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10/01/2002 | SUISSE | N°4C.341/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 janvier 2002, 4C.341/2001


«/2»

4C.341/2001

Ie C O U R C I V I L E
*****************************

10 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges.

Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Karin Etter, avocate à Genève,

et

A.________, défenderesse et intimée;

(consignation du loyer)

V

u les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 26 mai 1987, A.________ et B.________ ont
conclu, avec la ...

«/2»

4C.341/2001

Ie C O U R C I V I L E
*****************************

10 janvier 2002

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges.

Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Karin Etter, avocate à Genève,

et

A.________, défenderesse et intimée;

(consignation du loyer)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 26 mai 1987, A.________ et B.________ ont
conclu, avec la Société d'Entreprises Immobilières S.A., un
contrat de bail à loyer portant sur un appartement de 3,5
pièces au 1er étage d'un immeuble sis à Genève. A l'heure ac-
tuelle, A.________ est l'unique locataire de cet
appartement.
Un changement est également intervenu du côté de la partie
bailleresse en ce sens que X.________ S.A. a pris la place
de
la société susmentionnée.

Par lettres des 20 janvier et 15 février 1999,
A.________ a demandé à la bailleresse d'entreprendre
certains
travaux de réfection et lui a imparti un délai au 26 avril
1999 pour ce faire.

Sans nouvelles de la bailleresse, la locataire a
consigné les loyers.

B.- le 21 mai 1999, A.________ et B.________ - ce
dernier bien qu'il ne fût déjà plus locataire - ont saisi la
Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

Par décision du 21 octobre 1999, la Commission a
admis la requête, ordonné à la bailleresse d'exécuter diffé-
rents travaux de réfection et réduit le loyer mensuel de
15%,
dès le 1er février 1999, jusqu'à complète exécution des tra-
vaux.

Saisi par la bailleresse, le Tribunal des baux et
loyers du canton de Genève, statuant le 5 avril 2001, a cons-
taté que B.________ ne possédait pas la légitimation
passive,
déclaré admissible la consignation opérée par la locataire,
condamné la bailleresse à exécuter divers travaux, réduit le

loyer de 15% dès le 1er février 1999 jusqu'à l'achèvement de
ceux-ci et ordonné à la Caisse du Palais de Justice (ci-
après: CPJ) de restituer à chacune des parties les loyers
consignés à due concurrence ainsi que le loyer d'avril 1999
en mains de X.________ S.A.

Par arrêt du 10 septembre 2001, la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers, saisie par X.________ S.A. (ci-
après: la demanderesse), a confirmé le jugement de première
instance.

C.- La demanderesse interjette un recours en réfor-
me au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'ar-
rêt cantonal et à ce qu'il lui soit donné acte que
B.________
n'est pas partie à la présente procédure. La demanderesse
sollicite, en outre, la constatation de la nullité de la
consignation opérée par A.________ (ci-après: la défenderes-
se) et la restitution de la totalité des loyers consignés
par
cette dernière.

La défenderesse conclut implicitement au rejet du
recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme dirigé contre l'arrêt de
la Chambre d'appel est recevable. Il vise une décision
finale
prise par le tribunal suprême du canton concerné (art. 48
al.
1 OJ). Le problème qu'il soulève a trait à l'application du
droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), plus précisément de l'art.
259g al. 1 CO relatif à la consignation du loyer. Quant à la
valeur litigieuse, le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ) est at-
teint, s'agissant d'un loyer annuel de 9528 fr. et d'une con-

signation portant sur 26 loyers mensuels. Il y a lieu, par-
tant, d'entrer en matière.

2.- Le Tribunal des baux et loyers, se fondant sur
une lettre du 20 août 1987, a constaté que B.________ avait
perdu la qualité de locataire et il en a déduit que cette
personne ne possédait pas la légitimation passive dans la
procédure de consignation. Sur ce point, le jugement de pre-
mière instance n'a été attaqué par aucune des parties et est
donc entré en force. Par conséquent, seules sont parties à
la
procédure fédérale la demanderesse et la défenderesse, à
l'exclusion de B.________.

3.- Le différend porte essentiellement sur la ques-
tion de savoir si le loyer a été consigné à temps.

a) Le locataire d'un immeuble qui exige la répara-
tion d'un défaut doit fixer par écrit au bailleur un délai
raisonnable à cet effet; il peut lui signifier qu'à défaut
de
réparation dans ce délai, il consignera auprès d'un office
désigné par un canton les loyers à échoir. Le locataire avi-
sera par écrit le bailleur de son intention de consigner les
loyers (art. 259g al. 1 CO). Les loyers consignés sont répu-
tés payés (art. 259g al. 2 CO). L'exigibilité des loyers ré-
sulte d'abord du contrat. Ce n'est que si le contrat ne ré-
glemente pas la question qu'il convient de se référer aux
termes légaux (art. 257c CO; Peter Higi, Commentaire zuri-
chois, n. 56 ad art. 259g CO).

b) En l'espèce, la cour cantonale a constaté que
les parties, en dérogation à la règle dispositive de l'art.
257c CO, avaient convenu que le loyer serait payable
d'avance
pour le mois suivant. Après que le délai fixé au 26 avril
1999 pour exécuter les travaux de réfection eut expiré, la
défenderesse a consigné les loyers aux dates suivantes,
ainsi
que cela ressort de l'extrait de compte établi par la CPJ:

05.05.1999 loyer avril 99
18.05.1999 loyer mai 99
15.06.1999 pas de mention
13.07.1999 pas de mention
11.08.1999 loyer août 99
etc.

c) En droit, la Chambre d'appel considère que l'ir-
régularité dans le respect des échéances n'a pas d'importan-
ce. Selon elle, les mentions apposées par la CPJ ne seraient
qu'indicatives. La demanderesse soutient que cette opinion
est contraire au droit fédéral et elle fait grief aux juges
précédents d'avoir violé l'art. 259g al. 1 CO. A son avis,
tant le loyer du mois d'avril que les loyers suivants ont
été
consignés après leur échéance et donc tardivement.

d) L'objection soulevée par la demanderesse est
fondée. Selon la convention des parties, le loyer mensuel de-
vait être payé d'avance, soit au plus tard le dernier jour
du
mois précédent. A ce défaut, le locataire n'exécutait pas à
temps cette obligation contractuelle. Et ce qui valait pour
celle-ci (paiement du loyer) valait également pour le substi-
tut à l'exécution (consignation). Aussi le loyer devait-il
être consigné au plus tard le dernier jour du mois
précédent.
En ce qui concerne le loyer du mois d'avril 1999, qui a été
consigné le 5 mai 1999, la cour cantonale admet que la consi-
gnation a été opérée tardivement. Il n'en va pas autrement
pour les loyers consignés à partir du mois de mai 1999. Il
ressort en effet de la liste dressée par la CPJ et
reproduite
dans l'arrêt attaqué que les loyers subséquents ont
également
été consignés hors délai. Certes, la cour cantonale n'attri-
bue qu'une valeur indicative aux mentions apposées par la
CPJ
en regard des versements indiqués sur cette liste; mais elle
ne prétend pas que les loyers en question auraient été consi-
gnés régulièrement le dernier jour du mois précédent. Que,
pour la consignation de plusieurs loyers, la liste établie

par la CPJ ne contienne "pas de mention" ne permet
aucunement
d'en déduire qu'à l'égard de ces loyers-là la consignation
serait intervenue en temps utile. Au contraire, l'énoncé
chronologique des versements opérés par la défenderesse révè-
le que ceux-ci se rapportent chaque fois au loyer du mois du-
rant lequel ils ont été effectués, ce qui signifie que la
consignation doit être qualifiée de tardive pour ces loyers
aussi.

e) Comme il est établi que les loyers n'ont pas été
consignés à temps, il n'est pas nécessaire d'examiner si la
locataire a agi contre la bailleresse dans le délai prévu à
l'art. 259h al. 1 CO.

f) Les loyers n'ayant pas été consignés en temps
utile, l'autorité de conciliation n'aurait pas dû entrer en
matière sur la requête de la locataire fondée sur la consi-
gnation et tendant à l'exécution des travaux de réfection;
elle aurait dû bien plutôt inviter la CPJ à remettre à la
bailleresse la totalité des loyers consignés (Higi, op.
cit.,
n. 11 ad art. 259h CO). C'est ce qu'il y aura lieu
d'ordonner
dans le dispositif du présent arrêt, après admission du re-
cours et annulation de la décision attaquée. Pour le
surplus,
le droit à la réfection des défauts et à la réduction du
loyer ne font pas l'objet de la présente procédure, de sorte
que l'arrêt rendu ce jour ne sera pas revêtu de l'autorité
matérielle de la chose jugée sur ces deux points.

Cela étant, peut rester ouverte la question de sa-
voir si la solution retenue ici serait également applicable
au cas où la locataire, bien qu'ayant consigné un loyer en
temps utile et saisi l'autorité de conciliation dans les 30
jours suivant l'échéance de ce loyer, aurait toutefois consi-
gné tardivement les loyers subséquents.

4.- La défenderesse, qui succombe, devra payer les
frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ) et verser
des dépens à la demanderesse (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué;

2. Constate que la consignation a été opérée tar-
divement et invite la Caisse du Palais de Justice (CPJ) à
remettre à la demanderesse la totalité des loyers consignés;

3. Renvoie la cause à la cour cantonale pour nou-
velle décision sur les frais et dépens de la procédure canto-
nale;

4. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimée;

5. Dit que l'intimée versera à la recourante une
indemnité de 2500 fr. à titre de dépens;

6. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du can-
ton de Genève.

__________

Lausanne, le 10 janvier 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.341/2001
Date de la décision : 10/01/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-10;4c.341.2001 ?
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