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10/01/2002 | SUISSE | N°5C.267/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 janvier 2002, 5C.267/2001


«/2»
5C.267/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

10 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Raselli et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ Assurances, défenderesse et recourante, repré-
sentée par Me Pierre-Henri Dubois, avocat à Neuchâtel,

et

P.________, demandeur et intimé, représenté par Me Jean-
Daniel Kramer, avocat à La Chaux-de-Fonds;

(contr

at d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________, ressortissant portugai...

«/2»
5C.267/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

10 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Bianchi, président, M. Raselli et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ Assurances, défenderesse et recourante, repré-
sentée par Me Pierre-Henri Dubois, avocat à Neuchâtel,

et

P.________, demandeur et intimé, représenté par Me Jean-
Daniel Kramer, avocat à La Chaux-de-Fonds;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________, ressortissant portugais né en 1957,
a travaillé au Locle dans diverses entreprises à partir de
l'année 1989, au bénéfice d'autorisations saisonnières. En
1996 et 1997, il a été employé de l'entreprise de construc-
tion de Y.________. À ce titre, il était couvert par une
assurance collective d'indemnités journalières selon la LCA
conclue par l'employeur auprès de la X.________ Assurances.
L'art. 2 des conditions générales d'assurance applicables
disposait que «[l]'assurance couvre la perte de salaire dans
le cadre des dispositions contractuelles par suite d'une in-
capacité de travail due à une maladie attestée par un
médecin
ou un chiropraticien». Les prestations prévues par le
contrat
consistaient en le versement d'une indemnité journalière de
80% du salaire déterminant après un délai d'attente d'un
jour
et pendant 729 jours.

Une incapacité totale de travailler de P.________
ayant été attestée médicalement dès le 11 juillet 1997, la
X.________ Assurances a alloué ses prestations pour la pério-
de du 12 juillet 1997 au 13 décembre 1997, date de la fin
tant de l'autorisation saisonnière de P.________ que de son
contrat de travail avec l'entreprise de Y.________, ce qui
représente 155 indemnités journalières.

P.________, dont l'épouse et la fille vivaient avec
lui au Locle sans autorisation, n'est pas rentré au
Portugal.
Étant donné qu'il suivait un traitement médical, il a été
mis
à plusieurs reprises au bénéfice d'une autorisation de
séjour
de courte durée.

B.- Le 9 juillet 1999, P.________ a actionné la
X.________ Assurances en paiement de la somme brute de
64'071
fr. avec intérêts dès le 14 mai 1998, conclusion qu'il a aug-

mentée en cours de procédure à la somme de 80'876 fr. La dé-
fenderesse à conclu au rejet de ces conclusions.

C.- Par jugement du 24 septembre 2001, la IIe Cour
civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a
condamné
la défenderesse à verser au demandeur la somme de 80'876 fr.
60, représentant le solde des indemnités journalières dues
selon le contrat d'assurance - soit 574 (729 - 155) indemni-
tés à 140 fr. 90 - avec intérêts au taux de 5% l'an dès le
1er octobre 1998, date moyenne.

Les juges cantonaux ont notamment exposé que le
contrat d'assurance prévoit une durée maximum de prestations
de 729 jours sans autre limite temporelle. Or cette durée
était écoulée au moment de la demande et le demandeur, qui
était incapable de travailler par suite de maladie depuis le
11 juillet 1997, n'avait touché aucun salaire depuis le 14
décembre 1997 jusqu'à l'introduction de la demande. Il était
certes permis de penser que, même en bonne santé, le deman-
deur n'aurait pas travaillé en Suisse pendant toute la pério-
de d'incapacité encourue jusqu'à la demande, puisqu'il était
saisonnier, et n'aurait donc pas touché tout le salaire affé-
rent à cette période. Cette situation n'aurait toutefois
certainement pas duré puisque, sa famille vivant avec lui en
Suisse, il aurait fini par demander la transformation de son
autorisation saisonnière en autorisation de séjour à
l'année.
De toute manière, l'épuisement du droit aux prestations
était
la seule limite temporelle fixée dans les conditions généra-
les d'assurance, de sorte que le demandeur aurait droit aux
prestations même au delà du jour de la demande (jugement
attaqué, consid. 3b).

D.- Agissant par la voie du recours en réforme, la
défenderesse sollicite le Tribunal fédéral d'annuler ce juge-
ment, de statuer sur le litige en déboutant le demandeur de
toutes ses conclusions et de statuer sur les frais et dépens

des instances cantonale et fédérale. Une réponse au recours
n'a pas été requise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le jugement attaqué tranche une contestation
civile portant sur des droits de nature pécuniaire dont la
valeur dépasse largement 8'000 fr.; il constitue une
décision
finale prise par le tribunal suprême du canton de Neuchâtel
qui ne peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit
cantonal. Le recours en réforme, interjeté en temps utile,
est donc recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al.
1 OJ.

2.- a) La défenderesse fait grief à la cour cantona-
le d'avoir faussement appliqué les règles du droit fédéral
relatives à l'interprétation des contrats en retenant que le
contrat d'assurance collective en discussion pouvait donner
droit au versement d'indemnités journalières au demandeur
même en l'absence de toute perte de gain effective. Elle se
réfère à cet égard à l'art. 5 ch. 1 let. a des conditions
complémentaires d'assurance, selon lequel l'indemnité journa-
lière, qui se base sur le salaire déterminant pour le calcul
de la prime, «doit, dans tous les cas, correspondre à la
perte de salaire effective». Selon la défenderesse, cette
clause précisait et limitait l'étendue du risque assuré, au
sens de l'art. 33 LCA. Elle ne pourrait être interprétée
autrement, selon le principe de la bonne foi (art. 18 CO et
2
CC), que comme visant à couvrir la perte de salaire réelle
et
effective des personnes assurées. Or malgré qu'il fût établi
que dès le 14 décembre 1997, le demandeur ne pouvait plus
prétendre à un quelconque salaire de son employeur puisque
son contrat de travail de durée déterminée était arrivé à
expiration, la cour cantonale lui a alloué de pleines indem-
nités journalières de cette date au 10 juillet 1999, violant

ainsi, selon la défenderesse, les art. 33 LCA, 18 CO et 2
CC.
Par ailleurs, en n'exigeant pas du demandeur qu'il établisse
la réalité de sa perte de salaire après le 13 décembre 1997,
alors que cette preuve lui incombait s'agissant d'une assu-
rance perte de gain maladie couvrant une perte de salaire
effective, les juges cantonaux auraient également violé
l'art. 8 CC.

b) La cour cantonale a constaté que l'assurance
litigieuse couvre, sous la forme d'une indemnité journalière
de 80% du salaire déterminant après un délai d'attente d'un
jour et pendant 729 jours au plus, la perte de salaire par
suite d'une incapacité de travail due à une maladie attestée
par un médecin ou un chiropraticien. En revanche, l'art. 5
ch. 1 let. a des conditions complémentaires d'assurance invo-
qué par la défenderesse n'a fait l'objet d'aucune constata-
tion dans le jugement attaqué et ne peut dès lors pas être
pris en considération par le Tribunal fédéral en instance de
réforme (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ).

c) Il est constant que le demandeur a été incapable
de travailler par suite de maladie depuis le 11 juillet 1997
et qu'il l'était toujours au moment où le jugement attaqué a
été rendu (cf. jugement attaqué, consid. 3a in limine). La
défenderesse soutient toutefois que le demandeur, qui ne
pouvait plus prétendre à un quelconque salaire de son em-
ployeur depuis l'expiration de son contrat de travail de du-
rée déterminée, n'aurait pas établi subir une perte de sa-
laire à partir du 14 décembre 1997, ce qui serait une condi-
tion de son droit aux prestations d'assurance (cf. consid.
2a
supra).

Ce grief tombe à faux. L'assurance litigieuse vise
en effet manifestement à garantir l'assuré contre l'incapaci-
té de gain découlant d'une incapacité de travail par suite
de
maladie, et ceci par le versement, après un délai d'attente

d'un jour et pendant 729 jours au plus, d'une indemnité jour-
nalière correspondant à 80% du salaire déterminant selon le
contrat d'assurance. Sur la base des constatations de fait
contenues dans le jugement attaqué, la défenderesse ne sau-
rait prétendre que le droit aux prestations d'assurance s'é-
teint avec la fin des rapports de service entre le travail-
leur assuré et son employeur. Cela irait à l'encontre même
du
but de l'assurance, non seulement en cas de contrat de durée
déterminée comme en l'espèce, mais aussi en cas de contrat
de
durée indéterminée que l'employeur peut résilier après la
période de protection de l'art. 336c al. 1 let. b CO, soit
bien avant l'expiration de la période de 729 jours prévue
par
le contrat d'assurance. Dans le même sens, le Tribunal fédé-
ral des assurances a d'ailleurs déjà eu l'occasion de dire,
s'agissant de l'assurance d'indemnités journalières selon la
LAMA, que le droit à l'indemnité journalière ne saurait dé-
pendre de la continuation des rapports de service pendant
une
incapacité de travail due à la maladie (arrêt non publié K
45/77, reproduit in RSKV 1978 n° 342 p. 224 ss, traduit en
français in RJAM 1978 n° 342 p. 245 ss, consid. 2b in fine).

3.- Il résulte de ce qui précède que le recours,
mal fondé en tant qu'il est recevable (cf. consid. 2b
supra),
doit être rejeté dans cette même mesure, ce qui entraîne la
confirmation du jugement entrepris. La recourante, qui suc-
combe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).
Elle n'aura en revanche pas à payer de dépens, l'intimé
n'ayant pas été invité à répondre au recours (Poudret/Sandoz-
Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judi-
ciaire, vol. V, Berne 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme le jugement attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton de Neuchâtel.

__________

Lausanne, le 10 janvier 2002
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.267/2001
Date de la décision : 10/01/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-10;5c.267.2001 ?
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