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09/01/2002 | SUISSE | N°4C.13/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 janvier 2002, 4C.13/2001


«/2»
4C.13/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

9 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant principal, représenté par
Me Jean-Bernard Waeber, avocat à Genève,

et

la Commission X.________, à Genève, défenderesse et recou-
rante par voie de jonction, représentée par Me Raeto Zarn,> avocat à Genève;

(contrat de travail; congé abusif; tort moral)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a ...

«/2»
4C.13/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

9 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant principal, représenté par
Me Jean-Bernard Waeber, avocat à Genève,

et

la Commission X.________, à Genève, défenderesse et recou-
rante par voie de jonction, représentée par Me Raeto Zarn,
avocat à Genève;

(contrat de travail; congé abusif; tort moral)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________, né le 10 mars 1938, a été engagé
par la Commission X.________ le 13 mars 1991 comme directeur
de la production. En dernier lieu, il revêtait la fonction
de
directeur de la logistique, service occupant une quarantaine
de personnes et regroupant l'informatique ainsi que la ges-
tion d'immeubles, de l'imprimerie, du service des ventes et
du service d'expédition. Par ailleurs, A.________ était char-
gé de la gestion du personnel (120 personnes environ).

Le contrat de travail signé par les deux parties
prévoyait, après le temps d'essai, un délai de congé de
trois
mois pour la fin d'un mois; il ne renvoyait pas à un règle-
ment du personnel.

Le 1er janvier 1993 est entré en vigueur au sein de
la Commission X.________ un nouveau règlement du personnel.

L'art. 1 avait la teneur suivante:

"1.1 Champ d'application

Le présent règlement régit les rapports entre le
collaborateur et la Commission X.________; il
constitue partie intégrante du contrat ou de la
lettre d'engagement individuelle.

1.2 Règlement du personnel et contrat d'engagement

Les conditions d'engagement, telles que la défini-
tion du poste occupé dans l'entreprise et le trai-
tement, sont stipulées dans le contrat d'engagement
individuel. Les dispositions du présent règlement
sont applicables en règle générale, le contrat

d'engagement individuel pouvant régler autrement
certains points particuliers.

1.3

(...)".

L'art. 5.4 du même règlement disposait ce qui suit:

"Assurance maladie perte de gain

En cas d'incapacité de travail pour cause de mala-
die, le collaborateur touche son salaire intégral
sur un maximum de 720 jours dans une période de
900 jours consécutifs. La prime est à la charge de
la Commission X.________.

La fin du contrat entraîne l'arrêt des prestations".

L'art. 8 du règlement était libellé comme il suit:

"Résiliation normale des rapports de service

Les rapports de service peuvent être résiliés comme
suit, tant par la Commission X.________ que par le
collaborateur:
. durant la période d'essai, moyennant un préavis de
7 jours net,
. durant la première année de service, moyennant un
préavis d'un mois donné pour la fin d'un mois,
. après une année de service, moyennant un préavis
de deux mois donné pour la fin d'un mois,
. dès la dixième année de service, moyennant un
préavis de trois mois donné pour la fin d'un
mois.
Des dispositions particulières peuvent être
précisées dans le contrat d'engagement".

L'art. 9 dudit règlement avait la teneur suivante:

"Rupture des rapports de service
Le collaborateur qui ne s'acquitte pas de ses fonc-
tions de manière satisfaisante sera averti de la
façon suivante:
. un premier avertissement du chef direct, confirmé
par écrit;

. un deuxième avertissement du chef direct en
présence du chef du département, confirmé par
écrit;
. un dernier avertissement en présence des deux
chefs ci-dessus et du responsable des ressources
humaines, confirmé par écrit;
. le licenciement, qui sera communiqué par courrier
recommandé.

Demeure réservée la résiliation immédiate pour de
justes motifs, conformément à l'article 337 du Code
des obligations".

Ce règlement du personnel a été élaboré essentiel-
lement par A.________. Il n'est pas établi que la défende-
resse a signé ce règlement.

En février 1997, le secrétaire général de la Com-
mission X.________ a retiré à A.________ la direction du ser-
vice informatique.

Le 11 avril 1997, A.________ a eu un entretien avec
le secrétaire général de la Commission X.________, qui lui a
annoncé son licenciement, motivé par le fait que certains de
ses subordonnés s'étaient plaints de son autoritarisme. Par
pli recommandé du même jour, la Commission X.________ a rési-
lié le contrat de A.________ pour le 31 juillet 1997; elle y
précisait que, pour tenir compte du poste important que l'in-
téressé avait occupé pendant de longues années au sein de
l'entreprise, ainsi que de ses "contributions professionnel-
les honnêtes et compétentes", elle accordait à A.________
son
salaire intégral jusqu'au 31 décembre 1997, comprenant
toutes
les contributions sociales dues par la Commission
X.________.
En outre, la Commission X.________ libérait A.________ avec
effet immédiat de son obligation de travailler.

Selon divers certificats médicaux, A.________ a été
totalement incapable de travailler pour cause de maladie du

23 juillet 1997 au 29 mars 1998. De ce fait, la Commission
X.________ a versé le salaire de A.________ jusqu'à fin fé-
vrier 1998.

B.- Le 3 octobre 1997, A.________ a ouvert action
contre la Commission X.________, concluant au paiement du
montant total de 1 249 750 fr. 20, qui se décomposait en une
indemnité pour licenciement abusif, par 94 000 fr. 20, en
des
dommages-intérêts à titre de dommage supplémentaire, par
1 140 750 fr., et en une indemnité pour tort moral, par
15 000 fr. Il a précisé que l'indemnité qu'il réclamait à
titre de dommages-intérêts supplémentaires correspondait à
ses salaires bruts, indemnités de transport et prestations
sociales, qu'il aurait touchés de la Commission X.________
jusqu'à l'âge de la retraite, soit jusqu'à fin mars 2003,
s'il n'avait pas été licencié.

Par jugement du 22 décembre 1999, le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève a débouté le demandeur de
toutes ses conclusions.

Saisie d'un appel du demandeur, la Cour d'appel de
la juridiction des prud'hommes de Genève, par arrêt du
13 septembre 2000, a annulé ce jugement et condamné la défen-
deresse à payer au demandeur les sommes brutes suivantes (sa-
laires de mars à juin 1998):
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 mars 1998,
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 avril 1998,
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 mai 1998,
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 juin 1998,
sous déduction des charges sociales et légales usuelles. La
Cour d'appel a encore déclaré la défenderesse débitrice du
demandeur de la somme nette de 15 000 fr. avec intérêts à 5%
dès le 1er juillet 1998, représentant une indemnité pour
tort
moral.

C.- A.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Il conclut, à titre principal, à la confir-
mation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a condamné la défen-
deresse à lui verser les salaires afférents aux mois de mars
à juin 1998. Il requiert en outre le Tribunal fédéral de con-
damner la défenderesse à lui payer 1 048 846 fr.65 avec inté-
rêts à 5% dès le 1er juillet 1998, à titre de dommages-inté-
rêts pour violation du règlement de la Commission
X.________.
Subsidiairement, il substitue à cette dernière conclusion la
condamnation de la défenderesse à lui payer 109 000 fr.20,
soit l'équivalent de six mois de salaire plus une indemnité
de 15 000 fr. pour tort moral.

La défenderesse propose le rejet du recours. Elle
forme également un recours joint, en concluant au rejet de
toutes les prétentions du demandeur.

Le recourant principal conclut au rejet du recours
joint dans la mesure de sa recevabilité.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-

rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1
let. c OJ). Les prescriptions de forme applicables au
recours
principal s'appliquent par analogie au recours joint (art.
59
al. 3 OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la qualification juridique des faits constatés
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.- a) La cour cantonale a jugé que la défenderesse
a violé les dispositions de son règlement du personnel con-
cernant la procédure de licenciement. Il ne s'ensuivait tou-
tefois pas que le congé donné au demandeur fût abusif au
sens
de l'art. 336 CO ou de l'art. 2 CC en raison des motifs qui
le sous-tendaient. Le demandeur ayant des relations diffici-
les, voire carrément conflictuelles, avec certains collabora-
teurs de la défenderesse, celle-ci a décidé de le licencier

afin d'assurer un fonctionnement plus harmonieux de son orga-
nisation. Une notable amélioration de l'ambiance de travail
dans les départements concernés de la défenderesse a d'ail-
leurs suivi le départ du demandeur.

L'autorité cantonale a considéré, en revanche, que
la violation de la procédure de licenciement par la défende-
resse constituait une atteinte aux droits de la personnalité
du demandeur. Mais cette violation n'a pas entraîné de préju-
dice matériel pour le travailleur, vu l'absence de tout lien
de causalité entre la transgression du règlement et le
manque
à gagner du demandeur jusqu'à l'âge de la retraite.

b) Le recourant principal fait grief à la cour can-
tonale de n'avoir pas admis qu'en choisissant de prononcer
immédiatement son licenciement sans le mettre au bénéfice de
la protection spéciale contre les congés instaurée par le rè-
glement du personnel, la défenderesse a abusivement résilié
son contrat de travail au sens de l'art. 336 al. 1 let. c
CO.
Le dommage que le demandeur aurait subi en raison de la vio-
lation du règlement précité correspondrait à l'entier du
gain
qu'il aurait retiré de son emploi jusqu'à l'âge de 65 ans.
Il
conviendrait, aux yeux du recourant principal, d'appliquer
les mêmes règles de responsabilité à l'employeur qui
enfreint
le devoir contractuel de suivre une procédure disciplinaire
avant de donner le congé qu'à l'employeur qui, au mépris
d'une norme contractuelle, omet d'assurer son salarié contre
la perte de gain en cas de maladie; or, selon la jurispruden-
ce, ce dernier employeur est tenu de verser lui-même un mon-
tant équivalant aux indemnités d'assurance dont le travail-
leur n'a pas bénéficié (cf. ATF 124 III 126 consid. 4).

La défenderesse nie avoir eu l'obligation de suivre
une procédure disciplinaire envers le demandeur avant de le

licencier. A l'en croire, le règlement invoqué par le recou-
rant principal ne lui était pas applicable. En outre, la dé-
fenderesse soutient n'avoir pas maltraité le demandeur, puis-
que, tout en le libérant de l'obligation de travailler pen-
dant le délai de congé de trois mois, échéant à la fin juil-
let 1997, elle a spontanément indiqué, lors du licenciement,
qu'elle lui verserait à bien plaire son salaire pendant cinq
mois supplémentaires, soit jusqu'au 31 décembre 1997. De
plus, la recourante par voie de jonction affirme avoir
alloué
au demandeur diverses autres prestations complémentaires
sans
y être obligée, notamment un outplacement.

c) aa) L'art. 9 du règlement du personnel litigieux
institue une procédure comportant trois entretiens
successifs
avant tout licenciement fondé sur l'insuffisance des presta-
tions du salarié. Le premier entretien réunit le salarié et
le supérieur direct. Le second entretien a lieu entre le sa-
larié, d'une part, et, d'autre part, le supérieur direct et
le chef de département. Le troisième entretien réunit le sa-
larié, le supérieur direct, le chef du département et le res-
ponsable des ressources humaines.

La question se pose de savoir si le recourant prin-
cipal peut se prévaloir de cette disposition.

Selon son art. 1.1, le règlement du personnel s'ap-
plique certes indistinctement aux collaborateurs de la Com-
mission X.________. Toutefois, selon sa lettre même, le méca-
nisme institué par l'art. 9 du règlement en cause ne peut

s'appliquer qu'à des salariés subordonnés à un chef de dépar-
tement. En effet, il suppose, avant tout licenciement motivé
par l'insuffisance des prestations, deux entretiens en pré-
sence du chef du département du salarié concerné. Or, il ne

ressort pas de l'arrêt attaqué que le demandeur, exerçant
des
fonctions de directeur, ait été subordonné à un chef de dé-
partement.

En outre, la procédure instituée par l'art. 9 dudit
règlement prévoit, avant tout congé dû à des prestations in-
suffisantes, un dernier entretien en présence du responsable
des ressources humaines. Une telle procédure ne saurait évi-
demment s'appliquer au responsable des ressources humaines,
qui doit y intervenir en cette qualité. Le demandeur, qui
était le chef du personnel de toute la Commission
X.________,
ne saurait donc s'en prévaloir.

Ainsi, l'art. 9 du règlement du personnel n'est pas
conçu pour s'appliquer aux salariés ayant rang de chef de dé-
partement ou de responsable des ressources humaines.

Si la procédure disciplinaire avait dû s'appliquer
à de tels employés, le règlement l'aurait sans doute
aménagée
de façon qu'elle puisse fonctionner effectivement dans une
pareille hypothèse. Le demandeur, auteur principal du règle-
ment, aurait sans doute adopté ou fait adopter un libellé
différent s'il avait considéré que la procédure
disciplinaire
était applicable erga omnes au sein de l'entreprise.

Enfin, on peut comprendre que, vu les rapports de
confiance nécessaires entre l'employeur et les cadres diri-
geants d'une entreprise, le règlement du personnel ne les
mette pas au bénéfice d'une protection accrue contre le li-
cenciement.

Partant, dès l'instant où l'art. 9 du règlement du
personnel n'est pas partie intégrante du contrat de travail
du demandeur, cette disposition ne saurait avoir été violée.

Dans ces conditions, la jurisprudence invoquée par
le recourant principal, qui a trait à la réparation de l'in-
térêt qu'a le travailleur à l'existence d'une assurance con-
forme aux termes du contrat de travail (c'est le Tribunal
fédéral qui souligne), ne lui est d'aucun secours.

Le licenciement du recourant principal n'est donc
pas abusif au sens de l'art. 336 CO, de sorte que les conclu-
sions du demandeur en réparation du préjudice matériel occa-
sionné par le congé sont totalement infondées.

bb) L'art. 9 du règlement du personnel est inappli-
cable au demandeur pour une autre raison.

D'après l'art. 335c CO, le contrat peut être rési-
lié pour la fin d'un mois moyennant un délai de congé d'un
mois pendant la première année de service, de deux mois de
la
deuxième à la neuvième année de service et de trois mois ul-
térieurement (al. 1). Ces délais peuvent être modifiés par
accord écrit, par contrat-type de travail ou convention col-
lective (al. 2).

Comme l'a relevé le Tribunal fédéral, un accord
portant sur une dérogation à l'art. 335c al. 1 CO est nul
s'il n'est pas muni de la signature des parties, quand bien
même la dérogation est stipulée en faveur du travailleur
(arrêt du 16 novembre 1993, consid. 4, publié in SJ 1995
p. 794-795). En effet, selon la lettre de la loi, l'exigence
de forme s'applique à toute dérogation.

Or, l'art. 9 du règlement a pour effet de prolon-
ger tout délai de congé, en le faisant précéder de la durée
de la procédure disciplinaire. Une telle prolongation du dé-
lai de congé, qui est importante puisqu'elle prévoit trois
entretiens au terme desquels un avertissement écrit doit
être

notifié au travailleur, constitue une dérogation à l'art.
335c CO, qui n'est valable que si elle respecte la forme
écrite.

Selon les constatations souveraines de la cour can-
tonale, le demandeur n'est pas parvenu à établir que le rè-
glement du personnel, qu'il a établi lui-même en sa qualité
de responsable des ressources humaines, ait été valablement
signé par la défenderesse. Force est dès lors de conclure
que
cette dérogation à l'art. 335c CO est nulle, si bien qu'elle
n'obligeait pas la recourante par voie de jonction.

3.- a) Selon la cour cantonale, la défenderesse
doit réparer le tort moral qu'elle a causé au demandeur en
violant l'art. 328 CO et l'art. 9 du règlement du personnel;
en effet, en vertu de ces dispositions, la défenderesse
était
tenue d'entendre le demandeur avant de le licencier. Du mo-
ment que le travailleur a souffert d'un profond sentiment
d'injustice par la façon dont il a été congédié et qu'il a

suivre un traitement médical, la Cour d'appel a jugé qu'il
convenait de lui allouer 15 000 fr. à titre d'indemnité sa-
tisfactoire.

La recourante par voie de jonction prétend que, dès
l'instant où elle a accordé au demandeur des prestations fi-
nancières importantes auxquelles elle n'était nullement te-
nue, l'allocation d'une indemnité pour tort moral ne serait
pas justifiable.

b) Il a été montré plus haut que l'art. 9 du règle-
ment du personnel n'était pas applicable au demandeur.

En outre, on ne saurait tirer de l'art. 328 CO une
obligation, à la charge de l'employeur, d'entendre le
salarié
avant de le licencier. L'art. 335 al. 2 CO impose en effet à

l'employeur l'obligation de motiver par écrit le congé sur
demande du salarié, mais non pas celle de motiver ce congé,
oralement ou par écrit, avant le prononcé du licenciement.

La cour cantonale s'appuie sur l'ATF 110 II 172,
dans lequel le Tribunal fédéral a dit que l'employeur viole
les droits de la personnalité d'une salariée si, pendant son
hospitalisation, il modifie unilatéralement et sans délai
son
poste de travail et la place ainsi devant le fait accompli.
Il faut d'emblée relever que, dans cette affaire, la viola-
tion des droits de la personnalité a été considérée comme
peu
grave, puisqu'elle n'a pas constitué un motif justifié de ré-
siliation qui eût permis à la travailleuse, en
démissionnant,
de se délier de sa clause d'interdiction de concurrence
(art.
340c al. 2 CO). Au demeurant, le cas du demandeur n'est pas
comparable à celui de cette salariée. En effet, l'employeur
n'a pas modifié unilatéralement et abruptement le poste du
recourant principal pendant la durée de validité du contrat.
Il a résilié le contrat en respectant le délai contractuel
de
congé et en versant au travailleur une indemnité supplémen-
taire de départ correspondant à cinq mois de salaire. La ju-
risprudence précitée n'est pas transposable au cas du deman-
deur.

On ne saurait suivre la cour cantonale lorsqu'elle
est d'avis que la défenderesse a traité le demandeur de
façon
cavalière. De fait, la recourante par voie de jonction a al-
loué au demandeur, lors du licenciement, une prolongation de
son délai de congé de cinq mois, s'ajoutant au délai de
congé
de trois mois, pour l'aider à trouver un nouvel emploi, tout
en le libérant de l'obligation de travailler. En outre, le
demandeur a bénéficié des services d'outplacement, à la
charge de l'employeur, plus un budget de 5000 fr. pour des
frais de recherche d'emploi, auxquels s'ajoutaient des frais

de transport (art. 64 al. 2 OJ). La défenderesse a donc
versé
au travailleur davantage que l'équivalent de cinq mois de sa-
laire en sus du traitement pendant le délai de congé.

Dans ces circonstances, on ne voit pas quelle vio-
lation des droits de la personnalité du demandeur pourrait
justifier le versement de l'indemnité pour tort moral accor-
dée par les juges cantonaux.

Le grief de la recourante par voie de jonction doit
ainsi être admis.

4.- a) La Cour d'appel a retenu que, dès l'instant
où le demandeur s'était trouvé en incapacité de travail du
23
juillet 1997 au 29 mars 1998, les rapports de travail entre
les parties avaient cessé le 30 juin 1998, compte tenu du dé-
lai de protection de 180 jours prévu par l'art. 336c al. 1
let. b CO. Comme il est établi que le demandeur n'a touché
son salaire que jusqu'à fin février 1998, l'autorité canto-
nale, en se fondant sur l'art. 5.4 du règlement du
personnel,
lui a octroyé les salaires afférents à la période du 1er
mars
1998 au 30 juin 1998.

La recourante par voie de jonction fait valoir que
le demandeur a été non seulement indemnisé par une assurance
perte de gain de mars à juin 1998, mais encore "assuré roya-
lement en LPP" par l'employeur. Quant au règlement du person-
nel, il n'existait pas lors de l'engagement du demandeur et
ne comportait aucun effet rétroactif. Partant, à suivre la
défenderesse, il n'y aurait aucune raison de verser au deman-
deur les salaires litigieux.

b) La défenderesse produit, devant le Tribunal fé-
déral, la copie d'une lettre de "La Suisse Assurances" au de-
mandeur, du 31 août 1998, indiquant que ce dernier aurait re-

çu des indemnités journalières de l'assurance du 1er mars
1998 au 31 juillet 1998. Il s'agit d'une pièce nouvelle, qui
est irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Selon l'art. 5.4 du règlement du personnel, en cas
d'incapacité de travail pour cause de maladie, le collabora-
teur touchait son salaire intégral sur un maximum de 720
jours dans une période de 900 jours consécutifs; la fin du
contrat de travail entraînait l'arrêt des prestations.

La cour cantonale a jugé que la défenderesse et le
demandeur étaient convenus d'appliquer à leurs rapports
l'art. 5.4 du règlement susrappelé. Il ressort en effet de
l'art. 1.1 de ce règlement que, selon la volonté de la recou-
rante par voie de jonction, celui-ci s'appliquait aux colla-
borateurs de la défenderesse dès le 1er janvier 1993. Con-
trairement à ce que soutient la recourante par voie de jonc-
tion, aucune exception n'est prévue à propos des salariés
devenus collaborateurs de la défenderesse avant l'entrée en
vigueur du règlement du personnel. Vu le contenu de l'art.
5.4, rien n'empêche un salarié occupant la position du deman-
deur de s'en prévaloir. En outre, les parties au contrat de
travail peuvent convenir, en cas d'incapacité de travail, de
l'octroi de prestations dépassant le minimum légal; à cet
égard, un simple accord suffit, la loi (art. 324a al. 2 CO)
n'exigeant pas le respect de la forme écrite (Staehelin, Com-
mentaire zurichois, n. 55 ad art. 324a CO, p. 240).

Les magistrats cantonaux ont admis que les rapports
de travail ont cessé le 30 juin 1998. A bon droit, la défen-
deresse ne le conteste pas en instance de réforme. La recou-
rante par voie de jonction n'a pas établi qu'elle ait versé
ou fait verser les prestations prévues à l'art. 5.4 du rè-
glement du personnel. Devant le Tribunal fédéral, elle ne
prétend pas que, à teneur du règlement, la compagnie d'assu-

rance perte de gain était seule débitrice des prestations
prévues à cet art. 5.4. Il ne ressort d'ailleurs pas de
cette
disposition que tel serait le cas.

Dans ces circonstances, on ne voit pas quelle vio-
lation du droit fédéral la cour cantonale aurait commise en
allouant au demandeur les salaires des mois de mars à juin
1998.

Le grief de la recourante par voie de jonction est
dénué de fondement.

5.- Il suit de là que le recours principal doit
être rejeté, le recours joint admis partiellement et l'arrêt
déféré réformé, en ce sens que la condamnation de la défende-
resse à verser 15 000 fr. au demandeur à titre de tort moral
est annulée; l'arrêt attaqué est confirmé pour le surplus,
la
condamnation de la défenderesse à payer au demandeur les sa-
laires de mars à juin 1998 étant ainsi maintenue.

Le demandeur, qui voulait obtenir 1 048 846 fr.65
de plus, succombe entièrement, alors que la défenderesse
voit
le montant dont elle avait été reconnue débitrice du deman-
deur réduit d'environ 20%. Tout bien pesé, il convient de
mettre l'émolument de justice de 14 000 fr. à raison de
11'000 fr. à la charge du demandeur et à raison de 3000 fr.
à
la charge de la défenderesse (art. 156 al. 3 OJ). Le recou-
rant principal devra verser des dépens réduits à la recou-
rante par voie de jonction (art. 159 al. 3 OJ).

Vu l'issue de la querelle, il n'est pas nécessaire
de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle déci-
sion sur les frais d'instance cantonale.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours principal, admet partielle-
ment le recours joint et réforme l'arrêt attaqué en ce sens
que la défenderesse est condamnée à verser au demandeur les
sommes brutes suivantes:

15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 mars 1998,
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 avril 1998
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 mai 1998,
15 666 fr.70 avec intérêts à 5% dès le 25 juin 1998,

sous déduction des charges sociales, toutes les
autres conclusions du demandeur étant rejetées;

2. Met un émolument judiciaire de 14 000 fr. à rai-
son de 11 000 fr. à la charge du demandeur et de 3000 fr.
à la charge de la défenderesse;

3. Dit que le demandeur versera à la défenderesse
une indemnité de 10 000 fr. à titre de dépens réduits;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction
des
prud'hommes de Genève (Cause n° C/27045/1997-4).

__________

Lausanne, le 9 janvier 2002
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.13/2001
Date de la décision : 09/01/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-01-09;4c.13.2001 ?
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