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24/01/2002 | SUISSE | N°7B.256/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 janvier 2002, 7B.256/2001


«/2»
7B.256/2001

CHAMBRE DES POURSUITES ET DES FAILLITES
***************************************

24 janvier 2002

Composition de la Chambre: Mme Nordmann, présidente, Mme
Escher et M. Meyer, juges. Greffier: M. Fellay.

Statuant sur le recours formé

par

X._________, représentée par Me Philippe Cottier, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 31 octobre 2001 par la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(faillite; réalisation d'un

immeuble
par voie d'enchères privées)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L...

«/2»
7B.256/2001

CHAMBRE DES POURSUITES ET DES FAILLITES
***************************************

24 janvier 2002

Composition de la Chambre: Mme Nordmann, présidente, Mme
Escher et M. Meyer, juges. Greffier: M. Fellay.

Statuant sur le recours formé

par

X._________, représentée par Me Philippe Cottier, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 31 octobre 2001 par la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(faillite; réalisation d'un immeuble
par voie d'enchères privées)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'administration spéciale de la faillite de
M.________ a été chargée de réaliser deux parcelles de
terrain, copropriété du failli et de J.________, situées à
Versoix.

Dans le cadre de la procédure de l'art. 256 LP, des
offres d'achat ont été formulées: par S.________ SA, pour le
compte d'un client non désigné (1'600'000 fr., montant porté
à 1'700'000 fr. le 11 mai 2000), par C.________ (1'600'000
fr. le 11 avril 2000) et par la X.________ en formation
(1'675'000 fr. le 20 juin 2000), société qui sera inscrite
au
registre du commerce le 19 décembre 2000.

Il a été décidé de procéder à des "enchères pri-
vées", qui ont eu lieu le 13 juillet 2000. Aux termes du pro-
cès-verbal établi à cette occasion, S.________ SA a fait la
meilleure offre (1'835'000 fr.); ce prix était donc retenu
et
les parcelles seraient vendues à cette société; au cas où
celle-ci ne s'exécuterait pas, l'offre immédiatement infé-
rieure formulée pour le compte de la X.________ en formation
(1'830'000 fr.) serait retenue et exécutée. Ni ledit procès-
verbal ni la quittance concernant l'acompte versé le jour
des
enchères par S.________ SA (20'000 fr.) ne mentionnaient que
celle-ci agissait au nom de Y.________.

Le lendemain de la vente, S.________ SA a informé
l'administration spéciale que, vu le prix de 1'835'000 fr.
misé, pour une offre initiale de 1'700'000 fr., elle ne dis-
posait pas immédiatement des fonds et demandait une prolon-
gation au 30 novembre 2000 de l'échéance fixée au 20 août
2000 dans les conditions des enchères privées. Cette prolon-
gation a été accordée, mais aucune promesse de vente ou
vente
n'a été passée dans le délai octroyé, le copropriétaire

J.________ s'opposant à la vente. Finalement, avec l'accord
de celui-ci, la vente notariée a eu lieu les 7 et 12
décembre
2000, mais elle a été conclue avec Y.________, non avec
S.________ SA. Elle a été publiée le 2 février 2001.

B.- Le 26 mars 2001, la X.________, dont l'offre
immédiatement inférieure à celle de S.________ SA avait été
retenue lors des enchères privées, a porté plainte en con-
cluant principalement à l'annulation de l'adjudication des
parcelles en cause à S.________ SA, à l'annulation de la
vente à Y.________ et à l'adjudication desdites parcelles à
elle-même; subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit
procédé à une nouvelle vente aux enchères.

Par décision du 20 juin 2001, le Président du Tribu-
nal d'arrondissement de La Côte, autorité cantonale inférieu-
re de surveillance, a déclaré la plainte irrecevable pour le
motif qu'elle était tardive; de toute façon, a-t-il ajouté,
la plainte aurait dû être rejetée parce que la vente n'était
pas nulle au regard de l'art. 22 LP.

Sur recours de la plaignante, la Cour des
poursuites
et faillites du Tribunal cantonal vaudois a, par arrêt du 31
octobre 2001, confirmé la décision de l'autorité inférieure
de surveillance. Elle a considéré en substance que
l'autorité
de surveillance ne se trouvait pas dans un cas où elle
aurait
dû intervenir en tout temps, sans égard au délai de dix
jours
fixé par l'art. 132a LP. Selon la cour cantonale, la vente
de
gré à gré - dont les enchères privées sont une modalité - ne
serait pas soumise aux impératifs de la vente aux enchères
publiques; à supposer qu'une prescription légale ait été vio-
lée, on ne verrait pas en quoi l'intérêt public aurait été
concerné par cette violation ou en quoi celle-ci aurait été
telle qu'elle dût entraîner la nullité d'office de l'adjudi-
cation.

C.- La X.________ a recouru le (lundi) 12 novembre
2001 à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal
fédéral en reprenant ses conclusions formulées en instance
cantonale. Elle ne demande toutefois plus l'annulation de
l'attribution et de la vente, mais la simple constatation de
leur nullité.

Sur requête de la recourante, l'effet suspensif a
été octroyé par ordonnance présidentielle du 19 novembre
2001.

L'administration spéciale et S.________ SA
concluent
au rejet du recours. Y.________ en fait de même, après avoir
vainement sollicité une prolongation du délai de réponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La question de l'opportunité d'un second
échange d'écritures s'est posée à l'occasion de la demande
de
prolongation du délai de réponse présentée par l'une des in-
timées. Il n'y a toutefois pas lieu d'ordonner une telle me-
sure d'instruction en l'absence de requête formelle dans ce
sens. Au demeurant, la Chambre de céans se trouve suffisam-
ment renseignée en l'état sur le fond de l'affaire.

b) En vertu des art. 63 al. 1 et 81 OJ, le Tribunal
fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties.
Cette règle subit des exceptions, dont l'une résultant du
pouvoir de surveillance: l'existence d'un motif de nullité
absolue autorise en effet le Tribunal fédéral à statuer "ul-
tra" ou "extra petita", et donc à décider lui-même d'une me-
sure en dehors de toute conclusion (Sandoz-Monod,
Commentaire
de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne
1990, p. 794 et la jurisprudence citée). La différence entre
les conclusions prises en instance cantonale (annulation) et

celles formulées dans le présent recours (constatation de la
nullité) n'empêcherait donc pas le Tribunal fédéral, s'il ad-
mettait le recours et que la cause soit en état d'être
jugée,
de corriger, modifier, réformer et redresser l'acte de pour-
suite ou la décision de l'autorité de surveillance
précédente
(art. 21 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur
la
poursuite pour dettes et la faillite, n. 13 ad art. 21).

2.- L'art. 132a LP - applicable ici par renvoi de
l'art. 259 LP - prévoit que la réalisation peut être
attaquée
par une plainte contre l'adjudication ou l'acte de vente de
gré à gré (al. 1) dans le délai de dix jours (art. 17 al. 2
LP) dès la connaissance de l'acte attaqué et du motif de la
contestation (al. 2), le droit de plainte s'éteignant toute-
fois un an après la réalisation (al. 3).

Ce délai d'une année, selon les constatations de
l'arrêt attaqué, a été respecté en l'espèce. Quant au délai
de dix jours, la recourante ne conteste pas qu'il ne l'a pas
été; elle se prévaut toutefois de l'art. 22 al. 1 LP, qui
prévoit la nullité des mesures contraires à des dispositions
édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de
personnes
ne participant pas à la procédure, et enjoint aux autorités
de surveillance de constater cette nullité indépendamment de
toute plainte, c'est-à-dire en tout temps, en dehors de tout
délai de plainte (Gilliéron, op. cit., n. 12 ad art. 22).

A ce propos, la recourante qualifie d'insoutenable
la thèse de la cour cantonale affirmant que les dispositions
relatives aux enchères publiques (art. 257 ss LP et 45 ss
de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la
réalisation forcée des immeubles [ORFI; RS 281.42])) ne sont
pas applicables par analogie à la vente de gré à gré et
refusant par conséquent de voir une cause de nullité absolue
dans les irrégularités des enchères privées litigieuses,
l'inexactitude du procès-verbal dressé à leur issue, la

modification ultérieure des conditions de vente et la signa-
ture de l'acte notarié par une autre société que l'adjudica-
taire.

Plus particulièrement, la recourante reproche à
l'autorité cantonale de se fonder essentiellement sur la ju-
risprudence du Tribunal fédéral subordonnant la validité de
la vente de gré à gré à un acte authentique et le transfert
de propriété à l'inscription au registre foncier (ATF 106
III
79 consid. 7 p. 85), sans tenir compte de l'opinion
contraire
soutenue par la majorité de la doctrine. La présente espèce
offre l'occasion de revoir la question, et ce, comme on l'ex-
posera ci-après, dans le sens de cette opinion majoritaire.

3.- a) Les modes de réalisation des enchères publi-
ques et de la vente de gré à gré se différencient surtout
dans la manière dont se forme le prix, mais leur nature juri-
dique est la même: l'un et l'autre se caractérisent comme
une
institution de l'exécution forcée, un acte de la puissance
publique ayant pour but de réaliser le patrimoine mis sous
main de justice et susceptible par conséquent d'être attaqué
par voie de plainte au sens des art. 17 ss LP (ATF 106 III
79
consid. 4 p. 82; art. 132a LP et Message concernant la révi-
sion de la LP du 8 mai 1991, p. 112).

b) Si la jurisprudence précitée soumet les deux mo-
des de réalisation à des exigences de forme différentes,
c'est, d'une part, parce que dans les enchères publiques -
et
contrairement à ce qui se passerait pour la vente de gré à
gré - l'enchère doit être précédée d'une procédure prélimi-
naire fixée avec précision (publication de l'enchère, éta-
blissement de l'état des charges, procédure d'épuration de
l'état des charges, établissement des conditions de la vente
aux enchères); c'est, d'autre part, parce que l'adjudication
a lieu publiquement et qu'elle est par conséquent soumise au
contrôle du public (ATF 106 III 79 consid. 7 p. 85).

Le premier argument, tiré de l'existence d'une pro-
cédure préliminaire pour les enchères publiques, ne tient
plus au regard de l'art. 143b al. 2 LP, entré en vigueur le
1er janvier 1997 (RO 1995 p. 1227, 1309). Cette disposition
prévoit, en effet, que la vente de gré à gré ne peut avoir
lieu qu'après l'épuration de l'état des charges au sens de
l'art. 138 al. 2 ch. 3 et al. 3, et de l'art. 140 LP, ainsi
qu'en application par analogie des dispositions sur le
contenu des conditions de vente (art. 135 LP), le mode de
paiement (art. 136 LP) et le terme pour le paiement (art.
137
LP). Si, comme dans le cas particulier, la vente de gré à
gré
a lieu dans le cadre d'une faillite (art. 256 al. 1 LP),
elle
intervient de toute façon après que l'office a procédé à
l'épuration de l'état des charges (art. 26 et 58 al. 2 de
l'ordonnance du Tribunal fédéral du 13 juillet 1911 sur
l'administration des offices de faillite [OAOF; RS 281.32],
125 ORFI), les dispositions correspondantes sur les
conditions de vente, les mode et terme de paiement, savoir
les art. 45 ORFI (spéc. al. 1 let. a et e), 46 ss et 63
ORFI,
étant applicables par analogie en vertu du renvoi des art.
259 LP et 130 al. 1 ORFI.

Le second argument, fondé sur le contrôle du
public,
n'est pas pertinent, car la publicité des enchères n'est pas
destinée à permettre un contrôle du public, mais à permettre
au plus grand nombre possible d'amateurs de participer aux
enchères (Gilliéron, op. cit., n. 32 s. ad art. 143b).

c) L'acte de vente de gré à gré attaquable par la
voie de la plainte, en vertu des art. 132a al. 1 et 259 LP,
est la décision de l'office d'attribuer l'objet à réaliser à
celui dont l'offre a été retenue. L'office doit en dresser
procès-verbal (art. 8 al. 1 LP; cf. art. 72 s. OAOF), et ce
procès-verbal, qui jouit de la foi publique (art. 9 CC et 8
al. 2 LP), est le titre de légitimation certifiant l'acquisi-
tion, par l'attributaire, de la propriété de l'objet mis en

vente. Il s'agit là, comme pour l'adjudication dans les en-
chères publiques, d'un mode d'acquisition originaire: le
transfert de propriété intervient de par la loi, en vertu de
la décision de l'administration de la faillite,
l'inscription
au registre foncier, à requérir d'office par celle-ci (cf.
art. 66 al. 1 ORFI), ayant un caractère simplement
déclaratif
(art. 656 al. 2 CC; cf. P.-H. Steinauer, Les droits réels,
tome I, 3e éd., § 17 n. 700 et tableau en p. 197). Ainsi que
la doctrine l'admet actuellement dans sa très grande majori-
té, l'exigence de la forme authentique, en tant surtout
qu'elle vise à fournir une base sûre pour l'inscription au
registre foncier, ne se justifie donc pas à l'égard de la dé-
cision d'attribution de gré à gré, consignée - comme pour
l'adjudication des enchères publiques - dans un
procès-verbal
jouissant de la foi publique et établi sur la base d'actes
préparatoires tels que l'apport d'extraits du registre fon-
cier (art. 8 et 28 ORFI; art. 26 et 58 al. 2 OAOF) et l'épu-
ration de l'état des charges (Amonn/Gasser, Grundriss des
Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., Berne 1997, §
28 n. 75; Blumenstein, Handbuch des schweizerischen Schuldbe-
treibungsrechtes, p. 440; Gilliéron, op. cit., n. 29 ss ad
art. 143b; Haab/Simonius/Scherrer/Zobl, in Commentaire zuri-
chois, n. 64 ad art. 656; Häusermann/Stöckli/Feuz, in Kommen-
tar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, Stae-
helin/Bauer/Staehelin, n. 57 ss ad 143b; Jaeger/Walder/Kull/
Kottmann, SchKG, 4e éd. 1997/99, n. 11 ad art. 143b; Franco
Lorandi, Der Freihandverkauf im schweizerischen Schuldbetrei-
bungs- und Konkursrecht, thèse St-Gall 1994, p. 101 ss;
contra: H. Deschenaux, Le registre foncier, Traité de droit
privé suisse, vol. V, t. II, 2, p. 262 n. 14; Meyer-Hayoz,
in
Commentaire bernois, n. 102 ad art. 656; Hermann Laim, in
Commentaire bâlois, n. 44 ad art. 656; Felix Stutz, Der Frei-
handverkauf im SchKG, thèse Zurich 1978,
p. 97).

Il y a lieu, en conséquence, d'abandonner la juris-
prudence de l'ATF 106 III 79 (consid. 7 p. 85) et de poser

que dans la vente de gré à gré, comme dans les enchères pu-
bliques, il n'est pas besoin d'un acte authentique et que la
propriété est acquise par la décision, verbalisée, de l'offi-
ce ou de l'administration de la faillite d'attribuer l'objet
à réaliser à celui dont l'offre a été retenue.

4.- Il résulte du considérant 3b ci-dessus que
c'est à tort, vu les renvois prévus aux art. 143b al. 2, 259
LP et 130 al. 1 ORFI, que l'autorité cantonale a déclaré in-
applicables de façon générale les règles des enchères publi-
ques des art. 257 ss LP et 45 ss ORFI (cf. Amonn/Gasser, op.
cit., § 47 n. 26) et, plus particulièrement, celles des art.
58 al. 3 et 67 ORFI (identité de l'auteur de l'offre et de
la
personne à inscrire comme propriétaire) et des 143 LP et 63
ORFI (demeure de l'adjudicataire).

a) Aux termes de l'art. 58 al. 3 ORFI, sont irrece-
vables les offres faites pour le compte de personnes qui ne
sont pas nommément désignées ou qui ne le seront qu'ultérieu-
rement ou de personnes juridiques encore inexistantes. Une
telle norme, ou condition de vente, se comprend aisément s'a-
gissant d'un transfert de propriété à inscrire au registre
foncier, compte tenu des exigences de sécurité juridique
liées à une telle inscription. C'est pourquoi le procès-ver-
bal spécial qui, en vertu de l'art. 72 OAOF, doit être
rédigé
pour chaque enchère, mentionnera notamment la déclaration du
fonctionnaire dirigeant les enchères que "l'immeuble est ad-
jugé pour le prix de fr. ... à N. N.", cette indication de-
vant être signée par l'adjudicataire "qui prendra expressé-
ment cette qualité" (art. 73 OAOF). On ne voit aucune raison
de ne pas appliquer cette règle par analogie à la vente de
gré à gré, vu l'assimilation de celle-ci, pour ce qui est de
sa nature juridique, aux enchères publiques. C'est
d'ailleurs
- mutatis mutandis - ce qui a été fait en l'occurrence, où
l'administrateur de la faillite chargé de la vente de gré à
gré a mentionné dans le procès-verbal d'attribution que "le

prix de 1'835'000.- est retenu et les parcelles seront ven-
dues à la société S.________ SA".

Comme il a été exposé plus haut (consid. 3 c), l'ad-
ministration de la faillite est tenue, également dans le ca-
dre de la vente de gré à gré, de requérir d'office l'inscrip-
tion au registre foncier du transfert de propriété résultant
de l'attribution au plus offrant (art. 66 ORFI). En outre,
en
vertu de l'art. 67 ORFI, elle ne peut faire inscrire comme
propriétaire au registre foncier que celui auquel l'immeuble
a été adjugé.

Les règles susmentionnées sont impératives. Desti-
nées à garantir la sécurité du droit, elles sont édictées
dans l'intérêt public.

b) Que la réalisation forcée ait lieu aux enchères
publiques ou de gré à gré, les art. 143 LP et 63 ORFI s'ap-
pliquent lorsque l'adjudicataire ou acquéreur a obtenu un
terme de paiement et qu'il est en demeure, cette situation
devant entraîner la révocation de l'adjudication ou de l'at-
tribution de gré à gré et l'organisation de nouvelles enchè-
res, avec obligation pour le précédent adjudicataire ou ac-
quéreur et ses cautions de réparer le dommage éventuel (Gil-
liéron, op. cit., n. 12, 31 et 49 ss ad 143; Häusermann/
Stöckli/Feuz, loc. cit., n. 30 ad art. 143b). Le devoir de
révoquer l'adjudication ou l'attribution n'est par ailleurs
pas limité dans le temps, la procédure des art. 143 LP et 63
ORFI devant être engagée même lorsque l'acquéreur est depuis
longtemps en "possession de l'immeuble" (ATF 35 I 227
consid.
1), car, dès lors qu'il ne peut disposer du droit de proprié-
té qui lui avait été adjugé ou attribué de gré à gré, la sé-
curité du droit ne saurait être compromise (Gilliéron, op.
cit., n. 35 ad art. 143).

5.- En l'espèce, à défaut de pouvoir mener à terme
l'attribution décidée en faveur de S.________ SA ou, subsi-
diairement, en faveur de la X.________, qui était juridique-
ment encore inexistante, l'administration spéciale devait
révoquer l'attribution et ordonner immédiatement de
nouvelles
enchères (art. 63 al. 1 ORFI par analogie). En acceptant de
vendre les parcelles en cause et de faire inscrire au regis-
tre foncier une personne (Y.________) qui n'avait pas
formulé
d'offre et n'était pas l'acquéreur désigné dans le procès-
verbal d'attribution, l'administration de la faillite a clai-
rement violé les dispositions, impératives et édictées dans
l'intérêt public, des art. 58 al. 3 et 67 ORFI. Ce motif suf-
fit pour constater la nullité de la vente litigieuse selon
l'art. 22 al. 1 LP, sans qu'il soit encore besoin d'examiner
ce qu'il en est de la violation des art. 143 LP et 63 ORFI
également invoquée par la recourante. Le recours doit par
conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé.

La nullité selon l'art. 22 LP ayant un effet "ex
tunc" (Gilliéron, op. cit., n. 14 ad art. 21; Flavio
Cometta,
in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Kon-
kurs, Staehelin/Bauer/Staehelin, n. 20 ad art. 22), les con-
séquences en sont les suivantes dans le cas particulier:
l'attribution des parcelles litigieuses à S.________ SA est
révoquée, faute d'avoir été suivie d'exécution; l'offre immé-
diatement inférieure formulée par la X.________ ne peut pas
être retenue, cette personne juridique étant encore inexis-
tante au moment déterminant (art. 58 al. 3 ORFI); la vente
effectuée en faveur de Y.________ est nulle, faute pour
celle-ci de posséder la qualité d'adjudicataire ou d'attribu-
taire, et donc de justifier d'un titre d'acquisition valable
(art. 67 ORFI). L'administration spéciale doit dès lors pro-
céder à de nouvelles enchères.

Par ces motifs,

la Chambre des poursuites et des faillites:

1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

2. Révoque l'attribution des parcelles litigieuses
en faveur de S.________ SA.

3. Dit que l'offre immédiatement inférieure
formulée
par la X.________, alors en formation, ne peut pas être
retenue.

4. Constate la nullité de la vente effectuée en fa-
veur de Y.________.

5. Renvoie la cause directement à l'administration
spéciale, à charge pour elle de procéder à de nouvelles en-
chères.

6. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re de la recourante, à Me Jean-Luc Tschumy, avocat à Lausan-
ne, pour l'Administration spéciale de la faillite de
M.________, à Me Lucien Gani, avocat à Lausanne, pour
Y.________, à S.________ SA, à J.________ et à la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.

Lausanne, le 24 janvier 2002
FYC/frs
Au nom de la
Chambre des poursuites et des faillites
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
La Présidente,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.256/2001
Date de la décision : 24/01/2002
Chambre des poursuites et des faillites

Analyses

Réalisation d'un immeuble de gré à gré dans la faillite (art. 256 LP). Opportunité d'un second échange d'écritures (consid. 1a). L'existence d'un motif de nullité absolue autorise le Tribunal fédéral à statuer "ultra" ou "extra petita" (consid. 1b). Dans la vente de gré à gré, comme dans les enchères publiques, il n'est pas besoin d'un acte authentique et la propriété est acquise par la décision, verbalisée, de l'office ou de l'administration de la faillite d'attribuer l'objet à réaliser à celui dont l'offre a été retenue (consid. 2 et 3; modification de la jurisprudence). Sont notamment applicables à la vente de gré à gré les dispositions des art. 58 al. 3 et 67 ORFI concernant l'identité de l'auteur de l'offre et de la personne à inscrire comme propriétaire, et celles des art. 143 LP et 63 ORFI traitant de la demeure de l'adjudicataire (consid. 4). Conséquences de la nullité de la vente de gré à gré en l'espèce (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-24;7b.256.2001 ?
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