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06/02/2002 | SUISSE | N°U.214/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 février 2002, U.214/00


«AZA 7»
U 214/00 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 6 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

A.________, intimé, représenté par Maître Corinne Nerfin,
avocate, boulevard Jaques-Dalcroze 2, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) A.________ était assurÃ

© contre le risque
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA). En 1995, alors qu'il travailla...

«AZA 7»
U 214/00 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 6 février 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

A.________, intimé, représenté par Maître Corinne Nerfin,
avocate, boulevard Jaques-Dalcroze 2, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) A.________ était assuré contre le risque
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA). En 1995, alors qu'il travaillait en
qualité de maçon sur un chantier, il fit une chute qui
entraîna, notamment, une fracture sous-capitale du radius
droit et de l'apophyse coronoïde. Depuis l'accident, son
bras droit présente un déficit d'extension de 30° et une
flexion maximum à 120°, associé à des douleurs.

Au terme du séjour qu'il a effectué à la clinique
X.________, les médecins qui ont suivi l'assuré ont attesté
qu'il ne pouvait plus exercer sa profession de maçon, mais
qu'il pourrait en revanche effectuer de légers travaux in-
dustriels à plein temps sans utiliser de façon importante
la force musculaire du bras droit, sans port ni levage de
charges et sans mouvements répétés du poignet ou du coude
(rapport des docteurs B.________ et C.________ du 15 avril
1996). Quant au docteur D.________, spécialiste en chirur-
gie, il a confirmé que si l'assuré ne pouvait plus travail-
ler en qualité de maçon, sa capacité de travail restait
entière avec un rendement total dans une activité manuelle
légère où le membre supérieur droit ne serait pas mis à
contribution pour soulever des charges et effectuer des
mouvements de flexion-extension répétitifs (rapport du
24 juillet 1996). Par ailleurs, il a évalué le taux de
l'atteinte à l'intégrité de l'assuré à 5 % (rapport du
19 juillet 1996).
La CNA a procédé à une enquête économique afin de dé-
terminer le revenu d'invalide de l'assuré. En s'appuyant
sur six de ses «Descriptions des postes de travail» (ci-
après : DPT), la CNA a estimé que A.________ serait en
mesure, compte tenu de son handicap, d'occuper un emploi
lui procurant un gain mensuel d'environ 3500 fr. Comme il
aurait pu réaliser un salaire mensuel de 4600 fr. sans
l'accident, la perte de gain s'élevait ainsi à 25 %.
Par décision du 15 mai 1998, la CNA a alloué une rente
d'invalidité de 25 % à son assuré à partir du 1er janvier
1998, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité
d'un taux de 5 %.

b) L'assuré s'est opposé à cette décision, en soute-
nant que son état de santé justifiait le versement d'une
rente d'invalidité de 100 %.

Au terme de mesures d'instruction complémentaires
(voir notamment les rapports des docteurs E.________, du
3 novembre 1998 et F.________, du 13 novembre 1998), la CNA
a rejeté l'opposition, par décision du 28 décembre 1998.

B.- A.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant
à l'allocation d'une rente d'invalidité de 100 %.
Par jugement du 11 avril 2000, la juridiction cantona-
le a admis le recours et annulé la décision du 28 décembre
1998 en tant qu'elle portait sur le taux de la rente d'in-
validité. Les premiers juges ont renvoyé la cause à la CNA
afin qu'elle procède à une enquête économique complémentai-
re.

C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation. A
l'appui de son recours, elle produit une liasse de dix-huit
DPT supplémentaires.
L'assuré intimé conclut, avec suite de dépens, au
rejet du recours et à l'annulation des décisions des 15 mai
et 28 décembre 1998; il sollicite aussi le bénéfice de
l'assistance judiciaire. L'Office fédéral des assurances
sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte uniquement sur le montant du reve-
nu d'invalide de l'intimé et, par voie de conséquence, sur
son taux d'invalidité (art. 18 LAA). Non contestée, la dé-
cision du 15 mai 1998 est entrée en force dans la mesure où
elle fixait le degré et la valeur de l'indemnité pour at-
teinte à l'intégrité (art. 24 et 25 LAA).

2.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide
à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invali-
dité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de
gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de
longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un ac-
cident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle
de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).
A cet égard, le revenu d'invalide doit être évalué
avant tout en fonction de la situation professionnelle
concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effecti-
vement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu
d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques
salariales (ATF 126 V 76-77 consid. 3b), singulièrement à
la lumière de celles figurant dans l'enquête suisse sur la
structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la
statistique (ATF 124 V 321). La mesure dans laquelle les
salaires ressortant des statistiques doivent être réduits,
dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au
handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie
d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte
d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'apprécia-
tion. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments
qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc).

3.- a) Le Tribunal administratif a considéré que la
documentation (DPT) de la CNA est en principe pertinente
pour évaluer le revenu d'un invalide, à la condition toute-
fois qu'un choix de cinq places de travail exigibles, au
minimum, soit proposé.

Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont admis que
seules quatre descriptions, parmi les six communiquées par
la recourante, correspondaient au profil requis pour l'in-
timé. Ils en ont déduit que l'enquête économique était
lacunaire et qu'un complément d'instruction s'imposait,
cette tâche devant être dévolue à la CNA (consid. 7 p. 11
du jugement attaqué).

b) C'est toutefois à tort que la juridiction cantonale
a renvoyé le dossier à la CNA pour compléter l'enquête
économique. En effet, dès lors qu'elle considérait que,
parmi les postes de travail figurant sur les DPT, certains
n'étaient pas adaptés et/ou pas exigibles, il lui appar-
tenait soit d'interpeller d'office la CNA pour qu'elle
produise d'autres DPT, soit de faire usage des salaires
statistiques figurant sur l'enquête suisse sur la structure
des salaires pour effectuer la comparaison des revenus (cf.
ATF 124 V 321; arrêt C. du 8 mai 2001, U 402/99).
Ainsi que le relève à juste titre la recourante, le
salaire mensuel s'élève, selon la table TA1 de l'enquête de
1996, à 4294 fr. pour des activités simples et répétitives
(niveau 4) exécutées par des hommes dans le secteur privé,
durant 40 heures de travail. Ce salaire mensuel hypothé-
tique, qui se base sur une durée hebdomadaire de travail
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises, doit
être ajusté à 41,9 heures par semaine, de sorte qu'il faut
retenir un salaire mensuel de 4498 fr. Si l'on appliquait
un facteur de réductionc - maximal - de 25 % (ATF
126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc), lequel n'est pas justifié en
l'espèce, on parviendrait à un revenu d'invalide de
3373 fr. 50 (soit 40 482 fr. par année), légèrement infé-
rieur à celui de 3500 fr. que la CNA avait retenu dans sa
décision litigieuse. En le comparant au revenu annuel de
55 200 fr. (12 x 4600 fr.) réalisable sans invalidité, la
perte de gain serait ainsi de 26,6 %, très proche du taux
que la recourante avait pris en compte dans sa décision du

15 mai 1998. Le résultat serait sensiblement le même s'il
était fait référence à la table TA13, car celle-ci retient
un salaire mensuel moyen de 4308 fr. pour une activité de
niveau 4 exercée par un homme dans la région lémanique; la
perte de gain serait alors de 26,4 %.
Quant aux données ressortant de l'enquête de 1998,
publiées entre-temps (TA1 : 4268 fr.; TA13 : 4354 fr.),
elles ne diffèrent pas sensiblement de celles de 1996, de
sorte qu'elles n'ont pas d'incidence sur la solution du
présent litige.
Comme les premiers juges disposaient de tous les élé-
ments nécessaires pour établir le revenu d'invalide de
l'intimé, le renvoi de la cause pour complément d'instruc-
tion était injustifié. Le recours est bien fondé.

4.- a) Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence,
les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite
sont en principe remplies si le requérant est dans le
besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du
moins indiquée (ATF 125 V 202 consid. 4a, 372 consid. 5b et
les références).

b) En l'espèce, l'intimé remplit ces conditions, de
sorte que l'assistance judiciaire lui sera octroyée pour
l'instance fédérale. L'intimé est toutefois rendu attentif
au fait qu'il devra rembourser la caisse du tribunal s'il
devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 152
al. 3 OJ; ATF 124 V 309 consid. 6).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève du 11 avril 2000 est
annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) de Me Nerfin
sont fixés à 2150 fr. pour la procédure fédérale et
seront supportés par la caisse du tribunal.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 février 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.214/00
Date de la décision : 06/02/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-06;u.214.00 ?
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