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28/01/2002 | SUISSE | N°C.164/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 janvier 2002, C.164/01


«AZA 7»
C 164/01 Kt

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Rüedi, Meyer, Lustenberger
et Ferrari. Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 28 janvier 2002

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Me Charles-Henri
de Luze, avocat, rue Cheneau-de-Bourg 3, 1003 Lausanne,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- Entré au service de R

.________ SA le 15 juin 1998,
A.________ a été licencié pour le 30 juillet 1998. Il a été
libéré de son obligation de travailler...

«AZA 7»
C 164/01 Kt

Ière Chambre

MM. les juges Schön, Président, Rüedi, Meyer, Lustenberger
et Ferrari. Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 28 janvier 2002

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Me Charles-Henri
de Luze, avocat, rue Cheneau-de-Bourg 3, 1003 Lausanne,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- Entré au service de R.________ SA le 15 juin 1998,
A.________ a été licencié pour le 30 juillet 1998. Il a été
libéré de son obligation de travailler dès le 23 juillet
1998.
A la suite de la faillite de R.________ prononcée le
26 mars 1999, A.________ a déposé, le 21 mai 1999, une
demande d'indemnité en cas d'insolvabilité.

Par décision du 20 août 1999, la Caisse publique can-
tonale vaudoise de chômage (ci-après : la caisse) a reconnu
le droit à l'indemnité jusqu'au 23 juillet 1998, la niant
pour la période du 24 au 30 juillet 1998 au motif que seu-
les les créances pour le travail réellement accompli
étaient indemnisables.
Saisi d'un recours de l'assuré, le Service de l'emploi
l'a rejeté par décision du 15 juin 2000.

B.- A.________ a recouru contre cette décision; il a
été débouté par jugement du 30 avril 2001 du Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande principalement
l'annulation, la cause étant renvoyée pour instruction
complémentaire et nouveau jugement, subsidiairement la
modification, le tout sous suite de frais et dépens.
La caisse s'en remet à justice, alors que le Secréta-
riat d'Etat à l'économie a renoncé à déposer des observa-
tions.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit du recourant à l'in-
demnité pour insolvabilité en raison de la faillite de son
employeur pour la période du 24 au 30 juillet 1998.
Les premiers juges ont considéré que dès lors que
l'assuré avait été libéré de l'obligation de travailler à
partir du 23 juillet 1998, il était, dès cette date, apte
au placement, ce qui excluait le versement de l'indemnité
d'insolvabilité.
Pour sa part, le recourant conteste en substance ce
point de vue et soutient subsidiairement qu'il avait encore

droit à des vacances à prendre obligatoirement avant la fin
du mois.

2.- a) Les dispositions des art. 51 ss LACI ont intro-
duit une assurance perte de gain en cas d'insolvabilité de
l'employeur, destinée à combler une lacune dans le système
de protection sociale. Pour le législateur, le privilège
conféré par la LP aux créances de salaire (art. 219 LP) ne
donnait en effet pas une garantie suffisante au travail-
leur, si bien qu'il était nécessaire de lui assurer la
protection par le droit public, à tout le moins pendant une
période limitée et déterminée. Il s'est donc agi de proté-
ger les créances de salaire du travailleur pour lui assurer
les moyens d'existence et éviter que des pertes ne le tou-
chent durement dans son existence (Message du Conseil fédé-
ral concernant une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-
chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité
du 2 juillet 1980, FF 1980 III 532 s.; Nussbaumer, Arbeits-
losenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungs-
recht [SBVR], Bâle, Genève et Munich 1998, n° 492).

b) Par "créances de salaire" au sens de l'art. 52
LACI, on entend d'abord le salaire déterminant selon
l'art. 5 al. 2 LAVS, auquel s'ajoutent les allocations
(Nussbaumer, op. cit., n° 519). Par cette référence à la
LAVS se trouve ainsi délimité le cercle des bénéficiaires
de cette protection. Il reste que ces dispositions en ma-
tière d'assurance sociale reposent en premier lieu sur le
droit du contrat de travail en ce qui concerne notamment
les éléments contractuels, les obligations réciproques des
parties et les dispositions impératives dont il y a lieu
ensuite de tirer des conséquences juridiques en matière
d'affiliation ou de prestations (Meyer-Blaser, Résiliation
abusive du contrat de travail, nouvelles règles du Code des
obligations en la matière et incidences de ces dernières
dans le domaine de l'assurance sociale, en particulier sur

le maintien de la couverture d'assurance et le droit aux
prestations, in : Droit du travail et droit des assurances
sociales, Questions choisies, Colloque de Lausanne [IRAL]
1994, p. 177).
Contrat synallagmatique, le contrat de travail impose
principalement le versement d'un salaire au regard de l'en-
gagement de fournir un travail régulier. La conséquence
juridique, dans l'assurance-chômage, est que la créance de
salaire est principalement liée à la fourniture d'un tra-
vail. Ainsi, selon la jurisprudence, l'indemnité en cas
d'insolvabilité ne couvre que des créances de salaire qui
portent sur un travail réellement fourni; elle ne peut être
octroyée pour des prétentions en raison d'un congédiement
immédiat et injustifié du travailleur, pour des indemnités
de vacances qui n'ont pas été prises ou pour des préten-
tions émanant d'un travailleur, empêché de travailler pour
cause de maladie et que son employeur n'a pas assuré (ATF
125 V 494 consid. 3b et les arrêts et références cités;
Nussbaumer, op. cit., n° 519). Cette jurisprudence se fonde
sur le texte même de la loi et sur l'intention clairement
exprimée du législateur (Message du Conseil fédéral préci-
té, p. 613; ATF 125 V 494 consid. 3b, 121 V 379 con-
sid. 2a).

c) La fourniture d'un travail, énoncée comme condition
nécessaire en toutes hypothèses à l'application des art. 51
ss LACI, ne reflète cependant pas exactement la jurispru-
dence rendue en la matière. En effet, est assimilé à cette
situation le cas où le travailleur n'a fourni aucun travail
en raison de la demeure de l'employeur au sens de
l'art. 324 al. 1 CO. Dans ce cas, tant que le contrat n'est
pas résilié, le travailleur a une créance de salaire qui
peut justifier, le cas échéant, l'octroi de l'indemnité en
cas d'insolvabilité (ATF 111 V 269; SVR 1996 ALV no 59).
Ainsi que cela ressort de la jurisprudence (ATF
125 V 493 consid. 3b, 121 V 379 consid. 2b), le critère de

distinction qu'il faut poser en la matière réside dans la
délimitation entre indemnité pour insolvabilité et indem-
nité de chômage. Si, durant la période en cause, l'assuré
était apte au placement (art. 15 al. 1 LACI) et s'il pou-
vait se soumettre aux prescriptions de contrôle de l'admi-
nistration (art. 17 LACI), il n'a pas droit à l'indemnité
en cas d'insolvabilité. Il en va ainsi de l'assuré qui a
été licencié avec effet immédiat et sans justes motifs
(art. 337c CO) ou de celui qui a été congédié en temps
inopportun (art. 336c CO). Dans ces cas, l'assuré présente
une disponibilité suffisante pour accepter un travail con-
venable et pour se soumettre aux prescriptions de contrôle
du chômage. Le maintien, en droit, d'un contrat de travail
n'apparaît donc pas comme un critère essentiel dès lors
que, dans le premier cas, le contrat a pris fin en fait et
en droit, alors que, dans le second, les rapports de tra-
vail sont maintenus. A la différence, par exemple, de la
situation découlant de la demeure de l'employeur exposée
plus haut, il s'avère ici que la signification d'un congé
est déterminante.

3.- Il reste à déterminer les règles applicables lors-
que le travailleur a été libéré de l'obligation de fournir
un travail pendant le délai de résiliation du contrat.

a) Sous réserve du respect du délai de résiliation
légal ou contractuel, un contrat de travail de durée indé-
terminée peut en principe être librement résilié par l'une
ou l'autre partie (art. 335 CO). La résiliation entraîne
pour le travailleur la fin de l'obligation de travailler,
en règle générale au terme du délai de congé, et pour l'em-
ployeur la fin de l'obligation de payer le salaire. Il
arrive cependant que l'employeur libère immédiatement son
employé de l'obligation de travailler. Dans ce cas, le
travailleur n'a ni la possibilité, ni l'obligation de pro-
poser sa prestation à l'employeur. Renonciation volontaire

et inconditionnelle à la prestation du travailleur jusqu'à
l'échéance des relations contractuelles, cette libération
ne correspond ni à une demeure de l'employeur ni à un li-
cenciement immédiat. Reste que le travailleur libéré de
l'obligation de travailler jusqu'à la fin de son contrat
doit se laisser imputer sur son salaire le revenu tiré d'un
nouvel emploi, à moins que l'on puisse déduire des circons-
tances que les parties ont voulu exclure l'imputation (ATF
118 II 139).
Sous l'angle de l'aptitude au placement, la situation
du travailleur qui n'a plus à effectuer son travail ne
diffère pas vraiment de celle du travailleur sans emploi
qui a été licencié avec effet immédiat et de manière injus-
tifiée ou de celle du travailleur congédié en temps inop-
portun : dans tous ces cas, l'intéressé présente une dispo-
nibilité suffisante pour accepter un travail convenable et
pour se soumettre aux prescriptions de contrôle. Cette
situation ne peut, en revanche, être rapprochée du cas jugé
en 1985 où l'employeur en demeure n'avait pas donné son
congé au travailleur et lui avait promis de lui fournir du
travail à bref délai (ATF 111 V 269). Certes, comme dans le
cas du travailleur licencié en temps inopportun, le contrat
de travail prend fin seulement à son terme contractuel.
Mais, selon la jurisprudence, le maintien, en droit, d'un
rapport de travail n'est pas un critère déterminant pour
juger du droit à l'indemnité de chômage (ATF 119 V 157
consid. 2a).
Dès lors, à la différence du cas jugé en 1999 où l'em-
ployé était empêché de travailler pour cause de maladie
(ATF 125 V 492, en particulier 497 consid. 4b), le critère
de l'aptitude au placement et de la disponibilité pour se
soumettre aux contrôles joue, dans la situation du travail-
leur libéré de son obligation de fournir un travail pendant
le délai de résiliation du contrat, un rôle essentiel pour
délimiter l'indemnité de chômage et l'indemnité en cas
d'insolvabilité (ATF 125 V 495 consid. 3b, 121 V 381 con-

sid. 2b). En revanche, le critère du travail fourni - ou de
l'absence d'une créance de salaire portant sur un travail
réellement fourni - n'apparaît pas déterminant (cf. ATF
121 V 379 consid. 2a). N'est pas non plus décisif le fait
que les prétentions de salaire ou d'indemnité pour résilia-
tion anticipée des rapports de travail ne constituent pas
une perte de travail à prendre en considération (art. 11
al. 3 LACI), puisque les prestations de l'assurance-chômage
prévues par la loi doivent être versées en cas de doutes
quant aux droits découlant du contrat de travail (art. 29
al. 1 et 2 LACI; ATF 121 V 379 consid. 2b).

b) Dans le cas particulier, l'assuré a été licencié le
23 juillet 1998 pour la fin du mois et dispensé dès cette
date de l'obligation de fournir un travail. Sans emploi dès
ce moment, il avait la disponibilité nécessaire pour être
apte au placement selon l'art. 15 al. 1 LACI. Cela suffit
pour exclure le droit à l'indemnité d'insolvabilité.

c) Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant l'argumen-
tation subsidiaire du recourant dès lors que le droit à
l'indemnité n'est pas donné pour des vacances qui n'ont pas
été prises (supra consid. 2b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud et au Secréta-
riat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 28 janvier 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.164/01
Date de la décision : 28/01/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-28;c.164.01 ?
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