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13/02/2002 | SUISSE | N°4C.343/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 février 2002, 4C.343/2001


«/2»

4C.343/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

__________

Dans la cause civile
pendante entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Blaise Grosjean, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., demanderesse et intimée, représentée par Me
Philipp Ganzoni, avocat à Genève;

(notion de domma

ge)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Au début septembre 1994, Y.________ S.A., re-
pr...

«/2»

4C.343/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

__________

Dans la cause civile
pendante entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Blaise Grosjean, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., demanderesse et intimée, représentée par Me
Philipp Ganzoni, avocat à Genève;

(notion de dommage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Au début septembre 1994, Y.________ S.A., re-
présentée par la société genevoise Z.________ S.A., est en-
trée en pourparlers avec X.________ S.A., à qui elle sou-
haitait confier la vente aux enchères ou de gré à gré d'une
collection de 509 bijoux. Le 22 septembre 1994, M.________,
directeur du département de joaillerie de X.________ S.A.
jusqu'au 31 décembre 1994, a examiné les pièces à vendre
dans
les locaux du transitaire, en présence d'un employé de
celui-ci, de F.________, directeur de Z.________ S.A., et de
W.________, consultant auprès de X.________ S.A. et proprié-
taire d'une bijouterie à New York.

Le 28 septembre 1994, Y.________ S.A. et X.________
S.A. ont passé un contrat portant sur l'organisation de ven-
tes des bijoux remis aux enchères ou de gré à gré; chacune
des 509 pièces était estimée à un montant précis, pour une
valeur totale de 4 396 609 fr. Le prix initial, ou valeur de
réserve pour la vente aux enchères, était fixé au 20 % de la
valeur totale des bijoux, soit à 879 321 fr.80.

Les 15 novembre et 4 décembre 1994, M.________ a
organisé deux ventes aux enchères, qui ont rapporté respec-
tivement 51 900 fr. et environ 380 000 fr. Lors d'un inven-
taire effectué le 10 juillet 1995, il a été constaté qu'il
manquait 13 pièces invendues estimées à 80 292 fr. et que
W.________ avait reçu 40 pièces, qu'il n'avait pas resti-
tuées, d'une valeur de 56 885 fr. La valeur des pièces man-
quantes atteignait ainsi 137 177 fr. Ces pièces n'ont jamais
été retrouvées.

Dès le 1er janvier 1995, M.________ a travaillé
pour le compte de H.________ S.A., société soeur de
X.________ S.A. Dans ce contexte, il était chargé de
terminer
son activité pour Y.________ S.A.

A l'insu de ses employeurs successifs, M.________
avait engagé W.________ comme consultant rétribué à la com-
mission.

Le 20 juillet 1995, Z.________ S.A. a communiqué à
X.________ S.A. qu'elle était d'accord, à titre transaction-
nel, de recevoir les 20 % de 137 177 fr., soit 27 435 fr.
sous imputation de la contre-valeur d'un chèque de 2500 US$
remis le 14 juillet 1995 pour solde de compte. X.________
S.A. a versé, le 24 juillet 1995, 16 058 fr.40 à Z.________
S.A., somme constituant le 20 % de 80 292 fr. pour 13 pièces
invendues et manquantes. Le 29 août 1995, Z.________ S.A. a
réclamé le paiement du solde de 8501 fr.60, se heurtant à
une
fin de non-recevoir immédiate de X.________ S.A. Le 6
octobre
1995, Y.________ S.A. a fait savoir à celle-ci qu'elle reti-
rait son offre transactionnelle et lui réclamait la valeur
des pièces manquantes en totalité soit 137 777 fr. (recte:
137 177 fr.) sous imputation des 16 058 fr.40 déjà reçus, ce
qui donnait un montant de 121 118 fr.60. Y.________ S.A. a
également prétendu au paiement de 12 026 fr. représentant
les
frais d'intervention de Z.________ S.A. pour l'activité dé-
ployée du 1er janvier au 15 juillet 1995 dans le but de re-
trouver la trace des bijoux manquants.

Le 16 janvier 1996, Y.________ S.A. a fait notifier
à X.________ S.A. un commandement de payer ces montants, qui
a été frappé d'opposition.

B.- Le 17 avril 1996, Y.________ S.A. a assigné
X.________ S.A. en paiement de 137 177 fr. sous imputation
de
16 058 fr.40, et de 12 026 fr., le tout avec intérêts. La

défenderesse a admis que les 53 pièces litigieuses étaient
manquantes et que l'acompte versé - de 16 058 fr.40 - repré-
sentait les 20 % de la valeur en magasin des 13 pièces dispa-
rues. Elle a aussi reconnu le montant de la facture de
Z.________ S.A.

Par jugement du 22 décembre 2000, le Tribunal de
première instance du canton de Genève a entièrement fait
droit aux conclusions de la demanderesse et levé
l'opposition
au commandement de payer à due concurrence.

Statuant le 14 septembre 2001 sur appel de la dé-
fenderesse, la Chambre civile de la Cour de justice
genevoise
a confirmé le jugement entrepris. Elle a retenu en substance
que les actes de M.________ et W.________ engageaient la dé-
fenderesse; cette dernière devait réparer le dommage subi
par
son adverse partie, équivalent à la valeur de chaque bijou
répertorié et estimé à un montant précis dans le contrat de
commission du 28 septembre 1994. La facture de Z.________
S.A. devait également être remboursée.

C.- Parallèlement à un recours de droit public, que
le Tribunal fédéral a rejeté par arrêt de ce jour, la défen-
deresse recourt en réforme contre la décision du 14
septembre
2001. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
déboutement de la demanderesse de toutes ses conclusions.

La demanderesse propose la confirmation de l'arrêt
attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La défenderesse reproche tout d'abord à la cour
cantonale une inadvertance manifeste. La juridiction intimée
n'aurait pas tenu compte, ou mal lu et mal interprété 6 piè-
ces de la procédure, soit les pièces n°s 4, 6, 8 et 9 de la
défenderesse, tendant à prouver que M.________ et W.________
n'agissaient pas pour son compte, ainsi que les pièces n°s 5
et 26 de la demanderesse, faisant état "d'un prix de
réserve"
correspondant au 20 % d'une valeur d'indication totale, que
la demanderesse aurait accepté à titre d'indemnisation.

a) En instance de réforme, le Tribunal fédéral est
en principe lié par les constatations de fait de l'autorité
cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Cette règle souffre cependant
de quelques exceptions, notamment en cas d'erreur manifeste
(art. 55 al. 1 let. d, 63 al. 2 OJ). Selon la jurisprudence,
cette hypothèse est réalisée lorsque l'autorité cantonale a
omis d'examiner une pièce déterminée, versée au dossier, ou
l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en
particulier de son vrai sens littéral (ATF 115 II 399
consid.
2a; ATF 109 II 159 consid. 2b). Tel est le cas lorsque l'exa-
men d'une pièce du dossier, qui n'a pas été prise en considé-
ration, révèle une erreur évidente dans les constatations de
fait. L'absence de mention d'une pièce dans le cadre de l'ap-
préciation des preuves ne signifie pas encore qu'il y ait
inadvertance, qui plus est inadvertance manifeste: il faut
que ladite pièce n'ait pas été examinée, même implicitement,
en d'autres termes que le juge n'en ait pas pris
connaissance
ou l'ait purement et simplement laissée de côté.

L'autorité cantonale s'écarte, par mégarde, de la
teneur exacte d'une pièce, par exemple lorsqu'elle commet
une
erreur de lecture ou lorsqu'elle ne remarque pas l'existence
d'une faute d'écriture ou lorsqu'elle ne prend pas en consi-

dération la relation évidente existant entre différentes piè-
ces du dossier. Cependant, l'inadvertance manifeste ne sau-
rait être confondue avec l'appréciation des preuves. Dès
l'instant où une constatation de fait repose sur l'apprécia-
tion, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de
preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue (Poudret,
COJ II, n° 5.4 ad art. 63 OJ). Il ne peut en effet être re-
médié à une mauvaise appréciation des preuves par la voie
prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ (ATF 96 I 193 consid. 2;
Poudret, op. cit., n. 1.6.3 ad art. 55 OJ).

Au demeurant, le moyen tiré de l'inadvertance mani-
feste n'est recevable que si l'acte de recours contient l'in-
dication exacte de la constatation attaquée et la pièce du
dossier qui la contredit (art. 55 al. 1 let. d OJ; ATF 110
II
494 consid. 4 et les arrêts cités).

b) En se référant aux pièces n°s 4, 6, 8 et 9
qu'elle a produites, la défenderesse reproche à la Cour de
justice de n'avoir pas considéré que M.________ et
W.________
agissaient en leur nom personnel et non pas pour son compte
d'une part, et que la demanderesse avait traité directement
avec ces personnes, sans passer par elle, d'autre part. De
la
sorte, la défenderesse reprend le grief d'une appréciation
arbitraire des preuves qu'elle avait dirigé contre l'arrêt
entrepris dans son recours de droit public, rejeté par le
Tribunal fédéral par décision de ce jour. Sans se référer en
détail aux considérants de cet arrêt, il convient de
rappeler
que la cour cantonale n'a pas ignoré les pièces 4 et 6 de la
défenderesse, et qu'elle les a prises en considération pour
retenir que M.________ n'avait pas effectué de ventes pour
son compte personnel, mais que l'une des ventes à laquelle
il
avait procédé était relatée sur du papier à en-tête de la
défenderesse, et l'autre avait été faite pour le compte de
H.________, société liée à cette dernière et appartenant au
même groupe. Au terme d'une appréciation non arbitraire des

preuves, qui ne peut être confondue avec la rectification
d'une inadvertance manifeste, la juridiction cantonale a
tiré
des documents cités, joints à d'autres éléments de preuve,
la
conclusion que M.________ et son auxiliaire W.________ agis-
saient pour le compte de la défenderesse.

Les mêmes considérations peuvent être appliquées
aux pièces n°s 8 et 9 de la défenderesse, soit une liste par-
tielle des bijoux manquants, en possession de W.________ et
une lettre à ce dernier, avec copie à l'administrateur de la
défenderesse, portant sur un paiement de 11 400 US$, dont
seuls 5700 US$ étaient offerts, mais qui n'a finalement pas
été effectué. Ici également la défenderesse confond la recti-
fication d'une inadvertance manifeste avec le grief d'appré-
ciation arbitraire des preuves, écarté dans l'arrêt rendu
sur
le recours de droit public déposé parallèlement au présent
recours en réforme.

La défenderesse se fonde enfin sur les pièces n°s 5
et 26 de la demanderesse, pour se plaindre de ce que la juri-
diction cantonale a pris, pour base de calcul du dommage, le
montant maximum indiqué dans la pièce 5 et ses annexes,
alors
qu'elle n'aurait dû en retenir que le 20 %, qualifié de
"prix
de réserve". Le grief tombe à faux. En aucun cas, la Cour de
justice n'a omis de prendre en considération ces documents,
ni ne s'est écartée de façon totalement inadmissible de leur
teneur exacte, pas davantage qu'elle a commis une faute de
lecture; il ressort du considérant 7 de la décision attaquée
que les précédents juges ont examiné la valeur des bijoux
manquants en se référant à la pièce n° 5 de la demanderesse
et qu'ils ont aussi discuté la question du 20 % de la valeur
du lot de bijoux, figurant en première page du contrat du 28
septembre 1994.

Au demeurant, la fixation du dommage et de son mon-
tant, et plus particulièrement la détermination de celui-ci
à

100 % ou à 20 % de la valeur énoncée dans le contrat, relève
de l'examen du droit fédéral sur le fond, qui constitue l'ob-
jet du présent recours en réforme.

Totalement infondé, le premier moyen tiré de
l'existence d'une inadvertance manifeste doit être écarté.

2.- La défenderesse fait grief à la juridiction
cantonale d'une mauvaise application de l'art. 42 CO et lui
reproche de s'être fondée sur des principes de calcul inac-
ceptables pour fixer le dommage subi par la demanderesse.

a) La fixation du dommage ressortit en principe au
juge du fait. Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la
notion juridique du dommage ou si elle a violé des principes
juridiques relatifs au calcul du préjudice (ATF 126 III 388
consid. 8a et les arrêts cités p. 389).

Il ressort de l'arrêt de ce jour prononcé sur le
recours de droit public et du considérant 1 ci-dessus, que
tous les moyens par lesquels la défenderesse entendait dé-
cliner sa responsabilité pour les actes accomplis par
M.________ et W.________ ont été rejetés, de sorte que ces
derniers doivent définitivement être considérés, l'un
organe,
l'autre auxiliaire, de celle-là. La défenderesse répond donc
à l'égard de la demanderesse du dommage qu'elle a subi par
la
non-restitution de 53 bijoux du lot initial de 509 pièces;
l'existence d'un dommage et d'un rapport de causalité adéqua-
te entre celui-ci et les agissements des représentants de la
défenderesse étant établie, seule reste litigieuse la ques-
tion du montant de ce dommage, respectivement de son indem-
nisation. Or, vu les faits qui lient le Tribunal fédéral et
les conclusions des parties, le problème revient à
déterminer
si le préjudice subi est de 137 177 fr. (valeur des 53
bijoux
inscrite à l'inventaire annexé au contrat du 28 septembre

1994) ou de 27 435 fr. (soit 20 % de 137 177 fr. ou valeur
de
réserve), sous imputation de montants déjà versés et de la
commission de 6%. Une telle critique, portant sur des
notions
de droit quant au calcul du montant du dommage, est
recevable
dans le cadre du recours en réforme.

b) Conformément aux principes généraux, le dommage
correspond à la diminution involontaire de la fortune nette;
il peut consister en une réduction de l'actif, en une augmen-
tation du passif ou dans un gain manqué; il correspond à la
différence entre le montant actuel du patrimoine et le mon-
tant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable
ne s'était pas produit (ATF 127 III 73 consid. 4, 403
consid.
4a; 126 III 388
consid. 11a p. 393). Le responsable n'est
tenu de réparer que le dommage qui se trouve dans un rapport
de causalité adéquate avec l'acte qui fonde sa
responsabilité
(ATF 121 III 350 consid. 7a p. 357). Il appartient ainsi au
lésé de prouver non seulement l'existence et l'étendue du
dommage, mais aussi le lien de causalité entre celui-ci et
l'événement à la base de son action. Lorsque le montant
exact
du dommage ne peut être établi, l'art. 42 al. 2 CO facilite
la charge de la preuve, dans la mesure où il permet au juge
de le déterminer équitablement en considération du cours or-
dinaire des choses et des mesures prises par la partie
lésée.
Celle-ci doit cependant alléguer et prouver toutes les cir-
constances permettant et facilitant son évaluation (ATF 122
III 219 consid. 3a p. 221 et les arrêts cités).

La destruction, l'endommagement ou la perte d'une
chose est la cause du dommage matériel (Engel, Traité des
obligations en droit suisse, 2ème éd., p. 473 et les réfé-
rences). Dans ce cas, le dommage équivaut à la valeur
d'échange, plus précisément pour des choses dont la valeur
n'est pas constante, au prix d'acquisition d'un nouvel objet
semblable sous déduction de la perte de valeur déjà subie
par

l'usage avant la survenance du dommage (Brehm, Commentaire
bernois, n° 26 ad art. 42 CO).

Lorsque les parties sont liées par un contrat de
commission, comme en l'espèce, dont le but est la vente de
la
chose aux enchères privées ou de gré à gré, le commissionnai-
re de vente doit en tout cas remettre au commettant le mon-
tant net minimum convenu (Engel, Contrats de droit suisse,
2ème éd., p. 562), sauf dans les hypothèses rares où la ven-
te, à un prix inférieur, a lieu dans l'intérêt du commettant
(von Planta, Commentaire bâlois, n° 3 ad art. 428 CO). En ma-
tière d'enchères, le prix limite est un montant au-dessous
duquel la chose ne doit pas être adjugée; si tel est néan-
moins le cas, le vendeur a l'obligation de payer le prix de
base convenu avec le commettant (ATF 112 II 337 consid. 4c
p.
345). Les mêmes considérations peuvent également s'appliquer
à la vente de gré à gré. De plus, lorsque le commissionnaire
est en faute, il doit réparer le préjudice découlant de
l'inexécution du contrat en raison de son manque de
diligence
(Gautschi, Commentaire bernois, n° 5b ad art. 428 CO; von
Planta, op. cit., n° 5 ad art. 428 CO).

c) Dans le cas présent, la demanderesse a remis à
la défenderesse un lot de 509 bijoux dont chaque pièce était
inventoriée, avec sa description, et faisait l'objet d'un
prix spécifique fixé d'entente entre les parties, étant pré-
cisé que la défenderesse agissait professionnellement dans
le
domaine de la vente des objets d'arts, et qu'elle disposait
d'un département de joaillerie-bijouterie. Le montant de ces
prix, figurant dans l'inventaire annexe au contrat du 28 sep-
tembre 1994, n'a jamais été contesté par les parties, ce que
la cour cantonale a relevé de manière à lier le Tribunal fé-
déral (art. 63 al. 2 OJ). De plus, comme les 53 bijoux liti-
gieux n'ont pas été mis en vente par la défenderesse, ni
n'ont été restitués à la demanderesse, celle-là n'a pas ob-
servé les termes du contrat, de sorte qu'elle doit réparer

tout le dommage causé par son inobservation, au sens de
l'art. 428 al. 2 CO. En d'autres termes, la défenderesse
doit
payer la valeur objective usuelle de ces 53 bijoux à leur
propriétaire. Comme chacune de ces pièces est
individualisée,
il n'y a pas lieu de se référer à une valeur du marché pour
un objet de remplacement semblable; de même, la référence au
prix minimum n'est pas déterminante dans la mesure où le but
poursuivi par les parties était d'atteindre un montant supé-
rieur, et où, en ne mettant pas en vente les pièces litigieu-
ses, la défenderesse n'avait même pas respecté le prix mini-
mum fixé par le commettant et accepté par elle.

Dans son recours, la défenderesse fait valoir que
la valeur réelle d'échange des bijoux litigieux pouvait être
fixée au 23 % des montants inscrits à l'inventaire, en se
rapportant aux ventes effectuées pour 217 pièces faisant par-
tie du lot des 509 bijoux confiés. De même, elle indique que
la demanderesse avait accepté, à titre transactionnel, le
paiement du prix de réserve, comme indemnité, équivalent au
20 % de la valeur figurant à l'inventaire. Ces
considérations
ne sont toutefois pas convaincantes. En poursuivant le recou-
vrement du prix total, soit 137 177 fr., la demanderesse a
démontré qu'elle n'entendait pas se satisfaire du prix de ré-
serve ou du prix minimum indiqué, comme si le contrat avait
été exécuté, mais qu'elle voulait obtenir la réparation de
tout le préjudice consistant dans la non-représentation des
53 pièces du lot. Or ce dommage, soit la diminution du patri-
moine de la demanderesse, correspond au prix fixé d'entente
entre les parties dans le contrat et l'inventaire qui lui
est
annexé, et qui n'a suscité aucune objection de la part de la
défenderesse. En retenant ce prix, la cour cantonale n'a pas
fixé le dommage sur la base de principes de calcul inaccep-
tables, mais l'a déterminé en suivant la volonté commune des
parties, exprimée dans le contrat. Le moyen tiré d'une ap-
plication erronée de l'art. 42 CO doit en conséquence être
rejeté.

3.- La défenderesse n'a pas fait porter son recours
sur la condamnation à payer les frais d'intervention de
Z.________ S.A. en faveur de la demanderesse, pour un
montant
de 12 026 fr., examinée par la cour cantonale au considérant
8 de la décision attaquée. Ce point échappe à l'objet du
litige, la décision cantonale étant à cet égard définitive.

4.- Vu l'issue du recours, les frais seront mis à
la charge de la défenderesse qui succombe. Cette dernière
devra aussi s'acquitter d'une indemnité à titre de dépens en
faveur de la demanderesse.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 5000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 13 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.343/2001
Date de la décision : 13/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-13;4c.343.2001 ?
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