La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2001 | SUISSE | N°K.10/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 décembre 2001, K.10/99


«AZA 7»
K 10/99 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 11 décembre 2001

dans la cause

A.________, recourante,

contre

Caisse-maladie Universa, rue du Nord 5, 1920 Martigny,
intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ est affiliée à la caisse-maladie
Universa; elle bénéficie notamment de l'assurance obliga-
toire des soins médicaux, pharmaceutiques et ho

spitaliers.
A la suite d'une extraction d'une dent de sagesse, le
8 septembre 1997, elle a souffert d'une fistule bucco-si-
nus...

«AZA 7»
K 10/99 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Berthoud

Arrêt du 11 décembre 2001

dans la cause

A.________, recourante,

contre

Caisse-maladie Universa, rue du Nord 5, 1920 Martigny,
intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ est affiliée à la caisse-maladie
Universa; elle bénéficie notamment de l'assurance obliga-
toire des soins médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers.
A la suite d'une extraction d'une dent de sagesse, le
8 septembre 1997, elle a souffert d'une fistule bucco-si-
nusale région 28. L'intervention chirurgicale nécessaire
(une révision locale du sinus trans-alvéolaire et fermeture
de la fistule par un lambeau trapézoïde vestibulaire) a été
pratiquée par le docteur B.________, spécialiste en
chirurgie maxillo-faciale, le 25 septembre 1997, qui a
établi une note d'honoraires de 1548 fr. 50.

Par décision du 25 mars 1998, l'Universa a refusé de
prendre en charge la note du chirurgien-dentiste au titre
de l'assurance obligatoire des soins. L'opposition de
l'assurée a été rejetée par décision du 8 juin 1998.

B.- Par jugement du 29 octobre 1998, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours que
l'assurée avait formé contre la décision du 8 juin 1998.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
Elle conclut, sous suite de dépens, à ce que la note
d'honoraires du docteur B.________ soit mise à la charge de
l'Universa.
La caisse a conclu au rejet du recours alors que
l'Office fédéral des assurances sociales a déposé des
observations, concluant à ce qu'il soit fait appel au
besoin à une expertise.

D.- Le juge délégué à l'instruction a interpellé la
Société suisse d'odonto-stomatologie (SSO) au sujet du
contenu de l'Atlas qu'elle a édité. Les parties ont eu
l'occasion de se déterminer sur les réponses de la SSO.
Le 28 mars 2000, le Tribunal fédéral des assurances a
confié à un collège d'experts une expertise de principe en
matière de médecine dentaire. Aussi bien la présente pro-
cédure a-t-elle été suspendue en date du 3 avril 2000.
L'expertise a été déposée au tribunal le 31 octobre 2000 et
elle a fait l'objet d'une discussion avec les experts le
16 février 2001. Le 21 avril 2001, les experts ont déposé
un rapport complémentaire.

Considérant en droit :

1.- Comme les experts ont été appelés à répondre à des
questions d'ordre médical qui ont une incidence sur l'issue
de la présente procédure, celle-ci a été suspendue. La
cause de la suspension ayant disparu après le dépôt du
rapport d'expertise et de son complément, la suspension
doit être levée.

2.- Selon l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance obli-
gatoire des soins prend en charge les coûts des soins
dentaires :

a. s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non
évitable du système de la mastication, ou
b. s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou
ses séquelles, ou
c. s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou
ses séquelles.

Selon l'art. 33 al. 2 LAMal, il appartient au Conseil
fédéral de désigner en détail les prestations prévues à
l'art. 31 al. 1 LAMal. A l'art. 33 let. d OAMal, le Conseil
fédéral, comme le permet l'art. 33 al. 5 LAMal, a délégué à
son tour cette compétence au Département fédéral de l'inté-
rieur (DFI). Le DFI a fait usage de cette sous-délégation
aux art. 17 à 19a de l'ordonnance sur les prestations dans
l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie du
29 septembre 1995 (OPAS; RS 832.112.31).
L'art. 17 OPAS édicté en exécution de l'art. 31 al. 1
let. a LAMal renferme une liste des maladies graves et non
évitables du système de la mastication. L'art. 18 OPAS
(édicté en application de l'art. 31 al. 1 let. b LAMal),
énumère les autres maladies graves susceptibles d'occasion-

ner des soins dentaires; il s'agit de maladies qui ne sont
pas, comme telles, des maladies du système de la mastica-
tion, mais qui ont des effets nuisibles sur ce dernier.
Quant à l'art. 19 OPAS, (édicté en exécution de l'art. 31
al. 1 let. c LAMal), il prévoit que l'assurance prend en
charge les soins dentaires nécessaires aux traitements de
certains foyers infectieux bien définis. Enfin, l'art. 19a
OPAS (en vigueur depuis le 1er janvier 1997) concerne les
traitements dentaires occasionnés par les infirmités congé-
nitales.
La liste des affections de nature à nécessiter des
soins dentaires à la charge de l'assurance selon les
art. 17 à 19 OPAS est exhaustive (ATF 124 V 193 consid. 4
et 347 consid. 3a).

3.- Le premier juge a retenu que l'affection avait été
causée par un traitement dentaire qui n'est pas en lui-même
à charge de l'assurance-maladie; qu'il ne s'agissait pas
d'une maladie non évitable du sinus maxillaire dans la
mesure où elle dépendait de la manière dont le traitement
était effectué; qu'enfin, dès lors que la prise en charge
des traitements dentaires était conçue de manière restric-
tive, l'avis du médecin conseil de l'intimée ainsi que
l'opinion résultant de l'Atlas des maladies avec effet sur
le système de la mastication publié par la SSO étaient
conformes au système légal. Par conséquent, la caisse
n'était pas tenue de prendre en charge les frais occa-
sionnés par cette intervention.
La recourante conteste cette interprétation et sou-
tient en substance que la fistule bucco-sinusale entre dans
la définition des atteintes à la santé prises en charge par
l'assurance-maladie telles que définies par la loi et
l'ordonnance.

4.- a) Sous le titre «Maladies du système de la
mastication», l'art. 17 OPAS a la teneur suivante :

A condition que l'affection puisse être qualifiée de mala-
die et le traitement n'étant pris en charge par l'assurance
que dans la mesure où le traitement de l'affection l'exige,
l'assurance prend en charge les soins dentaires occasionnés
par les maladies graves et non évitables suivantes du sys-
tème de la mastication (art. 31, 1er al., let. a, LAMal) :

a. maladies dentaires :

1. granulome dentaire interne idiopathique,

2. dislocations dentaires, dents ou germes dentaires
surnuméraires, pouvant être qualifiées de maladie (par
exemple : abcès, kyste);

b. maladies de l'appareil de soutien de la dent
(parodontopathies) :

1. parodontite pré pubertaire,

2. parodontite juvénile progressive,

3. effets secondaires irréversibles de médicaments;

c. maladies de l'os maxillaire et des tissus mous :

1. tumeurs bénignes des maxillaires et muqueuses et
modifications pseudotumorales,

2. tumeurs malignes de la face, des maxillaires et du
cou,

3. ostéopathies des maxillaires,

4. kystes (sans rapport avec un élément dentaire),

5. ostéomyélite des maxillaires;

d. maladies de l'articulation temporo-mandibulaire et de
l'appareil de locomotion :

1. arthrose de l'articulation temporo-mandibulaire,

2. ankylose,

3. luxation du condyle et du disque articulaire;

e. maladies du sinus maxillaire :

1. dent ou fragment dentaire logés dans le sinus,

2. fistule bucco-sinusale;

f. dysgnathies qui provoquent des affections pouvant être
qualifiées de maladie, tels que :

1. syndrome de l'apnée du sommeil,

2. troubles graves de la déglutition,

3. asymétries graves cranio-faciales

b) Il existe des différences dans l'énumération de ces
maladies. Ainsi le DFI se contente-t-il, dans certains cas,
de désigner une maladie en particulier, par exemple l'ar-
throse de l'articulation temporo-mandibulaire (art. 17
let. d ch. 1 OPAS) ou la fistule bucco-sinusale (art. 17
let. e ch. 2 OPAS). Dans d'autres cas, l'auteur de l'ordon-
nance décrit un état de fait, comme à l'art. 17 let. a
ch. 2 OPAS («dislocations dentaires, dents ou germes
dentaires surnuméraires») en se servant de notions qui,
comme telles, lui paraissent trop imprécises, de sorte qu'à
ses yeux l'affection doit en plus pouvoir être qualifiée de
«maladie» (par exemple : abcès, kystes). Il s'agit dès lors
de savoir si cette notion de maladie diffère du critère de
la maladie posé de manière générale à l'art. 17 OPAS et si,
en conséquence, les affections visées par cette disposition
entrent dans le catalogue des prestations à la charge de
l'assurance-maladie. En outre, il faut se demander si la
notion de maladie dont use l'art. 17 OPAS, de manière géné-
rale ou à sa let. a ch. 2 par exemple (dislocations den-
taires, dents ou germes dentaires surnuméraires), recouvre
la notion de maladie définie à l'art. 2 al. 1 LAMal.

c) Le Tribunal fédéral des assurances a consulté à ce
sujet des publications émanant de deux associations profes-

sionnelles et concernant la prise en charge par l'assuran-
ce-maladie des frais d'un traitement dentaire (Atlas des
maladies avec effet sur le système de la mastication [Atlas
SSO] réalisé par la Société suisse d'odonto-stomatologie
[SSO] et le Guide-LAMal de la Société suisse de chirurgie
maxillo-faciale). Ces publications - qui sont à considérer
selon la jurisprudence comme des recommandations ne liant
pas le juge des assurances sociales (cf. ATF 124 V 354
consid. 2e) - ne fournissent que peu de réponses de
principe aux questions posées, qu'elles abordent selon une
méthode casuistique. D'autre part, elles aboutissent à des
conclusions divergentes sur nombre de questions particu-
lières. A cela s'ajoute la portée pratique considérable des
problèmes posés, dont les solutions sont susceptibles
d'avoir des conséquences financières importantes tant pour
les assurés que pour les assureurs. Ce sont ces considéra-
tions qui ont conduit le tribunal à mandater un collège
d'experts aux fins de procéder à une expertise de principe.
Les experts ont répondu aux questions posées sur un plan
général, c'est-à-dire abstraction faite des cas particu-
liers pendants devant le tribunal. Ils ont ainsi fourni les
éléments qui permettent une interprétation de la loi fondée
sur une meilleure compréhension de la science médicale dont
elle s'inspire. Le collège d'experts était composé de trois
membres, savoir MM. Urs Gebauer, docteur en médecine den-
taire à la Klinik für Kieferorthopädie de l'Université de
Berne, Martin Chiarini, docteur en médecine dentaire à
l'Ecole de médecine dentaire, à Genève, et Madame Wanda
Gnoinski, docteur en médecine dentaire à la Klinik für
Kieferorthopädie und Kinderzahnmedezin, à Zurich. Les
experts ont eu la possibilité de demander le concours
d'autres spécialistes.

d) Sur la base des conclusions des experts, le Tribu-
nal fédéral des assurances a été amené à considérer, de
manière générale, que dans la mesure où elle suppose
l'existence d'une atteinte qualifiée à la santé, la notion

de maladie au sens des art. 17 (phrase introductive) est
plus restrictive que la notion de maladie, valable généra-
lement dans l'assurance-maladie sociale (art. 2 al. 1
LAMal). En d'autres termes, le degré de gravité de la
maladie est une des conditions de la prise en charge par
l'assurance-maladie des traitements dentaires; les maladies
qui ne présentent pas ce degré de gravité n'entrent pas
dans les prévisions de l'art. 31 al. 1 LAMal (arrêt M. du
19 septembre 2001, K 73/98, destiné à la publication dans
le Recueil officiel).

5.- a) La fistule bucco-sinusale figure à l'art. 17
let. e ch. 2 OPAS au titre de maladie du sinus maxillaire.
Il s'agit d'un canal pathologique mettant en communication
la cavité buccale et le sinus maxillaire, soit une cavité
proche des molaires et pré-molaires. D'origine congénitale
ou acquise, elle peut être due à un traumatisme, à une
intervention chirurgicale, à une infection ou à un abcès.
Cette fistule peut entraîner sinusite, ou pan-sinusite,
abcès, kystes ou d'autres affections ou infections dont il
n'est pas utile de dresser la liste. Le traitement consiste
en particulier, par une petite intervention de nature chi-
rurgicale, à fermer la communication au moyen d'un lambeau
de peau.

b) Dans le cas d'espèce, la recourante a subi une
extraction de la dent 28 qui a conduit, selon toute vrai-
semblance à l'ouverture accidentelle du sinus maxillaire.
Son médecin-dentiste l'a en conséquence adressée pour
traitement au docteur B.________ qui a constaté la présence
d'une fistule, avec pour conséquence que nourriture et
salive pénétraient dans le sinus maxillaire et avaient
provoqué une sinusite maxillaire aiguë.
Il ne fait pas de doute que s'agissant d'une fistule
bucco-sinusale et d'une sinusite aiguë consécutive, l'exis-
tence d'une atteinte qualifiée à la santé est donnée dans

le cas particulier, au sens de l'art. 31 al. 1 let. a
LAMal. Contrairement à l'opinion du premier juge, on ne
saurait par ailleurs considérer que l'on est en présence
d'une maladie évitable du système de la mastication. En
effet, dans tous les cas de figure, les maladies du système
de la mastication mentionnées à l'art. 17 OPAS, comme c'est
le cas de la fistule bucco-sinusale, sont considérées en
vertu de l'ordonnance comme maladies non évitables (cf.
Gebhard Eugster, Aspects des soins dentaires selon
l'art. 31 al. 1 LAMal à la lumière du droit de l'assurance-
maladie [traduction française de Beat Raemy], in : Revue
mensuelle suisse d'odontostomatologie, vol. 107 [1997]
p. 123 avec les références; à propos du critère du carac-
tère évitable de l'affection, cf. ATF 124 V 349 con-
sid. 3b/bb). Enfin et dès lors que cette ouverture acci-
dentelle n'est pas un accident au sens de la loi (cf.
art. 9 OLAA), c'est à tort également que le juge cantonal
s'en est remis aux recommandations de l'Atlas SSO
sur cette
question. Celui-ci prend en considération d'autres critères
que ceux de la loi et notamment la cause de l'affection
alors que la question de la causalité ne joue pas ce rôle
dans l'assurance-maladie.
De ce qui précède, il résulte que le traitement effec-
tué par le docteur B.________ doit être pris en charge au
titre de l'assurance obligatoire des soins. Il appartiendra
à l'intimée de rendre une nouvelle décision à ce sujet et
de fixer le montant exact de ses prestations. Dans cette
mesure, le recours de droit administratif est bien fondé.

6.- La partie qui obtient gain de cause et qui n'est
pas représentée par un avocat ou une autre personne qua-
lifiée n'a qu'exceptionnellement droit à des dépens. La
condition en est notamment que la sauvegarde de ses inté-
rêts ait nécessité une grande dépense de temps, dépassant
la mesure de ce qu'un particulier peut ordinairement et
raisonnablement prendre sur lui (ATF 110 V 82).

In casu, ces conditions ne sont pas données, la recou-
rante n'ayant au surplus pas établi l'existence de frais
particuliers dont il y aurait lieu de tenir compte pour
fixer un dédommagement.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. La suspension de la procédure est levée.

II. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal cantonal des assurances du canton de Vaud du
29 octobre 1998 et la décision sur opposition de la
Caisse maladie Universa du 8 juin 1998 sont annulés,
la cause étant renvoyée à la caisse intimée pour
nouvelle décision au sens des motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud, et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 décembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.10/99
Date de la décision : 11/12/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-11;k.10.99 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award