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23/01/2002 | SUISSE | N°C.110/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 janvier 2002, C.110/01


«AZA 7»
C 110/01 Kt

IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 23 janvier 2002

dans la cause

A.________ Sàrl, recourante, représentée par Me Daniel
Pache, avocat, place St-François 11 et 12, 1002 Lausanne,

contre

Service de l'emploi du canton de Vaud, rue Marterey 5,
1014 Lausanne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- A la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral des as

-
surances du 20 mars 1998 (C 355/97), la Caisse d'assurance-
chômage de la Chambre vaudoise du commerce et de l'indus-
trie (l...

«AZA 7»
C 110/01 Kt

IIe Chambre

MM. et Mme les juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 23 janvier 2002

dans la cause

A.________ Sàrl, recourante, représentée par Me Daniel
Pache, avocat, place St-François 11 et 12, 1002 Lausanne,

contre

Service de l'emploi du canton de Vaud, rue Marterey 5,
1014 Lausanne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- A la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral des as-
surances du 20 mars 1998 (C 355/97), la Caisse d'assurance-
chômage de la Chambre vaudoise du commerce et de l'indus-
trie (la caisse de chômage) a fixé à 12 531 fr. 80, par
décision du 29 mai 1998, la somme que la société
A.________ Sàrl devait lui restituer à titre d'indemnités
en cas de réduction de l'horaire de travail perçues à tort

de septembre 1994 à janvier 1995. Cette décision n'a pas
été attaquée.
Se prévalant de sa bonne foi et des rigueurs particu-
lières qu'une telle décision entraînerait, A.________ Sàrl
a demandé la remise de son obligation de restituer, par
lettre du 10 juin 1998. Le Service de l'emploi du canton de
Vaud, autorité cantonale en matière d'assurance-chômage, a
rejeté la demande, par décision du 31 octobre 2000. Il a
précisé qu'il était loisible à l'entreprise de s'entendre
avec la caisse de chômage sur les modalités du rembourse-
ment.

B.- A.________ Sàrl a déféré cette décision au Tribu-
nal administratif du canton de Vaud, en concluant à son
annulation. La juridiction de recours l'a déboutée, par
jugement du 12 mars 2001.

C.- A.________ Sàrl interjette recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement dont elle demande l'annula-
tion, avec suite de dépens, en concluant principalement au
renvoi de la cause aux premiers juges pour nouvelle déci-
sion, subsidiairement à l'annulation de la décision liti-
gieuse en ce sens qu'elle soit libérée de son obligation de
restituer, plus subsidiairement encore à ce que la décision
litigieuse soit déclarée sans objet. Elle requiert la mise
en oeuvre de diverses mesures d'instruction.
Le service de l'emploi intimé s'en remet à justice,
tandis que la caisse de chômage renonce à répondre au re-
cours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie ne s'est pas
déterminé. Quant au Tribunal administratif, il a produit
des déterminations sur lesquelles la recourante s'est ex-
primée.

Considérant en droit :

1.- a) La recourante invoque une violation de son
droit d'être entendue, parce que les premiers juges n'ont
pas tenu d'audience et n'ont pas procédé à son audition.

b) Le droit d'être entendu est une garantie constitu-
tionnelle de caractère formel, dont la violation doit en-
traîner l'annulation de la décision attaquée, indépendam-
ment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF
126 V 132 consid. 2b et les arrêts cités).
La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4
aCst. et qui s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst.
(ATF 127 I 56 consid. 2b, 126 V 130 consid. 2a), a déduit
du droit d'être entendu, en particulier, le droit pour le
justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit
prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant
aux faits de nature à influer sur le sort de la décision,
celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'ad-
ministration des preuves, d'en prendre connaissance et de
se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa,
124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références).
En revanche, l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas plus
que l'art. 4 al. 1 aCst. le droit de s'exprimer oralement
devant l'autorité appelée à statuer (ATF 125 I 219 con-
sid. 9b; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel
suisse, vol. II, n° 1300).

c) Par ailleurs, l'obligation d'organiser des débats
publics dans le contentieux de l'assurance sociale au sens
de l'art. 6 § 1 CEDH suppose une demande du plaideur. Pour
qu'une telle demande puisse être prise en considération,
elle doit être formulée de manière claire et indiscutable.
A cet égard, on considère que lorsqu'une partie sollicite
sa comparution personnelle, cela n'équivaut pas à une de-
mande de débats publics (ATF 125 V 38 consid. 2; Jean-

Maurice Frésard, L'applicabilité de l'art. 6 § 1 CEDH au
contentieux de l'assurance sociale et ses conséquences sous
l'angle du principe de la publicité des débats, RSA 1994,
p. 194 ss).

d) En l'espèce, la recourante a eu largement la possi-
bilité de s'expliquer par écrit en procédure cantonale. Par
ailleurs, elle n'a pas demandé l'organisation de débats
publics. Les premiers juges n'étaient dès lors pas tenus
d'accorder à la recourante la possibilité de se déterminer
oralement lors d'une audience formelle. Le moyen soulevé
n'est ainsi pas fondé.

2.- La recourante soutient que le droit de la caisse
de chômage de demander la restitution des indemnités de
chômage était prescrit, vu l'art. 95 al. 4 LACI.
Ce moyen est mal fondé, car la décision du 29 mai
1998, par laquelle la caisse de chômage a réclamé à la
recourante la restitution des prestations indûment tou-
chées, est entrée en force. Elle ne peut donc plus être
soumise à l'examen du juge.

3.- Le litige porte sur les conditions d'une remise de
l'obligation de restituer, au sens de l'art. 95 al. 2 LACI.
Le procès concernant la remise de l'obligation de res-
tituer des prestations n'a pas pour objet l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance (ATF 122 V 136 consid. 1,
223 en haut). Dès lors, le Tribunal fédéral des assurances
doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé
le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de
leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont
été constatés d'une manière manifestement inexacte ou in-
complète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

4.- a) Selon l'art. 95 al. 2 LACI, si le bénéficiaire
était de bonne foi en acceptant des prestations indues et
si leur restitution devait entraîner des rigueurs particu-
lières, on y renoncera, sur demande, en tout ou partie.
En ce qui concerne la notion de bonne foi, la juris-
prudence développée à propos de l'art. 47 al. 1 LAVS vaut
par analogie en matière d'assurance-chômage (DTA 1992 n° 7
p. 103 consid. 2b). C'est ainsi que l'ignorance, par le
bénéficiaire, du fait qu'il n'avait pas droit aux presta-
tions versées ne suffit pas pour admettre qu'il était de
bonne foi. Il faut bien plutôt que le bénéficiaire des
prestations ne se soit rendu coupable, non seulement d'au-
cune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence
grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition
de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui
conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir
d'annoncer ou de renseigner) sont imputables à un compor-
tement dolosif ou à une négligence grave. En revanche,
l'intéressé peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou
l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère
de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 112 V 103
consid. 2c, 110 V 180 consid. 3c).

b) La question de la bonne foi, au sens de l'art. 95
al. 2 LACI, ne pouvait et devait être examinée que dans le
cadre d'une demande de remise de l'obligation de restituer,
c'est-à-dire postérieurement à l'entrée en force de la
décision de restitution qui a été prise le 29 mai 1998 en
application de l'art. 95 al. 1 LACI. A cet égard, contrai-
rement à ce que la recourante paraît déduire de l'arrêt du
20 mars 1998 (C 355/97), la Cour de céans ne s'y est pas
prononcée sur la question de la bonne foi au sens de
l'art. 95 al. 2 LACI. Peu importe, au demeurant, que le
Tribunal administratif, dans le jugement qui a précédé cet
arrêt, ait émis des considérations sur l'attitude de la

caisse de chômage ou la bonne foi de la recourante, car
celles-ci ne lient pas le Tribunal fédéral des assurances.

c) Les premiers juges ont constaté, dans le jugement
attaqué, que la caisse de chômage n'avait jamais exigé de
la recourante qu'elle lui fournisse les justificatifs
attestant un contrôle interne des heures travaillées et
perdues, durant toute la période où les indemnités incri-
minées avaient été perçues. Les juges cantonaux ont éga-
lement relevé que la réduction de l'horaire de travail
n'était pas suffisamment contrôlable, car la recourante ne
disposait d'aucune pièce attestant les heures effectivement
travaillées et celles qui étaient chômées. En effet, la
secrétaire de l'entreprise reportait simplement sur les
formules de l'assurance-chômage l'horaire de présence
manuscrit que le personnel concerné lui communiquait, ce
document interne n'étant ensuite pas conservé (con-
sid. 2b/aa du jugement attaqué).
La recourante ne conteste pas la réalité de ce qui
précède et n'expose pas non plus en quoi les faits perti-
nents constatés par les premiers juges l'auraient été en
violation des art. 104 let. b et 105 al. 2 OJ. En consé-
quence, ceux-ci lient la Cour de céans.

d) Pour se prévaloir de sa bonne foi, la recourante
allègue qu'elle a été trompée par l'administration et
qu'elle n'a commis aucune négligence, grave ou légère.
Ce moyen ne résiste pas à l'examen. En effet, l'absen-
ce d'un document probant rend aléatoire un contrôle ulté-
rieur de l'horaire du personnel par la caisse de chômage,
alors qu'il incombe à l'employeur de faire en sorte que
l'horaire de travail et sa réduction soient suffisamment
contrôlables (cf. art. 31 al. 3 let. a LACI). Peu importe,
à cet égard, que la caisse de chômage n'ait pas requis la
recourante d'établir et de conserver des justificatifs
aussi longtemps qu'elle versait ses indemnités de chômage.

Cette dernière pouvait et devait se rendre compte que le
simple report d'un horaire de présence manuscrit - suivi de
son élimination - sur les formules de l'assurance-chômage
n'était pas propre à établir la perte de travail indemnisa-
ble à teneur des conditions légales. A tout le moins au-
rait-elle dû prendre des renseignements supplémentaires à
ce sujet auprès de l'administration compétente. Une telle
omission ne peut être qualifiée de négligence légère (cf.
DTA 1998 n° 41 p. 238 consid. 4b).
Enfin, on rappellera que c'est à l'employeur qu'il
incombe de communiquer à l'administration, à la demande de
celle-ci, tous les documents et informations nécessaires à
un examen approfondi du droit à l'indemnité, lorsque des
doutes apparaissent et qu'un tel examen se révèle indispen-
sable (ATF 124 V 385 consid. 2c). Récemment, le Tribunal
fédéral des assurances a ainsi jugé qu'un dirigeant d'une
sàrl manque gravement à son devoir de diligence, lorsqu'il
conserve les documents nécessaires à un contrôle d'emplo-
yeur avec d'autres papiers destinés à être éliminés; si,
par mégarde, ceux-ci viennent à disparaître, l'employeur ne
peut plus se prévaloir de sa bonne foi dans le cadre d'une
demande de remise de l'obligation de restituer (DTA 2001
n° 18 p. 160).

5.- La condition de la bonne foi, prévue à l'art. 95
al. 2 LACI, n'est pas remplie et il est superflu d'adminis-
trer d'autres preuves, notamment l'audition de témoins.
L'examen de la condition - cumulative - des rigueurs parti-
culières s'avère inutile.
C'est donc avec raison que la remise de l'obligation
de restituer a été refusée par l'office cantonal. Le re-
cours est mal fondé.

6.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-

tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). La recourante,
qui succombe, supportera les frais de justice (art. 153a,
156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant total de 1200 fr.,
sont mis à la charge de la recourante et sont compen-
sés avec l'avance de frais, d'un même montant, qu'elle
a effectuée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud, au Secrétariat
d'Etat à l'économie, ainsi qu'à la Caisse d'assurance-
chômage de la Chambre vaudoise du commerce et de l'in-
dustrie.

Lucerne, le 23 janvier 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.110/01
Date de la décision : 23/01/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-23;c.110.01 ?
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