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31/01/2002 | SUISSE | N°1P.25/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 janvier 2002, 1P.25/2002


{T 0/2}
1P.25/2002/col

Arrêt du 31 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Kurz.

A.________, recourant, représenté par Me Elie Elkaim, avocat, avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299, 1001 Lausanne,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de
Couvaloup 6,
1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois,

route du Signal
8, 1014
Lausanne.

(détention préventive)

(recours de droit public contre l'arrêt du Tr...

{T 0/2}
1P.25/2002/col

Arrêt du 31 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Reeb, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Kurz.

A.________, recourant, représenté par Me Elie Elkaim, avocat, avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299, 1001 Lausanne,

contre

Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de
Couvaloup 6,
1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois, route du Signal
8, 1014
Lausanne.

(détention préventive)

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du
Tribunal
cantonal vaudois du 28 décembre 2001)
Faits:

A.
Le 23 février 2001, A.________, né en 1981, a été interpellé à Bex en
compagnie de B.________, ressortissant guinéen. Celui-ci était en
possession
de 28'650 fr., qui lui auraient été, selon ses dires, remis par
C.________ et
par A.________. Ce dernier a été mis en détention préventive le même
jour,
sous l'inculpation d'infraction à la Lstup, par le Juge d'instruction
de
l'arrondissement de Lausanne. Par la suite, A.________ a prétendu
s'appeler
D.________.
Par arrêt du 12 juin 2001, le Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal
vaudois a confirmé un refus de mise en liberté prononcé par le juge
d'instruction. Le prévenu était mis en cause par B.________. Selon les
analyses, les billets de banque avaient été en contact direct avec de
la
cocaïne et de l'héroïne. Les contrôles téléphoniques avaient révélé
des liens
entre l'inculpé et des toxicomanes, l'un d'entre eux l'ayant même
désigné
comme vendeur de cocaïne. Les besoins de l'instruction, le risque de
fuite et
de réitération ont été retenus.
Lors de son audition du 31 octobre 2001, A.________ a admis avoir
passé la
nuit du 22 au 23 février 2001 au domicile de C.________ où un
individu venu
de Lucerne aurait apporté 18'000 fr. que B.________ devait
transporter en
Guinée. Lui-même aurait remis 2000 fr. à ce dernier, dans le même
but. Cette
somme provenait de la vente de 50 g de drogue à Genève. Le prévenu a à
nouveau déclaré s'appeler A.________, et être ressortissant du Rwanda.
Le 10 décembre 2001, après deux autres décisions des 26 juillet et 20
septembre 2001, le juge d'instruction a derechef refusé la mise en
liberté du
prévenu, compte tenu de ses aveux partiels et des déclarations de
B.________,
confirmées à l'occasion d'une confrontation. La somme saisie
correspondait à
la vente d'environ un kilo de cocaïne. Les risques de réitération et
de fuite
ont été retenus. Sous réserve de la traduction d'une pièce, le renvoi
en
jugement pourrait être prochainement prononcé.

B.
Par arrêt du 28 décembre 2001, le Tribunal d'accusation a confirmé
cette
décision en se référant à son précédent arrêt, notamment sur la
question de
la présomption de culpabilité, le recourant ne faisant pas valoir à
ce sujet
d'argument nouveau. Le prévenu avait menti sur son nom, de sorte que
son
identité était incertaine. Requérant d'asile, sans attaches avec la
Suisse,
le recourant pourrait fuir en cas de libération, notamment en Guinée,
pays
destinataire des 2000 fr. remis à B.________. L'absence de
ressources, les
implications du prévenu dans d'autres cantons pour des infractions à
la Lstup
ainsi que ses liens avec des toxicomanes, faisaient également
craindre un
risque de réitération.

C.
A.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt.
Il en
demande l'annulation, ainsi que sa remise en liberté immédiate. Il
requiert
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal d'accusation et le juge d'instruction se réfèrent à leurs
décisions respectives.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt
rendu en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ). Le
recourant,
personnellement touché par l'arrêt attaqué qui confirme le refus de
sa mise
en liberté provisoire, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par
exception à la nature cassatoire du recours de droit public, les
conclusions
tendant à la mise en liberté immédiate sont recevables (ATF 124 I 327
consid.
4b/aa p. 333).

2.
Le recourant soutient qu'il n'existerait pas de soupçons suffisants
pour
justifier son maintien en détention. Ses aveux du 31 octobre 2001,
portant
sur la remise de 2000 fr. à B.________ et la vente de 50 g de cocaïne,
avaient été rétractés le 7 janvier 2002. Les déclarations de
B.________
seraient peu crédibles car celui-ci aurait un intérêt à ne pas révéler
l'identité de ceux qui lui ont remis de l'argent à transporter en
Guinée. En
accusant le recourant, B.________ feignait de collaborer avec la
justice,
tout en évitant des représailles. Il aurait d'ailleurs varié dans ses
déclarations et on ne comprendrait pas qu'il a été remis en liberté
depuis un
certain temps déjà. L'enquête n'aurait pas permis de démontrer que
tout
l'argent remis à B.________ l'aurait été par le recourant. Les
soupçons
concernant la vente de 50 g de cocaïne ne justifieraient pas à eux
seuls une
aussi longue détention.

2.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la
liberté
personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH,
que si
elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1
Cst.), soit
en l'espèce l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD).
Elle doit
en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de
la
proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c
p. 270).
Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée
par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de
réitération (cf. art. 59 ch. 1, 2 et 3 CPP/VD). La gravité de
l'infraction -
et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas
suffisante
(ATF 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit
exister à
l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c
CEDH;
ATF 116 Ia 144 consid. 3).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le
Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de
l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi
d'une grande
liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112
Ia 162
consid. 3b).

2.2 L'intensité des charges susceptibles de justifier un maintien en
détention préventive n'est pas la même aux divers stades de
l'instruction
pénale; si des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants
dans les
premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit
apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes
d'instruction
envisageables (arrêt non publié F. du 27 novembre 1991, non reproduit
sur ce
point in SJ 1992, 191).

2.3 Cela étant, le recourant confond manifestement les conditions de
maintien
en détention préventive, soit l'existence d'indices suffisants de
culpabilité, et les conditions auxquelles une condamnation peut être
prononcée, soit l'absence de doutes sérieux quant à la culpabilité de
l'accusé. S'agissant de la détention préventive, les charges
recueillies
contre le recourant sont suffisantes. Elles sont fondées sur les
déclarations
du coïnculpé B.________. Abstraction faite de points relativement
secondaires, celles-ci accusent invariablement le recourant d'avoir
remis une
partie au moins des quelque 28'000 fr. trouvés sur lui. Les aveux
partiels,
passés le 31 octobre 2001, constituent également un indice important.
Le
recourant est revenu sur ces aveux le 7 janvier 2002, soit après le
prononcé
de l'arrêt attaqué. Même si l'on devait le prendre en considération,
ce
revirement - dont les motifs peuvent facilement s'expliquer - n'est
toutefois
pas déterminant. On ne voit pas pour quelle raison le recourant se
serait
pareillement accusé d'une partie des faits qui lui sont reprochés. Il
explique avoir suivi les conseils d'autres détenus, mais les
conséquences
évidentes de ces aveux, même partiels, ne pouvaient manifestement lui
échapper.

2.4 Quant à l'argument selon lequel B.________ aurait déjà été remis
en
liberté, pour autant qu'on peut y voir l'invocation de l'égalité de
traitement, et à supposer que l'argument ait été soumis à la cour
cantonale
et soit par conséquent recevable, il serait à l'évidence mal fondé
compte
tenu notamment des charges différentes qui pèsent sur chacun des
coïnculpés.
Le recourant ne tente d'ailleurs pas de démontrer que les situations
seraient
identiques sous l'angle notamment des risques de fuite et de
réitération
retenus à son encontre.

3.
Le recourant conteste ensuite l'existence d'un risque de fuite. Il
prétend
avoir un domicile à Bex, et être sans attaches avec son pays
d'origine, le
Rwanda.

3.1 Selon la jurisprudence, le risque de fuite ne peut s'apprécier
sur la
seule base de la gravité de l'infraction même si, compte tenu de
l'ensemble
des circonstances, la perspective d'une longue peine privative de
liberté
permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p.
62); il
doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le
caractère
de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat
qui le
poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger (ATF 117 Ia 69 consid. 4
et les
arrêts cités).

3.2 Requérant d'asile arrivé en Suisse au mois de novembre 2000, soit
trois
mois avant son arrestation, le recourant a été placé, par la Fondation
vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile, à Bex où il ne dispose
d'aucune activité lucrative, bénéficiant uniquement d'une aide
économique
réduite. Son identité n'est pas certaine et il ne dispose d'aucune
attache
familiale en Suisse. La cour cantonale relève avec raison que si le
recourant
a désiré faire parvenir de l'argent en Guinée, c'est qu'il doit avoir
quelques attaches avec ce pays, ce qui est d'ailleurs confirmé par le
procès-verbal du 7 janvier 2002. Ce sont là autant d'éléments qui
permettent
d'affirmer l'existence d'un risque concret de fuite. Ce dernier s'est
encore
renforcé avec la clôture de l'instruction et l'imminence d'un
jugement, car
la perspective d'une éventuelle condamnation se fait désormais plus
concrète.
Sur ce point également, l'arrêt attaqué n'apparaît guère critiquable.

4.
L'affirmation du risque de fuite dispense la cour de céans d'examiner
dans le
détail s'il existe également un risque de collusion. Les
considérations
émises à ce propos par la cour cantonale ne prêtent pas non plus le
flanc à
la critique, dès lors que le recourant admet s'être mêlé avec le
milieu de la
drogue dès son arrivée en Suisse, et que l'insuffisance manifeste de
ses
revenus pourrait le pousser à commettre le même type d'infractions
que celles
qui lui sont actuellement reprochées.

5.
Pour le surplus, le recourant ne soutient pas que la durée de sa
détention
préventive se rapprocherait de celle de la peine encourue. Le
principe de la
proportionnalité apparaît respecté, d'autant plus que le renvoi en
jugement
devrait être prochainement prononcé.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être
rejeté. Le
recourant a demandé l'assistance judiciaire. Quand bien même l'issue
du
recours était pour le moins incertaine, il peut être fait droit à
cette
demande, la condition de l'indigence étant par ailleurs manifestement
remplie. Me Elie Elkaim est désigné comme avocat d'office du
recourant, et
rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu
d'émolument
judiciaire.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Elie Elkaim est
désigné
comme avocat d'office du recourant et la caisse du Tribunal fédéral
lui
versera une indemnité de 1000 fr. à titre d'honoraires.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au Juge
d'instruction de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal
d'accusation du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 31 janvier 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.25/2002
Date de la décision : 31/01/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-31;1p.25.2002 ?
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