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05/02/2002 | SUISSE | N°2P.167/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 février 2002, 2P.167/2001


{T 0/2}

2P.167/2001/otd

Arrêt du 5 février 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Yersin,
greffier Addy.

P.W.________ et son fils C.________, tous deux à 1222 Vésenaz,
recourants,
représentés par Me Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206
Genève,

contre

Département de l'action sociale et de la santé du canton de Genève,
rue de
l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3984, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de

Genève, rue des Chaudronniers 3,
1204
Genève.

(qualité de partie du dénonciateur dans une procédure disciplinaire)
...

{T 0/2}

2P.167/2001/otd

Arrêt du 5 février 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Yersin,
greffier Addy.

P.W.________ et son fils C.________, tous deux à 1222 Vésenaz,
recourants,
représentés par Me Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206
Genève,

contre

Département de l'action sociale et de la santé du canton de Genève,
rue de
l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3984, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue des Chaudronniers 3,
1204
Genève.

(qualité de partie du dénonciateur dans une procédure disciplinaire)

(recours de droit public contre les arrêts du Tribunal administratif
du
canton de Genève des 27 mars et 8 mai 2001)
Faits:

A.
Souffrant d'un cancer du sein, I.W.________ fut, dès le mois de
décembre
1998, prise en charge par le professeur S.________, médecin chef à la
division d'oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG);
elle décéda
à l'Hôpital cantonal de Genève le 25 juillet 1999.

Dans une lettre du 15 septembre 1999, P.W.________ reprocha au
professeur
S.________ des manquements dans le traitement et le suivi médical de
feue son
épouse I.W.________. Il lui faisait en particulier grief d'avoir
repoussé
sans raison valable certains examens médicaux qui, s'ils avaient
rapidement
été mis en oeuvre, auraient selon lui permis de diagnostiquer plus
tôt et de
soigner plus efficacement certains troubles. Réfutant toute
négligence, le
professeur S.________ répliqua qu'il avait régulièrement reçu à sa
consultation I.W.________, ajoutant que la maladie de celle-ci avait
connu
une évolution foudroyante à l'issue malheureusement fatale et
irrémédiable.

Le 8 octobre 1999, agissant en son propre nom et en celui de son fils
C.________, P.W.________ saisit la Commission de surveillance des
activités
médicales d'une plainte dirigée contre le professeur S.________. Le
dossier
fut transmis à la Commission de surveillance des professions de la
santé
(ci-après: la Commission), car I.W.________ avait été soignée par le
praticien mis en cause à titre de patiente privée.

La Commission appointa une séance le 20 mars 2000 au cours de
laquelle le
professeur S.________ fut entendu. P.W.________ demanda, par
l'intermédiaire
de son mandataire, le droit de consulter le dossier, en particulier de
prendre connaissance des déclarations du professeur S.________. La
Commission
refusa d'accéder à cette demande par lettre du 24 novembre 2000, au
motif que
l'intéressé n'avait pas la qualité de partie à la procédure.

B.
P.W.________, agissant pour lui-même et pour son fils, contesta ce
refus
devant le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le
Tribunal
administratif). Le recours fut déclaré irrecevable par arrêt du 27
mars 2001,
les juges estimant que P.W.________ et son fils n'étaient pas
habilités à
recourir contre les décisions de la Commission, car ils n'avaient
pas, vu
leur position de dénonciateurs, la qualité de parties à la procédure
au sens
de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure
administrative
(ci-après: LPA ou loi cantonale de procédure administrative).

Entre-temps, par décision du 7 février 2001, le Département de
l'action
sociale et de la santé du canton de Genève (ci-après: le Département)
procéda
au classement de la procédure, en considérant, sur la base d'un
préavis de la
Commission, que la prise en charge de feue I.W.________ par le
professeur
S.________ s'était déroulée conformément aux règles de l'art.
P.W.________,
agissant toujours tant pour lui-même que pour son fils, déposa
simultanément
deux recours contre cette décision de classement, l'un auprès du
Tribunal
administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif),
l'autre auprès du Tribunal fédéral par la voie du recours de droit
public
(cause no 2P.72/2001). Les recours furent tous deux déclarés
irrecevables.
Renvoyant aux considérants de son arrêt du 27 mars 2001, le Tribunal
administratif estima en effet que P.W.________ et son fils n'étaient
pas
habilités à recourir au motif qu'ils n'avaient pas la qualité de
parties à la
procédure disciplinaire ouverte contre le professeur S.________
(arrêt du 8
mai 2001). De son côté, le Tribunal fédéral constata que l'avance de
frais
requise avait été versée tardivement (arrêt du 25 mai 2001).

C.
Dans une seule et même écriture, P.W.________ interjette, en son
propre nom
et en celui de son fils C.________, recours de droit public contre
les arrêts
précités du Tribunal administratif prononcés les 27 mars et 8 mai
2001, en
concluant à leur annulation sous suite de frais. Il se plaint d'une
application arbitraire du droit cantonal (art. 9 Cst.) et invoque la
violation des art. 10 (droit à la vie) et 13 Cst. (protection de la
sphère
privée), 6 par. 1 CEDH (droit à un procès équitable) et 8 par. 1 CEDH
(droit
au respect de la vie privée et familiale).

D.
Le Tribunal administratif a renoncé à présenter des observations
tandis que
le Département conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'irrecevabilité du
recours en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 mars 2001, et à
son
rejet dans la mesure où il est recevable en tant qu'il porte sur
l'arrêt du 8
mai 2001.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93).

1.1 Comme cela vaut en cas de classement d'une procédure pénale (sauf
exceptions prévues par la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide
aux
victimes d'infractions [LAVI; RS 312.5]; cf. ATF 126 I 97 consid. 1a
p. 99),
la décision par laquelle une autorité de surveillance n'entre pas en
matière
sur une dénonciation (ou une plainte) qui lui est adressée, la
rejette ou ne
lui donne aucune suite, ne peut en principe pas être attaquée par la
voie du
recours de droit public. En effet, la décision ne règle pas de façon
contraignante les relations entre l'Etat et le dénonciateur; en
outre, ce
dernier ne peut pas se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé
au sens
de l'art. 88 OJ, car il n'a aucun droit à l'examen ou au traitement
de ses
moyens: le prononcé d'une sanction disciplinaire tend en effet
uniquement à
la sauvegarde de l'intérêt public, à l'exclusion de l'intérêt privé du
dénonciateur (cf. ATF 121 I 42 consid. 2a p. 45 et les arrêts cités;
Gabriel
Boinay, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les
professions libérales, particulièrement en Suisse romande, RJJ 1998
p. 1 ss,
no 186 p. 80; Oskar Henggeler, Das Disziplinarrecht der
freiberuflichen
Rechtsanwälte und Medizinalpersonen, thèse Zurich 1976, p. 215).

Le recourant qui n'a pas la qualité pour agir sur le fond d'un litige
peut
néanmoins se plaindre, par la voie du recours de droit public, d'une
violation de ses droits de partie à la procédure équivalant à un déni
de
justice formel (cf. ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99). L'intérêt
juridiquement
protégé requis par l'art. 88 OJ ne découle alors pas du droit de
fond, mais
directement de celui de participer à la procédure. L'existence d'un
tel droit
présuppose donc - logiquement - que le recourant ait bien revêtu la
qualité
de partie en procédure cantonale (cf. ATF 123 I 25 consid. 1 p. 26
s.; 121 I
223 consid. 4a).

1.2 En l'occurrence, dans la mesure où toute l'argumentation des
recourants
tend précisément à faire admettre que c'est de manière arbitraire et
en
violation de certains de leurs droits fondamentaux que la qualité de
partie
leur a été déniée en procédure cantonale, ils sont recevables à
recourir sous
cet angle en vertu de l'art. 88 OJ (cf. ATF 121 I 42 consid. 2e p.
47). A
défaut, l'examen que les garanties de procédure ont été respectées à
l'échelon cantonal serait tout simplement soustrait au contrôle du
Tribunal
fédéral dès l'instant où l'autorité attaquée aurait dénié - le cas
échéant à
tort - la qualité de partie à un justiciable.

1.3 Le Département conclut néanmoins à l'irrecevabilité du recours de
droit
public en tant qu'il porte sur le premier arrêt rendu par le Tribunal
administratif le 27 mars 2001, au motif que le délai de recours de
trente
jours prévu à l'art. 89 al. 1 OJ pour saisir le Tribunal fédéral
n'aurait pas
été respecté. A cette objection,

les recourants opposent que cet arrêt s'apparente à une décision
incidente
susceptible d'être attaquée avec la décision finale - et donc dans le
même
délai que celle-ci -, conformément à ce que prévoit l'art. 87 al. 3
OJ.

S'il est exact que l'arrêt du 27 mars 2001 ne mettait, comme tel, pas
fin à
la procédure engagée devant la Commission, il n'en demeure pas moins
qu'il
emportait pour les recourants des effets comparables à une décision
finale,
dans la mesure où il leur déniait la qualité de partie à la procédure
et tous
les droits qui y sont attachés. La question se pose donc de savoir si
les
recourants n'auraient pas dû considérer l'arrêt précité comme une
décision
finale et l'attaquer dans le délai de trente jours dès sa
communication, sans
attendre que le Département ne se fût prononcé sur le fond de
l'affaire.
Point n'est cependant besoin de trancher cette question, car l'arrêt
du 27
mars 2001 retient, comme motif d'irrecevabilité, le même que celui
ayant
conduit le Tribunal administratif à déclarer ultérieurement
irrecevable, dans
son arrêt du 8 mai 2001 - qui est lui aussi attaqué dans le cadre de
la
présente procédure -, le recours formé par les recourants contre la
décision
du Département du 7 février 2001. Or, ce dernier arrêt a bien été
entrepris
dans le délai de trente jours prévu à l'art. 89 OJ et les griefs des
recourants, dirigés indifféremment contre l'un et l'autre des arrêts
attaqués
sont, comme on le verra, en tous points mal fondés.

2.
2.1En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à
peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous
points
conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de
renvoyer
aux actes cantonaux (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid.
4a p.
30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318). En outre, dans un recours pour
arbitraire
fondé sur l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.), l'intéressé ne peut se
contenter
de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure
d'appel où
l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit.
Il doit
préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun
motif
sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait
gravement le
sens de la justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la
jurisprudence
citée).

C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les
moyens
soulevés par les recourants.

2.2 Déposées après l'échéance du délai de recours prévu à l'art. 89
OJ sans
qu'un second échange d'écritures au sens de l'art. 93 al. 3 OJ ait été
ordonné, les observations des recourants du 27 novembre 2001 ne
peuvent être
prises en considération (cf. ATF 108 Ia 140 consid. 5b p. 143).

3.
Rendus les 27 mars et 8 mai 2001, les arrêts attaqués doivent être
examinés à
la lumière de la loi genevoise du 16 septembre 1983 sur l'exercice des
professions de la santé, les établissements médicaux et diverses
entreprises
du domaine médical (ci-après: LPS ou loi cantonale sur l'exercice des
professions de la santé), qui a été remplacée dès le 1er septembre
2001 par
une nouvelle loi du 11 mai 2001 enregistrée sous le même intitulé que
l'ancienne (ci-après: nLPS ou nouvelle loi cantonale sur l'exercice
des
professions de la santé).

3.1 La Commission tire son existence et trouve son fondement légal au
chapitre II de la loi cantonale sur l'exercice des professions de la
santé
(art. 11 à 14 LPS; cf. chapitre VII de la nouvelle loi cantonale sur
l'exercice des professions de la santé). Adjointe au Département,
elle est
avant tout une commission consultative (art. 11 al. 1 LPS; cf. art.
103 al. 1
nLPS), même si elle dispose également de manière occasionnelle d'un
pouvoir
décisionnel (cf. art. 13 al. 7 LPS; cf. art. 105 al. 7 nLPS). Elle
connaît,
en particulier, de toutes les questions qui intéressent l'exercice, à
titre
privé, des professions de la santé (cf. art. 13 al. 1 1ère phrase en
relation
avec l'art. 1er LPS; cf. art. 105 al. 1 en relation avec l'art. 3
chiffres 1
et 3 nLPS). Pouvant être saisie par le Département, par l'un de ses
propres
membres, par des praticiens de ces professions ou par des
particuliers (art.
13 al. 1 2ème phrase LPS; cf. art. 105 al. 1 2ème phrase nLPS), elle
est
notamment chargée d'examiner les questions relatives à l'exécution de
la loi
cantonale sur l'exercice des professions de la santé et de ses
règlements
d'exécution (art. 13 al. 2 LPS; cf. art. 105 al. 2 nLPS). Elle
transmet ses
préavis au Département (art. 13 al. 6 LPS; cf. art. 105 al. 6 nLPS).
Un
règlement particulier détermine son fonctionnement et son champ

d'activité
(art. 13 al. 8 LPS; cf. art. 105 al. 8 nLPS).

Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil d'Etat a
édicté le
règlement du 9 novembre 1983 relatif à la surveillance des
professions de la
santé (ci-après: le règlement cantonal) dont l'art. 6, qui traite de
la
procédure à suivre devant la Commission, a la teneur suivante:
«1 Les requêtes sont adressées par écrit à la commission.

2 Le secrétariat du département constitue le dossier de l'affaire.
Pour ce
faire, il demande aux parties de fournir toutes les explications
qu'il juge
nécessaires et leur communique les écritures respectives.

3 Le secrétariat peut requérir des avis de tiers. Ils sont
communiqués aux
parties sauf si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants
s'y
opposent.

4 Quand le dossier est constitué, les écritures des parties, les avis
de
tiers et autres pièces présentant un intérêt, sont communiqués aux
membres de
la sous-commission compétente en vertu de l'art. 4.

5 Les sous-commissions peuvent compléter le dossier, ordonner des
auditions.
Dans ce cas, elles entendent en tout cas les parties au litige. Elles
peuvent
également entendre d'autres personnes de leur choix.

6 Les convocations en vue d'auditions doivent parvenir à leur
destinataire au
plus tard 3 jours ouvrables avant la date prévue pour la séance de la
sous-commission. Les parties et les témoins éventuels sont convoqués
par
écrit.

7 Les dépositions et les propos tenus devant les sous-commissions par
les
personnes entendues font l'objet d'un procès-verbal dicté en présence
des
personnes interrogées. Les auditions ont lieu à huis clos.

8 Les sous-commissions concluent leurs délibérations par un projet de
préavis
destiné à la commission. Cette dernière statue en se fondant sur ce
projet.

9 Il est fait mention au procès-verbal de la séance du préavis de la
commission dans chaque cas.

10 La décision du département ou du Conseil d'Etat est rédigée de
façon
détaillée et doit être motivée en fait et en droit; elle doit
mentionner les
voies et délais de recours, si des sanctions sont prises. Elle est
communiquée aux parties et à toute autre personne physique ou morale
que la
commission ou le département juge utile d'informer en raison de la
nature du
dossier.

11 Pour le surplus, il est procédé conformément aux dispositions de
la loi
sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985. »
3.2Se fondant sur l'art. 6 précité du règlement cantonal, les
recourants
relèvent que le terme "parties" y est systématiquement utilisé au
pluriel;
ils notent par ailleurs que le règlement n'exclut pas que "la qualité
de
partie puisse être attribuée au patient plaignant ou à ses héritiers
comme
c'est le cas en l'espèce". Ils en infèrent que les premiers juges ont
interprété de manière arbitraire cette disposition réglementaire en
leur
déniant la qualité de partie.

Vu son caractère essentiellement appellatoire - la démonstration que
l'interprétation des premiers juges serait arbitraire n'étant pas
véritablement apportée -, il est douteux que cette argumentation
satisfasse
aux exigences de motivation déduites de l'art. 90 al. 1 OJ (cf. supra
consid.
2.1). Peu importe toutefois, car elle est de toute façon mal fondée.

3.3 Dans un arrêt L. du 15 juin 1990 (cause 2P.12/1990), le Tribunal
fédéral
s'est déjà exprimé, comme le relèvent les recourants, au sujet de la
qualité
de partie d'une patiente qui avait saisi la Commission d'une plainte
portée
contre son médecin. S'agissant de l'interprétation de l'art. 6 RCPS,
plus
particulièrement des liens entre cette norme réglementaire et les
dispositions de loi cantonale de procédure administrative (désignée
ci-après
dans le texte: CPA), la Cour de céans avait considéré ce qui suit:
« Selon l'art. 3 CPA, une dérogation au code de procédure
administrative
n'est possible que si des dispositions spéciales de procédures sont
instituées par d'autres lois cantonales. Or, tel n'est pas le cas en
l'espèce. On ne peut en effet déduire des art. 13 al. 7 LPS et 6 RCPS
que la
notion de partie aurait une portée différente de celle figurant à
l'art. 7
CPA, lorsqu'il s'agirait d'une procédure devant la Commission de
surveillance
des professions de la santé. L'art. 6 RCPS n'a pas pour objet de
régler la
qualité de partie, mais uniquement de fixer les modalités de la
procédure.
Cela découle déjà clairement de la clause de délégation législative
contenue
à l'art. 13 al. 7 LPS. En outre, le texte manquerait singulièrement de
précision pour pouvoir déroger à l'art. 7 CPA, lequel contient une
définition
précise de la notion de partie. Enfin, l'argument selon lequel il est
possible de déduire de l'art. 6 RCPS la qualité pour agir de la
recourante au
motif que le terme « partie » y est employé au pluriel ne résiste pas
à
l'examen. En effet, la Commission de surveillance a de nombreuses
tâches, qui
ne se limitent pas aux relations entre médecins et patients. Le fait
qu'il
puisse y avoir plusieurs parties à la procédure n'est dès lors d'aucun
secours pour déterminer si un patient a la qualité de partie. Pour ces
raisons, il apparaît manifestement que l'autorité cantonale n'a pas
commis
d'arbitraire en choisissant d'appliquer l'art. 7 CPA, ce d'autant
plus que
l'art. 6 RCPS lui-même renvoie pour le surplus aux dispositions de la
CPA. »
Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la clause de
délégation
législative à laquelle il est fait référence dans l'extrait d'arrêt
précité
(art. 13 al. 7 LPS dans sa version en vigueur jusqu'au 10 novembre
1995), n'a
pas été supprimée. Elle a tout simplement été transposée, sans subir
de
modification, à l'art. 13 al. 8 LPS (cf. Recueil authentique des lois
et
actes du gouvernement de la République et canton de Genève, 1995 p.
388 ss).
Comme dans son ancienne version, cette disposition prévoit ainsi
toujours que
le règlement cantonal ne fait que déterminer "le fonctionnement et le
champ
d'activité de la Commission". Par conséquent, c'est de manière
erronée que,
se fondant sur une prétendue suppression de la clause de délégation
législative anciennement contenue à l'art. 13 al. 7 LPS, les
recourants font
valoir que l'art. 6 du règlement cantonal aurait désormais une portée
indépendante par rapport à l'art. 7 LPA en ce qui concerne la
définition de
la qualité de partie à la procédure.

Quant à l'utilisation répétée, à l'art. 6 du règlement cantonal, du
terme
"partie" orthographié au pluriel, il suffit de renvoyer aux
considérations
émises par la Cour de céans dans l'arrêt précité L. du 15 juin 1990,
les
recourants n'apportant aucun élément sérieux susceptible de les
remettre en
question. On ajoutera également, comme le fait remarquer le
Département,
qu'un patient peut - dans certaines situations qui diffèrent du
présent cas
-, être partie à une procédure disciplinaire ouverte contre un
médecin (cf.
infra consid. 3.4), de sorte que, pour ce motif également, l'usage du
pluriel
à l'art. 6 du règlement cantonal pour désigner le terme de "partie"
n'implique pas forcément que cette qualité doive être reconnue à tout
patient
(ou tiers dénonciateur) qui saisit la Commission d'une plainte.

3.4 C'est également en vain que les recourants se réfèrent à l'arrêt
D. du 2
décembre 1987 (P.817/1987).

Dans cette affaire, le Tribunal fédéral avait annulé une disposition
de
l'ancien règlement du 6 mai 1987 relatif à la commission de
surveillance des
activités médicales prévoyant que "les parties et les autres
personnes sont
entendues séparément sous réserve d'une confrontation ordonnée par la
sous-commission". Il est vrai que cette solution était notamment
motivée par
le fait que le Tribunal fédéral considérait comme contraire à l'art.
42 al. 1
LPA l'interrogatoire séparé des parties et qu'il ne voyait pas en quoi
"l'audition d'un patient en présence de son ancien médecin ou
l'audition d'un
médecin en présence de son ancien patient créerait une situation si
malaisée
qu'elle doive être généralement exclue devant la Commission" (cf.
consid. 4
de l'arrêt précité D. du 2 décembre 1987). Cela ne signifie toutefois
nullement que le Tribunal fédéral aurait reconnu de manière générale,
dans
les procédures disciplinaires mettant en cause des médecins, la
qualité de
partie à tout plaignant ou tiers dénonciateur; il n'a d'ailleurs pas
manqué,
dans le même arrêt (cf. consid. 5a), de préciser qu'il "serait
inadmissible
que tout dénonciateur doive recevoir la réponse de la personne visée
(le
médecin), contenant des renseignements confidentiels sur des
patients", avant de conclure que "la Commission devra interpréter la
notion
de partie à la procédure (et) réserver cette qualité aux personnes
suffisamment concernées par l'affaire".

On peut donc tout au plus inférer de la motivation de l'arrêt précité
D. du 2
décembre 1987 que, dans les procédures où le plaignant revêt
effectivement la
qualité de partie à la procédure, son audition ne doit pas se faire
séparément de celle du médecin, conformément à l'art. 42 al. 1 LPA.
Il peut
en effet parfaitement se présenter des situations où le patient a le
droit,
comme plaignant, de participer à la procédure disciplinaire ouverte
contre
son médecin, notamment lorsqu'il s'estime victime d'une violation des
droits
que lui confère la loi genevoise du 6 décembre 1987 concernant les
rapports
entre membres des professions de la santé et patients (cf. art. 10
al. 1 et 4
de cette loi, en relation avec l'art. 7 al. 2 LPA). Tel n'est
toutefois pas
le cas des recourants, qui ne se plaignent d'ailleurs pas que de tels
droits
auraient été violés.

3.5 C'est donc sans arbitraire que le Tribunal administratif a
considéré que
les recourants ne pouvaient pas exciper de l'art. 6 du règlement
cantonal la
qualité de partie à la procédure et que cette question devait
s'examiner
d'après l'art. 7 LPA qui définit de manière générale, en procédure
administrative genevoise, les personnes revêtant une telle qualité,
tant en
procédure non contentieuse (al. 1) qu'en procédure contentieuse (al.
2). Il
est d'ailleurs d'autant moins arbitraire de reprendre cette
définition que
l'art. 6 al. 11 du règlement cantonal commande expressément
d'appliquer
devant la Commission, du moins à titre subsidiaire, les dispositions
de la
loi cantonale sur la procédure administrative.

Pour le surplus, les recourants ne contestent pas que, considérée sous
l'angle de l'art. 7 LPA, la qualité de partie à la procédure doive,
comme l'a
jugé le Tribunal administratif, leur être déniée.

3.6 Les recourants reprochent en revanche aux premiers juges une
application
arbitraire de l'art. 60 lettre b LPA qui reconnaît la qualité pour
recourir,
en instance cantonale, à "toute personne qui est touchée directement
par une
décision et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit
annulée ou
modifiée". A leur sens, on ne saurait interpréter autrement cette
disposition
qu'en leur reconnaissant la qualité pour recourir devant le Tribunal
administratif, sauf à consacrer un "résultat manifestement choquant et
insoutenable".

En considérant que le dénonciateur ne peut pas se prévaloir d'un
intérêt
digne de protection car "il n'est pas en relation directe avec
l'objet de la
contestation", et en lui refusant pour ce motif le droit de recourir
contre
la décision de classement (arrêt attaqué du 27 mars 2001, consid.
4-6; dans
le même sens, arrêt attaqué du 8 mai 2001, consid. 3), le Tribunal
administratif n'a finalement rien fait d'autre qu'adopter une
solution qui
correspond à la pratique constante du Tribunal fédéral développée à
propos de
la qualité pour agir, par la voie du recours de droit public, du
dénonciateur
(cf. supra consid. 1.1; sur l'évolution, parfois fluctuante, de la
jurisprudence de l'autorité intimée sur cette question, cf. Valérie
Montani/Catherine Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif
relative
au droit disciplinaire, RDAF 1996 p. 345 ss, 352 ss). On ne saurait
donc dire
que l'interprétation des premiers juges conduit à un résultat
arbitraire (cf.
arrêt non publié S. du 5 mars 2001 [2P.308/2000]).

4.
Les recourants soulèvent également le grief de violation du droit à un
tribunal indépendant et impartial garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH, en
faisant valoir que le chef du Département de l'action sociale et de
la santé,
qui a signé la décision de classement du 7 février 2001, est également
président du conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de
Genève
(HUG).

Ce moyen méconnaît la portée de l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette
disposition ne
vise en effet pas à assurer de manière générale l'accès à un tribunal
indépendant et impartial, mais seulement lorsqu'il s'agit de décider,
soit
sur des contestations portant sur des droits ou obligations de
caractère
civil, soit sur le bien-fondé d'une accusation pénale. Or, en leur
qualité de
dénonciateurs, les recourants n'encourent aucune sanction pénale
(voire
sanction administrative qui serait assimilable à une sanction pénale;
cf. ATF
126 I 228 consid. 2a/aa). Par ailleurs, en tant que telle, la
décision de
classement ne leur est pas préjudiciable, en ce sens qu'elle ne les
empêche
pas de faire valoir en justice leurs prétentions contre le professeur
S.________ dans le cadre de l'action civile qu'ils lui ont intentée
(voire
dans le cadre de la procédure pénale qui a été ouverte suite à leur
plainte),
vu le caractère
distinct et indépendant de ces procédures; en d'autres
termes, ils ne sont pas touchés dans leurs droits ou obligations de
caractère
civil comme le serait, le cas échéant, le médecin mis en cause si une
sanction était prononcée à son égard (cf. art. 6 al. 10 première
phrase du
règlement cantonal qui prévoit la possibilité de recourir contre une
sanction; cf. Robert Zimmermann, Les sanctions disciplinaires et
administratives au regard de l'art. 6 CEDH, RDAF 1994, p. 335 ss, 348
ss).

Il s'ensuit que l'art. 6 par. 1 CEDH ne saurait conférer aux
recourants, en
leur qualité de dénonciateurs, le droit de participer à la procédure
disciplinaire (cf. ATF 124 IV 234 consid. 2b; Gabriel Boinay, eod.
Loc.).

5.
Invoquant les art. 10 et 13 Cst. et 2 et 8 par. 1 CEDH, les recourants
soutiennent encore que la proche famille d'une personne décédée à la
suite
d'une erreur médicale doit être autorisée à recourir contre la
décision de
classement d'une procédure disciplinaire ouverte contre le médecin
mis en
cause, sans quoi cela "reviendrait à mettre en doute l'unité
familiale et
l'existence même de cette dernière en tant que noyau social
juridiquement
protégé". Il est douteux que ce grief, sommairement motivé et allégué
de
manière toute générale, soit recevable sous l'angle de l'art. 90 al.
1 OJ.
Quoi qu'il en soit, l'argumentation des recourants tombe à faux.

Le refus qui leur a été opposé porte en effet seulement sur leur
qualité de
partie et leur droit de recourir dans le seul cadre de la procédure
disciplinaire ouverte contre le professeur S.________; il ne préjuge
en
revanche pas, comme cela a déjà été dit (supra consid. 4), de leur
qualité de
partie et des droits en découlant dans d'autres procédures. Les
recourants
ont d'ailleurs saisi les instances civiles et pénales compétentes
afin de
faire judiciairement constater les erreurs qu'ils reprochent au
professeur
S.________ et d'obtenir réparation. Le fait qu'ils aient été privés
du droit
de participer à la procédure disciplinaire n'est donc pas de nature à
porter
atteinte aux garanties que leur reconnaissent les normes
constitutionnelles
et conventionnelles invoquées. Le moyen est mal fondé.

6.
En tous points mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure
où il
est recevable.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires
(art. 156
al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al.
1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Département de l'action sociale et de la santé et au Tribunal
administratif
du canton de Genève.

Lausanne, le 5 février 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.167/2001
Date de la décision : 05/02/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-05;2p.167.2001 ?
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