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09/01/2002 | SUISSE | N°4C.244/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 janvier 2002, 4C.244/2001


«/2»

4C.244/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

9 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ GmbH, défenderesse et recourante, représentée par
Me Markus Jungo, avocat à Fribourg,

et

1. M.________, demandeur et intimé,
2. la Caisse de chômage Y.________, à Fribourg,
intervenante,

tous

deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat à
Fribourg;

(contrat de travail; résiliation immédiate injustifiée)

Vu les p...

«/2»

4C.244/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

9 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ GmbH, défenderesse et recourante, représentée par
Me Markus Jungo, avocat à Fribourg,

et

1. M.________, demandeur et intimé,
2. la Caisse de chômage Y.________, à Fribourg,
intervenante,

tous deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat à
Fribourg;

(contrat de travail; résiliation immédiate injustifiée)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- M.________ travaillait depuis plus de douze ans
pour la société W.________ S.A. Le 1er février 2000, les rap-
ports de travail ont été repris par la société X.________
GmbH.

Le 3 mars 2000, X.________ GmbH a résilié le contrat
de travail de M.________ avec effet immédiat. Ce congé immé-
diat a été confirmé le 6 mars 2000.

B.- Le 24 mars 2000, M.________ a assigné X.________
GmbH en paiement de 20 000 fr., intérêts en sus, à titre de
salaire et d'indemnité pour renvoi abrupt.

Par jugement du 18 septembre 2000, la Chambre des
prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine a condamné la
défenderesse à payer au demandeur 8754 fr.90, à titre de sa-
laire brut (y compris le montant de 2428 fr.90 sur lequel la
défenderesse avait passé expédient), ainsi qu'un montant net
de 11 245 fr.10, à titre d'indemnité, le tout avec intérêts.
Elle a, en outre, condamné la défenderesse à payer à la Cais-
se de chômage Y.________ un montant net de 9785 fr.10 repré-
sentant les indemnités versées par cette dernière au deman-
deur.

Par arrêt du 5 juin 2001, la IIe Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a confirmé ce juge-
ment.

C.- Parallèlement à un recours de droit public, qui
a été rejeté par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse a
déposé un recours en réforme contre l'arrêt cantonal, con-
cluant à l'annulation de ce dernier dans la mesure où il la
condamne à payer un montant supérieur à 2428 fr.90.

Le demandeur propose le rejet du recours et la con-
firmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La défenderesse reproche à la cour cantonale
d'avoir violé le droit fédéral en admettant qu'elle a
résilié
oralement le contrat de travail avec effet immédiat, alors
que, selon le contrat conclu avec le demandeur, toute rési-
liation devait revêtir la forme écrite.

L'art. 2 al. 2 du contrat de travail a la teneur
suivante:

"Nach Ablauf der Probezeit kann das Arbeits-
verhältnis im ersten Dienstjahr mit einer Kündigungs-
frist von einem Monat, vom zweiten bis zum neunten
Dienstjahr mit einer solchen von zwei Monaten und ab dem
zehnten Dienstjahr mit einer solchen von drei Monaten,
jeweils auf das Ende eines Kalendermonats, aufgelöst
werden. Die Kündigung hat schriftlich zu erfolgen und
muss vor Ablauf der Frist bei der anderen Vertragspartei
eingetroffen sein."

Pour déterminer l'objet et le contenu d'un contrat,
le juge doit commencer par rechercher la réelle et commune
intention des parties, le cas échéant sur la base d'indices
(cf. art. 18 al. 1 CO). Les circonstances survenues posté-
rieurement à la conclusion du contrat, notamment le compor-
tement des parties, constituent un indice de la volonté réel-
le des parties (ATF 118 II 365 consid. 1 p. 366, 112 II 337
consid. 4a p. 343 et l'arrêt cité). Cette interprétation
dite
subjective relève du fait et, en vertu de l'art. 63 al. 2
OJ,
le Tribunal fédéral ne peut pas la revoir lorsqu'il statue
en
tant que juridiction de réforme (ATF 121 III 118 cité, 115
II
264 consid. 5a p. 269 et les arrêts cités). Lorsque la volon-

té intime et concordante des parties ne peut pas être éta-
blie, le juge doit rechercher leur volonté présumée en inter-
prétant leurs déclarations de volonté selon le principe de
la
confiance; cette interprétation dite objective consiste à re-
chercher le sens que chacune des parties pouvait et devait
raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'au-
tre, en tenant compte des termes utilisés ainsi que du con-
texte et de l'ensemble des circonstances dans lesquelles el-
les ont été émises; il s'agit d'une question de droit qui
peut être revue librement dans un recours en réforme (ATF
123
III 165 consid. 3a; 122 III 106 consid. 5a, 420 consid. 3a;
121 III 118 consid. 4b/aa).

Selon son libellé, la clause précitée ne vise que
la résiliation ordinaire et non pas la résiliation
immédiate.
Il s'impose d'autant moins de l'interpréter extensivement
que
les parties elles-mêmes lui ont conféré une portée restricti-
ve; en effet, selon les constatations de la cour cantonale,
la défenderesse a estimé, le 3 mars 2000, qu'elle pouvait,
oralement, mettre fin au contrat avec effet immédiat et le
demandeur a lui aussi considéré ce congé verbal comme une ré-
siliation immédiate formellement valable quoique
injustifiée.
On est donc en présence d'une interprétation subjective de
la
clause susmentionnée, déduite du comportement adopté par les
parties postérieurement à la conclusion du contrat; cette in-
terprétation ne peut pas être revue par la juridiction fédé-
rale de réforme. La portée restrictive donnée d'un commun ac-
cord par les cocontractants à la forme écrite prévue à
l'art.
2 al. 2 du contrat n'est du reste en rien contraire à l'in-
terprétation objective qui pourrait être faite des termes fi-
gurant dans la clause en question (pour une interprétation
restrictive, cf. Staehelin, Commentaire zurichois, n. 31 ad
art. 337 CO; pour une interprétation extensive, cf. Streiff/
von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 4
ad art. 337 CO, avec une référence à un jugement de l'Ar-
beitsgericht de Zurich publié in JAR 1985 p. 267 et relatif
à

une cause dans laquelle, contrairement au cas présent, le sa-
larié avait d'emblée exigé le respect de la forme écrite).

Le grief est mal fondé.

2.- La défenderesse reproche à la cour cantonale
d'avoir violé le droit fédéral en méconnaissant que la
Caisse
de chômage, à concurrence du montant des indemnités de chôma-
ge versées, est devenue titulaire de la créance du salarié
en
vertu de la subrogation prévue à l'art. 29 LACI et que, en
conséquence, cette créance devait être réduite d'autant.

Selon les montants indiqués par la Chambre des
prud'hommes, que la cour cantonale a faits siens, le deman-
deur, ensuite du licenciement immédiat injustifié, a droit à
son salaire pour les mois de mars, avril, mai et juin 2000,
soit à 16 480 fr. (4 x 4120 fr.); en outre, la part propor-
tionnelle du treizième mois de salaire est de 2060 fr., de
sorte que, au total, la créance du demandeur fondée sur
l'art. 337c al. 1 CO est de 18 540 fr.

Le montant de 9785 fr.10, que la défenderesse a été
condamnée à payer à la Caisse de chômage, représente les in-
demnités de chômage versées au demandeur de mars à juin
2000.
Le montant de 8754 fr.90 représente la part de salaire non
couverte par l'assurance chômage. Ainsi, en condamnant la dé-
fenderesse à payer 8754 fr.90 au demandeur, la cour
cantonale
n'a nullement méconnu la subrogation dont bénéficie la
Caisse
de chômage en vertu de l'art. 29 LACI, car ce montant
n'était
pas dû à la Caisse de chômage.

Au montant de 18 540 fr. s'ajoute une indemnité
selon l'art. 337c al. 3 CO, soit trois mois de salaire ou
12 360 fr. Pour tenir compte de la limite maximum des préten-
tions du salarié devant la juridiction des prud'hommes
(20 000 fr.), les juges précédents ont réduit cette
indemnité

à 11 245 fr.10. La Caisse de chômage ne saurait faire valoir
une quelconque subrogation quant à cette indemnité, qui ne
correspond pas à un salaire. L'indemnité fondée sur l'art.
337c al. 3 CO est donc entièrement due au demandeur, dans
les
limites prévues par la procédure cantonale.

Le grief est mal fondé.

3.- La défenderesse invoque ensuite la violation du
principe de disposition, qui ressortirait selon elle au
droit
fédéral. Comme elle reprend ici la même argumentation que
celle qu'elle a développée dans son recours de droit public
à
propos du grief correspondant - elle y soutenait que le prin-
cipe de disposition relève du droit cantonal - on peut se
borner à la renvoyer à la lecture du considérant topique de
l'arrêt rendu ce jour sur ledit recours.

4.- La défenderesse reproche à la cour cantonale
d'avoir mésusé de son pouvoir d'appréciation en la
condamnant
à payer au demandeur 11 245 fr.10 à titre d'indemnité selon
l'art. 337c al. 3 CO, soit l'équivalent d'environ 2,7 mois
de
salaire.

a) Selon l'art. 337c al. 3 CO, en cas de licencie-
ment immédiat injustifié, le juge peut condamner l'employeur
à verser au travailleur une indemnité dont il fixera libre-
ment le montant, compte tenu de toutes les circonstances,
parmi lesquelles figurent notamment la situation sociale et
économique des deux parties, la gravité de l'atteinte à la
personnalité de la partie congédiée, l'intensité et la durée
des relations de travail antérieures au congé, la manière
dont celui-ci a été donné, ainsi que la faute concomitante
du
travailleur; aucun de ces facteurs n'est décisif en lui-même
(ATF 123 III 391 consid. 3b/bb; 121 III 64 consid. 3c; 120
II
243 consid. 3e p. 248; 119 II 157 consid. 2b p. 161). L'in-
demnité, qui ne peut dépasser le montant correspondant à six

mois de salaire du travailleur, a une double finalité, puni-
tive et réparatrice (ATF 123 III 391 consid. 3c).

Qu'il s'agisse du principe ou de l'ampleur de cette
indemnité, le juge cantonal possède, de par la loi (art. 4
CC), un large pouvoir d'appréciation, qui conduit le
Tribunal
fédéral à ne substituer sa propre appréciation à celle de
l'instance inférieure qu'avec une certaine retenue. II n'in-
terviendra que si la décision s'écarte sans raison des
règles
établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de
libre appréciation ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits
qui,
dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou en-
core lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient
absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en
outre les décisions rendues en vertu d'un tel pouvoir d'ap-
préciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifeste-
ment injuste ou à une iniquité choquante (ATF 121 III 64
consid. 3c; 119 II 157 consid. 2a in fine; 118 II 50 consid.
4 p. 55 s.; 116 II 145 consid. 6a p. 149).

b) En l'occurrence, la cour cantonale a tenu compte
du fait que le demandeur était depuis plus de douze ans au
service de la société reprise par la défenderesse et qu'il a
été licencié peu après qu'un nouveau contrat eut été conclu
avec celle-ci. Elle a jugé que, vu ces circonstances, une
indemnité correspondant à trois mois de salaire était justi-
fiée, ce d'autant que, pour des motifs tirés de la procédure
prud'homale, cette indemnité devait être légèrement réduite.

La défenderesse objecte en vain que le demandeur
n'aurait pas contesté les reproches qui lui auraient été
adressés au sujet de la qualité de son travail et de son en-
gagement. En effet, il ne ressort pas de la décision
attaquée
que le demandeur aurait admis, même implicitement, ces repro-
ches. En tant qu'elles visent la qualité des prestations du

demandeur, les allégations nouvelles de la défenderesse sont
irrecevables (art. 63 al. 2 OJ).

La défenderesse veut tirer argument du fait que le
demandeur n'a travaillé que peu de temps à son service.
Cette
circonstance est dénuée de pertinence. En effet, vu l'art.
333 al. 1 CO, la cour cantonale devait prendre en considéra-
tion, au titre de l'ancienneté, les douze années que le de-
mandeur avait passées au service de l'entreprise. L'arrêt
cantonal ne saurait être critiqué sur ce point.

Enfin, la défenderesse fait valoir que le demandeur
se trouvait au bénéfice d'un long délai de congé (trois
mois); ce délai, à l'en croire plus long que le délai légal,
serait un avantage justifiant une réduction de l'indemnité.
La défenderesse perd de vue que, en application des art.
335c
al. 1 et 333 al. 1 CO, le délai de congé légal applicable au
demandeur, dont l'ancienneté dépassait douze ans, était bel
et bien de trois mois. Sa critique est dénuée de tout mérite.

La défenderesse n'établit aucun abus de son pouvoir
d'appréciation par la cour cantonale. Au contraire, les
faits
retenus par celle-ci sur les circonstances du congé montrent
que la défenderesse n'a pas craint de se comporter d'une fa-
çon particulièrement cavalière et blâmable, de sorte que le
montant de l'indemnité qu'elle a été condamnée à payer est
amplement justifié.

5.- La procédure fédérale est gratuite puisqu'elle
a trait à un différend résultant du contrat de travail dont
la valeur litigieuse déterminante, calculée au moment du dé-
pôt de la demande (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 42), ne dépas-
se pas le plafond de 30 000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO
dans sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 1er juin 2001
(RO 2001 p. 2048) et applicable aux procédures déjà
pendantes
à cette date.

La recourante, qui succombe, devra indemniser l'in-
timé conformément à l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique
le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour d'appel du Tribunal can-
tonal de l'Etat de Fribourg.

___________

Lausanne, le 9 janvier 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.244/2001
Date de la décision : 09/01/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-09;4c.244.2001 ?
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