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28/12/2001 | SUISSE | N°U.511/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 décembre 2001, U.511/00


«AZA 7»
U 511/00 + U 31/01 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Ferrari et Ribaux,
suppléant. Greffier : M. Métral

Arrêt du 28 décembre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Bernard
Waeber, avocat, rue d'Aoste 1, 1204 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lu

cerne, recourante,

contre

A.________, intimé, représenté par Maître Jean-Bernard
Waeber, avocat, rue d'Aoste 1, 1204...

«AZA 7»
U 511/00 + U 31/01 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Ferrari et Ribaux,
suppléant. Greffier : M. Métral

Arrêt du 28 décembre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Bernard
Waeber, avocat, rue d'Aoste 1, 1204 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

A.________, intimé, représenté par Maître Jean-Bernard
Waeber, avocat, rue d'Aoste 1, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- A.________ a travaillé en qualité de maçon au
service de l'entreprise X.________. A ce titre, il était
assuré par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (ci-après : CNA).

Le 13 septembre 1994, il a été victime d'une entorse
du genou gauche qui entraîna une déchirure du ligament
croisé antérieur et du ligament latéral interne. Le traite-
ment entrepris à la suite de cet accident ne permit pas à
l'assuré de recouvrer sa capacité de travail dans sa pro-
fession de maçon, en raison principalement de la persis-
tance de douleurs et d'une instabilité du genou gauche en
terrain accidenté. Le 10 octobre 1995, le docteur
B.________, médecin d'arrondissement de la CNA, considérait
que l'assuré pouvait effectuer à temps complet un travail
réclamant peu de force, pouvant être accompli en alternant
les positions assise et debout, et ne nécessitant que des
déplacements de courte durée sur terrain plat.
Saisi d'une demande de prestations, l'Office cantonal
genevois de l'assurance-invalidité (ci-après : l'office AI)
mit en oeuvre un stage au Centre d'observation profession-
nel de l'assurance-invalidité (ci-après : COPAI), au terme
duquel la capacité de travail de A.________ a été estimée à
70 % dans une activité à temps partiel (35 heures par
semaine), ou à 60 % dans une activité à plein temps pouvant
être exercée en position assise, mais permettant des chan-
gements de position; un travail à la chaîne ne permettant
pas l'aménagement de pauses n'était pas considéré comme
adapté (rapport du 18 novembre 1997).
Par décision du 31 décembre 1998, confirmée sur oppo-
sition le 26 août 1999, la CNA a alloué à l'assuré une
rente fondée sur un taux d'invalidité de 25 %, ainsi qu'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité correspondant à un
taux de 20 %. Pour sa part, l'office AI lui alloua une
demi-rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de
55 %, par décision du 11 août 1998.

B.- Le recours formé par A.________ contre la décision
du 26 août 1999 de la CNA fut partiellement admis, par
jugement du 28 novembre 2000 du Tribunal administratif du
canton de Genève, qui constata le droit de l'assuré à une
rente de l'assurance-accidents correspondant à un taux
d'invalidité de 27 %.

C.- La CNA et A.________ interjettent chacun un
recours de droit administratif contre ce jugement. En
substance, la première conclut à l'annulation du jugement
entrepris, alors que le second en demande la réformation,
en ce sens que son droit à une rente fondée sur un taux
d'invalidité de 55 % soit reconnu, sous suite de dépens.
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé sur les recours.

Considérant en droit :

1.- Les recours de droit administratif concernent des
faits de même nature, portent sur des questions juridiques
communes et sont dirigés contre le même jugement, de sorte
qu'il se justifie de les réunir et de les traiter dans un
seul arrêt (ATF 123 V 215 consid. 1, 120 V 466 consid. 1 et
les références).

2.- Est litigieux le droit de A.________ à une rente
de l'assurance-accidents, de sorte que le pouvoir d'examen
du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à la
violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'oppor-
tunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié
par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure
et peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage
ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

3.- L'assuré fait valoir que la CNA n'avait pas à
s'écarter de l'évaluation de l'invalidité à laquelle
l'office AI avait procédé dans sa décision du 11 août 1998.

a) La notion d'invalidité est, en principe, identique
en matière d'assurance-accidents, d'assurance militaire et
d'assurance-invalidité. Dans ces trois domaines, elle

représente la diminution permanente ou de longue durée,
résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibi-
lités de gain sur le marché du travail équilibré qui entre
en ligne de compte pour l'assuré (ATF 119 V 470 consid. 2b,
116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités). Pour l'évalua-
tion de l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré
devenu invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité que
l'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution
éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une
situation équilibrée du marché du travail, est comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide
(cf. art. 18 al. 2 LAA, 40 al. 4 LAM et 28 al. 2 LAI).
L'uniformité de la notion d'invalidité, qui doit
conduire à fixer pour une même atteinte à la santé un même
taux d'invalidité, règle la coordination de l'évaluation de
l'invalidité en droit des assurances sociales (ATF
126 V 293 consid. 2d; RAMA 2001 no U 410 p. 73, 2000
no U 406 p. 402). Des divergences ne sont toutefois pas à
exclure d'emblée. En effet, les divers assureurs sociaux
demeurent tenus de procéder chacun de manière indépendante
à l'évaluation de l'invalidité dans chaque cas et ne
peuvent se borner à reprendre sans autre examen le degré
d'invalidité fixé par un autre assureur. Ils ne peuvent
toutefois pas ignorer purement et simplement l'évaluation
de l'invalidité à laquelle a procédé un autre assureur
social dans une décision entrée en force (arrêt cité,
p. 293 consid. 2d). Ils doivent s'en écarter lorsqu'elle
n'est pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité,
si elle repose sur une erreur de droit ou une appréciation
insoutenable, ou encore se fonde sur des mesures d'instruc-
tion sommaires et superficielles (arrêt cité, p. 292 con-
sid. 2b et p. 294 consid. 2d; RAMA 2000 no U 402 p. 390,
no U 406 p. 402). En particulier, la Cour de céans a consi-
déré dans l'ATF 119 V 468 (considérant 4a) que l'évaluation
de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité
devait céder le pas à celle de l'assureur-accidents, large-
ment divergente, qui reposait sur des avis médicaux con-

vaincants relativement à l'incapacité de travail et à
l'activité exigible, ainsi que sur une application correcte
de la méthode de comparaison des revenus.

b) L'office AI a considéré que A.________ pouvait, en
travaillant à plein temps, réaliser un revenu de 2000 fr.
par mois, compte tenu d'un rendement limité en raison de
son handicap. Ce montant correspond, selon le rapport du
18 novembre 1997 du COPAI, au revenu qu'obtiendrait
l'assuré pour une activité à un poste de «servant de
machines (en position assise avec possibilité d'alternance
des positions) ou de travaux sériels à l'établi, montage,
usinage, dans les mêmes conditions»; une telle activité
procurerait, toujours selon le COPAI, un revenu mensuel de
3300 fr. à une personne travaillant à plein temps et à
plein rendement. Toutefois, si le rapport du COPAI repose
sur une analyse approfondie de la capacité de travail
résiduelle du recourant, il n'indique pas sur quelle base
un salaire de 3300 fr. (ou de 2000 fr. pour un rendement
comparable à celui de l'assuré) a été retenu pour les
postes de travail décrits. On ignore en particulier si un
tel revenu correspond aux indications fournies par une
entreprise de la région ou s'il a été évalué au terme d'une
enquête réalisée de manière plus large. Partant, la CNA
pouvait s'écarter du taux d'invalidité retenu par l'office
AI, dont la décision du 11 août 1998 repose des données non
vérifiables.

4.- Le revenu sans invalidité de A.________ a été
évalué par la CNA à 4800 fr. par mois en 1998. Cette
appréciation, fondée sur les renseignements fournis par
l'ancien employeur de l'assuré, doit être approuvée.
En revanche, il convient de revoir le revenu d'inva-
lide retenu tant par les premiers juges (3549 fr., arrondi
à 3500 fr.) que par la CNA (3600 fr). En effet, leur
évaluation tient compte de la capacité de travail rési-
duelle du recourant attestée par le docteur B.________. Or,

ce praticien ne saurait être suivi lorsqu'il indique que
A.________ pourrait exercer à temps complet (et, sous-
entendu, à plein rendement) une activité réclamant peu de
force, permettant l'alternance des positions assise et
debout, et ne nécessitant que des déplacements de courte
durée sur terrain plat. A cet égard, le rapport très
complet du COPAI, rédigé au terme d'un stage d'observation
de 8 semaines, établit de manière convaincante que même
dans une activité telle que décrite par le docteur
B.________, l'assuré ne pourrait travailler à plein temps
qu'avec un rendement de l'ordre de 60 % (70 % en travail-
lant 35 heures par semaines). Cette appréciation, sur
laquelle il convient de se fonder, est partagée par le
docteur C.________, médecin traitant de l'assuré, et
s'avère du reste plus favorable que ce qu'avait pronostiqué
le docteur D.________, chef de clinique à la division de
médecine physique et rééducative de l'Hôpital Y.________,
en août 1995; ce praticien s'était alors montré très
sceptique quant à la reprise à brève échéance d'un travail
à temps partiel (rapport du 14 août 1995).

5.- a) A.________ n'a pas repris d'activité profes-
sionnelle depuis son accident, de sorte que son revenu
d'invalide peut être évalué d'après les données salariales
publiées par l'Office fédéral de la statistique (enquêtes
suisses sur la structure des salaires; cf. ATF 126 V 76 sv.
consid. 3b/bb). En l'espèce, cette méthode doit être pré-
férée à celle utilisée par la CNA dans la décision sur
opposition du 26 août 1999, qui repose sur des descriptions
de postes de travail (ci-après : DPT) ne correspondant pas
pleinement à la capacité de travail résiduelle de l'assuré.
En particulier, un certain nombre des postes décrits ne
permettent pas l'alternance des positions assises et
debout, nécessitent souvent de travailler debout pendant
une longue durée ou n'autorisent pas le travail à temps

partiel ni l'aménagement de pauses (cf. notamment DPT 613,
3633 et 1660); quant au salaire mensuel moyen de 3500 fr.
par lequel la juridiction cantonale a complété les DPT
figurant au dossier, on ignore comment il a été établi.

b) D'après l'Enquête suisse sur la structure des
salaires 1998, le salaire mensuel brut (valeur centrale)
auquel pouvait prétendre en 1998 un homme effectuant des
activités simples et répétitives dans le secteur privé,
toutes branches économiques confondues, était de 4268 fr.
(table A1, niveau de qualification 4). Ce salaire mensuel
hypothétique doit être rectifié, d'une part au motif que
les salaires bruts standardisés sont calculés sur la base
d'un horaire de travail de 40 heures, soit une durée
hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les
entreprises en 1998 (41,9 heures; La Vie économique 1998/8
annexe p. 27, table B 9.2), et d'autre part afin de prendre
en considération le fait que le recourant ne jouit que
d'une capacité de travail de l'ordre de 60 %, même dans une
profession adaptée à son handicap (consid. 4 supra). Après
avoir procédé aux adaptations nécessaires, on obtient un
revenu d'invalide de 2680 fr. par mois (montant arrondi).
Il n'est pas nécessaire de procéder à une déduction supplé-
mentaire pour tenir compte d'empêchements propres à la
personne de l'assuré (cf. ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/bb),
dans la mesure où les limitations liées à son handicap ont
suffisamment été prises en considération lors de l'appré-
ciation de sa capacité de travail et où aucun autre des
critères pouvant justifier une réduction n'est véritable-
ment rempli.

c) En comparant le revenu sans invalidité de 4800 fr.
avec le revenu d'invalide de 2680 fr., on obtient un taux
d'invalidité de 44 %. Le recours de l'assuré doit donc être
partiellement admis et la cause renvoyée à la CNA pour
qu'elle rende une nouvelle décision de rente.

6.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ). A.________, qui obtient partiellement gain
de cause, a droit à une indemnité de dépens, à la charge de
la CNA (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Les causes U 511/00 et U 31/01 sont jointes.

II. Le recours de la CNA est rejeté.

III. Le recours de A.________ est partiellement admis et le
jugement du 28 novembre 2000 du Tribunal administratif
du canton de Genève ainsi que la décision sur opposi-
tion du 26 août 1999 de la CNA sont annulés; l'affaire
est renvoyée à la CNA pour qu'elle rende une nouvelle
décision de rente au sens des considérants.

IV. Il n'est pas perçu de frais de justice.

V. La CNA versera à A.________ la somme de 2500 fr. (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour l'instance fédérale.

VI. Le Tribunal administratif du canton de Genève statuera
sur les dépens de première instance, au regard de
l'issue du procès de dernière instance.

VII. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 décembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral
des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.511/00
Date de la décision : 28/12/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-28;u.511.00 ?
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