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11/01/2002 | SUISSE | N°4P.236/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 janvier 2002, 4P.236/2001


«/2»

4P.236/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. X.________ S.A., à Lausanne,
2. Dame B.________,

toutes deux représentées par Me Pierre del Boca, avocat à
Lausanne,
contre

le jugement rendu le 14 novembre 2000 par la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois da

ns la cause qui oppose les re-
courantes à dame C.________, représentée par Me Baptiste
Rusconi, avocat à Lausanne;

(arbi...

«/2»

4P.236/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

11 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

1. X.________ S.A., à Lausanne,
2. Dame B.________,

toutes deux représentées par Me Pierre del Boca, avocat à
Lausanne,
contre

le jugement rendu le 14 novembre 2000 par la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui oppose les re-
courantes à dame C.________, représentée par Me Baptiste
Rusconi, avocat à Lausanne;

(arbitraire; droit d'être entendu)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Dame C.________, née le 1er août 1950, est
mère d'un enfant né en 1982; son époux est père au foyer de-
puis la naissance de leur fils. Elle souffre, depuis l'âge
de
vingt ans environ, de la maladie de Bechterew ou spondylar-
thrite ankylosante. Il s'agit d'un rhumatisme, qui, petit à
petit, entraîne la soudure des différentes vertèbres et in-
terdit les mouvements de tête latéraux, la personne atteinte
de cette maladie devant ainsi déplacer les pieds pour regar-
der à gauche ou à droite. En raison de cette affection, dame
C.________ ne pouvait pas tenir la tête droite. Depuis le 21
avril 1978, elle percevait une demi-rente simple de
l'assurance-invalidité.

Dame C.________ a travaillé à mi-temps de 1977 à
1992 au service de la fiduciaire et régie Y.________ S.A., à
Lausanne; son dernier salaire mensuel brut se montait à
2875 fr., treize fois l'an.

Le 7 octobre 1992, aux alentours de 7 h.35, dame
B.________, dont la responsabilité civile de détentrice est
couverte par X.________ S.A. (anciennement A.________), cir-
culait au volant de son véhicule de marque Peugeot 205 sur
l'avenue Général Guisan, à Pully, en direction de Vevey.
Dame
B.________ a vu dame C.________, qui était arrêtée sous la
pluie à hauteur du no 79 de l'avenue précitée; celle-ci se
trouvait sur le trottoir, en face d'un passage de sécurité.
La conductrice, qui a pris dame C.________ pour un enfant à
cause de sa silhouette, a ralenti à la vue de cette piétonne.

D.________, qui circulait en sens inverse, a égale-
ment vu dame C.________ attendre et a compris qu'elle
voulait

traverser; il s'est alors arrêté et lui a fait un appel de
phares pour lui indiquer qu'il entendait la laisser passer.

Dame C.________, qui est particulièrement prudente
au moment de traverser la route, a regardé à gauche, puis
s'est engagée sur le passage de sécurité en marchant normale-
ment. Pensant que dame C.________ allait attendre le passage
de sa voiture, dame B.________, totalement surprise, a donné
un brusque coup de frein et a tenté de l'éviter en passant
sur le trottoir à droite. La conductrice a toutefois heurté,
avec l'avant gauche de son véhicule, la piétonne, alors
qu'elle se trouvait à environ trois mètres du bord du trot-
toir qu'elle venait de quitter.

Dame C.________ a été transportée inconsciente au
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), où elle a
été admise plusieurs mois. Outre des fractures de l'humérus
gauche, du rachis dorsal D11-D12, du bassin et aux deux jam-
bes, accompagnées d'un hémothorax droit et d'une contusion
hépatique, elle a subi un sévère traumatisme crânien. A la
suite de cet accident, dame C.________ est très gravement
entravée dans sa vie de tous les jours et proche de l'impo-
tence. Le traumatisme crânien est à l'origine d'un syndrome
psycho-organique de degré moyen, qui se caractérise par des
troubles des fonctions gnosiques, par une aphasie anomique
et
divers troubles de la personnalité (puérilisme, labilité émo-
tionnelle, retrait social, phobie de l'abandon et de la chu-
te). Elle présente en outre des troubles de la marche, qui
aggravent de manière déterminante les difficultés de se dé-
placer résultant de son état antérieur, et une limitation
fonctionnelle de l'épaule gauche. Enfin, elle souffre de
troubles sphinctériens vésicaux occasionnant des pertes
d'urine.

Depuis l'accident, qui a fait l'objet d'un rapport
de la police municipale de Pully daté du 13 octobre 1992,

dame C.________ est en incapacité totale de travail. Elle
n'est désormais plus en mesure d'effectuer sans aide les tâ-
ches ménagères, pour lesquelles elle consacrait en tout cas
dix heures par mois.

Dès le 1er février 1993, elle a touché une rente
entière simple de l'assurance-invalidité et une rente pour
enfant, qui se montaient mensuellement en mars 2000 à respec-
tivement 2010 fr. et 804 fr.

b) Une enquête pénale a été ouverte contre dame
B.________ pour lésions corporelles graves. Par jugement du
7
mars 1994, le Tribunal correctionnel du district de Lausanne
a libéré l'intéressée de ce chef d'accusation.

B.- Le 19 février 1997, dame C.________ a ouvert
action contre dame B.________ et X.________ S.A. devant la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Elle a conclu à ce
que les défenderesses lui doivent paiement solidairement de
225 071 fr.30, avec intérêts à 5 % l'an dès le dépôt de la
demande.

Les défenderesses ont conclu à libération.

En cours d'instance, une expertise médicale a été
confiée au docteur Z.________, spécialiste FMH en médecine
interne. Selon cet expert, la perte des 50% de capacité de
travail résiduelle dont disposait la demanderesse avant l'ac-
cident du 7 octobre 1992 est exclusivement due aux séquelles
de ce sinistre. Dans un rapport complémentaire, l'expert a
encore déclaré que la maladie de Bechterew dont la demande-
resse est atteinte ne l'aurait pas empêchée, si l'accident
n'était pas survenu, de maintenir une activité profession-
nelle à mi-temps jusqu'à l'âge de 62 ans.

Une expertise technique a également été ordonnée
pour évaluer notamment la vitesse du véhicule de dame
B.________ avant l'accident et au moment du choc et la dis-
tance d'arrêt qui entrait en ligne de compte.

Par jugement du 14 novembre 2000 dont les considé-
rants ont été notifiés le 15 août 2001, la Cour civile a con-
damné les défenderesses à verser solidairement à la demande-
resse la somme de 225 071 fr.30 plus intérêts à 5% l'an dès
le 19 février 1997. En substance, l'autorité cantonale a re-
tenu que dame B.________, en renversant la demanderesse le 7
octobre 1992 alors que celle-ci traversait la chaussée sur
un
passage de sécurité, a commis une faute exclusive en
relation
de causalité directe et adéquate avec l'accident. Pour répa-
rer le dommage subi par dame C.________, la cour cantonale a
jugé que les défenderesses restaient solidairement
débitrices
de la demanderesse du montant total de 265 743 fr.60, qui se
décomposait de la manière suivante:

- 51 276 fr.90 avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 1996
pour la perte de gain et le préjudice ménager au jour du ju-
gement;

- 202 298 fr.40 plus intérêts à 5% dès le 1er novembre 2000
à
titre de perte de gain future et de préjudice ménager futur;

- 5980 fr. avec intérêts à 5% dès le 7 octobre 1992 pour le
tort moral;

- 6188 fr.30 plus intérêts à 5% dès le 11 mars 1997 à titre
de frais d'avocat avant procès et de frais de literie.

Mais comme la demanderesse avait conclu au paiement
de la somme de 225 071 fr.30 avec intérêts à 5% l'an dès le
19 février 1997, ont poursuivi les magistrats vaudois, c'est
ce dernier montant en capital et intérêts qui doit lui être

alloué, puisque l'art. 3 du Code de procédure civile vaudois
(CPC vaud.) interdit à la Cour civile de statuer ultra peti-
ta.

C.- X.________ S.A. et dame B.________ interjet-
tent, parallèlement, un recours de droit public et un
recours
en réforme au Tribunal fédéral. Dans le recours de droit pu-
blic, invoquant la violation des art. 8, 9 et 29 Cst., elles
concluent à l'annulation du jugement précité.

Les recourantes ont formé, sur le plan cantonal, un
recours en nullité contre le jugement du 14 novembre 2000.
Par arrêt du 15 octobre 2001, le Président de la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois a pris acte de la décla-
ration de retrait de recours déposée par les défenderesses
le
5 octobre 2001, et rayé l'affaire du rôle.

L'intimée conclut au rejet du recours dans la mesu-
re où il est recevable, alors que la Cour civile déclare se
référer aux considérants de son jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours
de
droit public.

b) Le Tribunal fédéral contrôle d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127
II 198 consid. 2; 127 IV 148 consid. 1a; 126 III 485 consid.
1).

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-

voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid.
1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.- Dans un premier moyen, les recourantes préten-
dent que l'intimée n'a jamais regardé à gauche, en direction
du véhicule de dame B.________, avant de s'engager sur le
passage de sécurité pour traverser l'avenue Général Guisan.
Les recourantes soutiennent que, dans l'appréciation des
preuves ayant trait au comportement de la demanderesse avant
l'accident, la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitrai-
re. La Cour civile aurait encore violé leur droit d'être en-
tendues en ne mentionnant pas dans l'état de fait "le résul-
tat de la procédure probatoire constituée par l'expertise".

a) La critique, qui comprend plusieurs facettes,
soulève d'emblée la question de l'épuisement préalable des
instances cantonales.

Selon ce principe, ancré à l'art. 86 al. 1 OJ, le
recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des
décisions prises en dernière instance cantonale. La disposi-
tion citée a pour conséquence que seuls sont recevables de-
vant le Tribunal fédéral les moyens qui, à supposer qu'ils
puissent être portés devant l'autorité cantonale de dernière
instance, ont effectivement été présentés à cette autorité.
Elle a pour corollaire l'irrecevabilité, dans le cadre d'un
recours de droit public, et du moyen présenté devant une
cour
supérieure cantonale que celle-ci n'a pas examiné pour des
raisons formelles, non critiquées en instance de recours de
droit public, et du moyen recevable que la partie recourante
a renoncé, expressément ou par acte concluant, à invoquer de-
vant l'autorité cantonale suprême (cf. ATF 116 Ia 78 consid.
1b; 98 Ia 647 consid. 2; 66 I 174; Kälin, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., p. 330).

La jurisprudence a récemment posé, à propos de
l'examen de la recevabilité du recours de droit public,
qu'en
procédure civile vaudoise le grief tiré de l'appréciation ar-
bitraire des preuves peut faire l'objet du recours en
nullité
de l'art. 444 CPC vaud. Partant, avant de saisir le Tribunal
fédéral, la partie recourante doit soumettre ses griefs d'ar-
bitraire dans l'appréciation des preuves à la Chambre des re-
cours du Tribunal cantonal vaudois (ATF 126 I 257).

En l'espèce, les défenderesses ont certes formé un
recours en nullité pour appréciation arbitraire des preuves,
mais ont choisi délibérément de le retirer avant que la Cham-
bre des recours ne statue sur son mérite. Il appert ainsi
que
les moyens fondés sur l'appréciation arbitraire des preuves
prétendument commise par la Cour civile n'ont pas été présen-
tés à l'autorité cantonale de dernière instance, de sorte
que, conformément au principe de l'épuisement des moyens de
droit cantonaux, les recourantes sont désormais irrecevables
à les faire valoir devant le Tribunal fédéral en instance de
recours de droit public.

Cela dit, on peut examiner le grief plus en détail.

b) aa) Les recourantes prétendent que la cour can-
tonale aurait violé leur droit d'être entendues en ignorant
les conséquences qu'entraînait la maladie de Bechterew sur
les possibilités visuelles de la demanderesse. Ces éléments
de fait pertinents, qui voudraient que "pour dame
C.________,
voir ou regarder à gauche ou à droite = déplacer les pieds à
gauche ou à droite", auraient fait l'objet de leurs allégués
nos 98 et 105 soumis à la preuve par expertise.

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu,
garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., en particulier le droit
pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne
soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves

quant aux faits de nature à influer sur le sort de la déci-
sion, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à
l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et
de
se déterminer à leurs propos (ATF 126 I 15 consid. 2a; 124 I
49 consid. 3a, 241 consid. 2; 124 V 180 consid. 1a). S'agis-
sant plus précisément du droit de fournir des preuves, la ju-
risprudence a exposé que l'autorité avait l'obligation de
donner suite aux offres de preuve présentées en temps utile
et dans les formes requises, à moins qu'elles ne soient mani-
festement inaptes à apporter la preuve ou qu'il s'agisse de
prouver un fait sans pertinence (ATF 115 Ia 8 consid. 2b;
114
Ia 97 consid. 2a; 106 Ia 161 consid. 2b).

L'allégué 98 des défenderesses, qui se rapporte à
la morphologie de la demanderesse, a la teneur suivante:
" ... due en partie à la maladie de Bechterew dont elle
souffre depuis l'âge de 20 ans environ". Quant à l'allégué
105, son contenu est le suivant: "De plus, étant bossue et
ne
pouvant tenir la tête droite, son angle de
vision est encore
réduit d'autant". Ces deux allégués ont été offerts à la
preuve par expertise. La Cour civile a donné suite à cette
offre de preuve puisque l'expert Z.________, au sujet de ces
allégués, a précisé en résumé, comme le retient le jugement
déféré à la page 15, que l'intimée souffre d'une forme
voûtée
de la maladie de Bechterew, avec ankylose sévère irréversi-
ble, qu'en raison de cette affection la demanderesse ne pou-
vait tenir la tête droite et que la détermination de l'angle
de vision de celle-ci lors de l'accident du 7 octobre 1992
pourrait être appréciée par une reconstitution "en tenant
compte toutefois de l'aggravation de 20° de la cyphose dorsa-
le constituant les séquelles durables et irréversibles dudit
accident".

On ne voit donc pas que les recourantes aient été
empêchées de s'exprimer d'une quelconque manière sur les
faits pertinents ou qu'elles aient été privées de la possi-

bilité de proposer des modes ou moyens de preuve. La
critique
concerne en réalité moins le droit d'être entendu que l'ap-
préciation des preuves, et singulièrement de l'expertise, la-
quelle, comme on l'a vu, ne saurait plus être soumise à la
juridiction fédérale en instance de recours de droit public.
Ce pan du grief est dénué de fondement.

bb) Pour les recourantes, l'intimée ne pouvait fai-
re face au passage de sécurité, ainsi que la cour cantonale
l'a retenu au considérant 2a du jugement déféré, et simulta-
nément regarder à gauche sans déplacer les pieds. La Cour ci-
vile aurait retenu que la demanderesse a regardé à gauche
avant de s'engager sur le passage pour piétons en se fondant
sur un rapport de police qui aurait erronément relaté les dé-
clarations de dame B.________.

Cette branche du grief, qui revient à s'en prendre
à l'appréciation opérée par les juges cantonaux du rapport
de
la police municipale de Pully du 13 octobre 1992, est irrece-
vable (cf. considérant 2a ci-dessus).

cc) A suivre les recourantes, dans aucune des pha-
ses précédant l'accident, qui seraient au nombre de quatre,
la demanderesse, au vu des constatations médicales relatives
à la maladie de Bechterew, n'aurait regardé préalablement à
gauche, en direction de la voiture de dame B.________, lors-
qu'elle a décidé de traverser la chaussée. Les défenderesses
s'appuient sur les déclarations de l'automobiliste
D.________, dont elles déduisent, semble-t-il, que
l'intimée,
avant de s'engager sur le passage pour piétons, est rester
figée en face de ce passage de sécurité, le regard braqué
vers le sol.

La critique, purement appellatoire, est derechef
irrecevable, du moment qu'elle concerne l'appréciation de la

déposition d'un témoin par les juges cantonaux (cf. considé-
rant 2a ci-dessus).

3.- Les recourantes affirment que la demanderesse
s'est engagée sur la chaussée à l'improviste. Elle fait
grief
à l'autorité cantonale d'avoir apprécié arbitrairement le té-
moignage de D.________ recueilli pendant l'instruction du
procès civil, déposition qui "gommerait" trois précédentes
déclarations divergentes du même témoin.

L'appréciation du témoignage en cause ne saurait
être revue dans la présente instance de recours de droit pu-
blic, en raison de la subsidiarité relative de cette voie de
droit (art. 86 al. 1 OJ).

Les défenderesses n'indiquent en outre pas quelle
disposition de la procédure cantonale les magistrats vaudois

auraient arbitrairement transgressée en privilégiant les dé-
clarations d'un témoin, qui a été entendu, après avoir été
exhorté à dire la vérité, par le juge instructeur de la Cour
civile (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 122 I 70 consid. 1c;
119
Ia 197 consid. 1d).

Le moyen est totalement irrecevable.

4.- Les recourantes sont d'avis que c'est de ma-
nière parfaitement arbitraire que l'autorité cantonale a con-
sidéré que l'intimée n'avait aucun besoin de faire un signe
de la main pour manifester son intention de traverser. Et de
se référer à l'art. 6 al. 1 aOCR et 86 LCR.

Le moyen concerne en fait l'atténuation ou l'exclu-
sion de la responsabilité civile du détenteur au sens de
l'art. 59 LCR. Touchant ainsi à l'application du droit fédé-
ral, il peut être invoqué dans le recours en réforme, de tel-

le sorte qu'il est irrecevable dans le recours de droit pu-
blic, en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ.

5.- Les recourantes reprochent à la Cour civile
d'avoir rejeté arbitrairement les conclusions du rapport
d'expertise automobile. De plus, les allégués 35 et 83 de la
demanderesse n'auraient pas été repris dans les faits, ce
qui
constituerait une violation du droit d'être entendu et un
traitement inéquitable en procédure au sens de l'art. 29
Cst.
Enfin, la cour cantonale aurait appliqué de manière insoute-
nable l'art. 86 LCR.

La critique relative à la manière dont la cour can-
tonale a apprécié les conclusions de l'expertise technique a
trait à l'appréciation des preuves, d'où son irrecevabilité
(cf. considérant 2a supra).

Les allégués 35 et 83 de la demanderesse, sur les-
quels les recourantes ont pu se déterminer dans leurs écritu-
res, ont été offerts à la preuve par expertise, laquelle a
été acceptée par l'autorité cantonale. L'expert Z.________
s'est prononcé sur lesdits allégués; les réponses de
l'expert
ont été reprises aux pages 13 (pour l'allégué 35) et 14 et
15
(pour l'allégué 83) du jugement cantonal. On cherche donc
vainement quelle atteinte au droit d'être entendu pourrait
entrer en considération.

Quant aux griefs de violation du droit à un procès
équitable consacré à l'art. 29 al. 1 Cst., voire du droit à
l'égalité de traitement tel qu'il découle de l'art. 8 al. 1
Cst., à défaut d'être accompagnés de la moindre explication,
ils sont irrecevables (art. 90 al. 1 let. b OJ).

La critique à propos de l'art. 86 LCR a bien évi-
demment trait au droit fédéral; elle est en conséquence irre-

cevable, en raison de la subsidiarité absolue du recours de
droit public (art. 84 al. 2 OJ).

Le moyen est privé de fondement dans la mesure de
sa recevabilité.

6.- Dans un dernier moyen, les recourantes sou-
tiennent que l'autorité cantonale a déterminé arbitrairement
la perte de gain passée et la perte de gain future de la de-
manderesse. En appréciant de manière gravement fautive les
attestations de salaire produites par l'ancien employeur de
l'intimée, la cour cantonale aurait reconnu un dommage futur
supérieur de plus de 50 000 fr. au calcul effectué par la de-
manderesse elle-même.

Comme on l'a dit au considérant 2a supra, faute
d'avoir épuisé les moyens de droit cantonaux, les défende-
resses sont irrecevables à critiquer l'appréciation des at-
testations de salaire précitées telle qu'elle a été
effectuée
par les magistrats vaudois.

Quant au calcul du préjudice déjà subi et du préju-
dice futur de la lésée, il s'agit là de questions qui relè-
vent de l'application du droit fédéral, et plus particuliè-
rement de l'art. 46 al. 1 CO, si bien qu'elles sont irreceva-
bles dès l'instant où la voie de la réforme est en l'occur-
rence ouverte (art. 84 al. 2 OJ).

7.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. Vu l'issue
de la querelle, les frais et dépens doivent être mis solidai-
rement à la charge des recourantes qui succombent (art. 156
al. 1 et 7 et 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. solidai-
rement à la charge des recourantes;

3. Dit que les recourantes verseront solidairement
à l'intimée une indemnité de 8000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.

___________

Lausanne, le 11 janvier 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.236/2001
Date de la décision : 11/01/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-11;4p.236.2001 ?
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