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17/12/2001 | SUISSE | N°U.484/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 décembre 2001, U.484/00


«AZA 7»
U 484/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Ferrari et Jaeger,
suppléant. Greffier : M. Métral

Arrêt du 17 décembre 2001

dans la cause

B.________, recourante, représentée par Maître René
Schneuwly, avocat, boulevard de Pérolles 4, 1700 Fribourg,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- En 1991, B.______

__ a été engagée par l'entreprise
de boucherie X.________. A ce titre, elle était assurée par
la Caisse nationale suisse d'assur...

«AZA 7»
U 484/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Ferrari et Jaeger,
suppléant. Greffier : M. Métral

Arrêt du 17 décembre 2001

dans la cause

B.________, recourante, représentée par Maître René
Schneuwly, avocat, boulevard de Pérolles 4, 1700 Fribourg,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- En 1991, B.________ a été engagée par l'entreprise
de boucherie X.________. A ce titre, elle était assurée par
la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(ci-après : CNA).
Le 4 février 1995, à la suite d'une chute dans des
escaliers, elle subit une fracture de la jambe gauche. Le
lendemain, les médecins du service de chirurgie orthopé-
dique de l'Hôpital Y.________ procédèrent à une réduction

non sanglante avec ostéosynthèse. Huit mois plus tard, le
docteur A.________, médecin d'arrondissement de la CNA,
constatait notamment que la prénommée présentait un
important valgus à la cheville gauche, où elle ressentait
encore de fortes douleurs et dont la mobilité était limi-
tée; elle boitait considérablement et ne pouvait pas, en
l'état, reprendre son activité professionnelle (rapport du
10 octobre 1995). Ce constat fut également celui des méde-
cins de la Clinique de réadaptation de Bellikon, après que
l'assurée y eut séjourné du 6 novembre au 15 décembre 1995;
toutefois, selon eux, B.________ pouvait travailler sans
limitation en position assise (rapport de sortie du
15 décembre 1995). Le 4 juillet 1996, le docteur
C.________ remplaçant du médecin d'arrondissement de la
CNA, examina à son tour l'assurée et évoqua dans son
rapport l'existence probable d'une surcharge psychique et
d'un état dépressif latent, en sus des constatations faites
précédemment par ses confrères; il ne se prononça toutefois
pas sur la capacité de travail de la recourante dans une
activité adaptée.
Une fois achevé le traitement des lésions subies par
l'assurée, le docteur A.________ évalua à 10 % son taux
d'atteinte à l'intégrité, au regard de la limitation
fonctionnelle des articulations tibio-tarsienne et sous-
astragalienne, ainsi que de l'évolution prévisible de ces
dernières vers une arthrose (rapport du 8 janvier 1997). Il
fit par ailleurs état d'une pleine capacité de travail dans
une activité pouvant être effectuée en grande partie en
position assise, sans port de charge (rapport du 19 mars
1997).
Par décision du 17 novembre 1997, confirmée sur oppo-
sition le 23 septembre 1998, la CNA alloua à B.________ une
rente fondée sur un taux
d'invalidité de 25 % ainsi qu'une indemnité de 9720 fr.
pour une atteinte à l'intégrité de 10 %.

B.- L'assurée saisit le Tribunal administratif du
canton de Fribourg d'un recours contre la décision sur
opposition du 23 septembre 1998.
Entre-temps, elle avait par ailleurs déposé une de-
mande de prestations à l'Office de l'assurance-invalidité
du canton de Fribourg (ci-après : l'office AI). Celui-ci
lui alloua d'abord une rente entière d'invalidité, pour la
période du premier février 1996 au 31 octobre 1997; puis,
par prononcé du 3 novembre 1999, il évalua à 59 % le taux
d'invalidité de la recourante dès le 1er novembre 1997, de
sorte qu'il réduisit à une demi-rente les prestations
allouées à l'assurée (décision du 2 décembre 1999). Sur le
plan médical, il se fondait pour l'essentiel sur une exper-
tise réalisée à l'Hôpital psychiatrique Z.________ (rapport
du 18 février 1998 du docteur D.________), ainsi que sur un
rapport d'expertise rédigé le 15 juin 1999 par les docteurs
E.________ et F.________, du Centre hospitalier W.________.
Ces derniers faisaient état d'une capacité de travail de
50 % dans une profession sans port de charges ni
déplacements, pouvant être exercée en position assise; pour
sa part, le docteur D.________ était d'avis que la
recourante souffrait d'une surcharge psychogène, mais que
cette affection était pratiquement sans influence sur sa
capacité de travail.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg, après
s'être fait produire les dossiers complets de la CNA et de
l'office AI, rejeta le recours dont il était saisi, par
jugement du 13 octobre 2000.

C.- L'assurée interjette un recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation.
En substance, elle conclut à l'allocation d'une rente de
l'assurance-accidents fondée sur un taux d'invalidité de
62 % ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de 19 440 fr. pour
atteinte à l'intégrité, sous suite de frais et dépens. Au
terme de sa réponse, l'intimée conclut au rejet du recours.

Pour sa part, l'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de la recourante à
une rente de l'assurance-accidents et à une indemnité pour
atteinte à l'intégrité.

2.- Le jugement entrepris expose correctement le con-
tenu de l'art. 18 LAA, ainsi que les règles légales et
jurisprudentielles relatives, d'une part, à l'évaluation de
la valeur probante d'un rapport médical, et d'autre part, à
l'exigence d'un rapport de causalité (naturelle et adé-
quate) entre l'accident assuré et une atteinte à la santé
pour que les conséquences économiques de cette dernière
soient prises en charge par l'assurance-accidents. Sur ces
points, il suffit donc d'y renvoyer.

3.- Dans un premier moyen, la recourante soutient que
les premiers juges ne pouvaient pas s'écarter du taux d'in-
validité retenu par l'office AI.
Il est vrai que la notion d'invalidité est, en prin-
cipe, identique en matière d'assurance-accidents, d'assu-
rance militaire et d'assurance-invalidité. Dans ces trois
domaines, elle représente la diminution permanente ou de
longue durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée,
des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré
qui entre en ligne de compte pour l'assuré. Cette uniformi-
té de la notion d'invalidité doit conduire à fixer, pour
une même atteinte à la santé, un même taux d'invalidité, de
sorte que l'assureur-accidents ne peut pas s'écarter sans
motif suffisant du degré d'invalidité fixé par l'assurance-
invalidité (ATF 126 V 288; RAMA 2001 no U 410 p. 73, 2000
no U 406 p. 402). Lorsqu'un recours est interjeté contre la

décision de l'assureur-accidents, la juridiction saisie du
litige doit, aux mêmes conditions, prendre en considération
une décision de l'assurance-invalidité entrée en force dans
l'intervalle (RAMA 2001 no U 410 p. 73 consid. 3 et 4).
Ces principes ne sauraient toutefois trouver applica-
tion en l'espèce, dès lors que l'office AI a expressément
précisé que son prononcé du 3 novembre 1999 revêtait un
caractère provisoire et qu'il statuerait définitivement à
l'issue de la procédure de recours contre la décision du
23 septembre 1998 de la CNA, comme l'ont exposé de manière
exacte les premiers juges. Ainsi, le premier grief soulevé
s'avère mal fondé.

4.- S'appuyant pour l'essentiel sur l'expertise réali-
sée au Centre hospitalier W.________, la recourante fait
ensuite valoir qu'elle ne dispose que d'une capacité de
travail résiduelle de 50 %, dans une profession pouvant
être exercée en position assise, sans port de charges ni
déplacements.

a) Les premiers juges ont exposé de manière convain-
cante pour quels motifs un rapport de causalité adéquate
entre d'éventuelles atteintes à la santé psychique et
l'accident subi ne pouvait pas être retenu, sans que la
recourante fasse valoir d'argument nouveau à cet égard. Sur
ce point, on peut donc renvoyer à leurs considérants (cf.
également ATF 115 V 138 consid. 6; 407 consid. 5); on pré-
cisera cependant qu'il y a d'autant moins lieu, en l'es-
pèce, d'admettre l'existence d'un rapport de causalité
adéquate que la chute dont fut victime la recourante cons-
titue un accident bénin, plutôt que de gravité moyenne.

b) D'après la juridiction cantonale, les docteurs
E.________ et F.________ ont évalué l'incapacité de travail
de la recourante non seulement au regard des atteintes à sa
santé physique, mais également de ses troubles d'ordre psy-

chique, de sorte que l'expertise invoquée par la recourante
serait dépourvue de pertinence pour statuer sur son droit à
des prestations de l'assurance-accidents. A l'examen, il
appert toutefois que les deux médecins du Centre
hospitalier W.________ n'ont pas fait état, dans leur
diagnostic, d'atteintes à la santé psychique; ils avaient
du reste eu connaissance de l'expertise psychiatrique
réalisée à l'Hôpital Z.________, qui excluait l'existence
d'une incapacité de travail causée par des troubles d'ordre
psychique. Certes, ils ont exposé que l'ensemble des
plaintes de la patiente ne pouvaient être expliquées
uniquement par les lésions physiques constatées, mais rien
n'indique qu'ils ont évalué sa capacité de travail
résiduelle sans relativiser ses déclarations. Il n'y a donc
pas lieu d'admettre qu'ils ont fondé leur appréciation sur
d'autres éléments que les atteintes organiques à la santé
de la recourante.
La valeur probante de l'expertise des docteurs
E.________ et F.________ - qui répond aux critères posés
par la jurisprudence en la matière (cf. ATF 125 V 352 con-
sid. 3a et les références) - l'emporte en outre sur celle
des rapports du docteur A.________ et des médecins de la
Clinique de réhabilitation de Bellikon. D'une part, le
traitement de la recourante n'était pas encore achevé lors-
qu'elle est sortie de la clinique, puisque, notamment, le
matériel d'ostéosynthèse a été retiré le 25 avril 1996 et
qu'une arthroscopie ainsi qu'un shaving de l'articulation
tibio-tarsienne ont encore été réalisés le 3 octobre 1996
(cf. les protocoles opératoires rédigés à ces dates à
l'Hôpital Y.________). D'autre part, ce sont les docteurs
E.________ et F.________ qui ont présenté de la manière la
plus détaillée et la plus convaincante les raisons pour
lesquelles la capacité de travail de la recourante est
réduite, tant au regard du diagnostic posé (notamment du
fait que la fracture tibiale présentait un cal vicieux en
valgus associé à un trouble rotatoire) que de l'exigibili-

té. Il convient par conséquent de se fonder sur leur exper-
tise et de retenir que la recourante ne dispose que d'une
capacité de travail résiduelle de 50 % dans une profession
ne nécessitant pas le port de charges et pouvant être
effectuée en position assise, sans déplacements.

c) Sur le vu de ce qui précède, le dossier sera
retourné à l'intimée pour qu'elle réévalue le taux d'inva-
lidité de la recourante, compte tenu de la capacité de
travail résiduelle constatée ci-dessus, puis rende une
nouvelle décision sur son droit à une rente de l'assurance-
accidents.

5.- a) Si, par suite d'un accident, un assuré souffre
d'une atteinte importante et durable à son intégrité phy-
sique ou mentale, il a droit à une indemnité équitable pour
atteinte à l'intégrité (art. 24 al. 1 LAA). Celle-ci est
allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit
pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à
l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la
gravité de l'atteinte à l'intégrité (art. 25 al. 1 LAA).
L'annexe 3 à l'OLAA comporte un barème des atteintes à
l'intégrité en pour cent du montant maximum du gain assuré.
Ce barème - reconnu conforme à la loi - ne constitue pas
une énumération exhaustive (ATF 124 V 32 consid. 1b et les
références). Il représente une «règle générale» (ch. 1
al. 1 de l'annexe). Pour les atteintes qui sont spéciales
ou qui ne figurent pas dans la liste, il y a lieu d'appli-
quer le barème par analogie, en tenant compte de la gravité
de l'atteinte (ch. 1 al. 2 de l'annexe). Le ch. 2 de l'an-
nexe dispose au surplus qu'en cas de perte partielle d'un
organe ou de son usage, l'indemnité pour atteinte à l'inté-
grité est réduite en conséquence, aucune indemnité n'étant
toutefois versée dans les cas pour lesquels un taux infé-
rieur à 5 % du montant maximum du gain assuré serait appli-
qué.

b) La recourante soutient qu'elle subit une atteinte à
l'intégrité de 20 % au moins, mais elle ne présente aucun
argument de nature à mettre en doute, sur ce point, la per-
tinence du rapport établi le 8 janvier 1997 par le docteur
A.________, sur lequel s'est fondée la CNA. En particulier,
ce praticien n'a pas négligé l'importance des difficultés
éprouvées par la recourante lorsqu'elle doit se déplacer;
par ailleurs, il n'avait pas à prendre en considération
d'éventuelles atteintes à son intégrité mentale, en l'ab-
sence de rapport de causalité adéquate entre de telles
atteintes et l'accident subi (consid. 4a supra; ATF
124 V 209). Les constatations du docteur A.________ rela-
tives aux limitations fonctionnelles des articulations
tibio-astragalienne et sous-astragalienne ainsi qu'au déve-
loppement probable d'une arthrose ne sont par ailleurs pas
remises en cause par d'autres praticiens. Partant, le re-
cours doit être rejeté, en tant qu'il porte sur le montant
de l'atteinte à l'intégrité allouée à la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis, en ce sens que le
jugement du 13 octobre 2000 du Tribunal administratif
du canton de Fribourg ainsi que la décision sur oppo-
sition du 23 septembre 1998 de l'intimée sont annulés
dans la mesure où ils portent sur le droit de la
recourante à une rente d'invalidité. Le recours est
rejeté pour le surplus.

II. La cause est renvoyée à l'intimée pour nouvelle
décision au sens des motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'intimée versera à la recourante une somme de

2500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour la procédure fédérale.

V. Le Tribunal administratif du canton de Fribourg
statuera à nouveau sur les dépens de l'instance
cantonale, au regard de l'issue définitive du procès
de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, et à l'Office fédéral des assu-
rances sociales.

Lucerne, le 17 décembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.484/00
Date de la décision : 17/12/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-17;u.484.00 ?
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