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16/01/2002 | SUISSE | N°U.218/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 janvier 2002, U.218/00


«AZA 7»
U 218/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Meyer et Ferrari. Greffier :
M. Berthoud

Arrêt du 16 janvier 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Maître Jean-Jacques
Martin, avocat, place du Port 2, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) S.________ était assuré contre le risque
d'

accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA). En 1994, alors qu'il exerçait sa
profession de maço...

«AZA 7»
U 218/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Meyer et Ferrari. Greffier :
M. Berthoud

Arrêt du 16 janvier 2002

dans la cause

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Maître Jean-Jacques
Martin, avocat, place du Port 2, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) S.________ était assuré contre le risque
d'accidents par la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA). En 1994, alors qu'il exerçait sa
profession de maçon, il a été victime d'un accident sur un
chantier, lequel a entraîné une fracture du calcanéum
droit. Au terme du traitement médical, le docteur
A.________, spécialiste en chirurgie et en orthopédie, a
évalué le taux de l'atteinte à l'intégrité de l'assuré à

20 % (premier rapport du 20 juillet 1995). Par ailleurs, le
docteur A.________ a estimé que l'assuré ne pouvait plus
travailler en qualité de maçon, mais qu'en revanche, sa
capacité de travail restait entière avec un rendement total
dans une activité adaptée (second rapport du 20 juillet
1995).
La CNA a procédé à une enquête économique afin de dé-
terminer le revenu d'invalide de l'assuré. En s'appuyant
sur deux de ses «Descriptions des postes de travail» (ci-
après : DPT), la CNA a estimé que S.________ serait en
mesure, compte tenu de son handicap, d'occuper un emploi
lui procurant un gain mensuel d'environ 3100 fr. Comme il
aurait pu réaliser un salaire mensuel de 4630 fr. sans
l'accident, la perte de gain s'élevait ainsi à 33 %.
Par décision du 8 juillet 1996, la CNA a alloué une
rente d'invalidité de 33 % à son assuré à partir du 1er mai
1996, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité
d'un taux de 20 %.

b) L'assuré s'est opposé à cette décision, en soute-
nant que son état de santé justifiait le versement d'une
rente d'invalidité de 100 % et d'une indemnité pour attein-
te à l'intégrité d'un taux de 50 %. Il a par ailleurs de-
mandé que l'instruction de sa cause soit suspendue dans
l'attente de la décision de l'assurance-invalidité.
S.________ a effectué un stage d'observation au Centre
d'intégration professionnelle de l'AI de Genève (COPAI), du
25 mai au 2 juillet 1999. Dans leur rapport du 30 juillet
1999, les responsables du COPAI ont attesté que l'intéressé
pourrait être réadapté et travailler avec un plein
rendement sur 65 % du temps, dans une activité en position
assise, sans port de charge de plus de 5 kg. A leur avis,
un emploi de servant de machine, d'opérateur sur presse,
d'ouvrier à l'établi pour des travaux pratiques, simples et
répétitifs, ainsi qu'un travail d'ouvrier du cuir étaient
envisageables.

La CNA a versé au dossier cinq autres DPT. Par déci-
sion du 23 novembre 1999, elle a rejeté l'opposition.

B.- S.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant
à l'allocation d'une rente d'invalidité de 50 %.
Par jugement du 9 mai 2000, la juridiction cantonale a
admis le recours et annulé la décision du 23 novembre 1999
en tant qu'elle portait sur le taux de la rente d'invalidi-
té. Les premiers juges ont renvoyé la cause à la CNA afin
qu'elle procède à une enquête économique complémentaire.

C.- La CNA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation. A l'ap-
pui de son recours, elle produit une liasse de quinze DPT
supplémentaires.
L'assuré intimé conclut à l'irrecevabilité du recours,
avec suite de dépens; implicitement, dans l'éventualité où
il serait recevable, il conclut à son rejet. L'Office fédé-
ral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le jugement attaqué, qui prescrit à la CNA de com-
pléter l'enquête économique afin de déterminer le revenu
d'invalide de l'intimé, est une décision de renvoi. Il ne
s'agit pas d'une décision incidente, qui ne serait séparé-
ment susceptible de recours que si elle pouvait causer un
préjudice irréparable (art. 5 al. 2 PA et art. 45 al. 1 PA,
en liaison avec les art. 97 al. 1 OJ et 128 OJ), mais d'une
décision finale. Est une décision finale, en effet, celle
qui met un terme à la procédure, qu'il s'agisse d'une déci-
sion de fond ou d'une décision qui clôt l'action judiciaire
en raison d'un motif tiré des règles de la procédure (ATF
117 V 241 consid. 1 et les références).

Contrairement à ce que l'intimé soutient, le jugement
cantonal pouvait donc être attaqué immédiatement et de fa-
çon indépendante, de sorte que le recours est recevable,
conformément aux dispositions générales (art. 97 al. 1 OJ
et art. 128 OJ en liaison avec l'art. 5 al. 1 PA).

2.- Le litige porte uniquement sur le montant du reve-
nu d'invalide de l'intimé et, par voie de conséquence, sur
son taux d'invalidité (art. 18 LAA). Non contestée, la dé-
cision litigieuse est entrée en force dans la mesure où
elle fixait le degré et la valeur de l'indemnité pour at-
teinte à l'intégrité (art. 24 et 25 LAA).

3.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide
à la suite d'un accident, il a droit à une rente d'invali-
dité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la capacité de
gain subit vraisemblablement une atteinte permanente ou de
longue durée. Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu
du travail que l'assuré devenu invalide par suite d'un ac-
cident pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle
de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation
équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu
qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (al. 2).
A cet égard, le revenu d'invalide doit être évalué
avant tout en fonction de la situation professionnelle
concrète de l'intéressé. En l'absence d'un revenu effecti-
vement réalisé, la jurisprudence considère que le revenu
d'invalide peut être évalué sur la base de statistiques
salariales (ATF 126 V 76-77 consid. 3b), singulièrement à
la lumière de celles figurant dans l'enquête suisse sur la
structure des salaires, publiée par l'Office fédéral de la
statistique (ATF 124 V 321). La mesure dans laquelle les
salaires ressortant des statistiques doivent être réduits,
dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au
handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie

d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte
d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'apprécia-
tion. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments
qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc).

4.- Les spécialistes du COPAI ont estimé que l'intimé
pourrait travailler à «plein rendement sur 65 % du temps»,
dans les métiers envisagés.
Comme la recourante l'a relevé à juste titre au con-
sid. 3 de sa décision sur opposition litigieuse, la baisse
de rendement admise par l'assurance-invalidité n'apparaît
pas consécutive aux séquelles de l'accident assuré, mais
bien plutôt à des problèmes d'alcoolisme, de limitations
scolaires et linguistiques, ainsi qu'à une faible motiva-
tion, notamment. De tels facteurs n'engagent pas la respon-
sabilité de la CNA, de sorte qu'il ne doit pas en être tenu
compte dans l'évaluation de l'invalidité (cf. ATF 107 V 21
consid. 2c; VSI 1999 p. 247 consid. 1).

5.- a) Le Tribunal administratif a considéré que la
documentation (DPT) de la CNA est en principe pertinente
pour évaluer le revenu d'un invalide, à la condition toute-
fois qu'un choix de cinq places de travail exigibles, au
minimum, soit proposé.
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont admis que
seules trois descriptions, parmi les sept communiquées par
la recourante, correspondaient au profil requis pour l'in-
timé. Ils en ont déduit que l'enquête économique était la-
cunaire et qu'un complément d'instruction s'imposait, cette
tâche devant être dévolue à la CNA (consid. 6 p. 9 du ju-
gement attaqué).

b) C'est toutefois à tort que la juridiction cantonale
a renvoyé le dossier à la CNA pour compléter l'enquête
économique. En effet, dès lors qu'elle considérait que,

parmi les postes de travail figurant sur les DPT, certains
n'étaient pas adaptés et/ou pas exigibles, il lui incombait
soit d'interpeller d'office la CNA pour qu'elle produise
d'autres DPT, soit de faire usage des salaires statistiques
figurant sur l'enquête suisse sur la structure des salaires
pour effectuer la comparaison des revenus (cf. ATF
124 V 321; arrêt C. du 8 mai 2001, U 402/99).
Ainsi que le relève à juste titre la recourante, le
salaire mensuel s'élève, selon la table TA1 de l'enquête de
1996, à 4294 fr. pour des activités simples et répétitives
(niveau 4) exécutées par des hommes dans le secteur privé,
durant 40 heures de travail. Ce salaire mensuel hypothé-
tique, qui se base sur une durée hebdomadaire de travail
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises, doit
être ajusté à 41,9 heures par semaine, de sorte qu'il faut
retenir un salaire mensuel de 4498 fr. Même si l'on appli-
quait un facteur de réduction - maximal - de 25 % (ATF
126 V 79-80 consid. 5b/aa-cc), on parviendrait à un revenu
d'invalide de 3373 fr. 50 (soit 40 482 fr. par année) qui
serait supérieur à celui de 3100 fr. que la CNA avait re-
tenu dans sa décision litigieuse. En le comparant au revenu
annuel de 55 560 fr. (12 x 4630 fr.) réalisable sans inva-
lidité, la perte de gain serait ainsi de 27 %, inférieure
au taux que la recourante avait pris en compte dans sa
décision du 8 juillet 1996. Le résultat serait sensiblement
le même s'il était fait référence à la table TA13, car
celle-ci retient un salaire mensuel moyen de 4308 fr. pour
une activité de niveau 4 exercée par un homme dans la
région lémanique; la perte de gain serait alors de 26,8 %.
Quant aux données ressortant de l'enquête de 1998,
publiées entre-temps (TA1 : 4268 fr.; TA13 : 4354 fr.),
elles ne diffèrent pas sensiblement de celles de 1996, de
sorte qu'elles n'ont pas d'incidence sur la solution du
présent litige.
Comme les premiers juges disposaient de tous les élé-
ments nécessaires pour établir le revenu d'invalide de

l'intimé, le renvoi de la cause pour complément d'instruc-
tion était injustifié. Le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève du 9 mai 2000 est annu-
lé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 janvier 2002

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le juge présidant la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.218/00
Date de la décision : 16/01/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-16;u.218.00 ?
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