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22/01/2002 | SUISSE | N°1P.707/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 janvier 2002, 1P.707/2001


{T 0/2}
1P.707/2001/col

Arrêt du 22 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

X.________, recourante, représentée par Me Olivier Derivaz, avocat,
case
postale 1472, 1870 Monthey 2,

contre

Y.________, intimé, représenté par Me Daniel Cipolla, avocat, case
postale
183, 1920 Martigny,
Ministère public du canton du Valais, représenté par Jean-Franç

ois
Gross,
Procureur du Bas-Valais, avenue du Grand-Saint-Bernard 4, 1920
Martigny,
Tribunal cantonal du canton du Val...

{T 0/2}
1P.707/2001/col

Arrêt du 22 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

X.________, recourante, représentée par Me Olivier Derivaz, avocat,
case
postale 1472, 1870 Monthey 2,

contre

Y.________, intimé, représenté par Me Daniel Cipolla, avocat, case
postale
183, 1920 Martigny,
Ministère public du canton du Valais, représenté par Jean-François
Gross,
Procureur du Bas-Valais, avenue du Grand-Saint-Bernard 4, 1920
Martigny,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour d'appel
pénale II, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

art. 9 & 29 Cst. (procédure pénale; appréciation des preuves)

(recours de droit public contre le jugement de la Cour d'appel pénale
II du
Tribunal cantonal du canton du Valais du 26 septembre 2001)

Faits:

A.
X. ________ est née le 20 juillet 1970 près de Paris, d'un père
inconnu et
d'une mère alcoolique. Deuxième d'une fratrie de trois enfants, elle
a très
tôt été confrontée au vagabondage et à la maltraitance. Après un
premier
séjour en Suisse durant l'été 1975, elle a été définitivement placée
auprès
des époux Y.________, qui l'ont adoptée le 10 janvier 1990. A son
arrivée en
Suisse, la jeune fille présentait de graves troubles de malnutrition
et un
retard considérable dans son développement intellectuel et psychique,
justifiant l'allocation mensuelle d'une demi-rente d'invalidité.
Le 30 janvier 1995, X.________ a dénoncé son père adoptif au motif
qu'il
aurait abusé d'elle quand elle avait 14 ou 15 ans et jusqu'à son
départ de la
maison en avril 1992, à la suite d'une violente dispute. Elle
l'accusait en
substance de l'avoir contrainte à dormir dans le même lit et à se
doucher
ensemble, de l'avoir caressée en passant la main sous les habits, de
l'avoir
incitée à le caresser en retour et à lui toucher le sexe ainsi que de
l'avoir
obligée à regarder des revues pornographiques et à visionner la
cassette du
film « Emmanuelle ». Il lui aurait également acheté des sous-vêtements
érotiques et proposé sans succès de la photographier nue. La jeune
femme a
confirmé ses dires tout au long de la procédure, en précisant que les
agissements de son père adoptif auraient gagné en fréquence et en
intensité
avec le temps.

Y. ________ a contesté les accusations formulées à son endroit en
déclarant
être la victime d'un complot fomenté par son épouse dans le cadre de
la
procédure de divorce introduite contre lui en février 1994. Il a en
particulier nié avoir eu un quelconque geste attentatoire à la pudeur
vis-à-vis de sa fille ou de sa nièce, Z.________, comme le prétendait
également la dénonciatrice. Il a tout au plus reconnu avoir embrassé
sa fille
sur la bouche lorsqu'elle était petite, sans aucune connotation
sexuelle, et
lui avoir proposé de poser nue pour des photos dans l'intention de
faire
peindre un tableau d'elle.

Z. ________ a précisé que Y.________ lui avait toujours fait peur,
mais qu'il
n'avait, à son souvenir, jamais eu de gestes contraires à la pudeur à
son
égard. Les investigations menées dans le cadre de la procédure pénale
n'ont
pas permis d'établir que le renvoi immédiat du prévenu de l'Institut
A.________, où celui-ci a travaillé comme éducateur de 1973 à 1975,
était lié
à des actes d'ordre sexuel avec l'une des pensionnaires plutôt qu'à
des
divergences de vue avec la nouvelle directrice, comme il le
prétendait.
Le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais en charge du dossier
(ci-après: le
Juge d'instruction pénale) a interpellé les spécialistes qui ont eu
l'occasion de rencontrer X.________ depuis son adoption. Selon le
Docteur
Thomas Renz, à Fribourg, que la jeune fille a consulté spontanément à
six
reprises du 27 février au 10 avril 1990, alors qu'elle suivait un
apprentissage de fleuriste au Centre de formation professionnelle et
sociale
de Seedorf, celle-ci n'a pas fait d'évocation concrète de sévices
sexuels et
de violences antérieurs ou actuels et ce praticien n'a observé aucune
trace
imputable à de tels agissements; toutefois, en parlant de son
développement
sexuel, X.________ a évoqué l'existence d'un secret qu'elle ne pouvait
divulguer à ce moment, sans faire allusion à une personne déterminée,
de son
âge ou plus âgée; elle avait une image de soi négative et dévalorisée
particulièrement dans le domaine de la féminité et de la sexualité,
comme on
l'observe fréquemment, mais pas exclusivement, chez des personnes
victimes de
tels abus. Selon le Docteur Claude Wicky, à Monthey, qui était le
médecin
traitant de X.________ d'octobre 1993 à avril 1995, celle-ci lui
aurait avoué
avoir été la victime d'attouchements et d'actes de violence de la
part de son
père adoptif; vu la complexité du cas, il a adressé sa patiente dans
un
premier temps à la Doctoresse Elisabeth Wildhaber, psychiatre et
psychothérapeute à Monthey, puis au Docteur Roberto Henking, médecin
psychiatre auprès de l'Hôpital psychiatrique de Malévoz, à Monthey,
afin de
décider de l'opportunité d'engager une psychothérapie et de déposer
une
plainte pénale. La Doctoresse Wildhaber a vu la dénonciatrice à trois
reprises en janvier 1995; dans son rapport du 24 janvier 1996, elle a
décrit
la jeune femme comme très vulnérable, hypersensible et manquant de
confiance
en soi, sans toutefois pouvoir préciser si elle avait subi des
traumatismes
tels que des sévices sexuels ou des violences. Le Docteur Roberto
Henking a
reçu X.________ à une reprise à sa consultation dans le courant du
mois de
mars 1994; la jeune femme lui était alors parue comme très
inconsistante, peu
cohérente, incapable de reconstruire son passé, par moments
projective et
hypersensible, finalement profondément atteinte dans sa personnalité.
Il a
déclaré s'être posé la question de la véracité des accusations alors
qu'un
conflit entre elle et son père lui paraissait certain, datant de bien
des
années et à mettre en relation avec le caractère autoritaire et
probablement
violent de celui-ci, dont elle aurait besoin de se défendre
constamment,
comme si une vraie menace d'ordre sexuel ou d'autre brutalités
pesaient sur
elle.
Le Juge d'instruction pénale a également soumis la dénonciatrice à une
expertise de crédibilité qu'il a confiée à la Doctoresse Evelyne
d'Aumeries
Gomez. Aux termes de son rapport rendu le 20 janvier 1998, l'expert
décrit
X.________ comme une jeune femme orientée dans le temps et l'espace,
ainsi
que sur sa personne, qui tient un discours cohérent et structuré,
dans les
grandes lignes, même si sur un certain nombre d'éléments de détail,
elle
s'embrouille et a de la peine à être précise; sur le plan thymique,
elle se
montre triste, anxieuse et par moment angoissée. Elle donne
l'impression de
présenter une importante dépendance, qui la fait s'accrocher très
fortement à
sa mère. L'impression clinique qu'il s'agit d'une jeune femme
d'intelligence
fort limitée est confirmée par les examens psychologiques effectués.
Selon
l'expert, si l'état psychologique de X.________ la conduit peut-être
à donner
une coloration un peu particulière à certains faits, à déformer
légèrement
certains événements ou à s'embrouiller dans les dates, il n'y a
toutefois
aucune raison de penser que les accusations qu'elle porte à l'égard
de son
père aient été inventées de toute pièce; il paraît en effet fort
difficile
qu'elle ait la possibilité, compte tenu de son faible niveau
intellectuel,
d'inventer une histoire qui se tienne de manière aussi claire et
d'imaginer
qu'elle pourrait avoir été téléguidée par quiconque; elle est
certainement
prise dans le conflit qui sépare ses parents, mais cet élément, non
plus, ne
suffit pas à imaginer que les faits qu'elle dénonce pourraient avoir
été
inventés. Sur le fond, la Doctoresse d'Aumeries Gomez conclut en ce
sens
qu'il lui paraît tout à fait évident que les attouchements et
attentats à la
pudeur dénoncés par X.________ ne sont pas le fruit de son
imagination.

B.
Par arrêt du 28 juin 1999, le Juge d'instruction pénale a renvoyé
Y.________
en jugement devant le Tribunal du IIIème arrondissement pour le
district de
Monthey comme accusé de contrainte sexuelle, voire d'attentat à la
pudeur
avec violence, voire d'attentat à la pudeur d'une personne incapable
de
résistance, voire d'abus de détresse, et d'actes d'ordre sexuel avec
des
personnes dépendantes.
Statuant par jugement du 5 mai 2000, cette autorité a acquitté
Y.________ et
renvoyé les prétentions civiles de X.________ au for civil, après
avoir
considéré que les éléments du dossier n'étaient pas suffisants pour
rendre un
verdict de culpabilité.
Contre ce jugement, la dénonciatrice a saisi la Cour d'appel pénale du
Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Cour d'appel ou
la cour
cantonale) d'un appel que cette autorité a rejeté après avoir écarté
la
demande tendant à l'administration d'une nouvelle expertise de
crédibilité.
Dans son jugement du 26 septembre 2001, la cour cantonale a considéré
qu'il
subsistait des doutes par trop sérieux quant à la véracité des
accusations
portées par X.________ contre son père adoptif et a acquitté ce
dernier au
bénéfice du doute. Pour la Cour d'appel, les déclarations de la
dénonciatrice, que la Doctoresse d'Aumeries Gomez a tenues pour
crédibles,
devaient être relativisées compte tenu de la suggestibilité et des
ressources
intellectuelles limitées de la jeune femme, des rapports des autres
praticiens qui ont eu l'occasion de l'examiner et qui, soit n'ont rien
remarqué, soit se sont interrogés sur la véracité des accusations, du
fait
qu'elle a dénoncé les prétendus agissements illicites de son père
adoptif,
alors qu'elle avait quitté le domicile familial depuis trois ans et
qu'elle
n'avait plus à redouter un quelconque refus de sa part de l'adopter,
de ce
qu'aucun des témoins entendus au cours de l'instruction n'a remarqué
de
comportements équivoques de la part de Y.________ envers sa fille, sa
nièce
ou des pensionnaires de l'Institut A.________ qu'il a côtoyées en
qualité
d'éducateur, de 1975 à 1977; elle a également jugé peu convaincantes
les
conclusions du rapport d'expertise de la Doctoresse d'Aumeries Gomez
parce
que celle-ci ne s'était notamment prononcée ni sur les raisons pour
lesquelles X.________ n'avait dénoncé les agissements prétendument
illicites
de son père adoptif qu'en janvier 1995, ni sur le faux témoignage
commis
quelques mois seulement après la dénonciation dans le cadre de la
procédure
de divorce de ses parents adoptifs, alors qu'il s'agissait d'indices
concrets
importants pour juger de la crédibilité de la dénonciation.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler ce jugement. Invoquant les art. 9 et 29
al. 1 et 2
Cst., elle reproche à la cour cantonale de s'être écartée de manière
arbitraire des conclusions de l'expertise de la Doctoresse Evelyne
d'Aumeries
Gomez, qui confirment la crédibilité de ses accusations, et d'avoir
violé son
droit d'être entendue et son droit à un procès équitable en refusant
d'administrer une nouvelle expertise ou un complément d'expertise si
elle
tenait celle versée au dossier pour non probante. Elle requiert
l'assistance
judiciaire.
La Cour d'appel se réfère aux considérants de son jugement. Le
Ministère
public du canton du Valais et Y.________ concluent au rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral
n'est pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des
preuves
et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid.
2a p. 83
et les arrêts cités) ou pour invoquer la violation directe d'un droit
constitutionnel ou conventionnel, tel que le droit à un procès
équitable ou
le droit d'être entendu garantis à l'art. 29 al. 1 et 2 Cst. (ATF 127
IV 215
consid. 2d p. 218; 120 IV 113 consid. 1a p. 114). Savoir si une
expertise de
crédibilité est convaincante ou non et, le cas échéant, si une
nouvelle
expertise ou un complément d'expertise doit être requis, est une
question
d'appréciation des preuves (cf. ATF 106 IV 97 consid. 2b p. 99, 236
consid.
2a p. 238; SJ 1985 p. 49 consid. 1a p. 51). Au vu des arguments
soulevés,
seul le recours de droit public est recevable en l'occurrence.

1.2 Selon une jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par
une
infraction n'a en principe pas la qualité, au sens de l'art. 88 OJ,
pour
former un recours de droit public contre une décision de classement
de la
procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est
pas lésé
dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de
ne pas
poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97
consid.
1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255); un tel intérêt est reconnu en
revanche à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle,
sexuelle ou
psychique, selon les art. 2 et 8 al. 1 let. c de la loi fédérale sur
l'aide
aux victimes d'infractions (LAVI), à la condition qu'elle ait été
partie à la
procédure et que la décision attaquée la touche dans les prétentions
civiles
ou puisse avoir des effets sur le jugement de ces dernières. Le
Tribunal
fédéral examine librement si une personne est une victime (ATF 120 Ia
157
consid. 2d p. 162
et les arrêts cités). En l'espèce, la recourante est
directement touchée dans son intégrité sexuelle par les faits
dénoncés,
indépendamment de leur réalité, de sorte qu'elle a la qualité de
victime au
sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Il n'est pas contesté qu'elle était
partie à la
procédure cantonale et que le jugement attaqué a des effets sur ses
prétentions civiles étant donné qu'elles ont été renvoyées au for
civil. Les
conditions posées par l'art. 8 al.1 let. c LAVI sont donc réalisées.
La
recourante dispose ainsi des mêmes droits que l'inculpé et peut
remettre en
cause la constatation des faits et l'appréciation des preuves par la
voie du
recours de droit public (ATF 120 Ia 157 consid. 2c p. 162).

1.3 Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile contre une
décision finale rendue en dernière instance cantonale. Il répond donc
aux
exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient
d'entrer
en matière sur le fond.

2.
La recourante reproche à la cour cantonale de s'être écartée sans
raison de
l'expertise de crédibilité réalisée par la Doctoresse Evelyne
d'Aumeries
Gomez, qui conclut à la vraisemblance des accusations portées contre
l'intimé. Elle lui fait en outre grief de ne pas avoir mis en oeuvre
une
nouvelle expertise si elle considérait cette pièce comme non probante.

2.1 La jurisprudence rendue en application de l'art. 4 aCst., mais
qui garde
toute sa valeur sous l'empire de l'art. 9 Cst., reconnaît au juge un
important pouvoir d'appréciation dans la constatation des faits et
leur
appréciation, qui trouve sa limite dans l'interdiction de
l'arbitraire (ATF
127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31
consid. 2a
p. 38; 118 Ia 28 consid. 1a p. 30; 116 Ia 85 consid. 2b p. 88 et les
arrêts
cités). Le Tribunal fédéral n'intervient en conséquence pour
violation de
l'art. 9 Cst. que si le juge a abusé de ce pouvoir, en particulier
lorsqu'il
admet ou nie un fait pertinent en se mettant en contradiction
évidente avec
les pièces et éléments du dossier, lorsqu'il méconnaît des preuves
pertinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement pas compte, lorsque les
constatations de fait sont manifestement fausses ou encore lorsque
l'appréciation des preuves se révèle insoutenable (ATF 124 IV 86
consid. 2a
p. 88; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 117 Ia 133 consid. 2c p. 39, 292
consid.
3a p. 294; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 54 consid. 2b
p. 56, 60
consid. 5a p. 70).
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une
expertise,
le juge n'est en principe pas lié par ce dernier. Mais s'il entend
s'en
écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs
déterminants,
substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser
dans
l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas les
conclusions de
l'expert n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien
établies
viennent en ébranler sérieusement la crédibilité (ATF 122 V 157
consid. 1c p.
160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et
les arrêts
cités). Tel est notamment le cas lorsque l'expertise contient des
contradictions et qu'une détermination ultérieure de son auteur vient
la
contredire sur des points importants, ou lorsqu'elle se fonde sur des
pièces
et des témoignages dont le juge apprécie autrement la valeur
probante ou la
portée (ATF 101 IV 129 consid. 3a in fine p. 130). Si, en revanche,
les
conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des
points
essentiels, celui-ci doit recueillir des preuves complémentaires pour
tenter
de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non
concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des
preuves et
violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). Par ailleurs,
lorsque deux ou plusieurs expertises divergent entre elles sur des
points
importants, celles-ci ne bénéficient plus du crédit qui est attaché
aux avis
d'experts et qui interdit au juge de s'en écarter sans motifs
déterminants
(ATF 107 IV 7 consid. 5 p. 8; voir aussi ATF 124 I 170 consid. 4 p.
175). A
fortiori, il en va de même s'agissant d'apprécier la crédibilité non
pas de
l'accusé, mais du plaignant ou du dénonciateur.
Enfin, les parties à la procédure pénale ne peuvent faire valoir
aucune
prétention à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, qui
découlerait du
droit à un procès équitable consacré à l'art. 29 al. 1 Cst. ou du
droit
d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. Le juge peut en effet
renoncer à
administrer une mesure d'instruction lorsque celle-ci serait impropre
à
modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être
entendu
des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen
de
preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée
d'arbitraire
(ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430;
124 I 208
consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242, 274 consid. 5b p. 285 et les
arrêts
cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 127 I 54 consid. 2b p.
56, 60
consid. 5a p. 70).

2.2 En l'occurrence, la Cour d'appel a tout d'abord relevé que la
Doctoresse
Evelyne d'Aumeries Gomez était la seule de tous les spécialistes ayant
examiné la dénonciatrice à affirmer de manière péremptoire que les
accusations de X.________ étaient crédibles. Elle a ensuite rappelé
les
ressources intellectuelles limitées et la forte suggestibilité de la
jeune
femme, qui a pris fait et cause pour sa mère dans le cadre du conflit
conjugal l'opposant à Y.________, allant jusqu'à faire une fausse
déposition
en justice en sa faveur. Elle s'est étonnée du fait que X.________
avait
attendu l'hiver 1994-1995 pour dénoncer son père adoptif, alors
qu'elle
n'avait plus rien à craindre de ce dernier depuis la séparation de ses
parents intervenue en avril 1992. Elle a vu des éléments de nature à
diminuer
encore le crédit des accusations de la dénonciatrice dans le fait que
les
témoins entendus au cours de l'instruction et, en particulier, sa mère
adoptive n'ont jamais remarqué un comportement équivoque de la part de
l'intimé envers sa fille, que les mesures d'instruction n'ont pas
permis de
démontrer le bien-fondé des accusations suivant lesquelles Y.________
aurait
également abusé de sa nièce, Z.________, ou qu'il aurait eu des
problèmes de
même nature alors qu'il était éducateur à l'Institut A.________.
S'agissant
plus particulièrement du rapport d'expertise, elle a estimé, sur le
plan
formel, qu'il était peu étoffé puisque la discussion du cas tenait
sur une
page; sur le fond, elle l'a jugé lapidaire, reprochant notamment à
l'expert
de ne s'être prononcé ni sur les raisons pour lesquelles la
dénonciatrice
n'avait fait état des sévices sexuels dont elle aurait été la victime
que dix
ans après les premiers actes, ni sur le faux témoignage commis après
la
dénonciation, alors qu'il s'agissait d'indices concrets importants
pour juger
de la crédibilité de la dénonciation. Compte tenu de l'ensemble de ces
éléments, elle n'a pas tenu les accusations de la recourante pour
crédibles
et a acquitté l'intimé au bénéfice du doute.

X. ________ ne se prononce nullement sur les éléments de fait qui ont
été
jugés décisifs pour acquitter l'intimé; elle ne prétend en
particulier pas
qu'ils constitueraient des motifs insuffisants pour s'écarter des
conclusions
de l'expertise, mais se borne à évoquer les raisons qu'il y aurait de
les
suivre et à rappeler que si la Cour d'appel avait des doutes sur le
résultat
de l'expertise, elle aurait dû procéder à une nouvelle expertise. Il
est
douteux que le recours réponde aux exigences de motivation requises
par
l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour les recours fondés sur l'art. 9 Cst.
(cf. ATF
127 I 38 consid. 3c p. 43). Peu importe en définitive car il est de
toute
manière mal fondé. La cour cantonale n'a pas éprouvé de doutes sur les
conclusions de l'expertise, mais elle a considéré qu'elle ne pouvait
pas les
suivre au regard des autres éléments du dossier qui venaient ébranler
la
crédibilité de la dénonciatrice. Elle n'avait ainsi aucune obligation
de
procéder à une nouvelle expertise (cf. ATF 118 Ia 144 consid. 1c
précité).
Par ailleurs, vu les avis plus nuancés, voire divergents des autres
spécialistes ayant eu l'occasion de rencontrer la recourante, quant à
la
crédibilité à accorder à ses déclarations, la Cour d'appel pouvait
admettre,
au terme d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves,
qu'une
nouvelle expertise ne serait pas en mesure d'établir de manière
claire la
crédibilité de la dénonciatrice et, partant, de modifier son opinion.
Pour le surplus, les critiques adressées au jugement attaqué ne
permettent
nullement d'en établir le caractère arbitraire. Le Docteur Thomas
Renz a
certes relevé que la jeune femme avait fait une allusion à un secret
qu'elle
ne pouvait divulguer pour le moment, en relation avec son
développement
sexuel, sans autre indication; il a également constaté que la jeune
fille
présentait une image négative et dévalorisée, particulièrement dans le
domaine de la féminité et de la sexualité, comme on l'observe
fréquemment,
mais non exclusivement, chez des personnes victimes de tels abus; il a
cependant précisé que la jeune femme n'avait jamais fait état de
sévices
sexuels et il n'a observé aucune trace imputable à de tels
agissements. Le
Docteur Roberto Henking s'est pour sa part interrogé sur la réalité
des
attouchements dont la jeune femme prétendait avoir été la victime de
la part
de son père adoptif, compte tenu du contexte conflictuel qu'elle
entretenait
avec celui-ci et de la personnalité de la jeune femme. Certes, ce
praticien
s'est forgé son opinion au terme d'un unique entretien avec la
recourante.
Cependant, la Doctoresse Evelyne d'Aumeries Gomez n'a vu la
dénonciatrice
qu'à deux reprises. L'autorité intimée n'a dès lors pas fait preuve
d'arbitraire en retenant que l'expertise de crédibilité du 20 janvier
1998 ne
permettait pas de conclure à elle seule à la véracité des
déclarations de
X.________, en comparaison des avis des autres praticiens ayant
rencontré la
recourante, mais qu'elle devait également apprécier la crédibilité de
la
dénonciation au regard des autres éléments du dossier que la
recourante ne
remet pas en cause. Pour le surplus, la recourante ne conteste pas
avoir pris
fait et cause pour sa mère adoptive dans le cadre de la procédure de
divorce
l'opposant à Y.________, allant jusqu'à faire une fausse déposition en
justice pour aider sa mère. Il s'agit assurément d'un élément dont la
cour
cantonale pouvait tenir compte dans l'appréciation de la crédibilité
de la
dénonciatrice, en défaveur de celle-ci, à l'instar du fait que les
témoins
entendus au cours de l'instruction et, en particulier, sa mère
adoptive n'ont
jamais remarqué un comportement équivoque de la part de l'intimé
envers sa
fille. Il en va de même des accusations non confirmées suivant
lesquelles
Y.________ aurait également abusé de sa nièce, Z.________, ou qu'il
aurait eu
des problèmes de même nature alors qu'il était éducateur à l'Institut
A.________. Enfin, elle pouvait également prendre en considération
le fait
que la dénonciation émanait d'une personne facilement suggestible,
dotée de
ressources intellectuelles limitées, et qu'elle avait été déposée
dans un
contexte conflictuel grave entre ses parents dans lequel elle avait
clairement pris parti pour sa mère.

2.3 L'autorité intimée n'a en définitive pas fait preuve d'arbitraire
en
admettant qu'il subsistait des doutes par trop sérieux quant à la
véracité
des accusations portées par X.________ contre son père adoptif et en
acquittant celui-ci au bénéfice du doute.

3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il
convient
de faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de statuer
sans frais.
Me Olivier Derivaz est désigné comme avocat d'office de la recourante
pour la
présente procédure et une indemnité lui sera versée (art. 152 al. 2
OJ).
L'intimé, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a
droit à
des dépens à la charge de la recourante (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a
en
revanche pas lieu d'allouer des dépens aux autorités concernées (art.
159 al.
2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Olivier Derivaz est désigné comme avocat d'office de la recourante
et une
indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer
par la
Caisse du Tribunal fédéral.

5.
La recourante versera à Y.________ une indemnité de 1'500 fr. à titre
de
dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Ministère public et à la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal
du
canton du Valais.

Lausanne, le 22 janvier 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.707/2001
Date de la décision : 22/01/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-22;1p.707.2001 ?
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