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31/01/2002 | SUISSE | N°1A.150/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 janvier 2002, 1A.150/2001


{T 0/2}
1A.150/2001
1P.558/2001/dxc

Arrêt du 31 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et
vice-président du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Jomini.

A.________,
B.________,
C.________,
Hoirie de D.________, soit E.________, F.________, et G.________, au
nom de
qui agit E.________,
Association vandoeuvrienne pour la sauvegarde de nos droits dans le
respect
de la législation (ASVA), recourants,
tous représentés

par Me Jean-Marc Siegrist, avocat, quai des Bergues
23, 1201
Genève,

contre

Société anonyme X.________ SA ,
...

{T 0/2}
1A.150/2001
1P.558/2001/dxc

Arrêt du 31 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et
vice-président du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Reeb,
greffier Jomini.

A.________,
B.________,
C.________,
Hoirie de D.________, soit E.________, F.________, et G.________, au
nom de
qui agit E.________,
Association vandoeuvrienne pour la sauvegarde de nos droits dans le
respect
de la législation (ASVA), recourants,
tous représentés par Me Jean-Marc Siegrist, avocat, quai des Bergues
23, 1201
Genève,

contre

Société anonyme X.________ SA ,
Y.________,
tous deux représentés par Me Pierre Louis Manfrini, avocat, avenue de
Champel
8C, case postale 385, 1211 Genève 12,
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement de la
République
et Canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève
8,
intimés,

Commune de Vandoeuvres, représentée par Me Charles Poncet, avocat,
cours des
Bastions 14, case postale 18, 1211 Genève 12, partie intéressée,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue des
Chaudronniers 3, 1204 Genève.

autorisation de construire

(recours de droit administratif [1A.150/2001] et recours de droit
public
[1P.558/2001] contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et
canton de Genève du 19 juin 2001)

Faits:

A.
Y. ________ est propriétaire à Vandoeuvres des parcelles n° 448 et
220 du
registre foncier, classées dans la zone agricole. Il y exploite une
entreprise d'horticulture.

En août 1993, Y.________ a demandé l'autorisation de construire un
bâtiment
d'exploitation horticole et de compostage en relation avec des
serres, la
réalisation de ce projet impliquant la démolition de hangars,
chaufferies,
entrepôts et serres existants. Il s'agissait de moderniser
l'entreprise
horticole en développant une technique de recyclage des matières
organiques
(déchets de jardin, en particulier). Le Département de l'aménagement,
de
l'équipement et du logement (DAEL; ci-après: le Département cantonal)
a
accordé, le 2 septembre 1994, tant l'autorisation de construire
(dossier DD
92575) que l'autorisation de démolir (dossier M 3975). Auparavant,
plusieurs
services cantonaux - dont le service de l'agriculture, en raison de
l'implantation dans la zone agricole - et la commune de Vandoeuvres
avaient
adressé au Département cantonal un préavis favorable au projet.

En 1996, le Département cantonal a invité Y.________ à déposer une
nouvelle
demande d'autorisation de construire pour son projet car, s'agissant
d'une
installation de traitement de déchets d'une capacité supérieure à
1000 t par
an, une étude de l'impact sur l'environnement (EIE) était nécessaire
(cf. ch.
40.7 de l'annexe à l'ordonnance relative à l'étude de l'impact sur
l'environnement [OEIE; RS 814.011]). Cette nouvelle demande a été
déposée le
16 juillet 1997 (toujours sous la cote DD 92575) et une nouvelle
autorisation, remplaçant celle du 2 septembre 1994, a été délivrée le
16
octobre 1997 par le Département cantonal à l'issue de l'étude
d'impact. Cette
autorisation n'a fait l'objet d'aucun recours et elle est entrée en
force.

B.
L'art. 4 al. 5 de la loi cantonale sur les constructions et les
installations
diverses (LCI) prévoyant la caducité de l'autorisation si les travaux
ne sont
pas entrepris dans l'année qui suit sa publication dans la Feuille
d'avis
officielle (ce délai d'une année a été porté à deux ans à l'occasion
d'une
révision de la LCI adoptée le 30 avril 1999 et entrée en vigueur le
26 juin
1999), Y.________ a demandé à deux reprises la prolongation de la
validité
des autorisations de construire et de démolir (cf. art. 4 al. 7 à 9
LCI). Le
Département cantonal lui a accordé en définitive une prolongation
jusqu'au 7
septembre 1999.

C.
Le 10 août 1999, Y.________ a annoncé au Département cantonal
l'ouverture du
chantier pour le 16 août 1999. Le 27 août 1999, un inspecteur du
Département
cantonal (service de l'inspection des chantiers de la police des
constructions) s'est rendu sur place pour constater que des travaux
étaient
en cours.

D.
Le 4 novembre 1999, Y.________ et la société anonyme X.________ S.A. -
société constituée peu auparavant dans le but d'exploiter le centre de
compostage sur la propriété de Y.________ - ont requis du Département
cantonal de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de
l'énergie
(DIAE), pour leur projet, une autorisation d'exploiter une
installation
d'élimination des déchets (installation de compostage et de
biométhanisation
de déchets organiques provenant des ménages, de l'agriculture ou
d'entreprises artisanales, commerciales ou industrielles, à raison
d'environ
10'000 t de déchets à traiter par an). L'exigence d'une autorisation
d'exploiter est fondée sur les art. 19 ss de la loi cantonale sur la
gestion
des déchets (LGD), adoptée le 20 mai 1999 et entrée en vigueur le 5
août
1999. Le Département de l'intérieur, de l'agriculture, de
l'environnement et
de l'énergie a délivré cette autorisation le 17 février 2000.

Cette décision a fait l'objet d'un recours à la Commission cantonale
de
recours en matière de constructions (ci-après: la Commission de
recours),
formé par des habitants de la commune de Vandoeuvres - A.________,
B.________, C.________ et D.________ - ainsi que par l'Association
vandoeuvrienne pour la sauvegarde de nos droits dans le respect de la
législation (ASVA). Les recourants ont demandé l'annulation de
l'autorisation
d'exploiter, notamment pour violation du principe de la coordination
des
procédures.

La commune de Vandoeuvres a elle aussi recouru contre l'autorisation
d'exploiter. Par ordonnances du 17 avril 2001, la Commission de
recours a
suspendu ces deux causes, l'instruction devant être reprise sur
requête des
parties ou d'office à l'échéance d'un délai d'une année.

E.
Le 11 avril 2000, la commune de Vandoeuvres s'est adressée au
Département
cantonal pour lui indiquer que, d'après elle, l'autorisation de
construire du
16 octobre 1997 était périmée en l'absence de travaux dans le délai
prolongé
jusqu'au 7 septembre 1999. Le 20 avril 2000, le Département cantonal a
adressé à la commune une décision en constatation, aux termes de
laquelle
l'autorisation de construire, « en force et régulièrement mise en
oeuvre »,
n'était pas caduque.

La commune de Vandoeuvres a recouru contre cette décision en
constatation
auprès de la Commission cantonale. Celle-ci, par un prononcé du 25
juillet
2000, a admis le recours et constaté que l'autorisation de construire
délivrée le 16 octobre 1997 (DD 92575) était caduque. Elle a
considéré en
substance, sur la base de pièces du dossier et de l'audition de
voisins lors
d'un transport sur place, que le chantier n'avait pas véritablement
été
ouvert avant le 7 septembre 1999.

A. ________, B.________, C.________, D.________ et l'Association
vandoeuvrienne pour la sauvegarde de nos droits dans le respect de la
législation ont été invités par la Commission de recours à intervenir
dans
cette procédure.

F.
Le Département cantonal a recouru au Tribunal administratif cantonal
contre
le prononcé de la Commission de recours du 25 juillet 2000, en
soutenant que
les travaux effectués par Y.________ avant le 7 septembre 1999
correspondaient, en raison de leur nature et de leur ampleur, à des
opérations d'ouverture d'un chantier, suffisantes pour éviter la
caducité de
l'autorisation de construire.

A. ________ et consorts, d'une part, ainsi que la commune de
Vandoeuvres,
d'autre part, ont conclu au rejet du recours du Département cantonal,
en
faisant valoir que le chantier n'avait pas été valablement ni
effectivement
ouvert. De leur côté, Y.________ et la société X.________ S.A. ont
appuyé les
conclusions du Département cantonal.

Après avoir procédé à une inspection locale (transport sur place), le
Tribunal administratif a, par un arrêt rendu le 19 juin 2001, admis le
recours, annulé la décision de la Commission de recours et rétabli
l'autorisation de construire DD 92575. En se référant à la
jurisprudence
cantonale relative à l'art. 4 al. 5 LCI, il a considéré que
l'autorisation
n'était pas caduque, le chantier ayant été effectivement ouvert et les
travaux de démolition et de terrassement exécutés sans interruption
notable.

G.
Agissant par la voie du recours de droit administratif et par celle du
recours de droit public - les deux recours étant présentés dans le
même acte
-, A.________, B.________, C.________, les membres de l'hoirie de
D.________
(décédé durant la procédure de recours au Tribunal administratif) et
l'Association vandoeuvrienne pour la sauvegarde de nos droits dans le
respect
de la législation demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
rendu par
le Tribunal administratif et de dire que l'autorisation de construire
DD
92575, du 16 octobre 1997, est caduque (cette dernière conclusion
étant
formulée uniquement dans le recours de droit administratif). Dans le
cadre du
recours de droit administratif, ils se plaignent d'une violation du
principe
de la coordination des procédures d'autorisation, en se référant à
l'art. 20
de l'ordonnance sur le traitement des déchets (OTD; RS 814.600), car
la
construction d'une installation de traitement des déchets ne pouvait
pas
selon eux débuter avant la délivrance de l'autorisation d'exploiter
prévue
par la loi cantonale (art. 22 LGD). Ils font également valoir qu'une
installation de traitement des déchets telle que l'installation
litigieuse
n'est pas conforme à l'affectation de la zone agricole (cf. art. 16a
de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire - LAT; RS 700); il
aurait donc
fallu modifier la planification cantonale avant d'accorder
l'autorisation de
construire, une dérogation selon l'art. 24 LAT n'étant pas
envisageable. Dans
le cadre du recours de droit public, ils invoquent la garantie de la
propriété (art. 26 Cst.) en prétendant que le Tribunal administratif,
en
refusant de constater la caducité de l'autorisation de construire, a
porté
atteinte aux droits de voisinage dont ils sont titulaires. Ils se
plaignent
ensuite d'une constatation arbitraire des faits déterminants pour
l'application de l'art. 4 al. 5 LCI. Ils soutiennent également que le
Tribunal administratif a renoncé de façon arbitraire à examiner un de
leurs
arguments, à savoir que l'autorisation de construire ne pouvait pas
être mise
en oeuvre tant que les conditions dont elle était assortie n'étaient
pas
satisfaites.

Y. ________ et la société X.________ S.A. concluent au rejet des
recours,
dans la mesure où ils sont recevables.

Le Département cantonal prend les mêmes conclusions.

La commune de Vandoeuvres conclut à l'admission des recours de droit
administratif et de droit public, à l'annulation de l'arrêt attaqué
et à la
constatation de la caducité de l'autorisation de construire.

Le Tribunal administratif, renonçant à se déterminer sur les recours,
se
réfère à son arrêt.

Interpellé après l'échange d'écritures, l'Office fédéral du
développement
territorial n'a pas déposé d'observations.

H.
Par une ordonnance rendue le 28 septembre 2001, le Président de la
Ire Cour
de droit public a refusé la requête d'effet suspensif présentée par
les
recourants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il y a lieu de joindre, pour le jugement, les deux recours, de droit
administratif et de droit public. Le Tribunal fédéral examine
d'office et
librement leur recevabilité (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I
207
consid. 1 p. 209 et les arrêts cités).

1.1 Il s'agit en premier lieu de déterminer l'objet de la
contestation.

1.1.1 Les recourants exposent que la seule question examinée dans la
présente
contestation par la Commission de recours, saisie par la commune de
Vandoeuvres, puis par le Tribunal administratif, saisi par le
Département
cantonal, est celle de la caducité de l'autorisation de construire DD
92575;
en d'autres termes, l'objet de la contestation a été limité, en
dernière
instance cantonale, à l'application de l'art. 4 al. 5 LCI au cas
particulier.

1.1.2 Les recourants soutiennent néanmoins, en dénonçant la
non-conformité
d'une installation de traitement des déchets à l'affectation de la
zone
agricole, que cette autorisation de construire devrait « être taxée
de nulle
ou, en tout état, annulée »; ils invoquent par ailleurs une violation
du
principe de la coordination consacré par le droit fédéral (art. 20
OTD),
l'autorisation de construire ayant été délivrée préalablement à
l'autorisation d'exploiter prévue par la législation sur la gestion
des
déchets.

Le bâtiment d'exploitation horticole et de compostage ainsi que les
serres,
dont la construction a été autorisée en 1997, peuvent être considérés
comme
des éléments d'une exploitation admissible dans la zone agricole (cf.
art. 16
al. 1 let. a LAT et art. 16a LAT), complétant une entreprise
horticole
existante. Il ressort en effet du dossier - notamment des préavis du
service
de l'agriculture - que l'autorité cantonale compétente pour délivrer
l'autorisation de construire n'a pas estimé qu'une dérogation était
nécessaire (art. 24 LAT), vu la conformité de l'ouvrage à
l'affectation de la
zone (art. 22 al. 2 let. a LAT). Dans cette optique,
on ne voit pas
en quoi,
d'un point de vue formel, l'autorisation du 16 octobre 1997 serait
affectée
d'un vice qui en entraînerait d'emblée la nullité absolue (cf. ATF
122 I 97
consid. 3a/aa p. 99; 111 Ib 213 consid. 5 p. 220/221).

La validité de cette autorisation de construire, au moment où elle a
été
délivrée, ne pouvait en outre pas dépendre de l'octroi d'une
autorisation
d'exploiter une installation de traitement de déchets: cette procédure
d'autorisation spéciale n'était pas encore prévue par le droit
cantonal le 16
octobre 1997, puisqu'elle a été instituée le 5 août 1999 (art. 22
LGD). Pour
les installations de compostage, le droit fédéral de la protection de
l'environnement n'impose pas, au demeurant, l'octroi d'une
autorisation
d'exploiter distincte de l'autorisation de construire (contrairement
à la
réglementation particulière applicable aux décharges contrôlées -
art. 21 ss
OTD); l'art. 20 OTD, invoqué par les recourants, se borne à prescrire
une
coordination formelle des différentes procédures d'autorisation
prévues par
le droit cantonal ou par d'autres prescriptions du droit fédéral (en
matière
de protection des forêts, des eaux, etc.).

Sur le fond, on peut se demander - comme le font les recourants et la
commune
de Vandoeuvres - si une installation de traitement des déchets
organiques,
telle qu'elle est conçue ou prévue actuellement par les intimés
d'après le
dossier de l'autorisation d'exploiter, peut trouver sa place dans la
zone
agricole en vertu des règles de l'aménagement du territoire. Ce
concept
d'exploitation devra, le cas échéant, être examiné par la Commission
cantonale de recours en matière de constructions, après qu'elle aura
repris
l'instruction des recours contre l'autorisation d'exploiter selon
l'art. 22
LGD. Dans cette procédure-là, la Commission de recours se prononcera
sur une
autorisation spéciale, requise en 1999 et régie par la loi sur la
gestion des
déchets, et les intéressés - les actuels recourants, notamment -
peuvent dans
ce cadre prendre des conclusions en annulation de cette autorisation,
non
encore en force; le Tribunal fédéral n'a cependant pas à examiner
plus avant
ce point. C'est une autre question de savoir si l'installation
décrite dans
le dossier de l'autorisation de construire - d'après la demande de
1993 et
les compléments de 1997, notamment le rapport d'impact - devait ou
non, le 16
octobre 1997, être considérée comme conforme à l'affectation de la
zone
agricole. S'agissant de la transformation partielle d'une exploitation
horticole existante, seule une non-conformité évidente et grossière
des
nouveaux bâtiments, qui aurait alors échappé pour des raisons
incompréhensibles aux autorités compétentes, pourrait amener le
Tribunal
fédéral à constater aujourd'hui la nullité de cette autorisation de
construire, entrée en force (cf. ATF 122 I 97 consid. 3a p. 99). Or
tel n'est
pas le cas. Quant à l'annulation stricto sensu de cette autorisation
pour
violation des règles de l'aménagement du territoire, elle aurait dû
être
demandée dans le délai de recours ordinaire; il n'en est plus
question, en
l'état.

1.1.3 La contestation porte dès lors uniquement, devant le Tribunal
fédéral,
sur les conditions auxquelles la « caducité » de l'autorisation de
construire
du 16 octobre 1997 devrait être admise. En droit cantonal genevois, la
caducité est la conséquence de l'absence de travaux dans un certain
délai
(art. 4 al. 5 LCI). Ce délai est un délai de péremption, ou
d'incombance,
pendant lequel l'intéressé doit accomplir un acte pour éviter un
désavantage
juridique, en l'occurrence la perte du droit de construire selon le
permis
(cf. Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, Berne 1991, p. 56). La
caducité, ou péremption, de l'autorisation de construire ne saurait
être
confondue avec sa révocation. Dans cette dernière hypothèse, l'organe
auteur
de l'acte à révoquer ou l'autorité de surveillance abroge un acte
administratif, au détriment d'un administré, à cause d'une
contradiction avec
l'état de fait ou de droit existant lors de son adoption ou s'étant
créée
postérieurement (cf. André Grisel, Traité de droit administratif,
Neuchâtel
1984, p. 429; la révocation se distingue en outre de la constatation
de
nullité d'un acte qui n'a jamais eu de valeur juridique, car l'acte
révoqué
était auparavant pleinement valable - Grisel, op. cit., p. 431). La
révocation d'une autorisation de construire exige une pesée des
intérêts (cf.
notamment Grisel, op. cit., p. 438; ATF 119 Ia 305 consid. 4c p.
310). Il
n'en va pas ainsi de la péremption, qui dépend uniquement de
l'attitude de
l'administré, à savoir de son choix de mettre ou non à exécution son
projet
dans un délai fixé. C'est pourquoi la constatation qu'une
autorisation n'est
pas caduque ou périmée n'empêche pas une éventuelle révocation, mais
d'autres
critères doivent alors être appliqués (cf. arrêt du 15 décembre 1994,
reproduit in ZBl 96/1995 p. 515 consid. 3). Il n'est pas question,
dans
l'arrêt attaqué du Tribunal administratif, d'une révocation de
l'autorisation
du 16 octobre 1997 et les recourants ne prétendent pas que l'autorité
cantonale de recours aurait dû se prononcer à ce sujet. Aussi
l'application
de l'art. 4 al. 5 LCI (dans sa teneur avant la révision du 30 avril
1999)
est-elle seule litigieuse.

1.2 Le recours de droit public (art. 84 ss OJ) étant subsidiaire aux
autres
moyens de droit (art. 84 al. 2 OJ), la recevabilité du recours de
droit
administratif (art. 97 ss OJ) doit être examinée en premier lieu.

1.2.1 En cas de contestation portant sur l'octroi d'une autorisation
de
construire en zone agricole, en particulier quand le recourant fait
valoir
que la conformité du projet à l'affectation de la zone a été admise à
tort -
ou en d'autres termes que la décision aurait dû être prise en
application de
l'art. 24 LAT et que les conditions d'une dérogation auraient dû être
examinées -, la jurisprudence admet, sur la base de l'art. 34 al. 1
LAT, que
la voie du recours de droit administratif est ouverte (ATF 120 Ib 48
consid.
1a p. 50; 114 Ib 131 consid. 2 p.132). En l'espèce, comme
l'autorisation de
construire a été délivrée pour une installation implantée en zone
agricole et
vu que les recourants soutiennent que pour se prononcer sur la
caducité de
cette autorisation, il faut examiner préalablement la conformité de
l'installation à l'affectation de la zone, on peut s'interroger sur la
recevabilité, en pareil cas, du recours de droit administratif. Cette
question peut toutefois demeurer indécise, vu le sort à réserver sur
le fond
aux conclusions des recourants.

1.2.2 Peut également rester indécise, pour les mêmes motifs, la
question de
savoir si la qualité pour former un recours de droit administratif
(art. 103
let. a OJ) doit être reconnue à A.________, B.________, C.________ et
aux
membres de l'hoirie de D.________, qui se présentent comme des
voisins de
l'exploitation horticole, ainsi qu'à l'Association vandoeuvrienne
pour la
sauvegarde de nos droits dans le respect de la législation (ASVA), qui
invoque son but statutaire consistant à «sauvegarder le développement
de la
commune de Vandoeuvres » et qui prétend que tous ses membres ont «
pour ainsi
dire la qualité de voisin » de l'installation des intimés.

1.2.3 La contestation porte sur l'application de la norme du droit
cantonal
genevois relative à la caducité d'une autorisation de construire
(art. 4 al.
5 LCI). Le droit fédéral de l'aménagement du territoire ne règle pas
cette
question, ni pour les autorisations ordinaires au sens de l'art. 22
al. 2
LAT, ni pour les dérogations hors de la zone à bâtir au sens des art.
24 ss
LAT; en d'autres termes, les règles sur la caducité d'une autorisation
délivrée en vertu des art. 24 ss LAT ne sauraient être
considérées comme
de simples règles d'exécution du droit public fédéral. L'art. 25 al.
1bis LAT
prévoit certes que les cantons « impartissent des délais [...] dans
toutes
les procédures requises pour implanter, transformer ou changer
d'affectation
les constructions ou installations », mais cette disposition ne vise
que les
délais imposés aux autorités pour rendre leurs décisions sur des
demandes
d'autorisation (délais de procédure; cf. Alexander Ruch, Commentaire
LAT,
Zurich 1999, n. 17 ss ad art. 25 LAT); elle ne concerne donc pas les
délais
de réalisation d'une construction au bénéfice d'une autorisation. Les
cantons, dont l'art. 25 al. 1 LAT rappelle qu'il leur appartient en
premier
lieu de régler les questions de procédure dans le domaine des
autorisations
de construire, peuvent donc définir librement les conditions d'une
caducité
ou d'une péremption en cas d'inexécution des travaux. Les
réglementations
cantonales à ce sujet sont du reste assez diverses (cf. arrêt du 15
décembre
1994, reproduit in ZBl 96/1995 p. 515 consid. 3b).

Dans le cadre du recours de droit administratif, le Tribunal fédéral
ne se
prononce pas directement sur l'application du droit cantonal; ce
recours ne
peut en effet être formé que pour violation du droit fédéral (art.
104 let. a
OJ). Néanmoins, lorsque l'application du droit cantonal est contestée
dans un
recours de droit administratif, le Tribunal fédéral doit contrôler, à
cet
égard, si le droit constitutionnel fédéral - qui fait partie du droit
public
fédéral au sens de l'art. 104 let. a OJ - a été ou non violé (ATF 126
V 252
consid. 1a p. 254; 125 II 1 consid. 2a p. 5, 497 consid. 1b/aa p. 500
et les
arrêts cités). Il peut donc se prononcer sur le grief d'application
arbitraire du droit cantonal (art. 9 Cst.), grief que les recourants
ont
soulevé en l'espèce. Ceux-ci se plaignent également d'une violation
de la
garantie de la propriété (art. 26 Cst.), en invoquant une atteinte
aux droits
de voisinage dont ils sont titulaires. Il n'y a pas lieu d'examiner
plus
avant la consistance de ce grief: en effet, par ce biais, les
recourants
dénoncent également une mauvaise application de l'art. 4 al. 5 LCI.
Or, même
si le refus de prononcer la caducité de l'autorisation litigieuse
portait
directement atteinte au droit de propriété des voisins, il ne
s'agirait à
l'évidence pas d'une atteinte grave et, en pareil cas, le Tribunal
fédéral
n'examine que sous l'angle de l'arbitraire l'interprétation du droit
cantonal
(ATF 119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96, 141 consid. 3b/dd p. 147; 115 Ia
363
consid. 2a p. 365 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 124 I 6 consid.
4b/aa p.
8; 121 I 117 consid. 3a/bb p. 120; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366).

S'agissant des griefs dirigés contre les constatations de fait du
Tribunal
administratif, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est défini par
l'art.
105 al. 2 OJ, en relation avec l'art. 104 let. b OJ: il est lié par
l'état de
fait, sauf s'il est manifestement inexact ou incomplet ou s'il a été
établi
au mépris de règles essentielles de procédure.

En définitive, les règles du recours de droit administratif ne
confèrent pas
au Tribunal fédéral, dans le cas particulier, un pouvoir d'examen
sensiblement différent de celui dont il disposerait dans le cadre du
recours
de droit public pour violation de droits constitutionnels des
citoyens (art.
84 let. a OJ); quoi qu'il en soit, ce pouvoir d'examen n'est pas plus
restreint.

Dès lors que l'on entre en matière sur le recours de droit
administratif,
nonobstant son éventuelle irrecevabilité, et que l'on traite sur le
fond tous
les griefs des recourants, le recours de droit public, subsidiaire en
vertu
de la loi (cf. supra, consid. 1.2), doit être déclaré irrecevable.

2.
Les recourants prétendent que le Tribunal administratif n'a pas
établi à
satisfaction de droit les faits dont on aurait pu déduire que l'intimé
Y.________ avait entrepris avant le 7 septembre 1999 les travaux
visant à la
réalisation de l'installation autorisée le 16 octobre 1997.

2.1 Pour éviter la caducité de l'autorisation de construire, l'art. 4
al. 5
LCI exige que les « travaux » soient « entrepris » dans le délai
légal dès la
publication de l'autorisation (une année dans le cas particulier, ce
délai
ayant été porté à deux ans lors d'une révision ultérieure de la loi)
ou dans
le délai prolongé conformément à l'art. 4 al. 7 à 9 LCI. Il n'est pas
contesté que l'échéance déterminante en l'espèce était fixée au 7
septembre
1999.

Le Tribunal administratif, en se référant à sa jurisprudence,
considère que
des travaux sont entrepris si l'on constate l'ouverture effective du
chantier
et la poursuite de la construction de l'ouvrage; la pose de «
chabouris »
(clôture en bois), un léger décapage de terrain ainsi que la pose de
quelques
palplanches sont suffisants. Cette interprétation des notions de
l'art. 4 al.
5 LCI n'est pas contestée par les recourants.

2.2 Le Tribunal administratif, pour admettre une ouverture effective
du
chantier avant le 7 septembre 1999, s'est fondé essentiellement sur
le fait
qu'à la suite d'une annonce de l'intimé à ce sujet le 16 août 1999, un
inspecteur du Département cantonal - qui a produit une déclaration
écrite
devant la Commission de recours - avait constaté que des travaux
étaient en
cours le 27 août 1999. Le Tribunal administratif a aussi considéré
que cette
ouverture du chantier avait été suivie de travaux, au cours de l'été
et de
l'automne 1999 (pose d'une clôture et d'un portail, déplacement
d'environ
2'300 m3 de terreau et compost, déplacement
et remise en culture de
deux
serres, démontage de trois serres), travaux dont l'avancement a été
décrit
dans un carnet de chantier tenu par l'intimé.

Les recourants font valoir que le constat de l'inspecteur du
Département
cantonal est lapidaire, qu'il n'atteste pas de véritables travaux de
construction (pose ou préparation des fondations des bâtiments) ni de
mouvements de terre significatifs, que le carnet de chantier de
l'intimé
n'est pas probant, que d'après les déclarations de certaines voisins
aucune
activité particulière n'a été remarquée dans l'exploitation
litigieuse en
août et septembre 1999, qu'aucun panneau de chantier n'avait été posé
et
qu'une incertitude subsistait sur le financement de la construction.
En
définitive, selon les recourants, les travaux effectués jusqu'au 7
septembre
1999 ont peut-être uniquement consisté en des déplacements de compost.

Ces critiques des constatations de fait du Tribunal administratif ne
permettent pas au Tribunal fédéral de les qualifier de manifestement
inexactes ou incomplètes. Ces constatations sont du reste fondées sur
l'avis
d'un fonctionnaire spécialisé, qui s'est rendu sur les lieux pour
contrôler
l'ouverture annoncée du chantier, et elles tiennent compte d'une
appréciation
générale du déroulement des travaux. En outre, la jurisprudence
cantonale
admettant, par une interprétation large de la notion de travaux de
l'art. 4
al. 5 LCI, une interruption du délai d'incombance avant même que la
construction proprement dite ne soit engagée (fondations, etc.), il
n'est pas
insoutenable, et donc pas arbitraire de considérer en l'espèce que les
opérations d'ouverture du chantier effectuées avant le 7 septembre
1999
empêchent la caducité de l'autorisation de construire (à propos de la
notion
d'arbitraire, cf. ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 III 438 consid.
3 p.
440; 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129
consid. 5b
p. 134 et les arrêts cités).

3.
3.1Les recourants invoquent de prétendus vices de l'autorisation de
construire du 16 octobre 1997 - le défaut de coordination avec
l'autorisation
d'exploiter prescrite par la loi cantonale sur la gestion des
déchets, la
non-conformité de l'installation à l'affectation de la zone agricole
- et ils
soutiennent en substance que le début des travaux n'aurait pas dû être
autorisé, donc qu'il n'aurait a fortiori pas dû être pris en
considération
pour l'application de l'art. 4 al. 5 LCI.

L'art. 4 al. 5 LCI ne fait pas dépendre la caducité d'une
autorisation de
construire d'un examen, à l'occasion de l'ouverture du chantier, de la
validité de cette autorisation; au contraire, seul est décisif l'acte
matériel que le constructeur doit accomplir dans le délai
d'incombance (cf.
supra, consid. 1.1.3). Ces critiques des recourants visent donc, en
définitive, uniquement l'autorisation de construire elle-même; tel
n'est pas
l'objet de la présente contestation (cf. supra, consid. 1.1).
3.2 Les recourants font encore valoir que l'autorisation de
construire ne
pouvait pas être mise en oeuvre tant qu'une condition énoncée dans la
décision du 16 octobre 1997 n'était pas satisfaite. Ils se réfèrent à
une
clause de cette autorisation (ch. 5) aux termes de laquelle « le
requérant
soumettra à l'approbation du service d'écotoxicologie, avant
l'ouverture du
chantier, un complément d'étude dans lequel seront précisées les
estimations
des émissions d'oxyde d'azote liées à la cogénération, et des
émissions dues
au trafic induit dans le périmètre d'influence ». Or ces indications
n'ont
été fournies au Département cantonal qu'en février 2000. Les
recourants
reprochent au Tribunal administratif d'avoir arbitrairement omis
d'examiner
cet argument.

Dès lors que, pour l'application de l'art. 4 al. 5 LCI, il n'y a pas
lieu de
réexaminer la validité de l'autorisation de construire (cf. supra,
consid.
3.1), il importe peu que cette condition de l'autorisation - dont la
portée
n'est du reste a priori pas celle d'une condition suspensive, qui
suspendrait
les effets de l'autorisation jusqu'au dépôt du complément du rapport
d'impact
- soit ou non remplie. Ce point étant sans pertinence pour le sort de
la
contestation, le Tribunal administratif était fondé à l'ignorer.

4.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif, entièrement mal
fondé,
doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

5.
Les recourants, qui succombent, doivent payer l'émolument judiciaire
(art.
156 al. 1 OJ). La commune de Vandoeuvres, qui a pris les mêmes
conclusions
que les recourants et qui succombe également, est quant à elle
dispensée du
paiement des frais justice (art. 156 al. 2 OJ).

Les intimés Y.________ et X.________ S.A., représentés par un avocat,
ont
droit à des dépens, mis à la charge des recourants, à raison de deux
tiers de
l'indemnité totale, et de la commune de Vandoeuvres, à raison d'un
tiers
(art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les recours de droit administratif est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

2.
Le recours de droit public est irrecevable.

3.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

4.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens à Y.________ et
à la
Société anonyme X.________ S.A., pris solidairement, est mise à la
charge des
recourants, solidairement entre eux.

5.
Une indemnité de 1'000 fr., à payer à titre de dépens à Y.________ et
à la
Société anonyme X.________ S.A., pris solidairement, est mise à la
charge de
la commune de Vandoeuvres.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants, des
intimés et de la Commune de Vandoeuvres, au Département de
l'aménagement, de
l'équipement et du logement et au Tribunal administratif de la
République et
Canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement
territorial.

Lausanne, le 31 janvier 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.150/2001
Date de la décision : 31/01/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-31;1a.150.2001 ?
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