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10/01/2002 | SUISSE | N°4P.264/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 janvier 2002, 4P.264/2001


«/2»

4P.264/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

10 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

E.________, représenté par Me Jean-Charles Bornet, avocat à
Sion,

contre

le jugement rendu le 20 février 2001 par le Tribunal du tra-
vail du canton du Valais dans la cause qui oppose le recou-
rant à l'Office X.______

__, représenté par Mes Pierre-Albert
Luyet et Grégoire Dayer, avocats à Sion;

(arbitraire)

Vu les pièces du dossier ...

«/2»

4P.264/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

10 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz et
Favre, juges. Greffier: M. Ramelet.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

E.________, représenté par Me Jean-Charles Bornet, avocat à
Sion,

contre

le jugement rendu le 20 février 2001 par le Tribunal du tra-
vail du canton du Valais dans la cause qui oppose le recou-
rant à l'Office X.________, représenté par Mes Pierre-Albert
Luyet et Grégoire Dayer, avocats à Sion;

(arbitraire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1993, l'Office X.________, une association
de droit privé ayant son siège à Lausanne, engagea
E.________
pour travailler en qualité d'éducateur auprès de l'un de ses
centres.

Le 13 février 1997, E.________ informait le centre
qu'il souhaitait entreprendre une formation continue en tra-
vail social auprès de l'Université de Neuchâtel, en vue d'ob-
tenir un diplôme.

Les quatre personnes qui s'étaient inscrites au
cours de formation continue (dont E.________) furent convo-
quées à une séance tenue à Sion le 19 septembre 1997, au
cours de laquelle il leur fut indiqué que le temps désormais
accordé à la formation continue serait de 10 jours par an
(conformément à une convention collective applicable en Va-
lais) et que la participation aux frais serait de 70% de ces
10 jours (et non pas de 70% du total des frais).

Le 25 novembre 1997, E.________ signa avec le di-
recteur du centre un protocole d'accord prévoyant qu'il au-
rait la possibilité de suivre les cours en vue de
l'obtention
d'un diplôme de formation continue en travail social, qu'il
lui serait octroyé annuellement 10 jours pour sa formation
continue et que le centre participerait à raison de 70% aux
frais effectifs des 10 jours annuels de formation, le solde
étant à sa charge; il était précisé que ce protocole était
valable pour les années civiles 1997 et 1998 et susceptible
d'être reconduit tacitement jusqu'à la fin de la formation.
Deux autres collaborateurs, A.________ et B.________, si-
gnèrent chacun de leur côté un document analogue.

Le 26 mai 1998, A.________, B.________ et
E.________ écrivirent à la Commission paritaire profession-
nelle cantonale pour se plaindre de ce que le centre ne leur
remboursait que le 70% des frais encourus pour les dix jours
de formation accordés et non de l'entier de celle-ci. Ils
firent valoir notamment que le centre avait adopté par le
passé une attitude plus généreuse. Aucune violation de la
convention collective de travail applicable ne fut constatée.

Le 20 juin 2000, E.________ déposa auprès du Tribu-
nal du travail du canton du Valais une demande en paiement
dirigée contre son employeur et concernant le remboursement
de ses frais de formation.

B.- Par jugement du 20 février 2001, le Tribunal
du travail rejeta la demande en paiement, portant sur
5646 fr.35, présentée par E.________; il donna acte à l'em-
ployeur de ce qu'il reconnaissait devoir à E.________ un
montant de 734 fr.40. Le Tribunal du travail estima qu'il
n'était pas prouvé que E.________ ait reçu l'assurance que
l'employeur assumerait une participation supérieure et qu'en
tout état de cause, l'accord antérieur allégué fut remplacé
par le protocole du 25 novembre 1997, qui lie les parties et
qui fut respecté, étant observé qu'aucune circonstance cor-
respondant à un vice du consentement ne fut établie.

C.- E.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Invoquant l'arbitraire dans
l'établissement
des faits et dans l'application des art. 327a et 341 CO (la
référence à l'art. 324a CO est incompréhensible et procède
manifestement d'une inadvertance), il conclut à l'annulation
de la décision attaquée.

L'intimé conclut au rejet du recours, alors que le
Tribunal du travail se réfère aux considérants de son juge-
ment.

Contre ce même jugement, E.________ a formé paral-
lèlement un appel cantonal, qui a été déclaré irrecevable
par
décision du 25 octobre 2001. Contre cette décision,
E.________ a également formé un recours de droit public
(cause 4P.272/2001), qui fait l'objet d'un arrêt séparé.

Contre la décision d'irrecevabilité du 25 octobre
2001, E.________ a formé un pourvoi en nullité cantonal, qui
a été déclaré irrecevable par un jugement rendu le 14 novem-
bre 2001 par la Cour de cassation civile du Tribunal
cantonal
valaisan. La cour cantonale a constaté que le jugement rendu
par le Tribunal du travail était définitif selon la
procédure
cantonale, pour le motif que la valeur litigieuse n'attei-
gnait pas le seuil de 8000 fr.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ). La décision attaquée revêt un caractère final et
n'est
susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral
ou cantonal (comme cela ressort de la décision du 25 octobre
2001 examinée dans le recours de droit public déposé parallè-
lement, cause 4P.272/2001), de sorte que la règle de la sub-
sidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84
al. 2 et 86 al. 1 OJ). Compte tenu de la valeur litigieuse,
un recours en réforme est exclu (art. 46 OJ).

Le recourant est personnellement touché par la dé-
cision attaquée, qui rejette ses conclusions en paiement; il
a donc un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé
à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de

ses droits constitutionnels. En conséquence, il a qualité
pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art 89 al. 1 OJ) et dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours
est
recevable.

b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés par l'acte de recours (art.
90
al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279
consid.
1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.- a) Le recourant invoque exclusivement l'inter-
diction de l'arbitraire garantie par l'art. 9 Cst.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en consi-
dération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédé-
ral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci
est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contra-
diction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gra-
vement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou enco-
re lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la
justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée
pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation
formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 54
consid.
2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10
consid. 3a, 129 consid. 5b).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves et des constatations de fait, il y a arbitraire lors-
que l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sé-
rieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa por-

tée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments re-
cueillis, elle en tire des constatations insoutenables.

b) Le recourant invoque tout d'abord l'arbitraire
dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits.

aa) Le recourant reproche à l'autorité cantonale
d'être tombée dans l'arbitraire en ne retenant pas que la
formation continue était imposée par l'employeur.

L'autorité cantonale a constaté - sans que le re-
courant n'invoque à ce sujet l'arbitraire - que c'était lui-
même qui avait demandé à pouvoir suivre cette formation con-
tinue. Il est indiqué que quatre collaborateurs se sont ins-
crits; plus loin dans le jugement, il est précisé que trois
collaborateurs (dont le recourant) ont suivi cette formation
continue. Le recourant ne tente pas de démontrer qu'il
s'agit
là de la totalité de l'effectif du centre. Il ne cite aucun
moyen de preuve d'où il ressortirait que les trois personnes
qui ont suivi les cours avaient reçu des injonctions person-
nelles spéciales. Sur la base de ces éléments, on ne peut
pas
dire, en examinant les moyens probatoires cités de part et
d'autre, que le recourant était obligé de suivre cette forma-
tion continue et qu'il s'exposait, en cas de refus, à un li-
cenciement. En ne constatant pas l'existence d'un ordre de
la
part de l'employeur, le tribunal n'a pas versé dans l'arbi-
traire.

bb) Le recourant fait grief à l'autorité cantonale
de ne pas avoir retenu que le directeur (à l'époque) du cen-
tre lui avait donné l'assurance qu'il recevrait une partici-
pation plus élevée à ses frais de formation.

En réalité, les juges valaisans n'ont pas ignoré la
version présentée par l'ancien directeur, qui est expressé-
ment mentionnée au bas de la page 4 du jugement. Cependant,

ils ont procédé à une appréciation des preuves et expliqué
pourquoi cette version n'emportait pas leur conviction (juge-
ment page 8 in fine) et ils ont en définitive considéré que
la question était sans pertinence (jugement page 9 in ini-
tio).

On conçoit mal pourquoi - et le recourant ne l'ex-
plique pas - il aurait été le seul auquel des conditions
plus
favorables auraient été promises, alors que les deux person-
nes qui ont suivi les cours parallèlement n'allèguent rien
de
semblable. Surtout, on ne comprend pas pourquoi le
recourant,
si de telles promesses lui avaient été faites, a accepté
sans
réagir les nouvelles conditions fixées lors de la séance du
19 septembre 1997 et a signé le protocole du 25 novembre
1997, dont la teneur est claire.

A considérer ces données, le tribunal n'a pas fait
montre d'arbitraire en admettant que la version présentée
par
l'ancien directeur était douteuse.

En tout état de cause, on ne voit pas pourquoi un
éventuel accord antérieur ne pouvait pas être valablement
remplacé par un accord ultérieur. Le recourant ne tente pas
de démontrer que les promesses faites par l'ancien directeur
seraient postérieures au protocole signé le 25 novembre
1997.
Il ressort en outre de l'attitude du recourant et de la let-
tre qu'il a cosignée le 26 mai 1998 qu'il n'était pas dans
l'erreur sur le sens et la portée de ce protocole. Il n'a
pas
été établi - et le recourant n'invoque pas l'arbitraire à ce
sujet - que le protocole aurait été signé dans des circons-
tances qui puissent donner lieu à un vice du consentement.
En
concluant que le recourant était de toute manière lié par le
protocole individuel qu'il a signé le 25 novembre 1997 (quel-
les qu'aient pu être les promesses antérieures), le Tribunal
du travail n'a pas statué de manière insoutenable.

c) Le recourant invoque une violation arbitraire
des art. 327a et 341 CO. Dès lors que le recours en réforme
était exclu en raison de la valeur litigieuse insuffisante
(art. 46 OJ), ce grief peut être examiné (art. 84 al. 2 OJ),
mais seulement sous l'angle restreint de l'arbitraire (art.
84 al. 1 let. a OJ).

aa) L'art. 327a al. 1 CO prévoit que l'employeur
rembourse au travailleur tous les frais imposés par l'exé-
cution du travail (c'est le Tribunal fédéral qui souligne)
et, lorsque le travailleur est occupé en dehors de son lieu
de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien.
Cette règle est impérative (art. 327a al. 3 CO); les modali-
tés d'exécution de cette obligation peuvent être réglées
conformément à l'art. 327a al. 2 CO.

Il est communément admis que les frais de formation
continue ne sont pas des "frais imposés par l'exécution du
travail" au sens de l'art. 327a al. 1 CO et que l'employeur
ne doit les supporter que dans la mesure où un accord le pré-
voit (Rehbinder, Commentaire bernois, n. 3 ad art. 327a CO,
p. 396 2ème alinéa). En effet, la formation continue se dis-
tingue du travail qui est exécuté directement dans l'intérêt
de l'employeur et qui constitue la contrepartie du salaire.
Certes, l'employeur peut avoir intérêt à encourager la forma-
tion continue, afin de disposer d'un personnel bien formé
dont les connaissances sont tenues à jour. Il n'en demeure
pas moins que la formation est aussi et principalement dans
l'intérêt du travailleur, puisqu'elle lui permet souvent de
prétendre à un salaire supérieur et qu'elle constitue un
avantage sur le marché du travail au cas où il devrait cher-
cher un nouvel emploi. Il appartient en principe au travail-
leur de se former à ses frais pour fournir à l'employeur des
services correspondant au salaire.

En considérant implicitement que les frais de for-
mation continue ne sont pas compris dans ceux évoqués à
l'art. 327a CO, le tribunal n'a pas violé arbitrairement cet-
te norme.

bb) Dès lors qu'aucune disposition impérative de la
loi ou d'une convention collective n'imposait à l'employeur
l'obligation de rembourser les frais de formation continue,
l'art. 341 CO n'est pas applicable. En conséquence, cette
disposition n'a pas été enfreinte arbitrairement.

3.- Il suit de là que le recours doit être rejeté.
La procédure est gratuite, puisque la valeur litigieuse, se-
lon la prétention du demandeur à l'ouverture de l'action
(ATF
100 II 358), ne dépasse pas 30 000 fr. (art. 343 al. 2 et 3
CO). Cette règle vaut pour tous les degrés de juridiction, y
compris la procédure de recours de droit public
devant le
Tribunal fédéral (ATF 98 Ia 561 consid. 6a). En revanche,
des
dépens sont dus par la partie qui succombe (ATF 115 II 30
consid. 5c; 110 II 273 consid. 3 p. 276).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires;

3. Dit que le recourant versera à l'intimé une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Tribunal du travail du canton du Va-
lais.

___________

Lausanne, le 10 janvier 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.264/2001
Date de la décision : 10/01/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-10;4p.264.2001 ?
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