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07/02/2002 | SUISSE | N°1P.53/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 février 2002, 1P.53/2002


{T 0/2}
1P.53/2002/col

Arrêt du 7 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Jomini.

A. ________, recourant, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard
des Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Association du Servette Football Club, avenue de Châtelaine 15, 1219
Châtelaine,
Servette de Genève Football SA, représentée par Me Christian

Lüscher,
avocat,
rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, intimés,
Procureur général de la République et canton de Genève, plac...

{T 0/2}
1P.53/2002/col

Arrêt du 7 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Jomini.

A. ________, recourant, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard
des Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Association du Servette Football Club, avenue de Châtelaine 15, 1219
Châtelaine,
Servette de Genève Football SA, représentée par Me Christian Lüscher,
avocat,
rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, intimés,
Procureur général de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation de la République et canton de Genève, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

procédure pénale, décision de classement

(recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation de la
République et canton de Genève du
12 décembre 2001)
Faits:

A.
La Chambre d'accusation de la Cour de justice de la République et
canton de
Genève a, par une ordonnance du 12 décembre 2001, rejeté dans la
mesure où il
était recevable le recours formé par A.________ contre une ordonnance
de
classement du Procureur général relative à la plainte qu'il avait
déposée
contre les organes de l'Association du Servette Football Club et de la
société anonyme Servette de Genève Football S.A., pour infraction aux
art.
169, 289 et 251 CP. L'ordonnance de la Chambre d'accusation retient
en bref
les éléments suivants:

A.________, footballeur argentin, a été engagé par l'Association du
Servette
Football Club (ci-après: l'Association) en 1990. Licencié en 1993, il
a
assigné son employeur devant la juridiction des prud'hommes du canton
de
Genève; l'Association a été condamnée à lui payer un montant d'environ
270'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 30 juin 1993 (selon le
jugement du 5
octobre 1999 de la Chambre d'appel des Prud'hommes). A.________ a
intenté une
poursuite contre l'Association. Dans ce cadre, l'Office des
poursuites a
saisi le 5 octobre 2000 un certificat d'actions représentant 4'798
actions
nominatives de la société Servette de Genève Football S.A. (ci-après:
Servette S.A.), appartenant à l'Association. Ces actions ont été
portées au
procès-verbal de saisie à leur valeur nominale, soit 479'800 fr.
(environ 20
% du capital-actions de Servette S.A.). Après que l'organe de
révision de
Servette S.A. avait informé le conseil d'administration de la
nécessité d'un
assainissement de la société, une assemblée générale ordinaire puis
une
assemblée générale extraordinaire ont été tenues le 9 mai 2001. Deux
décisions ont été prises: la réduction du capital-actions à 250'000
fr., la
valeur nominale de chaque action passant ainsi de 100 fr. à 10 fr.,
puis
l'émission de 225'000 nouvelles actions d'une valeur nominale de 10
fr.,
intégralement souscrites par un créancier de la société, le groupe
Canal+.
Ces décisions ont été inscrites au registre du commerce le 24 juillet
2001.
Le 29 août 2001, l'Office des poursuites a estimé le certificat
d'actions
saisi à 1'000 fr. Cet Office l'a vendu, au cours de l'automne 2001,
pour le
prix de 43'000 fr., au bénéfice de créanciers d'une série antérieure
à celle
de A.________.

Dans sa plainte pénale, du 11 septembre 2001, A.________ prétendait
que la
restructuration du capital-actions de Servette S.A. avait eu pour
effet de
déprécier les actions saisies, en violation des art. 169 CP
(détournement de
valeurs patrimoniales mises sous main de justice) et 289 CP
(soustraction
d'objets mis sous main de l'autorité). Il faisait en outre valoir que
le
représentant de l'Association avait mentionné, lors des assemblées
générales
du 9 mai 2001, la saisie de ces actions ainsi que la nécessité de
requérir
l'accord de l'Office des poursuites; ces éléments n'ayant pas été
mentionnés
au procès-verbal, l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP)
serait
réalisée. Le Procureur général a classé la plainte en considérant en
substance que l'assainissement de Servette S.A. n'avait pas aggravé la
situation des créanciers de l'Association, que cette opération était
même de
nature à donner aux actions saisies une valeur qu'elles n'avaient
pas, et que
ces actions, restées en mains de l'Office des poursuites, n'avaient
pas été
soustraites. En outre, en l'absence d'atteinte aux intérêts
patrimoniaux de
A.________, les conditions d'application de l'art. 251 CP n'étaient
pas
réalisées.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation.
Invoquant
les art. 9 et 29 Cst., il se plaint d'une appréciation arbitraire des
faits,
d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure et de
violations
du droit d'être entendu.
Il n'a pas été demandé de réponses au recours de droit public.

C.
A.________ demande l'assistance judiciaire sur la base de l'art. 152
OJ.

D.
A.________ a par ailleurs formé un pourvoi en nullité contre
l'ordonnance de
la Chambre d'accusation. La Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral a
déclaré ce pourvoi irrecevable par un arrêt rendu le 28 janvier 2002
(cause
6S.31/2002).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 207
consid. 1 p.
209 et les arrêts cités).

1.1 La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est
définie à
l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est
atteint par
l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement
protégés. Le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à
préserver
des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43
consid. 1a p.
44, 81 consid. 3b p. 85 et les arrêts cités). Selon une jurisprudence
constante, le plaignant ou lésé - sous réserve des cas d'application
de la
loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infraction (LAVI; RS 312.5),
qui
n'entre manifestement pas en considération en l'espèce (cf. art. 2
LAVI et
ATF 125 II 265 consid. 2a p. 268) - n'a en principe pas qualité pour
recourir
contre un non-lieu, un classement ou un refus d'ouvrir une procédure
pénale;
il n'est pas atteint dans ses intérêts juridiquement protégés par la
décision
de ne pas poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction, car
l'action pénale appartient exclusivement à l'Etat et ne profite
qu'indirectement au lésé (ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99; 125 I 253
consid. 1b
p. 255; 121 IV 317 consid. 3b p. 324 et les arrêts cités).
Celui qui n'a pas qualité pour recourir sur le fond peut cependant,
s'il
avait qualité de partie dans la procédure cantonale, se plaindre d'un
déni de
justice formel, ou en d'autres termes de la violation des garanties
formelles
offertes aux parties par le droit cantonal de procédure ou par le
droit
constitutionnel, notamment le droit d'être entendu (art. 29 al. 2
Cst.).
L'intérêt juridiquement protégé exigé par l'art. 88 OJ découle alors
du droit
de participer, comme plaignant ou partie civile, à la procédure
cantonale. La
partie recourante ne saurait toutefois, par ce biais, remettre en
cause la
décision attaquée sur le fond, en critiquant l'appréciation des
preuves ou en
faisant valoir que la motivation retenue serait matériellement fausse
(ATF
126 I 81 consid. 3b p. 86; 125 II 86 consid. 3b p. 94; 121 IV 317
consid. 3b
p. 324 et les arrêts cités).

1.2 Le recourant agit, dans la procédure pénale, comme plaignant ou
lésé. Ses
griefs concernant l'appréciation des faits ou des preuves - les
conditions de
l'assainissement de la société, l'estimation de la valeur des actions
saisies, les éléments relatifs à l'intention des auteurs du
procès-verbal des
assemblées générales - et l'application des règles du droit cantonal
à ce
sujet sont manifestement irrecevables, en application de la
jurisprudence
précitée (art. 88 OJ). Seul le grief de violation du droit d'être
entendu
peut être examiné.

2.
Le recourant soutient que l'ordonnance attaquée est dépourvue de
motivation
au sujet du défaut de dessein spécial des auteurs du procès-verbal des
assemblées générales - ce dessein étant une condition d'application
de l'art.
251 CP - et au sujet de la portée de l'art. 317 ch. 1 CP en pareil
cas.

La jurisprudence déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.,
art. 4
aCst.) le devoir pour l'autorité de motiver sa décision. Pour
répondre à ces
exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les
motifs
qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à
ce que
l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et
l'attaquer en
connaissance de cause (ATF 126 I 15 consid. 1a/aa p. 17, 97 consid.
2b p. 102
et les arrêts cités). Le recourant dénonce la motivation adoptée par
la
Chambre d'accusation au sujet du classement de sa plainte pour faux
dans les
titres (art. 251 CP). Or l'ordonnance attaquée est suffisamment
motivée sur
ce point puisqu'elle mentionne les éléments constitutifs de cette
infraction,
y compris le dessein spécial (cf. Bernard Corboz, Les principales
infractions, vol. I Berne 1997 p. 337); c'est une autre question,
relevant
des constatations de fait ou de l'appréciation des preuves, de savoir
si
l'intention délictueuse était ou non établie (cf. ATF 121 IV 90
consid. 2b p.
92). Le recourant reproche en outre à la Chambre d'accusation d'avoir
omis
d'examiner la portée de l'art. 317 ch. 1 CP, réprimant les faux dans
les
titres commis dans l'exercice de fonctions publiques, le procès-verbal
litigieux ayant été rédigé par un notaire ayant qualité d'officier
public. Il
s'agit là d'une question de qualification juridique, plusieurs normes
du code
pénal réprimant le faux, notamment lorsqu'il est commis par une
catégorie de
personnes déterminées. En se prononçant sur l'objet de la plainte -
l'inexactitude ou les lacunes du procès-verbal - ainsi que sur
l'application
du droit pénal à ce sujet, la Chambre d'accusation a respecté les
exigences
du droit d'être entendu. Le grief de violation de l'art. 29 Cst. est
donc
manifestement mal fondé.

3.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté, dans la
mesure
où il est recevable, selon la procédure simplifiée de l'art. 36a al.
1 OJ.

Les conclusions du recourant paraissant d'emblée vouées à l'échec, la
demande
d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ).

Le recourant, qui succombe, doit payer l'émolument judiciaire (art.
153, 153a
et 156 al. 1 OJ). Aucun échange d'écritures n'ayant été ordonné, il
n'y a pas
lieu d'allouer des dépens (cf. art. 159 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur
général et
à la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 7 février 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.53/2002
Date de la décision : 07/02/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-07;1p.53.2002 ?
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