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12/02/2002 | SUISSE | N°4C.331/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 février 2002, 4C.331/2001


«/2»

4C.331/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

12 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges. Greffière:
Mme Godat Zimmermann.

_________________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Mike Hornung, avocat à Genève,

et

A.________, demandeur et intimé;

(contrat de travail; résiliation;
école

de recrues anticipée; offre de services)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En mars 1998, ...

«/2»

4C.331/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

12 février 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, M. Nyffeler et M. Favre, juges. Greffière:
Mme Godat Zimmermann.

_________________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Mike Hornung, avocat à Genève,

et

A.________, demandeur et intimé;

(contrat de travail; résiliation;
école de recrues anticipée; offre de services)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En mars 1998, X.________ S.A. a engagé
A.________, né le 4 juin 1981, en qualité d'apprenti peintre
en bâtiment. Ce dernier a obtenu son certificat de capacité
en été 1999; il est resté au service de X.________ S.A.

A.________ a obtenu la nationalité suisse le 16 fé-
vrier 2000. Le 17 mars 2000, il a déposé une demande afin
d'accomplir l'école de recrues de manière anticipée, soit à
partir de l'été suivant. Il en a informé son employeur en
mai
2000, après avoir passé le recrutement le 8 mai 2000.
B.________, directeur de X.________ S.A., l'a enjoint à re-
noncer à ce projet, car l'entreprise avait besoin de ses ser-
vices; il a fait savoir au travailleur qu'il risquait de per-
dre son emploi. A.________ n'a pas obtempéré.

Le 30 mai 2000, X.________ S.A. a résilié le contrat
de travail pour le 30 juin 2000. Dès le lendemain,
A.________
ne s'est plus présenté sur son lieu de travail, sauf une
fois
début juin, pour encaisser son salaire de mai; il estimait
en
effet disposer d'un solde de vacances jusqu'à fin juin, ce
qui a été contesté par l'employeur, qui fixait ledit solde à
9,5 jours.

Par lettre du 7 juin 2000, le syndicat Z.________,
au nom de A.________, a fait savoir à X.________ S.A que le
congé était soumis en l'espèce à un délai de préavis de deux
mois et que le terme du contrat était reporté au 30 novembre
2000 en raison de l'école de recrues que le travailleur de-
vait prochainement effectuer. Le 15 juin 2000, l'employeur a
répondu dans les termes suivants:

«Pour faire suite à votre lettre du 7 juin dernier, et notre
entretien téléphonique du 9 juin dernier, je vous informe
que Monsieur A.________ n'a pas été renvoyé à cause du
service militaire, mais aussi pour d'autres raisons, qui
concernent son attitude envers les clients et envers nous
même (sic), et des problèmes d'heures de travail.
Concernant le service militaire, à ce jour nous n'avons
toujours pas vu sa convocation. Comme vous le dites dans
votre lettre, le 19 mai dernier il nous a informé qu'il
allait partir à l'école de recrue (sic) le 10 juillet pro-
chain, alors qu'il doit partir en 2001, car il a passé la
toise le 9 mai de cette année.
Donc Monsieur A.________ ne nous averti (sic) même pas 2
mois à l'avance de son départ pour l'armée, alors que plus
loin dans votre lettre vous nous dites que nous devons
l'avertir 2 mois à l'avance en cas de congé.
Ceci voudrait dire que Monsieur A.________ a le droit de
faire comme bon lui semble, vu que c'est lui qui a décidé
de
partir une année à l'avance à l'armée, et que suite au
congé
que nous lui avons envoyé en date du 30 mai pour fin juin
2000, il n'est pas revenu travailler.
Il a donc abandonné son poste de travail le 31 mai 2000 et
a
à ce jour nous n'avons aucune nouvelle, à part votre lettre.
Nous estimons donc que la lois (sic) doit aller dans les
deux sens, et non toujours dans le sens de l'employé, qui
lui croit avoir tous les droits.»

A.________ a accompli l'école de recrues du 10 juil-
let au 20 octobre 2000. Il a retrouvé un emploi à la mi-
janvier 2001.

B.- Le 17 novembre 2000, A.________ a ouvert action
contre X.________ S.A. en paiement, d'une part, d'un montant
de 30 279 fr.95, représentant le salaire du 1er juillet 2000
au 31 janvier 2001 et une indemnité pour les vacances 1999
et
2000, et, d'autre part, d'un montant de 27 667 fr.50 à titre
d'indemnité pour licenciement abusif, le tout avec intérêts.

Par jugement du 14 février 2001, le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève a débouté le demandeur de
toutes ses conclusions.

Statuant le 9 juillet 2001 sur appel de A.________,
la Cour d'appel des prud'hommes a annulé le jugement de pre-
mière instance et condamné X.________ S.A. à payer au tra-
vailleur la somme brute de 23 196 fr., plus intérêts à 5%
dès
le 1er octobre 2000. En appel, le demandeur avait notamment
renoncé à réclamer une indemnité pour congé abusif. L'arrêt
cantonal a été expédié pour notification le 4 septembre 2001.

C.- X.________ S.A. interjette un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué et au déboutement du demandeur de toutes ses conclu-
sions.

A.________ a déposé deux réponses, dans lesquelles
il propose l'irrecevabilité du recours pour cause de tardi-
veté et, subsidiairement, son rejet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt attaqué a été notifié à la défenderesse
en date du 10 septembre 2001. Le délai de recours de trente
jours venait donc à échéance le mercredi 10 octobre 2001
(art. 54 al. 1 OJ). Contrairement à ce que le demandeur sou-
tient, le recours remis à la poste ce jour-là est intervenu
en temps utile (art. 32 al. 3 OJ).

Il en est de même du complément à la réponse, expé-
dié le 6 janvier 2002; en effet, en raison des féries, le
terme du délai de trente jours, courant dès le 29 novembre
2001, a été reporté au 14 janvier 2002 (art. 32 al. 1 et 2
et
art. 34 al. 1 let. c OJ).

2.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été
constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations repo-
sant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité canto-
nale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits perti-
nents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c p. 252; 126 III 59 consid. 2a et les arrêts ci-
tés). Ces exceptions mises à part, il ne peut être présenté
de griefs contre les constatations de fait; de même, la juri-
diction de réforme ne tiendra pas compte de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le re-
cours en réforme ne permet pas de remettre en cause l'appré-
ciation des preuves à laquelle l'autorité cantonale s'est
livrée (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Au demeurant, s'il ne saurait aller au-delà des con-
clusions des parties, le Tribunal fédéral n'est lié ni par
les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par les
considérants de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF
127 III 248 consid. 2c p. 252/253; 126 III 59 consid. 2a).

b) En l'espèce, sur plusieurs points, la défenderes-
se complète à sa guise l'état de fait retenu par la cour can-
tonale; par exemple, elle se réfère directement au
témoignage
de Mme B.________ pour affirmer que le demandeur était en
congé maladie lorsqu'il s'est annoncé à l'arsenal, que le
solde de vacances du travailleur s'élevait à 9,5 jours ou en-
core qu'une mise en demeure orale est intervenue en juin
2000. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, il ne
sera pas tenu compte de ces éléments.

3.- Il convient d'examiner en premier lieu à quelle
date le contrat de travail liant les parties a pris fin.

a) A juste titre, la défenderesse ne conteste plus
que le délai de congé applicable en l'espèce était de deux
mois (cf. art. 335c al. 1 CO); en effet, l'apprentissage ef-
fectué chez le même employeur est pris en compte pour déter-
miner la durée des rapports de travail (cf. arrêt non publié
du 8 octobre 1997 dans la cause 4C.93/1997, consid. 3c, re-
produit in JAR 1998 p. 282 ss). En revanche, la défenderesse
reproche à la cour cantonale d'avoir mal interprété la
notion
de service militaire obligatoire au sens de l'art. 336c al.
1
let. a CO. Invoquant l'art. 60 de l'ordonnance sur les servi-
ces d'instruction (OSI; RS 512.21), l'employeur considère
qu'une école de recrues accomplie de manière anticipée est
facultative. Au surplus, il fait valoir un abus de droit de
la part du demandeur, qui n'a pas pris en compte les
intérêts
légitimes de l'entreprise, ni jugé bon de faire part de ses
intentions à temps.

b) L'art. 336c al. 1 let. a CO interdit à l'em-
ployeur, après le temps d'essai, de résilier le contrat pen-
dant que le travailleur accomplit un service militaire obli-
gatoire, en vertu de la législation fédérale, ou pendant les
quatre semaines qui précèdent et qui suivent ce service pour
autant qu'il ait duré plus de onze jours. La notion de servi-
ce obligatoire se définit par rapport à la législation sur
le
service militaire; l'accomplissement d'un service
volontaire,
comme un cours de sport («Wehrsport») par exemple, ne donne
pas naissance à une période de protection (Streiff/von Kae-
nel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 6 ad
art.
336c CO, p. 360). Le Tribunal fédéral a jugé qu'un service
militaire volontaire, effectué en remplacement d'un service
civil obligatoire, ne tombait pas sous le coup de l'art.
336c
al. 1 let. a CO, en tout cas pas lorsque l'ordre de marche

intervenait après que le congé avait été signifié (arrêt non
publié du 20 juillet 1995 dans la cause 4C.444/1994, consid.
2, reproduit in JAR 1996, p. 221). En ce qui concerne le ser-
vice militaire anticipé, en particulier l'école de recrues,
la plupart des auteurs le considèrent comme obligatoire au
sens de l'art. 336c al. 1 let. a CO (Staehelin, Zürcher Kom-
mentar, n. 5 ad art. 336c CO, qui ne mentionne que le dépla-
cement du service, cf. néanmoins n. 28 ad art. 324a CO où
l'auteur nie toute faute du travailleur pour avoir demandé à
effectuer l'école de recrues un an plus tôt; Denis Weber, La
protection des travailleurs contre les licenciements en
temps
inopportun, thèse Lausanne 1992, p. 85; Denis Humbert, Der
neue Kündigungsschutz im Arbeitsrecht, thèse Zurich 1991, p.
91; contra: Urs Sigrist, Die ordentliche Beendigung des Ar-
beitsverhältnisses unter besonderer Berücksichtigung des
Kündigungsschutzes, thèse Bâle 1982, p. 80). Une décision
bernoise va dans le même sens (JAR 1987, p. 220).

Selon l'art. 12 al. 1 de la loi fédérale sur l'armée
et l'administration militaire (ci-après: LAAM; RS 510.10),
toute personne qui a été recrutée est astreinte au service
militaire; en règle générale, le recrutement a lieu au cours
de la 19e année (art. 8 al. 3 LAAM). Le service militaire
comprend notamment les services d'instruction (art. 12 al. 2
let. b LAAM), dont l'école de recrues (art. 41 al. 1 LAAM).
Les personnes astreintes au service militaire accomplissent
l'école de recrues en règle générale pendant l'année au
cours
de laquelle ils (recte: elles) atteignent 20 ans (art. 49
al.
1 LAAM). L'art. 60 OSI reprend cette règle (al. 1), tout en
précisant, à son alinéa 3, que les personnes dont le recrute-
ment a été anticipé peuvent effectuer l'école de recrues
l'année où elles ont 18 ou 19 ans. Les motifs d'un service
anticipé et la procédure sont réglementés aux art. 45 ss
OSI.

L'école de recrues correspond indubitablement à un
service militaire obligatoire. A cet égard, la possibilité
offerte par la loi de demander l'anticipation ou le report
du
service militaire ne change rien au caractère obligatoire du
service lui-même. Par rapport au but de protection visé par
l'art. 336c CO, aucune raison fondamentale ne justifie de
traiter moins bien le travailleur qui effectue son service
militaire de manière anticipée. Même si le demandeur n'était
alors âgé que de 19 ans, l'école de recrues qu'il a
accomplie
en été 2000 constitue par conséquent une période de protec-
tion au sens de l'art. 336c al. 1 let. a CO.

c) Contrairement à l'opinion de la défenderesse, un
abus de droit ne peut non plus être reproché au demandeur
(art. 2 al. 2 CC). Certes, le travailleur n'a avisé son em-
ployeur qu'en mai 2000 de ses démarches, entreprises en mars
2000, tendant à anticiper l'école de recrues. La simple de-
mande d'anticipation sans information préalable de l'emplo-
yeur n'est toutefois pas constitutive d'abus de droit; en
effet, les règles de la bonne foi ne commandaient pas d'aver-
tir l'employeur assez tôt pour qu'il puisse mettre un terme
au contrat avant le début de la période de protection de
l'art. 336c al. 1 let. a CO. Au surplus, l'état de fait éta-
bli souverainement par la cour cantonale ne laisse pas appa-
raître l'intention prêtée par la défenderesse au demandeur
de
résilier le contrat juste après l'école de recrues et de
pouvoir ainsi percevoir encore son salaire pendant quatre
mois sans fournir sa prestation de travail.

d) Selon la cour cantonale, le contrat de travail a
été prolongé jusqu'au 31 décembre 2000. Le calcul de la pro-
longation est fixé à l'art. 336c al. 2 CO: si le congé a été
donné avant l'une des périodes de protection de l'alinéa 1
et
que le délai de congé n'a pas expiré avant cette période, ce
délai est suspendu et ne continue à courir qu'après la fin
de

la période. Conformément à la jurisprudence, le délai -
légal
ou conventionnel - de congé au sens de l'art. 336c al. 2 CO
ne commence pas à courir dès la réception de la résiliation;
il doit être calculé rétroactivement à partir de l'échéance
du contrat (ATF 119 II 449 consid. 2a p. 450; 115 V 437 con-
sid. 3). Le point est sans importance en l'occurrence
puisque
le congé a été
notifié juste deux mois avant la fin présumée
des rapports de travail. Au surplus, les jours du délai de
congé à reporter sont ceux qui se superposent à la période
de
protection (cf. ATF 121 III 107 consid. 2a).

En l'espèce, la période de protection a débuté qua-
tre semaines avant l'entrée à l'école de recrues, soit le 12
juin 2000. Le terme du contrat était normalement le 31 juil-
let 2000, de sorte que le délai légal de congé a été
suspendu
durant cinquante jours. La période de protection s'est ache-
vée quatre semaines après la fin du service militaire, soit
le 17 novembre 2000. Le délai de congé a donc recommencé de
courir pour cinquante jours à partir du 18 novembre 2000,
soit jusqu'au 6 janvier 2001; le terme du contrat s'est trou-
vé ainsi reporté au 31 janvier 2001 (art. 336c al. 3 CO), et
non au 31 décembre 2000, comme la cour cantonale l'a admis à
tort. Le demandeur n'a toutefois déposé ni recours en réfor-
me, ni recours joint, si bien que l'erreur de la Cour
d'appel
demeure sans conséquence.

4.- La prolongation du contrat en application de
l'art. 336c CO ne signifie pas encore que le travailleur dis-
pose d'une prétention de salaire jusqu'à l'échéance
reportée.

a) A ce propos, la défenderesse se plaint d'une vio-
lation de l'art. 324b CO. A la suivre, le demandeur a commis
une faute grave le privant de son salaire, car il a, d'une
part, omis d'informer l'employeur de son intention d'antici-
per l'école de recrues et, d'autre part, refusé de reporter

ledit service militaire alors que l'entreprise avait besoin
de ses services; il s'agirait là d'une méconnaissance fla-
grante de l'obligation de diligence incombant au travailleur
et consacrée aux art. 321a et 321e CO. La défenderesse fait
également grief à la cour cantonale de n'avoir pas exigé du
travailleur qu'il prouve son absence de faute, conformément
à
l'art. 8 CC.

L'employeur reproche enfin aux juges précédents
d'avoir admis qu'une offre de services de la part du travail-
leur se serait révélée superflue dans les circonstances de
l'espèce.

b) Le droit au salaire en cas d'empêchement de tra-
vailler est régi par les art. 324a et 324b CO. Il suppose
que
le travailleur soit empêché, sans faute de sa part, de four-
nir sa prestation pour une cause inhérente à sa personne; à
titre d'exemples, l'art. 324a al. 1 CO cite la maladie, l'ac-
cident, l'accomplissement d'une obligation légale ou d'une
fonction publique. Le service militaire est le cas typique
de
l'exercice d'une obligation légale (Brunner/Bühler/Waeber,
Commentaire du contrat de travail, 2e éd., p. 71). Le Tribu-
nal fédéral a également admis que l'accomplissement d'une me-
sure d'astreinte au travail pour objection de conscience,
d'une durée plus longue que le service militaire, n'était
pas
fautive au sens de l'art. 324a al. 1 CO, à l'instar de l'en-
gagement - facultatif - d'une femme de servir dans l'armée;
en effet, dans les cas de ce genre, une faute doit être niée
lorsque les intérêts du travailleur à l'exercice de ses
droits constitutionnels ou l'intérêt public à l'accomplisse-
ment d'obligations légales l'emportent sur celui de l'em-
ployeur à obtenir la prestation de travail (ATF 122 III
268).
En ce qui concerne le service militaire obligatoire, on peut
se demander du reste si le recours à la notion de faute a

vraiment un sens (cf. Rehbinder, Schweizerisches Arbeits-
recht, 15e éd., n. 198, p. 99/100).

En l'espèce, le fait que le travailleur ait cherché
à avancer son école de recrues ne constitue pas une faute.
Dès l'instant où les autorités militaires ont accepté que
l'école de recrues soit effectuée de manière anticipée, ce
service équivaut à celui accompli à la date ordinaire, de
sorte qu'un traitement différencié dans le cadre des art.
324a et 324b CO ne se justifie pas. Cette conclusion
s'impose
d'autant plus que, selon la jurisprudence rappelée
ci-dessus,
un engagement volontaire peut également constituer un empê-
chement non fautif de travailler. Par conséquent, le deman-
deur peut en principe prétendre à percevoir une partie de
son
salaire (cf. art. 324b CO) pour la période passée à l'école
de recrues.

c) Cela étant, la prolongation des rapports de tra-
vail sur la base de l'art. 336c al. 2 CO ne modifie pas les
droits et obligations des parties. Le travailleur doit four-
nir sa prestation dès qu'il a recouvré sa capacité de
travail
alors que l'employeur reste tenu de payer le salaire (art.
319 al. 1 CO). S'il n'exécute pas sa prestation de travail
sans être empêché par un motif reconnu, le travailleur est
en
demeure (art. 102 ss CO) et l'employeur peut alors refuser
de
payer le salaire (art. 82 CO). De même, les règles sur la
demeure de l'employeur sont applicables. S'il empêche par sa
faute l'exécution du travail ou se trouve en demeure de l'ac-
cepter pour d'autres motifs, l'employeur doit payer le salai-
re sans que le travailleur doive encore fournir sa
prestation
(art. 324 al. 1 CO). La demeure de l'employeur suppose en
principe que le travailleur ait offert ses services, en vain
(ATF 115 V 437 consid. 5a p. 444; arrêt non publié du 23 oc-
tobre 1992 dans la cause 4C.383/1991, consid. 3c, reproduit
in SJ 1993, p. 365). Le travailleur ayant recouvré sa capaci-

té de travail ne peut toutefois se voir reprocher de n'avoir
pas offert ses services lorsque l'employeur l'a libéré de
l'obligation de travailler jusqu'au terme du délai de congé
(ATF 118 II 139 consid. 1a p. 140 et les références; arrêt
non publié du 20 juillet 1994 dans la cause 4C.66/1994, con-
sid. 3b, reproduit in SJ 1995 p. 801).

Au surplus, le travailleur ne peut en principe se
prévaloir de sa méconnaissance de la loi pour justifier une
absence d'offre de services, l'employeur n'ayant, en règle
générale, pas l'obligation d'informer l'employé sur ses
droits en matière de protection contre les licenciements
(ATF
115 V 437 consid. 6d p. 446/447; arrêt précité du 23 octobre
1992, consid. 3d; critiques notamment de Brunner/Bühler/
Waeber, op. cit., p. 221). La question demeure toutefois
ouverte de savoir si, en vertu du principe de la bonne foi
ou
de son obligation de diligence, l'employeur n'assume pas un
devoir d'information lorsqu'il se rend compte ou devrait se
rendre compte de l'erreur du travailleur, tout en étant cons-
cient que celui-ci subira un préjudice irréparable en ne fai-
sant pas valoir les droits découlant de la protection contre
les congés (ATF 115 V 437 consid. 6b p. 447).

En l'occurrence, le demandeur a cessé de travailler
pour la défenderesse le 31 mai 2000. Depuis lors, il n'a
jamais offert ses services; en particulier, aucune offre de
la sorte n'a été formulée dans la lettre du syndicat du 7
juin 2000. Or, jusqu'à son départ à l'école de recrues le 10
juillet 2000 et dès son retour en octobre 2000, le travail-
leur ne pouvait se prévaloir d'aucun empêchement de travail-
ler. Par ailleurs, il connaissait ses droits et a fait
valoir
la prolongation du contrat de travail. La situation n'est
donc pas comparable à celle du travailleur ignorant les con-
séquences légales d'une résiliation en temps inopportun.
Dans
l'hypothèse où le contrat se terminait le 30 juin 2000, le

demandeur estimait avoir droit à un solde de vacances
courant
jusqu'à la fin du mois; selon la défenderesse, le solde
n'était que de 9,5 jours. Ce point n'a pas été éclairci dans
l'état de fait cantonal. Il n'est cependant pas déterminant.
En effet, dès l'instant où il se prévalait d'une
prolongation
du contrat pour plusieurs mois, le travailleur ne pouvait
ainsi fixer unilatéralement la date de ses vacances, au mé-
pris de l'art. 329c al. 2 CO, et prendre son solde de congés
immédiatement. Il apparaît ainsi qu'en juin 2000, le deman-
deur se trouvait en demeure d'exécuter sa prestation.

Dès juillet 2000, la question se pose de savoir si
le demandeur était tenu d'offrir encore ses services ou si,
comme la cour cantonale l'a admis, l'attitude adoptée par la
défenderesse démontrait que celle-ci n'était de toute façon
pas prête à accepter la prestation de travail. Certes, dans
sa lettre du 15 juin 2000, l'employeur s'indigne du choix du
travailleur d'anticiper d'une année l'école de recrues; il
s'insurge en outre contre le fait de devoir respecter un
délai de congé de deux mois alors que le travailleur lui a
annoncé moins de deux mois auparavant qu'il accomplirait
l'école de recrues de manière anticipée. Mais, juste après,
il fait remarquer que, en tout état de cause, le demandeur
n'est pas revenu travailler depuis la notification du congé,
qu'il a donc abandonné son emploi le 31 mai 2000 et n'a
donné
aucune nouvelle à ce jour. Comme on l'a vu, ce reproche est
fondé. En outre, il n'apparaît nulle part que l'employeur
aurait renoncé expressément à la prestation de travail. On
ne
peut dès lors déduire du courrier du 15 juin 2000 qu'une of-
fre de services intervenue début juillet 2000 aurait été re-
jetée à coup sûr par la défenderesse, qui se serait trouvée
à
son tour en demeure. Le même raisonnement vaut pour la pério-
de suivant le service militaire. Dans ces conditions, force
est de conclure que, s'il entendait recevoir son salaire, le
travailleur ne pouvait se dispenser d'offrir ses services

durant la période où il n'accomplissait pas l'école de re-
crues.

Le demandeur réclame son salaire à partir du 1er
juillet 2000. A cette date, il était en demeure de sorte que
la défenderesse n'avait pas l'obligation de lui verser le
salaire. En revanche, du 10 juillet au 20 octobre 2000, le
travailleur était dans l'incapacité de fournir sa prestation
puisqu'il accomplissait l'école de recrues. Il s'agit d'une
impossibilité subséquente sans faute; conformément à l'art.
119 al. 1 CO, l'obligation du débiteur s'éteint et la
demeure
cesse (Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e
éd.,
p. 696). Il s'ensuit que, pendant le service militaire,
l'obligation de l'employeur de verser le salaire au moins en
partie subsistait en vertu des art. 324a et 324b CO. Dès le
21 octobre 2000, le travailleur est à nouveau tombé en demeu-
re puisqu'il n'a ni exécuté sa prestation de travail, ni of-
fert ses services. Il ne peut ainsi prétendre à son salaire
jusqu'à la fin des rapports de travail.

Selon le calcul de la cour cantonale, qui n'a fait
l'objet d'aucune critique, le salaire à verser pendant la
période du service militaire s'élève à 11 508 fr.50, somme à
laquelle il convient d'ajouter des intérêts à 5% dès le 1er
octobre 2000, ce qui n'est pas contesté. Pour le surplus, le
principe de l'exclusion des nova (art. 55 al. 1 let. b et c
OJ) interdit à la cour de céans d'examiner si le demandeur
peut prétendre à une indemnité pour les vacances. En effet,
dans son mémoire d'appel du 30 avril 2001, le travailleur a
conclu uniquement au paiement du salaire jusqu'au 31 janvier
2001, sans autre précision et sans reprendre le montant de
29 946 fr.10 articulé en première instance, qui englobait ex-
pressément l'indemnité pour les vacances de l'an 2000. L'in-
demnisation des vacances n'était dès lors plus litigieuse en
appel.

En conclusion, le recours doit être partiellement
admis, la prétention du demandeur étant ramenée au montant
brut de 11 508 fr.50, plus intérêts.

5.- Comme les conclusions de la demande dépassent
30 000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2
CO dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juin 2001). La
dette de la défenderesse été réduite de moitié environ en
instance de réforme. Dans ces conditions, il se justifie de
partager les frais judiciaires par moitié; par ailleurs,
chaque partie supportera les frais liés à la défense de ses
intérêts (art. 156 al. 3 et art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours et réforme l'arrêt
attaqué en ce sens que la défenderesse est condamnée à payer
au demandeur la somme brute de 11 508 fr.50, plus intérêts à
5% l'an dès le 1er octobre 2000;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. par moi-
tié à la charge de chaque partie;

3. Renvoie la cause à la cour cantonale pour nou-
velle décision sur les frais et dépens cantonaux;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève.

____________

Lausanne, le 12 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.331/2001
Date de la décision : 12/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-12;4c.331.2001 ?
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