La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2002 | SUISSE | N°1P.17/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 janvier 2002, 1P.17/2002


{T 0/2}
1P.17/2002/col

Arrêt du 30 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Catenazzi,
greffier Jomini.

A.________, recourant, représenté par Me Stephen Gintzburger,
avocat, place
Saint-François 5, case postale 2700, 1002 Lausanne,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Rémy Wyler, avocat, place
Benjamin-Constant 2, case postale 3673, 1002 Lausanne,
Président du Tribuna

l civil de l'arrondissement de l'Est vaudois, rue
du
Simplon 22, case postale, 1800 Vevey 1.

récusation d'un expe...

{T 0/2}
1P.17/2002/col

Arrêt du 30 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Catenazzi,
greffier Jomini.

A.________, recourant, représenté par Me Stephen Gintzburger,
avocat, place
Saint-François 5, case postale 2700, 1002 Lausanne,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Rémy Wyler, avocat, place
Benjamin-Constant 2, case postale 3673, 1002 Lausanne,
Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois, rue
du
Simplon 22, case postale, 1800 Vevey 1.

récusation d'un expert

(recours de droit public contre le jugement incident rendu le
19 novembre 2001 par le Président du Tribunal civil de
l'arrondissement de
l'Est vaudois)
Faits:

A.
B. ________ a déposé le 14 janvier 2000 devant le Tribunal civil du
district
d'Aigle une demande tendant au partage d'un immeuble, sis à Leysin,
dont il
est copropriétaire avec A.________ (cf. art. 650 CC). Dans le cadre
de ce
procès, un expert, le notaire C.________, à Aigle, a été désigné par
le
tribunal; il a déposé son rapport d'expertise le 20 mars 2001. Les
parties
ont pu se déterminer par écrit à ce sujet.

L'audience de jugement devant le Tribunal d'arrondissement de l'Est
vaudois,
fixée au 27 septembre 2001, a été suspendue le jour même; elle devait
être
reprise le 17 janvier 2002.

B.
Le 16 octobre 2001, le défendeur A.________ a requis le mise en
oeuvre d'une
nouvelle expertise, le rapport du notaire C.________ devant être
retiré du
dossier à cause de deux erreurs qu'il contiendrait, et d'une
apparence de
partialité de l'expert. A ce propos, le défendeur a fait valoir que
l'avocat
du demandeur était, comme l'expert, chargé d'enseignement à la
faculté de
droit de l'Université de Lausanne. Le demandeur a conclu au rejet de
la
requête.

Appliquant l'art. 222 du code de procédure civile du canton de Vaud
(CPC/VD),
relatif à la récusation des experts, le Président du Tribunal
d'arrondissement de l'Est Vaudois a rendu le 19 novembre 2001 un
jugement
incident sur la requête du défendeur. Il l'a rejetée, mettant les
frais et
dépens de cette décision à la charge du requérant. A propos de
l'impartialité
de l'expert, il a considéré en substance que ce dernier - maître
assistant à
la faculté de droit - et l'avocat du demandeur - chargé de cours dans
la même
faculté - ne faisaient « que se croiser de temps à autre dans les
couloirs
des bâtiments » de l'Université; que les salles dans lesquelles ils
dispensent leur enseignement se trouvaient du reste dans des bâtiments
différents, « ce qui amoindrit encore leurs chances de contacts »;
que le
fait que tant l'expert que l'avocat d'une partie aient des liens avec
le
monde universitaire ne constituait pas un motif de récusation; que de
toute
manière le défendeur, assisté d'un avocat, aurait dû avoir
connaissance de
l'activité universitaire du notaire C.________ déjà au moment de sa
nomination comme expert, cette activité pouvant être considérée comme
notoire; que la requête de récusation était donc tardive.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler le jugement incident et de renvoyer la
cause, pour
nouvelle décision, au Président du Tribunal d'arrondissement.
Invoquant les
art. 29 al. 1 et 2 Cst., 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, il se plaint
d'une
violation du droit à un procès équitable ainsi qu'à un expert
indépendant et
impartial.

Il n'a pas été demandé de réponses au recours de droit public.

D.
Le recourant demande que l'effet suspensif soit accordé à son
recours. Il
n'a, en l'état, pas été statué sur cette requête.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif.

2.
Aux termes de l'art. 87 al. 1 OJ (dans sa teneur en vigueur depuis la
révision du 8 octobre 1999, entrée en vigueur le 1er mars 2000), le
recours
de droit public est recevable contre les décisions préjudicielles et
incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises
séparément; ces décisions ne peuvent être attaquées ultérieurement.
Les
demandes de récusation mentionnées à l'art. 87 al. 1 OJ sont en
premier lieu
celles visant un membre de l'autorité compétente (cf. ATF 126 I 207
consid.
1b p. 209); cette disposition doit également s'appliquer en cas de
demande de
récusation d'un expert judiciaire, pour lequel valent, mutatis
mutandis, les
exigences du droit constitutionnel et conventionnel en matière
d'impartialité
(cf. ATF 126 III 249 consid. 3c p. 253; 125 II 541 consid. 4a p. 544
et les
arrêts cités).

En procédure civile vaudoise, le juge compétent pour nommer les
experts
statue sans recours sur la récusation (art. 222 al. 3 CPC). Le
jugement
incident attaqué, rejetant une demande de récusation formée par le
recourant,
est donc une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86
al. 1
OJ). Il y a lieu, dès lors, d'entrer en matière.

3.
Le recourant invoque les garanties du droit constitutionnel (art. 29
al. 1,
30 al. 1 Cst.) et du droit conventionnel (art. 6 par. 1 CEDH) en
matière
d'impartialité des experts judiciaires. Il prétend en outre qu'on ne
peut lui
reprocher d'avoir déposé tardivement sa requête, car il a demandé la
récusation du notaire aussitôt qu'il a eu connaissance de son activité
accessoire au sein de l'Université.

3.1 Il n'y a pas lieu d'examiner la question de l'éventuelle
péremption du
droit de demander la récusation de l'expert (cf. ATF 126 I 203
consid. 1b p.
205; 126 III 249 consid. 3c p. 254; 116 Ia 135 consid. 2d p. 138 et
les
arrêts cités) - ni, partant, celle du caractère prétendument notoire,
pour un
justiciable représenté par un avocat, de la composition du corps
enseignant
de la faculté de droit de l'Université du canton concerné - car dans
sa
motivation sur le fond, le jugement attaqué, refusant de reconnaître
une
apparence de partialité, n'est pas contraire aux garanties de
procédure
invoquées par le recourant.

3.2 Selon la jurisprudence relative aux art. 29 al. 1 Cst., 30 al. 1
Cst. et
6 par. 1 CEDH, les parties à une procédure ont le droit d'exiger la
récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de
nature à
faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend
notamment à
éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent
influencer le
jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la
récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car
une
disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit
que les
circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent
redouter une
activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement
doivent
être prises en considération; les impressions individuelles d'une des
parties
au procès ne sont pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198; 126
I 68
consid. 3a p. 73, 168 consid. 2a p. 169; 125 II 541 consid. 4a p. 544
et les
arrêts cités).

En l'occurrence, seule est invoquée par le recourant, comme
circonstance
donnant l'apparence d'une prévention, l'appartenance de l'expert et de
l'avocat de la partie adverse au corps enseignant, au sens large, de
la
faculté de droit de l'Université de Lausanne. Les deux intéressés
exercent
dans ce cadre une activité accessoire - chargé de cours (cf. art. 42a
de la
loi cantonale sur l'Université de Lausanne [LUL]), maître assistant
(art. 39
LUL) - et à ce titre ne font pas partie du corps professoral (art. 34
ss LUL)
ni de plein droit du conseil de faculté (art. 20 al. 1 LUL). On ne
voit pas,
concrètement et d'après les allégations du recourant, en quoi
l'expert se
trouverait, en raison de l'organisation de la faculté, dans un
rapport de
subordination vis-à-vis de l'avocat de l'intimé. Par ailleurs, si
l'appartenance des deux intéressés au même corps enseignant peut
favoriser
des contacts mutuels, lors d'activités scientifiques ou de manière
fortuite -
les rencontres occasionnelles dans les couloirs des bâtiments de
l'Université, mentionnées dans le jugement attaqué -, cela n'est
manifestement pas de nature à créer une apparence de prévention.
Aucune autre
circonstance concrète n'est invoquée. Les griefs du recourant sont
dès lors à
l'évidence mal fondés.

4.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté.

Le recourant, qui succombe, doit payer l'émolument judiciaire (art.
153, 153a
et 156 al. 1 OJ). L'affaire étant liquidée sans échange d'écritures,
il n'y a
pas lieu d'allouer des dépens (cf. art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et au
Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois.

Lausanne, le 30 janvier 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.17/2002
Date de la décision : 30/01/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-30;1p.17.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award