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29/01/2002 | SUISSE | N°I.692/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2002, I.692/00


«AZA 7»
I 692/00 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 29 janvier 2002

dans la cause

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, recourant,

contre

A.________, Espagne, intimé, représenté par Maître Thierry
Thonney, avocat, place Pépinet 4, 1002 Lausanne,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l

'étranger, Lausanne

A.- a) A.________, ressortissant espagnol, a travaillé
en Suisse en qualité d'ouvrier du bâtiment chez
X.__...

«AZA 7»
I 692/00 Mh

IVe Chambre

Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 29 janvier 2002

dans la cause

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, recourant,

contre

A.________, Espagne, intimé, représenté par Maître Thierry
Thonney, avocat, place Pépinet 4, 1002 Lausanne,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) A.________, ressortissant espagnol, a travaillé
en Suisse en qualité d'ouvrier du bâtiment chez
X.________ AG du 23 juin 1986 jusqu'au 31 décembre 1992.
Durant cette période, il a cotisé à l'AVS/AI. Le 11 janvier
1993, alors qu'il passait ses vacances en Espagne, le

prénommé a consulté les docteurs C.________ et D.________,
médecins à l'hôpital Y.________ en Espagne. Ceux-ci ont
diagnostiqué une insuffisance rénale chronique et attesté
que le patient était déjà atteint dans sa santé depuis deux
mois (rapport du 4 février 1993), ce qui a nécessité une
transplantation rénale (réalisée le 27 mars 1994). L'em-
ployeur a précisé que son travailleur se trouvait en
vacances du 1er au 11 janvier 1993, qu'il n'avait pas pu
reprendre le travail en raison de sa maladie, et que le
contrat de travail n'avait pas été résilié (écriture du
19 décembre 1994 et notice téléphonique du 21 février
1995). L'intéressé a bénéficié d'indemnités journalières de
l'assurance-maladie du 11 janvier 1993 au 31 juillet 1994.
A.________ s'est annoncé à l'assurance-invalidité le
21 octobre 1993. Dans une note du 29 mai 1995, l'Office AI
pour les assurés résidant à l'étranger (l'office AI) a
constaté que le prénommé avait travaillé en Suisse au
bénéfice d'un permis de saisonnier (permis A) et qu'il
avait ensuite obtenu une autorisation d'établissement
(permis C) en janvier 1993. L'administration a toutefois
estimé que l'intéressé n'était plus domicilié en Suisse en
janvier 1994 au moment où l'invalidité est survenue, car le
centre de ses intérêts se trouvait en Espagne où il était
retourné en décembre 1992, où vit sa famille et où il se
fait soigner.
Dans un prononcé du 6 juin 1995 ainsi que dans un
projet de décision du 8 juin 1995, l'office AI a informé
A.________ - représenté à l'époque par E.________ - qu'il
envisageait de rejeter sa demande de prestations du
21 octobre 1993, attendu que la condition d'assurance
n'était pas remplie lors de la survenance de l'invalidité
le 11 janvier 1994. A son avis, l'affiliation obligatoire à
l'AVS/AI suisse avait pris fin le 31 décembre 1992 et
l'abandon de l'activité en Suisse n'avait pas eu pour cause
une maladie ou un accident. Pour ces motifs, l'office a
rejeté la demande de prestations par décision du 4 juillet
1995. Par jugement du 18 mars 1997, la Commission fédérale

de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant
à l'étranger (la commission de recours) a déclaré irreceva-
ble, pour cause de tardiveté, le recours que A.________
avait formé contre cette décision. Le prénommé a interjeté
un recours de droit administratif contre ce jugement, puis
il l'a retiré (I 200/97).

b) Par écriture du 5 mai 1997, A.________ a demandé à
l'office AI de réviser sa décision du 4 juillet 1995 et
d'admettre qu'il remplissait les conditions d'assurance à
la date du 11 janvier 1994.
Au terme de son instruction, l'office AI a admis que
le degré d'invalidité de l'intéressé aurait justifié le
versement d'une demi-rente d'invalidité dès le 1er janvier
1994 (cf. projet de décision du 27 novembre 1997). Il a
toutefois estimé que la demande du 5 mai 1997 était une
demande de reconsidération de la décision du 4 juillet
1995, si bien que les prestations ne pouvaient pas être
servies pour des périodes antérieures au mois de mai 1997.
Aussi, par décision du 11 juin 1998, l'administration
a-t-elle alloué une demi-rente d'invalidité à A.________ à
partir du 1er mai 1997, ainsi que les rentes complémen-
taires pour son épouse et ses enfants.

B.- Le prénommé a recouru contre cette décision devant
la commission de recours, en concluant au versement d'une
rente entière d'invalidité à partir du 1er janvier 1994.
Par jugement du 11 octobre 2000, la juridiction de
première instance a admis le recours.

C.- L'office AI interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement. Il en demande l'annulation par-
tielle, en ce sens que le moment du début du versement de
la rente entière soit ramené au 1er mai 1997.
L'intimé conclut au rejet du recours, avec suite de
dépens. L'Office fédéral des assurances sociales en propose
l'admission.

Considérant en droit :

1.- La requête du 5 mai 1997 constitue une demande en
reconsidération de la décision du 4 juillet 1995, ce que
l'administration et les premiers juges ont admis à juste
titre.
Ainsi que le recourant l'a reconnu dans son projet de
décision du 27 novembre 1997, sa décision du 4 juillet 1995
était manifestement mal fondée dans la mesure où il avait
nié la condition d'assurance. Devant le Tribunal fédéral
des assurances, le principe de l'octroi d'une rente entière
d'invalidité n'est pas contesté. Le litige porte uniquement
sur le moment à partir duquel la rente d'invalidité doit
être versée à l'intimé.

2.- a) L'office recourant soutient d'abord que la
solution du litige devrait découler de l'art. 88bis al. 1
let. c RAI dont les premiers juges n'ont pas fait usage. Il
rappelle à cet égard que la décision rendue en application
de cette disposition déploie uniquement un effet ex nunc.

b) D'après l'art. 85 al. 1 RAI, l'article 77 RAVS est
applicable par analogie au paiement après coup d'indemnités
journalières, de rentes et d'allocations pour impotents,
sous réserve des forclusions prévues à l'art. 48 LAI.
Ainsi, celui qui n'a pas touché la rente à laquelle il
avait droit, ou qui a reçu une rente inférieure à laquelle
il pouvait prétendre, peut réclamer son dû à la caisse de
compensation. Si une caisse de compensation apprend qu'un
ayant droit n'a pas touché sa rente ou n'a touché qu'une
rente d'un montant trop faible, elle doit payer le montant
arriéré.
Selon l'art. 88bis al. 1 let. c RAI, l'augmentation de
la rente ou de l'allocation pour impotent prend effet, au
plus tôt s'il est constaté que la décision de l'office AI
désavantageant l'assuré était manifestement erronée, dès le
mois où ce vice a été découvert. Cette disposition codifie

la question de l'effet dans le temps d'une reconsidération
en faveur de l'assuré d'une décision en matière de rente ou
d'allocation pour impotent; elle s'applique également dans
le cas où, à tort, aucune rente ou allocation pour impotent
n'a été versée (ATF 110 V 294 consid. 3b, 296 consid. 3d).
Les effets dans le temps de la modification d'une dé-
cision erronée par laquelle une personne ne touche pas ou
pas entièrement la prestation à laquelle elle avait droit
sont ainsi réglés de manière différente dans ces deux dis-
positions. Alors que la première prévoit un droit au paie-
ment subséquent, limité seulement par le délai de prescrip-
tion de l'art. 48 al. 1 LAI, la seconde fixe l'effet dans
le temps à partir de la découverte de l'erreur si bien que
la modification ne porte qu'ex nunc et pro futuro (VSI 2000
p. 90 consid. 2b).
Examinant la légalité de l'art. 88bis al. 1 let. c
RAI, le Tribunal fédéral des assurances a encore précisé
(cf. ATF 110 V 296 consid. 3c) que l'application de cette
disposition se limitait au cas où l'erreur a été commise
dans l'appréciation d'une question spécifique du droit de
l'assurance-invalidité. En revanche, lorsque l'erreur cons-
tatée dans la procédure de reconsidération porte sur une
question analogue à celles que pose le droit de l'AVS,
l'art. 85 RAI s'applique et l'assuré a droit au paiement de
l'arriéré (VSI 2000 pp. 90-91 consid. 2c).

c) Dans le cas d'espèce, l'erreur de l'administration
ne portait pas sur une question spécifique du droit de l'AI
mais bien sur une question analogue à celles de l'AVS, la
condition d'assurance ayant été niée à tort (ATF 107 V 36
consid. 2). Dès lors, et contrairement à ce que soutient
l'office recourant, l'art. 88bis al. 1 let. c RAI est
inapplicable à la solution du litige. Il s'ensuit que son
raisonnement fondé sur l'effet ex nunc qu'il souhaitait
attacher pour ce motif à la présente reconsidération, en se
fondant sur la jurisprudence (cf. ATF 110 V 296 con-
sid. 3c), tombe à faux.

3.- a) Le recourant soutient encore que, d'une part,
la commission de recours a commis un excès de son pouvoir
d'examen. Si le juge n'a pas la possibilité de contraindre
l'administration à réexaminer une décision manifestement
inexacte, il n'est pas non plus habilité, en l'absence
d'une disposition idoine, à lui imposer les modalités d'un
tel réexamen, soit de lui prescrire de donner un effet
rétroactif à la reconsidération. D'autre part, il prétend
que lorsque le motif de la reconsidération relève du
domaine de l'AVS, l'administration demeure libre de fixer
l'effet dans le temps qu'elle entend donner à une telle
reconsidération.

b) Le Tribunal fédéral des assurances avait jadis
laissé ouverte la question de savoir si l'art. 77 RAVS
- auquel renvoie l'art. 85 al. 1 RAI - confère à l'assuré
le droit d'exiger la reconsidération d'une décision entrée
en force (ATF 119 V 187 consid. 4a). Par la suite il a
considéré qu'en vertu de l'art. 77 RAVS, l'assuré bénéficie
d'un droit, qu'il peut invoquer en justice, à la rectifica-
tion d'une décision formellement passée en force de chose
jugée; toutefois, ce droit ne vise pas le réexamen de la
décision administrative dans son ensemble, mais permet
simplement à l'assuré d'obtenir la rectification - sur le
plan mathématique - d'une décision de rente entrée en
force, sans que l'administration soit liée par les condi-
tions spécifiques de la révision ou de la reconsidération
(ATF 124 V 325 consid. 2c).
Dans un arrêt ultérieur (VSI 2001 p. 87, spéc. p. 91
consid. 2d), la Cour de céans a précisé que le droit de
l'assuré, fondé sur l'art. 85 al. 1 RAI, à la correction
d'une décision implique également celui d'obtenir que la
rectification porte effet rétroactif (ex tunc).

c) Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette solution
dans le cas d'espèce. Comme l'administration avait estimé à
tort, en 1995, que la condition d'assurance n'était pas
remplie le 11 janvier 1994, c'est à juste titre que les
premiers juges ont invité l'office recourant à servir la
rente d'invalidité à dater du 1er janvier 1994, soit à
partir du moment où cette prestation aurait dû être versée
à son bénéficiaire si l'erreur n'avait pas été commise.

4.- Le recourant estime enfin que l'effet rétroactif
maximal ordonné par les premiers juges paraît particulière-
ment douteux, notamment sous l'angle de la bonne foi. De
plus, le procédé viderait le délai de recours de trente
jours instauré par l'art. 84 al. 1 LAVS de son sens.
Le recourant oublie cependant que le litige est consé-
cutif à l'erreur qu'il a lui-même commise en niant jadis la
condition d'assurance. En outre, l'art. 77 RAVS permet
précisément de remédier à ce genre de situations (cf. ATF
124 V 325-326 consid. 2c), l'administration se devant à cet
égard d'agir d'office (Stéphane Blanc, La procédure admi-
nistrative en assurance-invalidité, thèse Fribourg 1999,
n. 896 p. 187).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le recourant versera à l'intimé la somme de 800 fr. à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité pour les person-
nes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 29 janvier 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.692/00
Date de la décision : 29/01/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-29;i.692.00 ?
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