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18/01/2002 | SUISSE | N°6S.531/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 janvier 2002, 6S.531/2001


«/2»
6S.531/2001/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
***********************************************

Séance du 18 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, M. Kolly
et M. Karlen, Juges. Greffière: Mme Revey.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Nicolas Gillard, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois, dans la cause qui
o

ppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(art. 60 et 61 LPE, art. 70 LEaux: infractions
à la l...

«/2»
6S.531/2001/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
***********************************************

Séance du 18 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, M. Kolly
et M. Karlen, Juges. Greffière: Mme Revey.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Nicolas Gillard, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois, dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(art. 60 et 61 LPE, art. 70 LEaux: infractions
à la loi sur la protection de l'environnement
et à la loi sur la protection des eaux)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 13 novembre 2000, le Tribunal
correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord
vaudois a condamné X.________, né en 1970, pour infrac-
tions à la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protec-
tion des eaux (LEaux; RS 814.20) et à la loi fédérale du
7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE;
RS 814.01), à quatre mois d'emprisonnement avec sursis
pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 4'000 francs
avec délai de radiation de même durée.

B.- Statuant sur recours le 9 février 2001, la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-
après: le Tribunal cantonal) a confirmé ce prononcé. Elle
retenait en substance les éléments suivants:

a) La société S.________, de siège à Yverdon-les-
Bains, exploitait une installation mobile de traitement
thermique de déchets contaminés avec du mercure, consis-
tant principalement en un four rotatif. L'opération vi-
sait à chauffer les déchets à une température d'environ
600°C et à traiter les effluents gazeux par un lavage
aqueux. L'installation a d'abord fonctionné à Monthey de
juillet 1995 à mars 1996 puis, après modification, dans
l'usine T.________ SA à Yverdon-les-Bains de juin à oc-
tobre 1996 et enfin dans la halle dite "V.________" sise
près du site d'Y-Parc à Yverdon-les-Bains d'avril à no-
vembre 1997.

Dès le 25 janvier 1996, le Service vaudois des eaux
et de la protection de l'environnement (ci-après: le Ser-
vice cantonal) a autorisé la société à effectuer des
tests de démercurisation sur divers matériaux, tout en
refusant à quatre reprises d'octroyer l'autorisation ré-
gulière de "preneur" de déchets spéciaux, notamment en
raison de l'inobservation de certaines normes légales. Ce
n'est que le 10 juin 1997 qu'une telle autorisation a été
délivrée, pour la période allant de ce jour au 31 décem-
bre 2001. Elle précisait que les eaux résiduaires de-
vaient être transférées et traitées chez Ciba, à Monthey.

Le 18 novembre 1997, un administrateur a décidé
d'arrêter l'installation en raison d'importants dysfonc-
tionnements mis en évidence par l'ingénieur B.________,
mandaté par le directeur. La faillite de la société a été
prononcée le 9 février 1998 sans que les activités
n'aient repris.

b) Par la suite, il a été constaté que de nombreu-
ses atteintes à l'environnement avaient été commises dans
l'exploitation de l'installation.

aa) En mai 1997, afin de pallier un manque de capa-
cité de stockage, plusieurs milliers de litres d'eaux
mercurielles ont été déversés, par les cabinets et le la-
vabo, dans les canalisations de la halle V.________ ou
dans le champ situé au nord de ce bâtiment, sur instruc-
tion du directeur et du chef d'exploitation. La valeur
moyenne de mercure atteignait environ 3,2 ppm (soit
3,2 mg/l) selon les chiffres du rapport B.________, ce
qui violait largement la norme de rejet pour les eaux
résiduaires, que l'on tienne compte de la limite de
0,01 mg/l en vigueur à cette époque (annexe de l'ordon-
nance du 8 décembre 1975 sur le déversement des eaux

usées [RO 1975 2403]) ou du seuil de 0,05 mg/l en moyenne
mensuelle et de 0,1 mg/l en moyenne journalière applica-
ble dès le 1er janvier 1999 (annexe 3.2 ch. 36 de l'or-
donnance du 28 octobre 1998 sur la protection des eaux
[OEaux; RS 814.201] entrée en vigueur le 1er janvier
1999, dont l'annexe 5 ch. 1 abroge l'ordonnance préci-
tée). X.________, ingénieur ETS en génie chimique et
responsable du laboratoire de la société, a été informé
de ces déversements illicites et a exprimé son désaccord
à cet égard, sans succès toutefois.

Du 29 septembre au 6 novembre 1997, toujours faute
de place suffisante, au moins 29'000 litres d'eaux mercu-
rielles ont été déversés dans les canalisations des eaux
usées d'Y-Parc, sur ordre du directeur. Sur cette quanti-
té, seuls 6'000 litres répondaient aux normes en vigueur,
le solde ayant une concentration moyenne de 1 ppm. Après
avoir tenté en vain de s'y opposer en exprimant son dé-
saccord, X.________ a lui-même vidé quelques centaines de
litres d'eau contenant également un taux de mercure de
1 ppm environ.

Pour ces faits, soit pour les quantités qu'il a
lui-même déversées, X.________ a été reconnu coupable
d'infraction intentionnelle au sens de l'art. 70 al. 1
let. a LEaux et, en concours idéal, d'infraction inten-
tionnelle au sens de l'art. 60 al. 1 let. e LPE (dans sa
version actuelle, en vigueur depuis le 1er juillet 1997,
ci-après: nLPE), cette dernière disposition étant appli-
cable en lien avec les art. 29 LPE et 9 al. 1 de l'ordon-
nance du 9 juin 1986 sur les substances dangereuses pour
l'environnement (Osubst; ordonnance sur les substances;
RS 814.013).

bb) En été 1997, le chef d'exploitation et un ou-
vrier ont nettoyé des cuves contenant des boues mercu-
rielles. Les caniveaux des eaux claires d'Y-Parc situés à
l'extérieur du bâtiment ont été pollués, plusieurs kilos
de métal ayant été retrouvés dans les conduits en janvier
1998. Quant aux eaux ayant servi à ces rinçages, elles
ont été canalisées jusqu'au cours d'eau le plus proche,
dans lequel elles se sont déversées. Des concentrations
de 52 à 75 ppm de mercure ont été mesurées dans les sé-
diments. X.________ a admis qu'en automne 1997 il avait
lui-même procédé à un ou deux rinçages.

Pour ces faits, X.________ a de même été reconnu
coupable d'infraction intentionnelle au sens de l'art. 70
al. 1 let. a LEaux et, en concours idéal, au sens de
l'art. 60 al 1 let. e nLPE en lien avec les art. 29 LPE
et 9 al. 1 Osubst.

cc) L'installation de démercurisation a fonctionné
2'300 heures durant toute son exploitation, moyennant un
débit de mercure de l'ordre de 4 à 6 g/h, sa cheminée
émettant dans l'atmosphère environ 8 à 12 kilos de ce mé-
tal. Dès le 13 mai 1997, ces émissions ont dépassé la va-
leur limite de 0,2 mg/m3 pour un débit massique égal ou
supérieur à 1 g/h fixée par l'ordonnance du 16 décembre
1985 sur la protection de l'air (OPair; RS 814.318.142.1;
annexe 1 ch. 5). Malgré ces excès dont ils avaient con-
science, le directeur, le chef d'exploitation et
X.________ ont décidé de poursuivre le fonctionnement de
l'installation, causant ainsi une pollution.

Pour ces faits, X.________ - qui a fini par démis-
sionner le 31 octobre 1997 - a de même été reconnu cou-
pable d'infraction intentionnelle au sens de l'art. 60
al. 1 let. e aLPE (dans son ancienne version [RO 1984 II

1122 ss]) s'agissant des actes réalisés avant le
1er juillet 1997, respectivement de l'art. 60 al. 1
let. e nLPE quant aux actes commis postérieurement, en
lien avec les art. 29 LPE et 9 al. 1 Osubst. Il avait en
effet conscience de la teneur excessive en mercure des
émissions, de la pollution que cela entraînerait, ainsi
que de l'illicéité d'une telle pratique, à tout le moins
depuis la délivrance de l'autorisation le 10 juin 1997.

c) Les déversements d'eaux et de boues mercuriel-
les, les quantités excessives de mercure contenues dans
les effluents gazeux (ainsi qu'un traitement de démercu-
risation de thermomètres effectué illicitement par le di-
recteur) ont causé une pollution des eaux et contaminé
2'500 m3 de terre. La halle V.________, ainsi que son
toit, ont également été touchés; dans le sol en béton de
ce hangar, la concentration en mercure variait entre 0,05
et 4'638 ppm selon des mesures effectuées le 20 novembre
1997. Aux dires de l'ingénieur B.________, la pollution
avait dû porter sur 10 à 12 kilos de mercure répandu de
différentes façons et sous différentes formes dans l'en-
vironnement, alors que, toujours selon cet expert, quel-
ques kilos pouvaient entraîner un impact très important
sur l'environnement et la santé des personnes.

C.- Agissant par la voie du pourvoi en nullité,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
du 9 février 2001 du Tribunal cantonal. A l'appui, il se
réfère aux art. 60 al. 1 let. e aLPE et nLPE, 61 al. 1
let. a LPE, 70 al. 1 let. a LEaux, 20, 63 et 68 CP.

D.- Au terme de ses observations, le Ministère pu-
blic a conclu au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fé-
déral est lié par les constatations de fait contenues
dans la décision attaquée (art. 277bis al. 1 PPF). L'ap-
préciation des preuves et les constatations de fait qui
en découlent ne peuvent pas faire l'objet d'un pourvoi en
nullité, sous réserve de la rectification d'une inadver-
tance manifeste. Le recourant ne peut pas présenter de
griefs contre des constatations de fait, ni de faits ou
de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF).
Dans la mesure où il présenterait un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, il
ne serait pas possible d'en tenir compte. Autrement dit,
le raisonnement juridique doit être mené exclusivement
sur la base de l'état de fait retenu par l'autorité can-
tonale (ATF 126 IV 65 consid. 1; 124 IV 81 consid. 2a, 92
consid. 1 et les arrêts cités).

Le pourvoi en nullité, qui a un caractère cassa-
toire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que
pour violation du droit fédéral et non pour violation di-
recte d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF).
La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invo-
qués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du
recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doivent être in-
terprétées à la lumière de leur motivation (ATF 126 IV 65
consid. 1; 124 IV 53 consid. 1; 123 IV 125 consid. 1).

2.- a) Une partie des infractions en cause a été
commise avant le 1er juillet 1997, date à laquelle est
entrée en vigueur une modification étendue de la loi sur
la protection de l'environnement. Par ailleurs, d'autres

changements de législation ont été adoptés après la sur-
venance des actes litigieux, mais avant le prononcé du
jugement incriminé. Ainsi, en particulier, l'ordonnance
du 8 décembre 1975 sur le déversement des eaux usées a
été abrogée et remplacée par l'ordonnance sur la protec-
tion des eaux entrée en vigueur le 1er janvier 1999 (cf.
partie "en fait", § B b/aa). De même, l'ordonnance sur
les substances (RO 1986 1254) a fait l'objet de plusieurs
modifications, résultant notamment de la nouvelle ordon-
nance sur la protection des eaux (cf. annexe 5 ch. 3
OEaux) et de la novelle du 4 novembre 1998 entrée en vi-
gueur le 1er décembre 1998 (RO 1999 39 et 1362). Enfin,
l'ordonnance sur la protection de l'air (RO 1986 208) a
notamment été modifiée par la novelle du 15 décembre 1997
entrée en vigueur le 1er mars 1998.

Dans ces conditions, il convient pour plus de com-
modité de n'examiner le présent recours que sous l'angle
du droit aujourd'hui en vigueur. Si des exceptions se
justifient, en particulier au vu du principe de la lex
mitior consacré par l'art. 2 al. 2 CP (cf. art. 333 CP),
il en sera fait mention.

b) La loi sur la protection de l'environnement,
fondée sur l'art. 74 de la nouvelle Constitution fédérale
du 18 avril 1999, entrée en vigueur le 1er janvier 2000
(Cst.), "a pour but de protéger les hommes, les animaux
et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes des
atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver la
fertilité du sol" (art. 1 al. 1 LPE). Elle protège en
particulier, en tant que parties du biotope, l'air, les
eaux et le sol des pollutions et atteintes dues à l'uti-
lisation de substances.

aa) S'agissant de l'air, la loi sur la protection
de l'environnement combat les pollutions atmosphériques
(définies par l'art. 7 al. 3 nLPE), notamment en imposant
aux installations (définies par l'art. 7 al. 7 LPE) des
valeurs limites d'émissions de substances polluantes
(art. 11 et 12 al. 1 let. a LPE), ces valeurs étant
fixées dans le chapitre 2 et les annexes de l'ordonnance
sur la protection de l'air. Ainsi, selon le ch. 5 de
l'annexe 1 OPair, la concentration des émissions de mer-
cure sous forme de poussières ne doit pas dépasser
0,2 mg/m3 pour un débit massique égal ou supérieur à
1 g/h.

bb) Le sol n'est en revanche qu'indirectement pro-
tégé des atteintes qui peuvent lui être portées (définies
par l'art. 7 al. 4bis nLPE), dès lors que la loi sur la
protection de l'environnement renvoie à cet égard aux lé-
gislations spéciales, à savoir aux dispositions d'exécu-
tion relatives à la loi sur la protection des eaux, à la
protection contre les catastrophes, à la protection de
l'air, aux substances et aux organismes dangereux pour
l'environnement ainsi qu'aux déchets et aux taxes d'inci-
tation (art. 33 al. 1 nLPE), ces dispositions pouvant
toutefois être renforcées si la fertilité du sol n'est
plus garantie à long terme dans certaines régions ou si
les atteintes constituent une menace pour l'homme, les
animaux ou les plantes (art. 34 et 35 nLPE).

cc) Les eaux font également l'objet de la loi sur
la protection de l'environnement (cf. Heribert Rausch,
Kommentar zum
Umweltschutzgesetz, juin 1985, n° 12 ad
art. 1), mais leur sauvegarde est plus spécifiquement
assurée par la loi fédérale sur la protection des eaux,
fondée sur l'art. 76 Cst. Celle-ci a pour but de sauve-
garder les eaux de toute atteinte nuisible (art. 1 et 4

let. c LEaux), en particulier de la pollution (définie
par l'art. 4 let. d LEaux). A cet effet, l'art. 6 LEaux
interdit d'introduire directement ou indirectement dans
une eau des substances de nature à la polluer, d'infil-
trer de telles substances (al. 1), ainsi que de déposer
et d'épandre de telles substances hors d'une eau s'il
existe un risque concret de pollution de l'eau (al. 2).
En particulier, les eaux polluées doivent être traitées
et leur déversement dans une eau ou leur infiltration
sont soumis à une autorisation cantonale (art. 7 al. 1
LEaux), celle-ci ne pouvant toutefois être délivrée
qu'aux conditions fixées par l'ordonnance sur la protec-
tion des eaux. Ainsi, selon le ch. 36 de l'annexe 3.2 de
cette ordonnance, le mercure tiré de déchets traités ne
peut dépasser 0,05 mg/l en moyenne mensuelle et 0,1 mg/l
en moyenne journalière.

dd) La loi sur la protection de l'environnement et
la loi sur la protection des eaux prévoient chacune des
dispositions pénales. Celles-ci sont différenciées en
délits (art. 60 nLPE et 70 LEaux) et contraventions
(art. 61 nLPE et 71 LEaux). Pour chaque infraction, ces
articles renvoient expressément, entre parenthèses, à une
ou plusieurs prescriptions de leur loi respective, de
sorte que seuls les comportements qui enfreignent les di-
tes prescriptions tombent sous le coup des dispositions
pénales y relatives (cf. Pierre Ettler, Kommentar, mars
1991, n° 16 ad Vor. art. 60-62; cf. aussi, pour un exposé
critique des dispositions pénales relatives à l'environ-
nement, Guido Jenny/Karl-Ludwig Kunz, Bericht und Vorent-
wurf zur Verstärkung des strafrechtlichen Schutzes der
Umwelt, Bâle 1996).

c) En l'occurrence, les actes litigieux se sont dé-
roulés dans le cadre de l'exploitation d'une installation
de traitement des déchets spéciaux régie en particulier
par l'art. 30f nLPE et par l'ordonnance du 12 novembre
1986 sur les mouvements de déchets spéciaux (ODS;
RS 814.610). Dès le 13 mai 1997, les émissions gazeuses
de l'installation dans l'atmosphère ont atteint une con-
centration de mercure dépassant la valeur limite prévue
par l'ordonnance sur la protection de l'air. De même, les
déversements incriminés portaient sur des eaux contenant
du mercure à des taux largement supérieurs aux seuils im-
posés par l'ordonnance sur la protection des eaux. Enfin,
il n'est pas contesté que ces actes ont créé une pollu-
tion de l'air, des eaux et du sol, sans compter celle des
murs de la halle elle-même.

Le recourant admet à juste titre avoir violé
l'art. 70 al. 1 let. a LEaux qui réprime, en tant que
mise en danger concret, celui qui "aura de manière illi-
cite introduit dans les eaux, directement ou indirecte-
ment, des substances de nature à les polluer, aura laissé
s'infiltrer de telles substances ou en aura déposées ou
épandues hors des eaux, créant ainsi un risque de pollu-
tion pour les eaux (art. 6)".

En revanche, le recourant nie que ces actes tombent
en outre, en concours idéal, sous le coup de l'art. 60
al. 1 let. e nLPE en lien avec les art. 29 LPE et 9 al. 1
Osubst. De même, le recourant conteste que les émissions
excessives de mercure dans l'atmosphère soient sanction-
nées par l'art. 60 al. 1 let. e nLPE en lien avec les
art. 29 LPE et 9 al. 1 Osubst; à son avis, ces émissions
ne réalisent que les éléments constitutifs de l'infrac-
tion prévue à l'art. 61 al. 1 let. a nLPE qui, en tant
que contravention, est largement prescrite.

d) La question du concours entre les dispositions
pénales de la loi sur la protection des eaux et celles de
la loi sur la protection de l'environnement ne peut se
résoudre de manière globale. On ne saurait dire en parti-
culier, comme le soutient le Tribunal cantonal, qu'une
mise en danger des eaux tomberait simultanément sous le
coup de ces deux lois car "tandis que la première vise de
manière générale à protéger les eaux contre toute at-
teinte nuisible, la seconde tend à protéger les hommes,
les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs
biotopes des atteintes nuisibles ou incommodantes, ainsi
qu'à conserver la fertilité du sol" (pour une opinion fa-
vorable au concours, cf. Ettler, op. cit., n° 35 ad Vor.
art. 60-62, selon lequel les normes pénales de la loi
spéciale protègent uniquement les eaux, alors que celles
de la loi sur la protection de l'environnement sauvegar-
dent également l'intérêt public). Du reste, l'arrêt non
publié A. du 5 juillet 1996 cité par le Tribunal cantonal
ne lui est d'aucun secours, dès lors qu'il traite unique-
ment la question du concours entre la loi (ancienne) sur
la protection des eaux et l'art. 234 CP (voir aussi
ATF 120 IV 300 concernant l'introduction accidentelle
dans le Rhin d'eaux contenant une substance polluante
[atrazine]). A l'inverse, on ne peut affirmer que l'ap-
plication de la loi sur la protection des eaux exclut né-
cessairement celle de la loi sur la protection de l'envi-
ronnement.

En conséquence, il sied d'examiner la question du
concours entre les dispositions de ces deux lois de ma-
nière différenciée, suivant les diverses infractions en-
trant plus spécifiquement en ligne de compte dans chaque
cas d'espèce.

3.- En l'occurrence, les infractions à la loi sur
la protection des eaux n'étant pas contestées, il con-
vient d'examiner en premier lieu, avant de traiter la
question du concours, si le recourant s'est rendu coupa-
ble d'infractions à la loi sur la protection de l'envi-
ronnement.

a) aa) Le Tribunal cantonal a reconnu le recourant
coupable d'une infraction au sens de l'art. 60 al. 1
let. e nLPE, qui punit celui qui "aura enfreint des pres-
criptions sur les substances ou sur les organismes
(art. 29, 29f, 2e al., 29g, 30a, let. b et 34, 1er al.)",
pour avoir violé l'art. 29 LPE en enfreignant l'art. 9
al. 1 Osubst.

bb) Selon l'art. 9 al. 1 Osubst, intitulé "Devoir
général de diligence", "quiconque fait usage de substan-
ces, produits ou objets, doit veiller à ce qu'ils ne pré-
sentent pas de danger pour l'environnement ou, par le
biais de celui-ci, pour l'homme; ce devoir s'applique
également à la manipulation des déchets qui en résul-
tent." L'alinéa 2 de l'art. 9 nOsubst précise qu'"il con-
viendra de prendre les précautions indiquées sur l'embal-
lage et sur la fiche de données de sécurité et de se con-
former au mode d'emploi et aux dispositions des annexes 3
et 4." Ces deux alinéas correspondent à l'art. 28 nLPE,
intitulé "utilisation respectueuse de l'environnement",
selon lequel "quiconque utilise des substances, leurs dé-
rivés ou leurs déchets doit procéder de manière à ce que
cette utilisation ne puisse constituer une menace pour
l'environnement ou, indirectement, pour l'homme (al. 1);
les instructions des fabricants ou des importateurs doi-
vent être observées (al. 2)." Or, une violation de

l'art. 28 nLPE est réprimée exclusivement par l'art. 60
al. 1 let. d nLPE, qui punit celui qui "aura utilisé con-
trairement aux instructions, des substances de manière
telle qu'elles-mêmes, leurs dérivés ou leurs déchets pou-
vaient constituer une menace pour l'environnement ou, in-
directement pour l'homme (art. 28)", ou par l'art. 61
al. 1 let. e nLPE, qui sanctionne selon qui "aura utilisé
des substances non accompagnées d'informations ou d'ins-
tructions de manière telle que ces substances, leurs dé-
rivés ou leurs déchets pouvaient constituer une menace
pour l'environnement ou, indirectement, pour l'homme
(art. 28)". Dans ces conditions, à supposer que le recou-
rant ait effectivement enfreint l'art. 9 al. 1 Osubst, un
tel acte ne constitue en tout cas pas une violation de
l'art. 29 LPE permettant de le condamner pour infraction
à l'art. 60 al. 1 let. e nLPE.

b) Il reste à examiner si les actes du recourant
sont néanmoins propres, pour d'autres motifs, à tomber
sous le coup des dispositions pénales de la loi sur la
protection de l'environnement. A cet égard, il sied de
préciser d'emblée que les contraventions prévues par
l'art. 61 nLPE ne sauraient entrer en considération. En
effet, les actes litigieux ont pris fin au plus tard le
18 novembre 1997, de sorte que la prescription absolue de
l'action pénale, de deux ans, était déjà acquise lorsque
le Tribunal correctionnel a statué, le 13 novembre 2000
(cf. art. 71, 72 ch. 2 al. 2, 109 et 333 CP). S'agissant
des délits de l'art. 60 nLPE, seules paraissent pertinen-
tes les infractions décrites aux lettres d, e, o, p et q.

aa) L'art. 60 al. 1 let. d nLPE punit, conformément
au consid. 3a/bb ci-dessus, celui qui "aura utilisé con-
trairement aux instructions, des substances de manière

telle qu'elles-mêmes, leurs dérivés ou leurs déchets pou-
vaient constituer une menace pour l'environnement ou, in-
directement pour l'homme (art. 28)". Les "instructions"
en cause sont celles prévues par l'art. 27 al. 1 let. b
nLPE, lequel oblige quiconque met des substances dans le
commerce à "communiquer au preneur les instructions pro-
pres à garantir qu'une utilisation conforme aux prescrip-
tions ne puisse constituer une menace pour l'environne-
ment ou, indirectement pour l'homme." En l'occurrence, on
ne voit pas quelles instructions le recourant aurait dû
observer. En particulier, celles-ci ne sauraient être
constituées par les prescriptions de l'ordonnance sur les
mouvements de déchets spéciaux (cf. arrêt X. non publié
du 3 juin 1998 consid. 2, résumé in DEP 1998 671 et RDAF
1999 I 619, consid. 2b). Peu importe par ailleurs que les
actes litigieux soient, ou non, réprimés par l'art. 61
al. 1 let. e nLPE, qui punit le même comportement que
l'art. 60 al. 1 let. d nLPE, à la différence près qu'il
s'agit de substances non accompagnées d'instructions,
puisque cette contravention serait de toute façon pres-
crite (pour une critique de cette distinction, Jenny/
Kunz, op. cit., p. 23 et Michael Alkalay, Umweltstraf-
recht im Geltungsbereich des USG, Zurich 1992, p. 116).

bb) L'art. 60 al. 1 let. e nLPE réprime, conformé-
ment au consid. 3a/aa ci-dessus, celui qui "aura enfreint
des prescriptions sur les substances ou sur les organis-
mes (art. 29, 29f, al. 2, 29g, 30a, let. b et 34,
al. 1)".

Les art. 29f et 29g nLPE traitent des organismes
dangereux pour l'environnement, de sorte qu'ils sont
étrangers à la présente cause.

L'art. 30a let. b nLPE autorise le Conseil fédéral
à "interdire l'utilisation de substances ou d'organismes
qui compliquent notablement l'élimination ou qui peuvent
constituer une menace pour l'environnement lors de leur
élimination". Le recourant n'est toutefois pas davantage
concerné par cette disposition. En effet, celle-ci ne
s'adresse pas aux exploitants d'installations d'élimina-
tion de déchets, mais aux fabricants, importateurs, in-
termédiaires et commerçants auxquels elle interdit, ou
restreint, la mise en circulation de certains produits,
dans le but de limiter les déchets (cf. art. 30 al. 1 et
30a let. a nLPE; Ursula Brunner, Kommentar, mai 2000,
nos 1 ss ad art. 30, spéc. n° 29).

L'art. 34 al. 1 nLPE oblige les cantons, si la fer-
tilité du sol n'est plus garantie à long terme dans cer-
taines régions, à se montrer plus sévères quant aux in-
filtrations d'eaux à évacuer, aux limitations d'émissions
applicables aux installations et à l'utilisation de subs-
tances, notamment. En l'occurrence cependant, il n'appa-
raît pas que de telles mesures émanant du canton de Vaud
aient régi, à l'époque des faits, le site de l'installa-
tion litigieuse.

Enfin, l'art. 29 LPE autorise le Conseil fédéral à
"édicter des prescriptions sur les substances qui, en
raison de leurs propriétés, du mode de leur application
ou des quantités utilisées, peuvent menacer l'environne-
ment ou, indirectement, l'homme (al. 1); ces prescrip-
tions visent notamment: des substances qui, en raison de
leur destination, parviennent dans l'environnement (...)
(let. a), des substances qui, elles-mêmes ou par leurs
dérivés, peuvent s'accumuler dans l'environnement, telles
que les combinaisons organiques de chlore ou les métaux

lourds (let. b)." En exécution de cette disposition (ain-
si que d'autres prescriptions de la loi sur la protection
de l'environnement ou d'autres lois fédérales), le Con-
seil fédéral a notamment édicté, selon le préambule,
l'ordonnance sur les substances et l'ordonnance du 10 dé-
cembre 1990 sur le traitement des déchets (OTD;
RS 814.600). Or, on ne saurait dire que le recourant a
enfreint les normes de comportement prescrites par ces
ordonnances en application de l'art. 29 LPE. En particu-
lier, les dispositions de ces ordonnances traitant du
mercure ou d'autres métaux lourds n'ont rien à voir avec
les actes du recourant (cf. par exemple annexes 3.2 et
4.7 ch. 2a nOsubst, art. 14 al. 1 let. a, 19, 44 et an-
nexe 1 ch. 11 et 2 OTD; voir aussi, sur l'art. 29 LPE,
T. Winzeler, Kommentar, octobre 1988, n° 1 ss ad art. 29;
cf. encore, sur l'art. 60 al. 1 let. e aLPE, Jenny/Kunz,
op. cit., p. 24, Alkalay, op. cit., p. 118 ss et Ettler,
Kommentar, op. cit., nos 67 ss ad art. 60).

cc) L'art. 60 al. 1 let. o nLPE sanctionne celui
qui "aura, sans autorisation, pris en charge, importé ou
exporté des déchets spéciaux (art. 30f, al. 2, let. c et
d)". L'art. 30f al. 2 let. c et d nLPE oblige notamment
le Conseil fédéral à prescrire que les déchets spéciaux
ne peuvent être pris en charge que par des entreprises
titulaires d'une autorisation du canton. Toutefois, l'en-
treprise dans laquelle oeuvrait le recourant bénéficiait
précisément d'une
autorisation au sens des art. 2 al. 3
et 16 ODS habilitant le preneur à réceptionner les dé-
chets spéciaux pour traitement. En ce sens, le recourant
ne serait punissable en vertu de l'art. 60 al. 1 let. o
nLPE que s'il avait pris en charge des déchets spéciaux
non couverts par cette autorisation, ce qui n'est pas le
cas.

dd) L'art. 60 al. 1 let. p nLPE punit celui qui
"aura enfreint les prescriptions sur les mouvements de
déchets spéciaux (art 30f, al. 1)". L'art. 30f al. 1 nLPE
impose notamment au Conseil fédéral d'édicter "des pres-
criptions sur les mouvements de déchets dont l'élimina-
tion exige la mise en oeuvre de mesures particulières
pour être respectueuse de l'environnement (déchets spé-
ciaux)." La norme pénale en cause réprime ainsi les vio-
lations de l'ordonnance sur les mouvements de déchets
spéciaux (à condition, notamment, qu'elles ne tombent pas
déjà sous le coup de la lettre o de l'art. 60 al. 1
nLPE). En l'occurrence, les seules dispositions pertinen-
tes à cet égard seraient les art. 17 al. 2 let. g et 29
al. 2 let. b ODS, qui subordonnent l'octroi de l'autori-
sation de preneur à la garantie que l'entreprise procède
à un traitement satisfaisant pour l'environnement. Toute-
fois, si la violation des conditions de la délivrance de
l'autorisation peut entraîner des sanctions administrati-
ves telles que le retrait de l'autorisation (cf. art. 31
ODS), elle ne suffit pas à constituer une infraction au
sens de l'art. 60 al. 1 let. p nLPE. Du reste, les
art. 17 al. 2 let. g et 29 al. 2 let. b ODS précités cor-
respondent plutôt à l'alinéa 3 de l'art. 30f nLPE, selon
lequel les "autorisations ne sont délivrées que s'il est
garanti que les déchets seront éliminés d'une manière
respectueuse de l'environnement."

Encore peut-on souligner que l'art. 61 al. 1 let. i
LPE, qui sanctionne celui qui "aura enfreint les pres-
criptions sur les déchets (art. 30a, let. a et c, 30b,
30c, al. 3, 30d, 30h, al. 1, 32abis, 32b, al. 4, et 32e,
al. 1 à 4)", pourrait éventuellement entrer en ligne de
compte en tant qu'il réprime, par renvoi à l'art. 30h
al. 1 LPE, la violation de prescriptions techniques et

d'organisation édictées par le Conseil fédéral sur les
installations d'élimination des déchets. La question peut
toutefois rester indécise, dès lors qu'il s'agit d'une
contravention, de toute façon prescrite.

ee) Enfin, l'art. 60 al. 1 let. q nLPE punit celui
qui "aura enfreint les prescriptions sur les déchets
(art. 30a, let. b)". Toutefois, il a déjà été retenu au
consid. bb ci-dessus que le recourant ne tombait pas dans
le champ d'application de l'art. 30a let. b nLPE, que ce
soit sous l'angle des prescriptions sur les substances ou
des prescriptions sur les déchets.

c) En conclusion, le recourant ne s'est rendu cou-
pable d'aucune infraction au sens de l'art. 60 al. 1
nLPE. Par ailleurs, il n'est pas punissable sous l'angle
de l'art. 61 nLPE (dont les lettres a, e et i de l'ali-
néa 1 pourraient sinon entrer en considération), dès lors
qu'il s'agit de contraventions de toute façon prescrites.
Enfin, il n'y a pas lieu d'examiner s'il pourrait être
sanctionné en vertu de l'art. 60 al. 1 aLPE, puisque que
de telles infractions devraient alors être écartées en
vertu du principe de la lex mitior.

Le présent pourvoi en nullité doit donc être admis
au sens où le recourant doit être libéré de toute infrac-
tion à la loi sur la protection de l'environnement.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner
la question du concours entre les dispositions de la loi
sur la protection de l'environnement et celles de la loi
sur la protection des eaux. Il est également superflu de
traiter le grief du recourant selon lequel il aurait été

victime d'une erreur de droit s'agissant du caractère pé-
nalement répréhensible des émissions. Enfin, dans la me-
sure où le recourant doit de toute façon être libéré des
infractions à la loi sur la protection de l'environne-
ment, il est inutile, à ce stade, d'examiner si la peine
qui lui a été infligée est excessivement sévère.

4.- Vu ce qui précède, le pourvoi en nullité doit
être admis, l'arrêt attaqué annulé dans le sens des con-
sidérants et la cause renvoyée à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision. Le recourant obtenant gain de
cause pour l'essentiel, la Caisse du Tribunal fédéral lui
versera (à son mandataire) une indemnité à titre de dé-
pens (art. 278 al. 3 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le pourvoi en nullité, annule l'arrêt atta-
qué dans le sens des considérants et renvoie la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
mandataire du recourant une indemnité de 2'500 francs à
titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de
Vaud, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois et à l'Office fédéral de l'environnement, des fo-
rêts et du paysage.
___________

Lausanne, le 18 janvier 2002

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.531/2001
Date de la décision : 18/01/2002
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-18;6s.531.2001 ?
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