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11/01/2002 | SUISSE | N°5P.394/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 janvier 2002, 5P.394/2001


«/2»
5P.394/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

11 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et M. Meyer, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

D.________, représenté par Me Michel De Palma, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 8 octobre 2001 par la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal du canton du Valais sur pourvoi
en nullité contre la décision de r

efus d'assistance judiciai-
re rendue le 19 juillet 2001 par le juge III du district de
Sion dans la cause qui oppose ...

«/2»
5P.394/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

11 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, Mme Nordmann
et M. Meyer, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

D.________, représenté par Me Michel De Palma, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 8 octobre 2001 par la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal du canton du Valais sur pourvoi
en nullité contre la décision de refus d'assistance judiciai-
re rendue le 19 juillet 2001 par le juge III du district de
Sion dans la cause qui oppose le recourant à la Chambre pu-
pillaire de Sion;

(art. 9 Cst.; assistance judiciaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 24 avril 2001, la Chambre pupillaire de Sion
a prononcé l'interdiction de D.________. Le 11 juin 2001,
celui-ci a appelé de cette décision devant le Juge III du
district de Sion, en requérant simultanément l'octroi de
l'assistance judiciaire totale.

Par ordonnance du 12 juin 2001, le juge a imparti à
D.________ un délai de dix jours pour produire de nombreux
documents, tous relatifs à sa situation financière; cette
ordonnance mentionnait que «[d]ans l'intervalle, le
requérant
est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire provisoire».
Le 20 juin 2001, D.________ a déposé les pièces requises et
demandé au juge de lui confirmer l'octroi de l'assistance
judiciaire totale.

B.- Par décision du 19 juillet 2001, le juge a reje-
té avec suite de frais (150 fr.) la requête d'assistance
judiciaire pour le motif que l'appel était dénué de chances
de succès. Par jugement séparé du même jour, il a rejeté
avec
suite de frais (1'000 fr.) l'appel contre la décision pronon-
çant l'interdiction.

Par jugement rendu le 8 octobre 2001, la Cour de
cassation civile du Tribunal cantonal du canton du Valais a
rejeté, avec suite de frais (500 fr.), le pourvoi en nullité
interjeté par D.________ contre la décision rejetant la
requête d'assistance judiciaire.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, D.________ conclut avec suite de frais
et dépens à l'annulation de ce jugement; il sollicite en
outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure
devant le Tribunal fédéral.

L'autorité intimée se réfère aux considérants de son
jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Formé en temps utile contre une décision prise
en dernière instance cantonale, le recours est recevable au
regard des art. 89 al. 1 et 86 al. 1 OJ. Il l'est également
au regard de l'art. 87 al. 2 OJ, la jurisprudence admettant
de manière constante l'existence d'un préjudice irréparable
en cas de décision refusant l'assistance judiciaire (ATF 121
I 321 consid. 1; 111 Ia 276 consid. 2; cf. ATF 126 I 207 con-
sid. 2a).

2.- a) Devant la cour cantonale, le recourant a
soutenu en substance que la décision du 19 juillet 2001 reje-
tant sa requête d'assistance judiciaire équivalait en
réalité
à une décision de retrait de l'assistance judiciaire avec
effet «ex tunc», proscrite par la loi, puisque l'ordonnance
du 12 juin 2001 précisait qu'il était «mis au bénéfice de
l'assistance judiciaire provisoire»; selon lui, l'adjonction
de cette phrase signifiait que le premier juge avait estimé
qu'au jour du dépôt de la requête, les deux conditions cumu-
latives requises pour l'octroi de l'assistance judiciaire -
indigence et chances de succès - étaient remplies (cf. arrêt
attaqué, consid. 2 p. 3).

Selon les juges cantonaux, le recourant se méprend
sur le sens et la portée de la phrase, contenue dans l'ordon-
nance du 12 juin 2001, selon laquelle «[d]ans l'intervalle,
le requérant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire
provisoire». En effet, si le dépôt d'une requête
d'assistance
judiciaire ne suspend pas automatiquement la cause principa-
le, le requérant ne peut être astreint à effectuer des avan-
ces ou verser des sûretés durant le traitement de cette re-

quête. Pour la cour cantonale, ces considérations permettent
de comprendre la raison pour laquelle le premier juge, dans
un souci de clarté même si la formulation adoptée par ce
magistrat paraît peu judicieuse, a inséré dans son
ordonnance
la phrase litigieuse: celle-ci ne peut avoir d'autre portée
juridique que de signifier au requérant qu'il était dispensé
d'effectuer toute avance de frais jusqu'au moment où une
décision serait rendue sur la question de l'assistance judi-
ciaire. Le recourant ne pouvait déduire de cette phrase que
l'assistance judiciaire totale lui était accordée à compter
du 12 juin 2001 pour être ensuite retirée avec effet rétroac-
tif, puisque le juge a, pour la première fois, examiné les
conditions requises pour l'octroi de l'assistance judiciaire
le 19 juillet 2001: le recourant semble d'ailleurs avoir
bien
saisi la portée juridique exacte de l'ordonnance litigieuse,
sans quoi l'on aurait de la peine à comprendre pourquoi il
aurait demandé au juge, le 20 juin 2001, de lui confirmer
l'octroi de l'assistance judiciaire totale (arrêt attaqué,
consid. 2b p. 4/5).

b) Selon le recourant, le Tribunal cantonal serait
tombé dans l'arbitraire en interprétant de manière insoutena-
ble l'ordonnance du 12 juin 2001, par laquelle le recourant
a
clairement été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire
provisoire. En outre, les pièces requises par cette ordonnan-
ce ont été fournies au magistrat le 20 juin 2001. Si les
conditions d'octroi de l'assistance judiciaire n'étaient
selon lui pas ou plus données, il aurait dû alors retirer
l'assistance judiciaire pour la procédure totale. Or le
refus
de l'assistance judiciaire est intervenu postérieurement
mais
avec effet «ab initio», en contradiction avec le prononcé
provisoire d'octroi de l'assistance judiciaire. L'interpréta-
tion de la cour cantonale, consistant à dire que la mention
selon laquelle «[d]ans l'intervalle, le requérant est mis au
bénéfice de l'assistance judiciaire provisoire» signifiait
seulement qu'entre le moment de la requête et la décision
sur

l'assistance judiciaire, le recourant était dispensé de
faire
une quelconque avance, serait contraire à l'art. 2 al. 1
OAJA
(Ordonnance concernant l'assistance judiciaire et administra-
tive, RSV 177.102), qui prévoit que «[l]a décision d'assis-
tance prend effet au jour du dépôt de la requête. Sauf re-
trait anticipé, l'assistance est accordée jusqu'au moment où
la procédure prend fin devant la dernière instance cantonale
saisie».

Le recourant se plaint en outre de la violation de
plusieurs autres dispositions de l'OAJA. Il fait ainsi
valoir
qu'aux termes de l'art. 3 al. 1 OAJA, «[l]'autorité saisie
du
dossier s'assure, durant toute la procédure et notamment en
cas de recours, que les conditions du droit à l'assistance
subsistent». De plus, quel que soit le stade de la procédure
où est déposée la requête d'assistance judiciaire, le juge
doit examiner les chances de succès, lorsque cette condition
s'applique (Pierre Gapany, Assistance judiciaire et adminis-
trative dans le canton du Valais, in RVJ 2000 p. 117 ss, 139
in fine). L'art. 11 al. 1 OAJA précise que «[l]'autorité
compétente statue sans débat, à bref délai, après que les
intéressés aient pu faire valoir leur droit d'être entendu
et, en principe, avant qu'il ne soit statué dans la
procédure
principale». Or en l'espèce, le juge disposait dès le dépôt
de la requête d'assistance judiciaire du 11 juin 2001 de
tous
les éléments permettant d'apprécier les chances de succès,
puisqu'il bénéficiait des écritures et de l'argumentation du
recours. Ayant précisé dans son ordonnance du 12 juin 2001,
par laquelle il a imparti au recourant un délai de dix jours
pour produire de nombreux documents, que «[d]ans l'interval-
le, le requérant est mis au bénéfice de l'assistance judi-
ciaire provisoire», il ne pouvait pas rejeter la requête
d'assistance judiciaire pour défaut de chances de succès le
19 juillet 2001, date des débats d'appel, sans violer l'art.
3 al. 1 OAJA qui interdit le retrait de l'assistance judi-
ciaire avec effet rétroactif.

c) Ces griefs touchent juste. En effet, l'autorité
compétente pour accorder l'assistance judiciaire doit
statuer
à bref délai, en principe avant qu'il ne soit statué dans la
procédure principale (art. 11 al. 1 OAJA, cité au consid. 2b
supra). S'il est concevable, en cas d'urgence, d'accorder
l'assistance judiciaire à titre provisoire sans enquête préa-
lable sur la situation financière du requérant (cf. ATF 108
Ia 108 consid. 2), l'autorité doit en revanche, quel que
soit
le stade de la procédure où est déposée la requête d'assis-
tance judiciaire, examiner les chances de succès lorsque
cette condition s'applique (Pierre Gapany, Assistance judi-
ciaire et administrative dans le canton du Valais, in RVJ
2000 p. 117 ss, 139 in fine et la jurisprudence citée). Sauf
retrait anticipé (cf. art. 3 al. 1 OAJA, cité au consid. 2b
supra), l'assistance judiciaire déploie ses effets jusqu'à
la
fin de la procédure principale devant les autorités cantona-
les (cf. art. 3 al. 1 OAJA, cité au consid. 2b supra;
Gapany,
op. cit., p. 143). Selon l'art. 3 al. 3 OAJA, «le retrait ne
peut intervenir avec effet rétroactif que lorsque l'assisté
a
induit en erreur l'autorité compétente ou lorsqu'il a
négligé
de signaler à temps les changements susceptibles
d'influencer
son droit à l'assistance».

d) En l'espèce, le premier juge, dans son ordonnance
du 12 juin 2001, a imparti au recourant un délai de dix
jours
pour produire de nombreux documents concernant exclusivement
la situation pécuniaire de ce dernier (cf. art. 10 OAJA); il
a précisé que «[d]ans l'intervalle, le requérant est mis au
bénéfice de l'assistance judiciaire provisoire». Il était
ainsi clair que le caractère provisoire de l'assistance judi-
ciaire ainsi octroyée tenait uniquement à la vérification de
la condition de l'indigence au moyen des documents requis,
que le recourant a produits le 20 juin 2001. Contrairement à
l'opinion insoutenable des juges cantonaux, c'est d'ailleurs
manifestement ainsi que le recourant a compris la portée

juridique de l'ordonnance du 12 juin 2001, puisque dans le
courrier du 20 juin 2001, son conseil, après avoir énuméré
les documents produits, a écrit ce qui suit: «Au vu de ce
qui
précède je pense que vous disposez de tous les éléments vous
permettant d'établir de manière claire la situation d'indi-
gence de mon client. Pour le bon ordre de mes dossiers, je
vous prie dès lors de me confirmer l'octroi de l'assistance
judiciaire totale en faveur de mon mandant».

En avalisant la décision - rendue le même jour que
la décision sur la procédure principale - par laquelle le
premier juge a retiré avec effet rétroactif, pour défaut de
chances de succès, l'assistance judiciaire accordée le 12
juin 2001 sous la seule réserve de la confirmation de l'indi-
gence du recourant, les juges cantonaux ont dès lors inter-
prété de manière insoutenable l'ordonnance du 12 juin 2001
ainsi que la lettre du recourant du 20 juin 2001, et
appliqué
de manière arbitraire les dispositions de l'OAJA citées plus
haut (consid. 2c supra).

3.- Il résulte de ce qui précède que le recours,
fondé, doit être admis et le jugement attaqué annulé. Le
recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens
de
la part de l'État du Valais (art. 159 al. 1 OJ). Celui-ci,
dont l'intérêt pécuniaire est en cause, supportera également
les frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2 OJ). La requête
d'assistance judiciaire formulée par le recourant pour la
procédure devant le Tribunal fédéral devient ainsi sans
objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

2. Met à la charge de l'État du Valais:
a) un émolument judiciaire de 1'500 fr.;
b) une indemnité de 2'000 fr. à verser au recourant
à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant et à la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 11 janvier 2002
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.394/2001
Date de la décision : 11/01/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-11;5p.394.2001 ?
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