aux frais de l'AI ne peut lui procurer un revenu du travail
suffisant et que l'intéressé doit recourir à des mesures
supplémentaires pour obtenir un gain comparable à celui
qu'il toucherait sans invalidité, dans son activité anté-
rieure (ATFA 1967 p. 108; VSI 2000 p. 31 consid. 2). Le
droit à une telle formation complémentaire ne dépend alors
pas du point de savoir si le seuil déterminant pour une
mesure de reclassement (20 % environ de perte de gain) est
atteint (arrêt non publié B. du 19 mars 1999 I 476/98).
Comme le recourant allègue, plusieurs années après l'inter-
ruption de son reclassement, que sa situation personnelle a
changé et qu'il entend désormais se consacrer à des mesures
de réadaptation, il incombe à l'administration de reprendre
l'instruction de la question de la réintégration de l'assu-
ré.
A ce stade, on ne connaît pas la nature des mesures de
réadaptation d'ordre professionnel qui sont les plus appro-
priées pour le recourant, car ce point n'a pas été examiné
par l'intimé. Le recours étant bien fondé, la cause lui
sera renvoyée afin qu'il complète son instruction et statue
à nouveau sur la prise en charge de ces mesures.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal des
assurances du canton de Vaud du 9 février 2001 ainsi
que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud du 11 septembre 2000 sont annu-
lés, la cause étant renvoyée audit office pour ins-
truction complémentaire au sens des considérants et
nouvelle décision.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimé versera au recourant la somme de 2500 fr. à
titre de dépens (y compris la taxe à la valeur ajou-
tée) pour l'instance fédérale.

IV. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance,
au regard de l'issue du procès de dernière instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.307/01
Date de la décision : 14/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-14;i.307.01 ?
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