La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2002 | SUISSE | N°4C.277/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 février 2002, 4C.277/2001


«/2»

4C.277/2001
Ie C O U R C I V I L E
****************************

4 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Marc-André Nardin, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Philippe Schweizer, avocat à Neuchâtel;

(reconduction

tacite)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 18 décembre 1991, A.________ a conclu a...

«/2»

4C.277/2001
Ie C O U R C I V I L E
****************************

4 février 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Marc-André Nardin, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Philippe Schweizer, avocat à Neuchâtel;

(reconduction tacite)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 18 décembre 1991, A.________ a conclu avec
Y.________ SpA un contrat intitulé "Agency Agreement", qui
chargeait le premier de commercialiser au Koweït les
produits
de la société pharmaceutique. En cas de ventes à des organis-
mes publics koweïtiens, il était prévu que l'entreprise se-
rait elle-même la venderesse, alors que pour la clientèle
privée, A.________, en tant que représentant exclusif, pou-
vait conclure les contrats en son propre nom et pour son pro-
pre compte.

Les parties étaient convenues de soumettre le con-
trat au droit suisse, sauf pour les prétentions découlant
d'une résiliation en temps inopportun et sans motifs vala-
bles, qui devaient relever du droit koweïtien.

Il était prévu que les commandes non expédiées à
l'expiration du contrat seraient annulées sans
responsabilité
pour les parties.

Le contrat avait été conclu pour une durée de 3
ans, expressément sans possibilité de reconduction ou proro-
gation tacites. Les parties ont toutefois ultérieurement
adopté un addendum non daté qui leur réservait cette
faculté.

Par la suite, les droits et obligations de
Y.________ SpA ont été repris par X.________ S.A.

B.- Par lettre du 11 septembre 1994, A.________,
rappelant à sa partenaire que le contrat prendrait fin au 18
décembre 1994, a sollicité le renouvellement de celui-ci
pour
3 ans.

Par pli du 18 janvier 1995, le représentant de
X.________ S.A. a constaté que le contrat avait pris fin le
18 décembre 1994 et précisé que son courrier ne constituait
pas une approbation de la reconduction sollicitée; il a en
outre annoncé son intention de se rendre au Moyen-Orient au
mois de février 1995 pour discuter des plans et objectifs
envisagés pour l'année en cours.

Après une visite des locaux de A.________ au Koweït
le 15 février 1995, X.________ S.A. a estimé que les condi-
tions d'une poursuite de la collaboration entre les parties
n'étaient pas réunies; elle a fait savoir à son cocontrac-
tant, par lettre du 3 mars 1995, qu'elle excluait de recon-
duire la convention et que les relations contractuelles pren-
draient fin effectivement au 3 avril 1995.

C.- Estimant que le contrat avait été prolongé ta-
citement pour une année en application de l'art. 418p al. 2
CO et que la rupture des relations contractuelles lui avait
été préjudiciable, A.________ a assigné X.________ S.A. en
paiement de 709 018 fr.50 avec intérêts devant le Tribunal
cantonal neuchâtelois.

La défenderesse a admis devoir 51 600 US$ corres-
pondant à des commissions dues sur des marchandises livrées
jusqu'à la fin du contrat et a conclu au rejet de la demande
pour le reste.

Par arrêt du 2 juillet 2001, la Ie Cour civile du
Tribunal cantonal a donné acte à la défenderesse de ce qu'el-
le reconnaissait devoir 51 600 US$ et a rejeté la demande
pour le surplus.

D.- A.________ recourt en réforme au Tribunal fé-
déral contre le jugement du 2 juillet 2001. Invoquant une
violation des art. 18 et 418p CO, il conclut à l'annulation

de l'arrêt attaqué et à la condamnation de sa partie adverse
à lui payer la somme de 292 616 fr.45 avec intérêts à 5 %
dès le 5 avril 1995, subsidiairement au renvoi de la cause à
la cour cantonale.

L'intimée invite le Tribunal fédéral à déclarer le
recours irrecevable, et subsidiairement à le rejeter.

E.- Par ordonnance du 14 décembre 2001, le prési-
dent de la Ie Cour civile du Tribunal fédéral a invité le
recourant à déposer à la caisse du Tribunal fédéral la somme
de 14 000 fr. à titre de sûretés en garantie des dépens qui
pourraient être alloués à l'intimée pour les deux procédures
de recours. Ces sûretés ont été fournies en temps utile.

F.- Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a re-
jeté un recours de droit public formé parallèlement par le
recourant.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Des constatations cantonales sur le contenu
du contrat (cf. art. 63 al. 2 OJ), il résulte que les
parties
ont valablement choisi de soumettre leur convention au droit
suisse, en tout cas pour ce qui concerne sa conclusion et sa
reconduction (cf. art. 116 LDIP).

Il ressort également du jugement cantonal que les
parties se sont engagées pour une durée déterminée, puis
qu'elles ont réservé, par un addendum, la possibilité d'une
reconduction tacite. Elles n'ont en revanche pas prévu que
le
contrat devrait être considéré comme reconduit tacitement si
ni l'une ni l'autre ne manifestait la volonté d'y mettre fin
par une déclaration devant intervenir dans un certain délai

avant l'échéance. Les clauses contractuelles adoptées sont
parfaitement claires et il n'est pas besoin, à ce stade du
raisonnement, de se référer à l'art. 418p al. 2 CO.

Selon un principe général exprimé notamment à
l'art. 418p al. 1 CO, le contrat conclu pour une durée déter-
minée prend fin à l'expiration du temps prévu, sans qu'il
soit nécessaire de donner congé (Peter Gauch, "Stillschwei-
gende Erneuerung" des Mietvertrags, in Festgabe Henri
Deschenaux, Fribourg 1977, p. 363).

La question litigieuse est de savoir si les par-
ties, à l'échéance, ont tacitement prolongé leur contrat,
comme le permet expressément l'addendum (et ainsi que l'au-
torise également, à titre dispositif, l'art. 418p al. 2 CO;
sur la notion de tacite reconduction: cf. Gauch/Schluep/
Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht, 7ème éd.,
Allgemeiner Teil I, n° 482; Tercier, Les contrats spéciaux,
2ème éd., n° 1800; Higi, Commentaire zurichois, n° 41 ad
art.
266 CO; Gauch, op. cit., p. 367s).

Il faut donc rechercher si les intéressées ont, ré-
ciproquement et d'une manière concordante, manifesté une tel-
le volonté (art. 1 al. 1 CO), étant rappelé que la manifesta-
tion peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

b) Lorsqu'il s'agit de déterminer si un accord a ou
non été passé entre les parties, le juge doit tout d'abord
s'efforcer d'établir leur commune et réelle intention, sans
s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont el-
les ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la
nature véritable de leur convention (art. 18 al. 1 CO).

S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de
fait qui ne peut être remise en cause dans un recours en ré-

forme (ATF 126 III 25 consid. 3c, 375 consid. 2e/aa; 125 III
305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa).

Si la volonté réelle des parties ne peut pas être
établie ou si elle est divergente, le juge doit interpréter
les déclarations faites selon la théorie de la confiance. Il
recherchera donc comment une déclaration ou une attitude pou-
vait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble
des
circonstances (cf. ATF 126 III 59 consid. 5b, 375 consid. 2
e/aa).

Il doit être rappelé que le principe de la confian-
ce permet d'imputer à une partie le sens objectif de son com-
portement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté
intime (Wiegand, Commentaire bâlois, 2ème éd., n° 8 ad art.
18 CO; Kramer, Commentaire bernois, n° 101 s. ad art. 1 CO;
Eugen Bucher, Commentaire bâlois, 2ème éd., n°s 6 et 10 s.
ad
art. 1 CO; Engel, Traité des obligations en droit suisse,
2ème éd., p. 216 s.)

L'application du principe de la confiance est une
question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un
recours
en réforme, peut examiner librement (ATF 127 III 248 consid.
3a; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5a, 375 consid. 2e/aa;
125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa).

Pour trancher cette question de droit, il faut ce-
pendant se fonder sur le contenu de la manifestation de vo-
lonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait
(ATF 126 III 375 consid. 2e/aa; 124 III 363 consid. 5a).

c) En l'espèce, la cour cantonale, procédant à une
appréciation des preuves, est parvenue à la conviction que
les partenaires n'avaient pas, de manière concordante, l'in-
tention de reconduire le contrat à l'expiration de celui-ci.
Dès lors qu'elle a déterminé la volonté réelle des parties,

il s'agit d'une question de fait qui lie le Tribunal fédéral
saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ). Cette cons-
tatation scelle le sort du litige.

A supposer - l'arrêt cantonal n'étant pas très
clair à ce sujet - que la cour ait néanmoins fait
application
du principe de la confiance, on ne voit pas en quoi elle au-
rait violé les règles du droit fédéral sur l'interprétation
des manifestations de volonté.

En effet, le demandeur a lui-même sollicité, avant
l'expiration de la convention, la conclusion d'un nouveau
contrat. Il s'est ainsi placé en dehors de l'hypothèse d'une
reconduction tacite et il a provoqué l'ouverture de pourpar-
lers. A l'expiration du délai convenu, il n'apparaît pas -
selon les constatations souveraines de la cour cantonale
(art. 63 al. 2 OJ) - qu'il ait continué de fournir des com-
mandes à la défenderesse, que celle-ci les ait acceptées et
qu'elle ait rémunéré le demandeur de ce fait. Les parties
n'ont donc pas continué d'exécuter le contrat après son ex-
piration. La défenderesse a ensuite clairement exprimé
l'opinion que l'accord n'était pas reconduit et qu'il con-
venait de discuter d'une éventuelle nouvelle convention. Le
demandeur n'a pas protesté à réception de cette lettre, ce
qui confirme qu'il partageait cette manière de voir. On sait
que les négociations n'ont pas abouti. On ne parvient donc
pas à discerner en quoi la défenderesse aurait adopté une at-
titude qui permettait au demandeur de déduire de bonne foi
qu'elle acceptait une reconduction du contrat. Les circons-
tances ne permettent pas de conclure à l'existence d'un ac-
cord tacite et les règles du droit fédéral en cette matière
n'ont pas été violées.

Il n'y a pas lieu de rediscuter ici les arguments
du demandeur, qui ont déjà été examinés dans le cadre du
recours de droit public déposé parallèlement, ce d'autant

plus qu'ils s'appuient souvent sur des faits non constatés
dans la décision cantonale, ce qui n'est pas admissible dans
un recours en réforme (cf. ATF 127 III 248 consid. 2c).

Que des livraisons aient été encore exécutées peut
parfaitement s'expliquer par l'obligation de remplir les en-
gagements déjà pris à l'égard de tiers. Que la défenderesse
n'ait pas immédiatement avisé les autorités du Koweït de la
fin du contrat peut s'expliquer par le souci de savoir préa-
lablement si un nouveau contrat allait ou non être conclu.
La
clause contractuelle sur l'annulation des commandes ne peut
raisonnablement signifier qu'il est fait interdiction à la
défenderesse de fournir les commandes déjà acceptées et de
remplir les engagements déjà pris à l'égard des clients. Il
est certes étonnant que la société, lorsqu'elle a mis fin
aux
pourparlers, ait cru nécessaire de fixer une date pour mar-
quer le terme des rapports entre les parties; ce souci de
déterminer le moment où la rupture définitive interviendrait
ne permet cependant pas de déduire que la défenderesse
aurait
eu précédemment la volonté de reconduire le contrat tacite-
ment, comme le soutient le demandeur.

Pour avoir conclu à l'absence de tacite reconduc-
tion, la cour cantonale n'a pas violé les règles du droit
fédéral sur l'interprétation des manifestations de volonté,
notamment l'art. 18 CO.

d) En supposant que le contrat s'est reconduit ta-
citement pour un an (durée prescrite par l'art. 418p al. 2
CO), le demandeur réclame à sa partie adverse, à titre de
gain manqué, les commissions auxquelles il aurait pu avoir
droit pendant cette période. Comme l'hypothèse d'une pro-
longation a été écartée, et qu'il a été retenu que le
contrat
avait pris fin au 18 décembre 1994, ces prétentions sont dé-
nuées de tout fondement.

La défenderesse a reconnu qu'elle devait au deman-
deur un solde de commissions de 51 600 US$ et la cour canto-
nale en a pris acte. Il n'y a sur ce point aucune raison de
réformer l'arrêt attaqué.

Le demandeur réclame un gain manqué sur une comman-
de. Il n'explique cependant pas en quoi l'arrêt cantonal au-
rait violé sur ce point le droit fédéral, de sorte que son
grief à cet égard est insuffisamment motivé (cf. art. 55 al.
1 let. c OJ). Il semble que ce poste concerne des commandes
que le demandeur avait fournies avant l'expiration du con-
trat, mais qui n'avaient pas été exécutées à cette date. Com-
me la convention prévoit dans ce cas de figure que les com-
mandes doivent être tenues pour annulées entre les parties,
on ne voit pas comment l'intéressé pourrait faire valoir une
créance de ce chef.

Le demandeur réclame enfin le remboursement de
frais d'avocat pour des activités antérieures à la
procédure.
Sur ce point également, il ne formule aucun grief suffisam-
ment motivé (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dès lors qu'il a suc-
combé sur tous les points litigieux, on ne voit pas à quel
titre (et il ne le dit pas non plus) il pourrait réclamer un
remboursement de ses frais d'avocat, ce d'autant plus qu'il
n'explique même pas en quoi consisteraient les activités
avant procédure de son conseil.

Ainsi, le recours doit être entièrement
rejeté.

2.- Les frais et dépens seront mis à la charge du
recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement at-
taqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 7000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Ie Cour civile du Tribunal canto-
nal neuchâtelois.
___________

Lausanne, le 4 février 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.277/2001
Date de la décision : 04/02/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-02-04;4c.277.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award