La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2002 | SUISSE | N°4C.335/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 janvier 2002, 4C.335/2001


«/2»
4C.335/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me André Fidanza, avocat à Fribourg,

et

X.________, demandeur et intimé;

(résiliation d'un contrat de travail)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f

a i t s suivants:

A.- Par contrat du 15 décembre 1999, la société
A.________ S.A. a engagé X.________ en qualité d'adjoint à
...

«/2»
4C.335/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me André Fidanza, avocat à Fribourg,

et

X.________, demandeur et intimé;

(résiliation d'un contrat de travail)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat du 15 décembre 1999, la société
A.________ S.A. a engagé X.________ en qualité d'adjoint à
la
direction pour une durée d'une année à partir du 1er mars
2000; le salaire brut a été fixé à 6600 fr. par mois versé à
treize reprises, avec la précision que "ce salaire a été
accepté en vue d'une future reprise de la société". Les par-
ties envisageaient alors que X.________ achète le capital-
actions de la société à l'expiration du contrat de travail.

Par lettre du 23 février 2000, A.________ S.A. a
informé X.________ qu'elle acceptait sa résiliation du co-
ntrat de travail. Dans une lettre du 6 mars 2000, X.________
a répondu qu'il n'avait jamais affirmé vouloir résilier son
contrat de travail. Le 7 mars 2000, il s'est présenté au
lieu
de travail et il lui a été proposé de conclure un nouveau
contrat prévoyant un salaire mensuel brut de 3500 fr. payé
treize fois l'an, ce que X.________ a refusé. Par lettre du
même jour remise à X.________, A.________ S.A. a "confirmé
la
résiliation du contrat". Dans une lettre du lendemain, elle
a
motivé le congé en invoquant le fait que X.________ manquait
à l'évidence de liquidités pour acheter la société et que
les
contacts étaient devenus difficiles depuis plusieurs semai-
nes.

Par contrat du 20 mars 2000, X.________ a été enga-
gé par Y.________ S.A. en qualité de technicien en agro-ali-
mentaire dès le 3 avril 2000 pour un salaire mensuel brut de
5200 fr.

B.- Par acte du 26 mars 2000, X.________ a déposé
devant le Tribunal des prud'hommes une demande en paiement
dirigée contre A.________ S.A., réclamant à cette dernière
le

salaire du mois de mars (y compris la part du treizième
mois)
et, pour les mois courant jusqu'à l'échéance contractuelle,
soit onze mois, la différence entre le salaire convenu et le
salaire que le travailleur a pu obtenir auprès de son nouvel
employeur, Y.________ S.A.; pour des raisons de procédure
cantonale, il a choisi de limiter sa demande à 20 000 fr.

Par jugement du 5 juin 2000, la Chambre des
prud'hommes de la Gruyère a rejeté la demande.

Saisie d'un appel, la IIe Cour d'appel du Tribunal
cantonal fribourgeois, par arrêt du 20 août 2001, a condamné
A.________ S.A. à payer à X.________ la somme de 20 000 fr.
La cour cantonale a retenu qu'il n'était pas prouvé que le
travailleur ait consenti à l'extinction conventionnelle du
contrat de travail. Elle a admis en outre qu'aucun juste mo-
tif de résiliation n'avait été établi. La cour cantonale a
considéré à cet égard que le travailleur était en droit de
ne
pas entrer au service de l'employeur dès le 1er mars 2000,
parce qu'il y avait lieu d'opérer une compensation avec des
jours de travail anticipés qu'il avait consacrés à l'em-
ployeur pour assister à une foire à Stuttgart. Quant au man-
que de liquidités invoqué, la cour cantonale a retenu que
l'employeur savait, depuis une rencontre tenue le 9 février
2000, que le travailleur n'obtiendrait pas le prêt bancaire
qui lui était nécessaire pour acquérir la société; elle en a
déduit que l'employeur avait tardé à invoquer cet argument,
de sorte que l'on ne pouvait voir dans cette circonstance un
juste motif de résiliation.

C.- A.________ S.A. exerce un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut au déboutement du deman-
deur.

L'intimé propose le rejet du recours et la confir-
mation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé dans
ses conclusions libératoires et dirigé contre un jugement fi-
nal rendu en dernière instance cantonale par un tribunal su-
périeur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont
la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les
formes requises (art. 55 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts ci-
tés).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où une partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui
viennent
d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte

(ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appré-
ciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité canto-
nale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189 consid.
2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la qualification juridique des faits constatés
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.- a) La recourante soutient tout d'abord que les
parties seraient convenues d'annuler le contrat de travail
conclu le 15 décembre 1999.

Une telle annulation, qui relève de la liberté con-
tractuelle (cf. art. 115 CO), n'est certes pas exclue. Son
existence ne peut toutefois être admise que dans des circons-
tances exceptionnelles, notamment lorsqu'est établie sans
équivoque la volonté des deux parties de se départir du con-
trat (arrêt du 8 janvier 1999 publié in SJ 1999 I p. 277 ss,
consid. 2c; arrêt non publié du 26 novembre 2001 dans la cau-
se 4C.194/2001, consid. 3b; arrêt non publié du 20 juillet
1999 dans la cause 4C.51/1999 consid. 3c; Rehbinder, Commen-
taire bernois, n. 2 ad art. 335 CO; Brühwiler, Kommentar zum
Einzelarbeitsvertrag, 2ème éd., n. 7 ad art. 335 CO; Roland
A. Müller, Die einvernehmliche Beendigung des Arbeitsverhält-
nisses, ArbR 1994 p. 85 s.).

b) Déterminer la volonté réelle d'une personne à un
moment donné est une question de fait (ATF 126 III 25
consid.

3c, 375 consid. 2e/aa; 125 III 435 consid. 2a/aa). Procédant
à une appréciation des preuves, la cour cantonale est parve-
nue à la conviction que le travailleur n'avait pas la
volonté
d'éteindre conventionnellement le contrat de travail. Saisi
d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral est lié par cet-
te constatation de fait (art. 63 al. 2 OJ).

Le principe de la confiance permet cependant d'im-
puter à une partie le sens objectif de son comportement,
même
si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 127
III 279 consid. 2c/ee p. 287 et les références doctrinales).

L'application du principe de la confiance est une
question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un
recours
en réforme, peut examiner librement (ATF 127 III 248 consid.
3a; 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5a, 375 consid. 2e/aa
p. 379; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa).

Pour trancher cette question de droit, il faut ce-
pendant se fonder sur le contenu de la manifestation de vo-
lonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait
(ATF 126 III 375 consid. 2e/aa; 124 III 363 consid. 5a; 123
III 165 consid. 3a).

Selon les constatations cantonales, la recourante
n'est pas parvenue à prouver l'existence d'une déclaration
écrite ou orale du travailleur d'où il ressortirait indubi-
tablement qu'il acceptait une extinction conventionnelle du
contrat. L'appréciation des preuves et les constatations de
fait qui en découlent ne peuvent être remises en cause dans
un recours en réforme. Après la compensation des jours de
foire en Allemagne, l'intimé s'est présenté au travail, ce
qui tend à montrer qu'aucun accord n'était intervenu quant à
l'extinction du contrat de travail. A la première lettre qui
invoquait un tel accord, le travailleur a répondu en contes-
tant l'existence de celui-ci. La recourante invoque des dé-

clarations du travailleur en cours de procédure, mais celles-
ci ne figurent pas dans l'arrêt cantonal, de sorte qu'il
n'est pas possible - comme on l'a vu - de les prendre en con-
sidération dans un recours en réforme. Il n'importe, car il
ressort de ces déclarations que le demandeur estimait qu'il
incombait à son employeur de résilier le contrat, étant pré-
cisé qu'il ne voulait pas perdre son droit aux indemnités de
l'assurance-chômage. Sur la base d'un tel état de fait, la
cour cantonale n'a pas violé les règles du droit fédéral sur
l'interprétation des déclarations des parties en concluant
qu'il n'était pas établi que le travailleur ait manifesté la
volonté de mettre fin conventionnellement au contrat de tra-
vail.

3.- a) La recourante fait valoir qu'elle était de
toute manière en droit de résilier le contrat de travail
avec
effet immédiat en raison de justes motifs.

Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur
et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat
de travail en tout temps pour de justes motifs. Doivent no-
tamment être considérées comme tels toutes les circonstances
qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des
rapports de travail (cf. art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate
pour justes motifs doit être admise de manière restrictive;
seul un manquement particulièrement grave du travailleur jus-
tifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins
grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que
s'il a été répété malgré un avertissement; par manquement du
travailleur, on entend la violation d'une obligation décou-
lant du contrat de travail, comme par exemple le devoir de
fidélité (ATF 127 III 153 consid. 1a, 310 consid. 3, 351 con-
sid. 4a et les références citées).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes
motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit
et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en con-
sidération tous les éléments du cas particulier, notamment
la
position et les responsabilités du travailleur, le type et
la
durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'im-
portance des manquements; le Tribunal fédéral revoit avec ré-
serve la décision d'équité prise en dernière instance canto-
nale; il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison
des
règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matiè-
re de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des
faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun
rôle, ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'élé-
ments qui auraient absolument dû être pris en considération;
il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127
III 153 consid. 1a, 310 consid. 3, 351 consid. 4a).

b) Lorsque survient un juste motif de résiliation,
la partie ne dispose que d'un court délai de réflexion pour
signifier la rupture immédiate des relations; si elle tarde
à
réagir, il faut en déduire que la continuation des rapports
de travail jusqu'à la fin du délai ordinaire de congé ne lui
est pas insupportable (ATF 123 III 86 consid. 2a; arrêt non
publié du 2 mars 1999 dans la cause 4C.382/1998 consid. 1a;
arrêt non publié du 11 décembre 1997 dans la cause
4C.111/1997, consid. 3; Staehelin/Vischer, Commentaire zuri-
chois, n. 35 ad art. 337 CO; Vischer, Schweizerisches Privat-
recht, Tome VII/1 III p. 180 s.; Brühwiler, op. cit., n. 10
ad art. 337 CO). En règle générale, le délai de réaction ne
doit pas dépasser 2 à 3 jours ouvrables (arrêt non publié du
2 mars 1999 déjà cité, consid. 1b).

c) En l'espèce, la recourante avait invoqué, comme
motif de résiliation, les mauvaises relations entre les par-

ties. Il ne ressort cependant pas des constatations cantona-
les - qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme
(art. 63 al. 2 OJ) - que le travailleur ait, sous cet angle,
violé un quelconque devoir résultant du contrat de travail.
Le motif dont se prévaut la défenderesse ne trouve aucun
point d'appui dans l'état de fait déterminant.

Quant au fait que le travailleur n'a pas obtenu un
prêt bancaire, la cour cantonale a constaté souverainement
que la recourante en avait connaissance depuis longtemps. Il
est de jurisprudence que l'employeur doit réagir immédiate-
ment en présence d'un juste motif
de résiliation; il ne doit
pas chercher préalablement à obtenir une extinction conven-
tionnelle. Quant à l'hypothèse selon laquelle une telle ex-
tinction conventionnelle serait intervenue, elle a déjà été
écartée et il n'y a pas lieu d'y revenir. Il appert donc
bien
que la recourante a tardé à invoquer ce motif de
résiliation,
de sorte que la cour cantonale n'a pas transgressé le droit
fédéral en déduisant de cette attitude que le motif en ques-
tion ne rendait pas insupportable la poursuite du rapport de
travail jusqu'à son terme.

Au demeurant, il ne ressort pas du contenu du con-
trat de travail, tel qu'il a été constaté définitivement,
que
l'obtention de ce prêt bancaire aurait été une condition
mise
au contrat de travail. Il n'apparaît pas non plus que la non-
obtention de ce crédit puisse être considérée comme une vio-
lation par le travailleur de ses obligations découlant du
contrat de travail. Il n'y a pas l'ombre d'un juste motif de
résiliation.

La détermination du montant alloué n'étant pas re-
mise en cause, la question ne saurait être revue.

4.- Il suit de là que le recours doit être rejeté,
l'arrêt attaqué étant confirmé.

La procédure est gratuite, puisque la valeur liti-
gieuse, selon la prétention du demandeur à l'ouverture de
l'action (ATF 100 II 358), ne dépasse pas 30 000 fr. (art.
343 al. 2 et 3 CO). Cette règle vaut pour tous les degrés de
juridiction, y compris pour la procédure devant le Tribunal
fédéral (ATF 98 Ia 561 consid. 6a). En revanche, des dépens
peuvent être alloués à la partie qui obtient gain de cause
(ATF 115 II 30 consid. 5c; 110 II 273 consid. 3). L'intimé a
cependant procédé sans avocat et ne démontre pas avoir
assumé
des frais pour sa défense devant le Tribunal fédéral, de sor-
te qu'il ne se justifie pas de lui allouer des dépens (cf.
art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais de justice;

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la IIe Cour d'appel du Tribunal cantonal fribourgeois.

___________

Lausanne, le 21 janvier 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.335/2001
Date de la décision : 21/01/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-21;4c.335.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award