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13/02/2002 | SUISSE | N°1E.7/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 février 2002, 1E.7/2001


{T 0/2}
1E.7/2001/col

Arrêt du 13 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Favre,
greffier Jomini.

A.________,
B.________,
C.________,
D.________, recourants,
tous les quatre représentés par Me Jean Studer et Me Muriel Barrelet,
avocats, passage Max.-Meuron 1, case postale 1124, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Chemins de fer fédéraux SA (CFF), Division infrastructure, Service

juridique,
avenue de la Gare 43, case postale 345,
1001 Lausanne, intimés,
Président de la Commission fédérale d'estima...

{T 0/2}
1E.7/2001/col

Arrêt du 13 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Favre,
greffier Jomini.

A.________,
B.________,
C.________,
D.________, recourants,
tous les quatre représentés par Me Jean Studer et Me Muriel Barrelet,
avocats, passage Max.-Meuron 1, case postale 1124, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Chemins de fer fédéraux SA (CFF), Division infrastructure, Service
juridique,
avenue de la Gare 43, case postale 345,
1001 Lausanne, intimés,
Président de la Commission fédérale d'estimation du
5e arrondissement, secrétariat, rue du Trésor 9, case postale 2232,
2001
Neuchâtel 1.

Expropriation, envoi en possession anticipé

(recours de droit administratif contre la décision prise le 2 mai
2001 par le
Président de la Commission fédérale d'estimation du 5e arrondissement)

Faits:

A.
Les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) ont élaboré un projet
d'assainissement du tunnel de Saint-Blaise, sur la ligne ferroviaire
210
Daillens-sud/Bienne. Ce projet consiste à remplacer le tunnel
existant, long
de 155 m, par un ouvrage, élargi et réhaussé, correspondant aux normes
actuelles; il est prévu d'exécuter les travaux à ciel ouvert (tranchée
couverte). Le 19 novembre 1998, à l'issue d'une procédure ordinaire
(au sens
de l'art. 20 let. b de l'ancienne ordonnance sur les projets de
construction
de chemins de fer, du 23 décembre 1932), l'Office fédéral des
transports a
approuvé les plans du projet.

Des voisins de la voie de chemin de fer ont recouru en vain contre
cette
décision auprès du Département fédéral des transports, de l'énergie
et de la
communication (DETEC), puis auprès du Conseil fédéral. Certains
recourants -
notamment A.________, B.________, C.________, D.________ et
E.________ - ont
formé un recours de droit administratif contre la décision du Conseil
fédéral
du 13 septembre 2000. Le Tribunal fédéral a déclaré ce recours
irrecevable
par un arrêt rendu le 20 octobre 2000 (cause 1A.274/2000).

B.
Le 15 juin 1998, les CFF ont requis du Président de la Commission
fédérale
d'estimation du 5e arrondissement l'ouverture d'une procédure
d'expropriation, en vue d'acquérir des « emprises provisoires », au
sens de
l'art. 6 de la loi fédérale sur l'expropriation (LEx; RS 711) de part
et
d'autre du tracé de la voie ferrée à proximité du tunnel de
Saint-Blaise, en
précisant que la durée de ces emprises serait d'environ deux ans et
demi.

D'après le tableau des droits à exproprier, l'expropriation
temporaire aurait
pour objet:
- une surface de 552 m2 de la parcelle n° 3938, propriété de
A.________
(surface totale: 4187 m2);
- une surface de 324 m2 de la parcelle n° 1555, propriété de
B.________
(surface totale: 1475 m2);
- une surface de 130 m2 de la parcelle n° 835, propriété de C.________
(surface totale: 393 m2);
- une surface de 92 m2 de la parcelle n° 1147, propriété de D.________
(surface totale: 2218 m2).

Ces surfaces ne sont pas bâties; il s'agit de bandes de terrain
longeant une
voie publique, la rue de Lahire, et une rivière, le Ruau. A certains
endroits, l'emprise s'étend jusqu'à la façade de bâtiments
d'habitation
existants.
Le tableau des droits à exproprier mentionne de façon erronée que
D.________
est propriétaire de la parcelle n° 1147. Elle en est en réalité
usufruitière,
tandis que son fils E.________ est le nu-propriétaire.

C.
Le Président de la Commission fédérale d'estimation a ouvert la
procédure
d'expropriation par une ordonnance du 2 juillet 1998. Des avis
personnels ont
été envoyés aux expropriés, selon la liste du tableau des droits à
exproprier. Le 7 septembre 1998, A.________, B.________, C.________,
D.________ et E.________ ont adressé à l'administration communale de
Saint-Blaise une opposition à l'expropriation. A cette occasion, ils
ont
également présenté leurs prétentions, qui sont les suivantes:
- A.________: indemnité de 150'000 fr.;
- B.________: indemnité de 200'000 fr.;
- C.________: indemnité de 75'000 fr.;
- E.________ et D.________: indemnité de 200'000 fr.

L'audience de conciliation a eu lieu le 5 novembre 1998. L'opposition
demeurant litigieuse après cette audience, elle a été transmise au
DETEC
(cette transmission n'est intervenue que le 30 août 2001, après que le
Tribunal fédéral a constaté, sur la base du dossier produit dans la
présente
procédure de recours, que la décision prévue par l'art. 55 LEx
n'avait pas
été rendue). Le DETEC a rendu son prononcé le 15 octobre 2001, en
rejetant
les oppositions.

A. ________, B.________, C.________, D.________ et E.________ ont
formé un
recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre ce prononcé
(cause
1E.24/2001). Cette affaire est actuellement pendante.

D.
Le 6 février 2001, les CFF ont demandé au Président de la Commission
fédérale
d'estimation l'autorisation de prendre possession des droits à
exproprier sur
les parcelles précitées (n° 3938, 1555, 835 et 1147) dès le 1er mars
2002 et
pour la durée des travaux d'assainissement du tunnel de Saint-Blaise.

Le Président de la Commission fédérale d'estimation a statué sur cette
demande par une décision rendue le 2 mai 2001, après avoir entendu les
expropriés, tous représentés par le même avocat. Il a accordé
l'autorisation
requise (ch. 1 du dispositif de la décision), en la soumettant à
diverses
charges ou conditions (établissement d'un rapport complémentaire sur
la
végétation ligneuse touchée par le projet; établissement d'un constat
des
immeubles des expropriés; respect de certaines charges imposées dans
la
décision d'approbation des plans - ch. 2 du dispositif) et en
astreignant
l'expropriant (les CFF) à verser préalablement à chacun des
expropriés un
acompte de 27 fr. par m2 d'emprise provisoire (ch. 3 du dispositif).
La décision du 2 mai 2001 mentionne D.________ comme propriétaire de
la
parcelle n° 1147.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________,
B.________, C.________ et D.________ demandent au Tribunal fédéral
d'annuler
la décision du 2 mai 2001 concernant l'envoi en possession anticipé et
d'arrêter les indemnités provisoires, à la charge des CFF, à 150'000
fr. en
faveur de A.________, à 200'000 fr. en faveur de B.________, à 75'000
fr. en
faveur de C.________ et à 200'000 fr. en faveur de E.________ et
D.________.
A titre subsidiaire, ils concluent au renvoi de l'affaire au
Président de la
Commission fédérale d'estimation pour nouvelle décision au sens des
considérants.

Les CFF concluent à ce que le recours soit déclaré irrecevable,
subsidiairement à ce qu'il soit rejeté.

Le Président de la Commission fédérale d'estimation a déposé des
observations, sans prendre de conclusions.

F.
Le Président de la Ire Cour de droit public a, par ordonnance du 15
juin
2001, rejeté la demande d'effet suspensif présentée par les
recourants.

G.
Le prononcé sur opposition à l'expropriation ayant été rendu après le
dépôt
du recours de droit administratif contre la décision d'envoi en
possession
anticipé (cf. supra, let. C - l'instruction du recours de droit
administratif
a du reste été suspendue du 30 août 2001 jusqu'à la notification du
prononcé
sur opposition daté du 15 octobre 2001), les parties ont été invitées
à
présenter leurs observations à ce sujet. Elles n'ont pas modifié leurs
conclusions.

H.
Une délégation du Tribunal fédéral a procédé à une inspection locale
le 25
janvier 2002, cette mesure ayant également été ordonnée dans le cadre
de
l'instruction de la cause 1E.24/2001 (cf. supra, let. C). Lors d'une
séance
suivant l'inspection locale, les recourants, les CFF et le DETEC sont
convenus de compléter les clauses accessoires de la décision
d'approbation
des plans du 19 novembre 1998 en prévoyant différents aménagements
dans
l'aire du chantier, à proximité directe ou sur les parcelles des
expropriés,
pour la durée des travaux (mise à disposition d'un garage ou de
places de
stationnement provisoires, amélioration des accès à pied ou en
véhicule,
etc.). Ces clauses ont été déclarées immédiatement applicables, selon
la
convention portée au procès-verbal de la séance d'instruction.

I.
A titre de mesure d'instruction, les recourants requièrent en outre
la mise
en oeuvre d'une expertise pour déterminer la nature, l'importance et
les
conséquences des nuisances engendrées par les travaux prévus.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la
décision du
président de la commission d'estimation autorisant la prise de
possession
anticipée du droit exproprié (art. 76 al. 2 et 6 LEx). Les expropriés
ont
qualité pour recourir (art. 78 LEx). Le recours a été déposé dans le
délai de
vingt jours fixé à l'art. 76 al. 6 LEx. Il est donc recevable et il y
a lieu
d'entrer en matière.

2.
Les recourants font valoir que E.________, propriétaire d'une des
parcelles
concernées - la parcelle n° 1147 - n'a pas été entendu dans la
procédure
d'envoi en possession anticipé, car seule D.________, usufruitière, a
été
considérée comme partie par le Président de la Commission fédérale.

Il est vrai que plusieurs actes de cette procédure - le tableau des
droits à
exproprier, la demande d'envoi en possession anticipé, la décision
attaquée,
notamment - attribuent à tort la qualité de propriétaire de cette
parcelle à
la recourante D.________, alors que celle-ci en est l'usufruitière.
Cela
étant, elle dispose à ce titre d'un droit de jouissance complet sur
cet
immeuble et elle en a la possession ainsi que la gestion (cf. art.
745 al. 2
et art. 755 al. 1 et 2 CC). Lorsque l'expropriation temporaire d'un
bien-fonds est requise pour la durée d'un chantier, l'autorisation
d'envoi en
possession anticipé n'est pas d'emblée nulle du seul fait qu'elle se
borne à
mentionner l'usufruitier du bien-fonds - à savoir la personne qui sera
temporairement privée de la possession du terrain visé - sans
indiquer le nom
du nu-propriétaire car il ne s'agit pas, à l'évidence, d'un vice
particulièrement grave dont cette décision serait entachée (cf. ATF
122 I 97
consid. 3a p. 99 et les arrêts cités). Pour le reste, seul E.________
lui-même aurait pu se plaindre à ce propos d'une violation de règles
formelles de la loi fédérale sur l'expropriation ou du droit d'être
entendu:
or il n'est pas l'auteur du présent recours. Ce premier grief est donc
manifestement mal fondé.

3.
Les recourants soutiennent que les acomptes fixés dans la décision
attaquée
sont insuffisants au regard des nuisances auxquelles ils seraient
exposés
durant les travaux (difficultés d'accès, bruit, poussières,
trépidations,
obstruction de la lumière du soleil, etc.). Le Président de la
Commission
fédérale d'estimation aurait ainsi violé l'art. 76 al. 5 LEx, par un
excès de
son pouvoir d'appréciation (cf. art. 104 let. a OJ).

3.1 L'art. 76 al. 5 LEx dispose que l'exproprié peut demander que
l'expropriant soit astreint à verser des acomptes en cas d'envoi en
possession précédant le paiement de l'indemnité d'expropriation
définitive.
Seul le montant des acomptes est litigieux en l'espèce, le recours de
droit
administratif contre l'autorisation de prise de possession anticipée
ne
contestant pas cette autorisation en tant que telle; en particulier
les
recourants n'ont pas, dans le délai de l'art. 76 al. 6 LEx, prétendu
que
cette autorisation n'aurait pas dû être donnée avant la décision sur
leur
opposition à l'expropriation (décision qui est intervenue alors que le
présent recours était pendant). Il n'y a au reste pas lieu de vérifier
d'office si les conditions de l'art. 76 al. 4 LEx sont satisfaites.
Par
ailleurs, en l'absence d'un recours, principal ou joint, de
l'expropriant sur
ce point, il ne se justifie pas d'examiner si le Président de la
Commission
fédérale était fondé à fixer des acomptes sans demande formelle des
expropriés à ce sujet.

3.2 D'après la jurisprudence, les acomptes prévus à l'art. 76 al. 5
LEx ont
notamment pour but de dédommager l'exproprié qui, après l'envoi en
possession
anticipé, ne peut plus disposer de son bien mais n'en continue pas
moins à
supporter les charges liées à la propriété (impôts fonciers, charges
hypothécaires, etc.). Les acomptes visent également à compenser
financièrement tous les autres préjudices subis par l'exproprié, en
tant
qu'ils peuvent être prévus comme une conséquence de l'envoi en
possession
anticipé (ATF 100 Ib 418 consid. 1a p. 420; cf. Heinz Hess/Heinrich
Weibel,
Das Enteignungsrecht des Bundes, Berne 1986, vol. I, n. 23 ad art. 76
LEx p.
590). Il ne s'agit pas, à ce stade-ci, d'appliquer les critères
déterminants
pour la fixation de l'indemnité définitive (art. 19 LEx) mais
uniquement de
prendre en considération les dommages résultant de la prise de
possession
anticipée. Ceux-ci sont du reste ensuite compensés - indépendamment
d'éventuels acomptes - par les intérêts dus, sur le montant de
l'indemnité
définitive, au taux usuel dès le jour de la prise de possession et
cette
indemnité définitive doit encore couvrir, le cas échéant, « tout autre
dommage » résultant de cette mesure (art. 76 al. 5, 3e phrase LEx;
cf. ATF
111 Ib 97 consid. 2d p. 100).

3.3 Les recourants qualifient d'insuffisants les acomptes alloués -
fixés

uniformément à 27 fr./m2, d'après le rendement des terrains du
quartier,
selon les estimations de l'expropriant - mais ils ne donnent pas
d'indications claires sur les dommages résultant directement de la
prise de
possession anticipée. Du reste, n'ayant pas demandé d'acomptes
lorsqu'ils ont
fait valoir leurs prétentions devant la Commission fédérale
d'estimation, ils
ne peuvent pas soutenir que ces dommages spécifiques auraient été
sous-estimés par rapport aux montants qu'ils auraient eux-mêmes
calculés.
Dans leur recours de droit administratif, ils invoquent leurs
prétentions
concernant les indemnités définitives et les éléments déterminants à
ce
propos, notamment les inconvénients liés au chantier; ces questions
seront
traitées dans la procédure d'estimation proprement dite et il ne se
justifie
pas, en l'état, d'ordonner une expertise à ce sujet. En d'autres
termes, les
griefs des recourants se rapportent à l'indemnité définitive pour
l'expropriation provisoire, dont la décision attaquée ne préjuge en
aucune
façon. Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi le Président de la
Commission fédérale d'estimation aurait fait un mauvais usage de son
pouvoir
d'appréciation en fixant les acomptes. Le recours est donc mal fondé
sur ce
point.

4.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté.
Les frais
et dépens de la présente procédure sont mis à la charge de
l'expropriant
(art. 116 al. 1 LEx).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge des Chemins
de fer
fédéraux.

3.
Une indemnité de 1'000 fr., à payer à titre de dépens aux recourants
A.________, B.________, C.________ et D.________, pris solidairement,
est
mise à la charge des Chemins de fer fédéraux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants, aux
Chemins de fer fédéraux, au Président de la Commission fédérale
d'estimation
du 5e arrondissement ainsi que, pour information, au Secrétariat
général du
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la
communication.

Lausanne, le 13 février 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.7/2001
Date de la décision : 13/02/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-13;1e.7.2001 ?
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