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04/02/2002 | SUISSE | N°5C.312/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 février 2002, 5C.312/2001


«/2»
5C.312/2001

IIe C O U R C I V I L E
*************************

4 février 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Escher et
M. Meyer, juges. Greffier: M. Ponti.

Dans la cause civile pendante
entre

1. B.H.________,
2. W.H.________,
3. N.H.________,

défendeurs et recourants, tous trois représentés par Me
Pierre-André Oberson, avocat à Lausanne,

et

Les époux X.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Denis Bettems, avocat à L

ausanne;

(servitude de passage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.H.________ ...

«/2»
5C.312/2001

IIe C O U R C I V I L E
*************************

4 février 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Escher et
M. Meyer, juges. Greffier: M. Ponti.

Dans la cause civile pendante
entre

1. B.H.________,
2. W.H.________,
3. N.H.________,

défendeurs et recourants, tous trois représentés par Me
Pierre-André Oberson, avocat à Lausanne,

et

Les époux X.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Denis Bettems, avocat à Lausanne;

(servitude de passage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.H.________ est propriétaire de la parcelle
n° YYY du Registre foncier de Vevey, sise au chemin
Q.________ et d'une superficie de 373 m²; ses parents,
W.H.________ et N.H.________, en sont usufruitiers depuis
1982.

Les époux X.________ ont acquis le 5 juin 1996 la
parcelle voisine n° ZZZ, d'une superficie de 995 m², à la
suite du décès de l'ancien propriétaire, K.________. Deux
villas ont été construites au début du siècle sur chacun de
ces biens-fonds; la villa des époux X.________ a été l'objet
de travaux d'agrandissement en 1997.

La parcelle n° ZZZ ne jouxte aucune voie publique;
elle est le fonds dominant d'une servitude de passage pour
piétons grevant les parcelles n° YYY et n° HHH (propriété
F.________), inscrite le 13 octobre 1919 au Registre foncier
de Vevey sous le n° KKK. L'assiette de cette servitude,
d'une
largeur de deux mètres et d'une longueur d'environ seize mè-
tres, empiète de part et d'autre de la limite séparant la
parcelle n° YYY de la parcelle n° HHH. Le petit chemin pavé
qui mène à la parcelle n° ZZZ présente actuellement une lar-
geur d'environ 2,30 mètres et permet le passage d'une
voiture
automobile; son tracé déborde de l'assiette de la servitude
d'une quarantaine de centimètres sur la propriété
H.________.

B.- Par courrier du 25 mai 1996, N.________ et
W.H.________ ont fait parvenir aux nouveaux propriétaires de
la parcelle n° ZZZ la communication suivante :

"Nous sommes usufruitiers de la parcelle YYY à
Vevey et notre fils B.________ en est propriétaire.
Les habitants précédents de la villa "W.________"

(parcelle YYY) en tant que propriétaires ou usu-
fruitiers ont anciennement autorisé, à bien plaire,
Mme et M. K.________ (décédés) et leurs visiteurs,
à utiliser avec véhicules le petit chemin sans nom
reliant le Chemin Q.________ à la propriété
K.________ (parcelle ZZZ).

Vu les circonstances actuelles nous nous permettons
de vous signaler que le dit petit chemin est enre-
gistré au Registre foncier de Vevey uniquement
comme "Passage pour piétons (larg. 2 m)" et que
nous tenons au respect de la réglementation en
cours."

Un litige au sujet de l'utilisation de la servitude
a par la suite opposé les propriétaires du fonds dominant à
la famille H.________, qui s'opposait à tout passage de véhi-
cules sur le petit chemin en question.

C.- Le 13 janvier 1997, les époux X.________ ont
introduit une action tendant à l'inscription au Registre fon-
cier - en complément à la servitude de passage pour piétons
n° KKK - d'une servitude de passage pour tous véhicules,
moyennant paiement préalable aux propriétaires du fonds ser-
vant d'une indemnité fixée à dire de justice.

B.________, W.________ et N.H.________ ont conclu au
rejet de cette action et, subsidiairement, à ce que les de-
mandeurs soient condamnés au paiement d'une somme de 100'000
fr., correspondant selon eux à la moins-value de leur par-
celle causée par la modification de la servitude.

Par jugement du 10 mai 2000, le Tribunal de district
de Vevey a admis l'action et ordonné au Registre foncier de
Vevey d'inscrire une modification de la servitude dans le
sens des conclusions des demandeurs, moyennant le paiement
aux propriétaires du fonds servant d'une somme de 17'450 fr.
Le Tribunal a constaté que la parcelle des demandeurs
n'avait
pas d'autre accès sur la voie publique que la servitude de

passage pour piétons grevant (partiellement) le fonds des
défendeurs, et que l'accès en voiture était non seulement
possible, mais déjà praticable à cet endroit; il a estimé
qu'on ne pouvait dès lors pas exiger des demandeurs qu'ils
laissent leur voiture sur les places de parc de la rue et
qu'ils gagnent leur maison à pied, d'autant plus que les
inconvénients qu'entraîne le passage de véhicules seraient
tout à fait supportables pour les défendeurs.

D.- Le 26 octobre 2000, les défendeurs ont recouru
contre ce jugement auprès de la Chambre des recours du Tribu-
nal cantonal du canton de Vaud. Ils concluaient d'une part à
sa nullité et d'autre part à sa réforme, principalement en
ce
sens que l'inscription de la servitude de passage pour tout
véhicule soit refusée et, subsidiairement, qu'une indemnité
compensatoire de 100'000 fr. leur soit due.

Les demandeurs ont conclu, avec suite de frais et
dépens, au rejet du recours et à la réforme du jugement atta-
qué en ce sens que l'indemnité compensatoire due aux défen-
deurs soit réduite de 17'450 fr. à 10'000 fr.

Par arrêt du 1er novembre 2001, la Chambre des re-
cours a rejeté tant le recours des demandeurs que celui des
défendeurs. Elle a jugé que les conditions posées par la loi
pour obtenir un droit de passage illimité étaient remplies
en
l'espèce et que l'extension de la servitude existante aux
véhicules était donc justifiée. Elle a par ailleurs confirmé
le montant de l'indemnité allouée aux propriétaires du fonds
servant par les juges de première instance.

E.- B.________, W.________ et N.H.________ recourent
en réforme au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Invoquant
une violation des articles 694 et 739 CC, ainsi qu'un abus
de
droit (art. 2 CC), ils concluent à l'annulation de l'arrêt

attaqué et à ce que la modification de la servitude n° KKK
du
Registre foncier de Vevey en servitude de passage pour pié-
tons et tous véhicules soit refusée.

Les demandeurs n'ont pas été invités à se déterminer
sur le recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- En l'espèce, la contestation porte sur la modi-
fication d'un passage nécessaire au sens de l'art. 694 CC, à
savoir sur un droit de nature pécuniaire autre que ceux men-
tionnés à l'art. 45 OJ (ATF 92 II 62 consid. 3-5; 80 II 311
ss). Le recours en réforme n'est donc recevable que si les
droits contestés dans la dernière instance cantonale attei-
gnent au moins 8000 fr. (art. 46 OJ), ce qui est manifeste-
ment le cas en l'espèce. Par ailleurs, le recours a été in-
terjeté en temps utile contre une décision prise en dernière
instance cantonale. Le recours en réforme est par conséquent
recevable au regard des articles 43 al. 1, 46, 48 al. 1 et
54
al. 1 OJ.

2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral doit mener son raisonnement sur la base des faits con-
tenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y
ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les constatations de l'autorité cantonale parce
que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulière-
ment allégués et prouvés (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid.
2c et les arrêts cités). Hormis ces exceptions, que le recou-
rant doit invoquer expressément (ATF 115 II 399 consid. 2a
p.
400), il ne peut être présenté de griefs contre les constata-
tions de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux

(art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans la mesure où les recourants
s'écartent des constatations de fait de l'arrêt attaqué ou
les modifient sans pouvoir se prévaloir de l'une des excep-
tions mentionnées ci-dessus, leurs critiques sont donc irre-
cevables.

3.- Les recourants reprochent en premier lieu à
l'autorité cantonale d'avoir enfreint l'art. 694 al. 1 CC,
pour avoir admis la réalisation des conditions pouvant justi-
fier l'octroi d'un droit de passage nécessaire illimité.

a) Aux termes de cette disposition, le propriétaire
qui n'a qu'une issue insuffisante sur la voie publique peut
exiger de ses voisins le passage nécessaire, moyennant
pleine
indemnité. Dans une jurisprudence constante, le Tribunal
fédéral a fait dépendre l'octroi d'un passage nécessaire de
conditions très strictes. De la genèse de l'art. 694 CC, il
a
déduit que le droit de passage - fondé sur le droit de voisi-
nage - ne peut être invoqué qu'en cas de véritable
nécessité:
une simple amélioration d'une voie d'accès existante ou la
convenance personnelle du propriétaire ne fondent pas le
droit au passage nécessaire (ATF 120 II 185 consid. 2a; 110
II 125 consid. 4; 107 II 323 consid. 3; 105 II 178 consid.
3b; 93 II 167 consid. 2; 85 II 392 consid. 2; 80 II 311 con-
sid. 2 p. 317; Heinz Rey, Grundlagen des Sachenrechts und
das
Eigentum, 2e éd., Berne 2000, n. 1170 p. 284). Une issue est
réputée insuffisante lorsqu'une utilisation ou une exploita-
tion conforme à la destination du fonds exige un accès à la
voie publique et que cet accès soit fait complètement
défaut,
soit ne correspond pas aux besoins actuels du fonds; en prin-
cipe, s'agissant de fonds déjà construits situés dans la
zone
à bâtir, un passage n'est considéré comme suffisant que s'il
peut être emprunté par des véhicules à moteur (ATF 120 II
185
consid. 2e et 3; 107 II 323 consid. 2; 101 II 314 consid. 3;
93 II 167 consid. 2; Meier-Hayoz, Commentaire bernois, Berne
1975, n. 50 ad art. 694 CC, p. 386; Steinauer, Les droits

réels, tome II, 2e éd., Berne 1994, n. 1863 et 1863a, p.
161).

b) La cour cantonale a constaté, d'une manière qui
lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al.
2
OJ), que la parcelle des demandeurs est enclavée et que,
actuellement, son seul accès sur la voie publique consiste
en
la servitude de passage pour piétons qui grève partiellement
la propriété des défendeurs. Les juges cantonaux ont ensuite
considéré que, s'agissant d'un bien-fonds déjà bâti situé en
pleine zone de villas, un passage limité aux seuls piétons
ne
correspondait plus aux besoins actuels du fonds dominant,
qui
était par ailleurs utilisé conformément à sa destination
(maison d'habitation familiale); enfin, quant aux possibili-
tés de parquer ailleurs la voiture des demandeurs, la cour
cantonale a constaté que les places disponibles les plus
proches étaient situées au chemin P.________, à 140 mètres
de
l'habitation des demandeurs, et qu'on ne pouvait exiger -
compte tenu des conceptions actuelles - de ces derniers un
tel sacrifice. Ils en ont donc conclu que les conditions de
l'art. 694 al. 1 CC, permettant l'établissement d'un droit
de
passage nécessaire pour véhicules, étaient réunies en
espèce.

c) L'argumentation des recourants repose d'une part
sur le fait que, lorsque les intimés ont fait l'acquisition
de leur parcelle en 1996, celle-ci disposait en réalité de
deux accès pour piétons sur la voie publique (la servitude

KKK, ici litigieuse, et la servitude n° JJJ, grevant les par-
celles nos TTT et UUU), et, d'autre part, sur le fait que
l'assiette actuelle de la servitude n° KKK offre déjà un es-
pace suffisant au passage des véhicules à moteur.

Le premier argument, qui repose sur des prémisses
s'écartant de manière irrecevable des constatations de fait
de l'autorité cantonale, ne peut être suivi: la cour cantona-
le a en effet constaté que non seulement l'ancienne
servitude

n° JJJ (aujourd'hui radiée) était beaucoup plus longue que
la
servitude litigieuse, mais aussi que le passage pour piétons
n'existait pratiquement plus à cet endroit et que la cons-
truction d'une voie carrossable "ex-novo" sur son tracé - à
cause de la morphologie du terrain - engendrerait des coûts
très élevés, exorbitants par rapport aux nécessités des pro-
priétaires du fonds dominant, ainsi que des sacrifices dis-
proportionnés de la part des propriétaires des fonds ser-
vants.

Par le second argument, consistant à prétendre que
la parcelle des demandeurs dispose déjà d'un accès suffisant
pour des véhicules à moteur, les recourants confondent une
fois de plus les constatations de fait avec les questions de
droit. Il est en effet constant qu'il est actuellement possi-
ble d'emprunter avec une voiture le petit chemin qui relie
la
propriété des intimés à la voie publique; en l'occurrence,
l'objet du litige est le fondement juridique de la servitude
de passage, en particulier son contenu et son étendue, et
non
pas la question (de fait) de la configuration de l'accès.

Dans ces circonstances, on ne voit pas que le Tribu-
nal cantonal ait abusé de son pouvoir d'appréciation en con-
sidérant que toutes les conditions pour l'établissement d'un
passage nécessaire illimité étaient réunies en l'espèce; la
cour cantonale a donc fait une application correcte de
l'art.
694 al. 1 CC et des règles y relatives posées par la juris-
prudence.

4.- Les recourants soutiennent en outre que l'arrêt
entrepris violerait les alinéas 2 et 3 de l'art. 694 CC.

a) Selon l'art. 694 al. 2 CC, le droit de passage
nécessaire s'exerce en premier lieu contre le voisin à qui
le
passage peut être le plus naturellement réclamé en raison de
l'état antérieur des propriétés et des voies d'accès, et, au

besoin, contre celui sur le fonds duquel le passage est
moins
dommageable. Le juge, qui doit prendre en compte les
intérêts
des deux parties (art. 694 al. 3 CC), doit en outre choisir
le passage qui présente le moins d'inconvénients pour le
propriétaire tenu de l'accorder et
non, en principe, celui
qui est le plus favorable à l'ayant droit (ATF 86 II 235, p.
240/241; Steinauer, op. cit., n. 1865 et 1865a, p. 162/163).

b) Les moyens soulevés par les recourants sont en
grande partie irrecevables, dans la mesure où ils s'écartent
des constatations de fait de l'autorité cantonale. Certes,
les recourants reprochent à la Chambre des recours d'avoir
négligé le fait qu'il existait des tracés alternatifs à la
servitude litigieuse, en particulier l'ancienne servitude
pour piétons n° JJJ, et que leurs intérêts en tant que pro-
priétaires d'une parcelle très exiguë n'ont pas été pris
suffisamment en compte. Ces griefs sont toutefois en grande
partie irrecevables, car ils concernent l'appréciation des
preuves effectuée par l'autorité cantonale, laquelle a consi-
déré la servitude existante comme la moins dommageable,
ainsi
que la plus logique et la plus raisonnable, sur la base des
rapports d'expertise et après avoir effectué une visite des
lieux.

Quoi qu'il en soit, ces critiques sont dénuées de
pertinence: il ressort en effet de l'arrêt attaqué que la
cour cantonale a estimé, en procédant à une pesée des inté-
rêts de toutes les parties intéressées (art. 694 al. 3 CC),
que le passage de véhicules sur l'assiette de la servitude
n° KKK était la solution la plus naturelle et la moins domma-
geable (art. 694 al. 2 CC), compte tenu d'une part des frais
excessifs causés par une éventuelle création d'une voie car-
rossable sur le tracé de l'ancienne servitude n° JJJ, et,
d'autre part, des préjudices relativement mineurs apportés
par la solution choisie aux propriétaires du fonds grevé
(déplacement peu coûteux d'un barbecue; perte d'environ 7 m²

de terrain sur une superficie totale du fonds de 373 m²).

Il s'ensuit que les griefs soulevés par les recou-
rants sur ces points doivent être écartés dans la mesure où
ils sont recevables.

5.- Les recourants invoquent ensuite une violation
de l'art. 739 CC, dans la mesure où la cour cantonale aurait
admis une requête des intimés qui constitue une aggravation
manifeste et intolérable de la servitude de passage pour
piétons inscrite au Registre foncier.

a) Selon l'art. 739 CC, les besoins nouveaux du
fonds dominant n'entraînent aucune aggravation de la servitu-
de. Par aggravation au sens de cette disposition, il faut
entendre une augmentation notable de la charge résultant de
la servitude (ATF 94 II 145 consid. 6-7 et les auteurs ci-
tés); des charges insignifiantes ne constituent pas en effet
une aggravation de la servitude (ATF 122 III 358 consid. 2,
100 II 105 consid. 3c p. 118). La question de savoir si une
aggravation de la servitude est importante et, partant, inad-
missible au regard de l'art. 739 CC doit se juger selon des
critères objectifs; il faut partir de l'intérêt que la servi-
tude avait pour le fonds dominant lors de sa constitution et
comparer cet intérêt à l'intérêt actuel, qui doit être déter-
miné sur la base de données objectives: il ne faut pas pren-
dre en considération les besoins individuels, les goûts et
les humeurs de l'ayant droit, mais l'utilité que la
servitude
a pour le fonds dominant (ATF 100 II 105 p. 118).

b) Toutefois, l'art. 739 CC n'est pas applicable
dans les cas ayant pour objet l'établissement d'un droit de
passage nécessaire au sens de l'art. 694 CC: il s'agit là
d'une des rares exceptions au principe de l'interdiction de
l'aggravation de la charge prévu à l'art. 739 (Meier-Hayoz,
op. cit., n. 88 ad art. 694 CC, p. 397); ainsi, le proprié-

taire qui a droit au passage nécessaire peut l'obtenir sous
forme d'extension d'une servitude existante, sans que le
propriétaire grevé puisse se plaindre d'une aggravation de
la
servitude (ATF 93 II 167 consid. 4).

La cour cantonale, qui a considéré en l'espèce réu-
nir toutes les conditions posées par l'art. 694 CC pour
inscrire un droit de passage nécessaire illimité, et, par-
tant, déclaré inapplicable l'art. 739 CC, n'a donc pas violé
le droit fédéral.

6.- Les recourants se plaignent enfin d'un abus de
droit de la part des intimés. Ceux-ci auraient en effet ac-
quis leur parcelle en sachant à l'avance qu'on ne pouvait y
accéder que grâce à une servitude pour piétons, renoncé par
la suite à une autre servitude qui pourtant leur
garantissait
un accès à la voie publique et enfin demandé un
élargissement
de la première servitude pour obtenir un droit de passage
véhiculaire.

a) Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un
droit n'est pas protégé par la loi. Savoir s'il y a abus de
droit dépend de l'analyse des circonstances du cas concret
(ATF 121 III 60 consid. 3d; 111 II 242 consid. 2a). Il peut
y
avoir abus de droit, notamment, lorsqu'une institution juri-
dique est détournée de son but (ATF 122 II 134 consid. 7b,
289 consid. 2a; 122 III 321 consid. 4a), lorsqu'un justicia-
ble tend à obtenir un avantage exorbitant (ATF 123 III 200
consid. 2b p. 203), lorsque l'exercice d'un droit ne répond
à
aucun intérêt (ATF 123 III 200 consid. 2b p. 203), ou
encore,
à certaines conditions, lorsqu'une personne adopte un compor-
tement contradictoire ("venire contra factum proprium": cf.
ATF 125 III 257 consid. 2a; 123 III 70 consid. 3c p. 75, 220
consid. 4d p. 228; attitude complètement contradictoire: cf.
Merz, Commentaire bernois, n. 444 ss ad art. 2 CC).

b) La cour cantonale a d'abord relevé, en citant
l'ATF 93 II 167, que lorsqu'un propriétaire achète un bien-
fonds déjà construit, on ne saurait lui objecter qu'il a
créé
par sa faute un besoin d'accès. Elle a en outre considéré
que
la renonciation des demandeurs à la servitude n° JJJ ne pou-
vait pas être qualifiée d'abusive, du moment qu'il avait été
démontré que cette servitude - par ailleurs insuffisante -
ne
constituait pas une solution plus naturelle et moins domma-
geable par rapport à la servitude litigieuse (cf. consid. 4b
supra).

Ce raisonnement n'est pas critiquable. La jurispru-
dence considère en effet depuis longtemps - en tout cas de-
puis l'ATF 93 II 167, paru en 1965 - que pour un bien-fonds
déjà bâti situé en zone à bâtir, un passage limité aux seuls
piétons ne correspond plus aux besoins du fonds ni aux con-
ceptions actuelles du trafic. Quant au deuxième grief, rela-
tif à la renonciation à la servitude pour piétons n° JJJ, il
ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que
cette dernière était non seulement beaucoup plus longue que
celle litigieuse, mais aussi que le passage pour piétons
n'existait pratiquement plus à cet endroit et que l'éven-
tuelle construction d'un chemin carrossable sur son tracé
engendrerait des coûts très élevés pour les propriétaires du
fonds dominant, ainsi que des sacrifices disproportionnés de
la part des propriétaires des fonds servants (cf. consid. 3c
supra). À juste titre, la cour cantonale a ainsi estimé que
la radiation de cette servitude, acceptée par les
demandeurs,
ne démontrait pas une attitude abusive de leur part.

7.- En conclusion, le recours se révèle mal fondé en
tant qu'il est recevable et doit par conséquent être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité, ce qui entraîne la confir-
mation de l'arrêt attaqué. Les défendeurs, qui succombent,
supporteront les frais judiciaires, solidairement entre eux
(art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'al-

louer de dépens dès lors que les demandeurs n'ont pas été
invités à procéder et n'ont en conséquence pas assumé de
frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédé-
ral (art. 159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentai-
re de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, n.
2
ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme l'arrêt entrepris.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 3'000 fr., solidairement entre eux.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 février 2002
PIT/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.312/2001
Date de la décision : 04/02/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-04;5c.312.2001 ?
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