La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2001 | SUISSE | N°1P.456/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 décembre 2001, 1P.456/2001


{T 0/2} 1P.456/2001/viz

Arrêt du 11 décembre 2001
Ire Cour de droit public

Les Juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi, Favre, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

A.________, recourant, représenté par Me Alain Schweingruber, avocat,
case
postale 872, 2800 Delémont,

contre

Service des communes du canton du Jura, rue du 24-Septembre 1, 2800
Delémont,
intimé,
Commune de X.________,
agissant par l

e Conseil communal de X.________,
Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre administrative, Le
Château, case
postale...

{T 0/2} 1P.456/2001/viz

Arrêt du 11 décembre 2001
Ire Cour de droit public

Les Juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Féraud, Catenazzi, Favre, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

A.________, recourant, représenté par Me Alain Schweingruber, avocat,
case
postale 872, 2800 Delémont,

contre

Service des communes du canton du Jura, rue du 24-Septembre 1, 2800
Delémont,
intimé,
Commune de X.________,
agissant par le Conseil communal de X.________,
Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre administrative, Le
Château, case
postale 24, 2900 Porrentruy 2.

incompatibilité de parenté

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre administrative
du
Tribunal cantonal du canton du Jura du 31 mai 2001)

Faits:

A.
A.________ a été élu au poste de maire de la Commune de X.________
lors du
scrutin populaire du 4 mars 2001.
Dans une lettre du 10 mars 2001, les présidents des sections locales
des
partis démocrate-chrétien, chrétien-social indépendant et socialiste
ont
signalé au Service des communes du canton du Jura (ci-après: le
Service des
communes) que le nouveau maire de X.________ était le frère de
B.________,
secrétaire communale à temps partiel, en l'invitant à examiner si
cette
situation ne tombait pas sous le coup de l'une des incompatibilités
prévues à
l'art. 12 de la loi sur les communes du canton du Jura du 9 novembre
1978
(LCom) ou à d'autres dispositions légales. C.________, citoyen actif
de
X.________, en a fait de même le 11 mars 2001.
A la demande du Service des communes, B.________ a fait savoir, dans
un
courrier recommandé du 30 mars 2001, qu'elle n'entendait pas se
retirer de la
fonction de secrétaire communale qu'elle occupe à temps partiel
depuis le 1er
juillet 1999.
Par décision du 9 avril 2001, le Service des communes a annulé
l'élection de
A.________ au poste de maire de X.________. Il a considéré en
substance que
la fonction de maire à laquelle celui-ci avait été élu était
incompatible
avec celle de secrétaire communale exercée par B.________, en raison
du lien
de parenté qui les unissait. Il a en outre refusé de déroger à cette
règle
prévue à l'art. 12 al. 2 LCom, parce que le maire et le secrétaire
communal
engageaient la Commune par leur signature collective à deux en vertu
de
l'art. 37 al. 3 du règlement d'organisation de la Commune de
X.________.
A.________ a contesté en vain cette décision auprès de la Chambre
administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la
Chambre
administrative). Aux termes d'un arrêt rendu le 31 mai 2001, cette
autorité a
considéré que le lien de parenté unissant le nouvel élu au poste de
maire de
X.________ à la secrétaire communale impliquait une incompatibilité de
fonction qui ne pouvait être levée que par l'annulation de l'élection
dans la
mesure où B.________ avait déclaré ne pas vouloir se retirer de ses
fonctions; en outre, elle a nié l'existence d'un juste motif propre à
déroger
à cette incompatibilité; elle a enfin écarté le grief tiré d'une
inégalité de
traitement par rapport à d'autres communes jurassiennes parce qu'il
n'était
fait état d'aucun conflit de parenté entre un maire et un secrétaire
communal
dans une autre commune de l'importance de celle de X.________.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des
droits
politiques, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet
arrêt. Il se
plaint d'une interprétation arbitraire de l'art. 12 al. 2 LCom. Il
prétend
que l'annulation de son élection au poste de maire de X.________
porterait
une atteinte inadmissible à son droit d'être élu et au droit des
citoyens de
voir exercer ses fonctions celui qu'ils ont élu. Il reproche en outre
au
Service des communes d'avoir agi en violation du principe de la bonne
foi en
annulant d'office l'élection après avoir toléré son organisation,
alors qu'il
avait connaissance du problème d'incompatibilité qui pouvait se
poser. Il
voit par ailleurs une inégalité de traitement dans la rigueur extrême
manifestée à son égard par rapport à des situations identiques, voire
plus
sensibles du point de vue de l'indépendance des fonctions, existant
dans
d'autres communes jurassiennes. Il fait enfin grief à l'autorité
intimée
d'avoir refusé à tort de faire application de la clause dérogatoire
prévue à
l'art. 13 LCom.
La Chambre administrative et le Service des communes concluent au
rejet du
recours dans la mesure où il est recevable. Le Conseil communal de
X.________
a renoncé à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Aux termes de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral connaît des
recours concernant le droit de vote des citoyens et de ceux qui ont
trait aux
votations et aux élections cantonales, par quoi il faut aussi
entendre les
scrutins communaux (ATF 120 Ia 194 consid. 1a p. 196 et les arrêts
cités). Le
recours de droit public pour violation du droit de vote permet de se
plaindre
de la violation de toutes les prescriptions qui sont en relation avec
les
droits politiques, telles celles concernant l'éligibilité et les
incompatibilités (ATF 123 I 97 consid. 1b/aa p. 100 et les arrêts
cités; sur
l'évolution de la qualité pour agir, voir ATF 114 Ia 395 consid. 3b
p. 399).
En tant que candidat élu au poste de maire de sa commune et contraint
de
renoncer à l'exercice de sa charge en raison d'une incompatibilité de
parenté
avec la secrétaire communale, le recourant a qualité pour dénoncer une
violation de son droit d'exercer la fonction publique à laquelle il a
été
élu, pour un tel motif (ATF 119 Ia 167 consid. 1d p. 169). Les autres
conditions de recevabilité du recours de droit public sont par
ailleurs
réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

1.2 Saisi d'un recours de droit public fondé sur l'art. 85 let. a OJ,
le
Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application
du droit
constitutionnel, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui
règlent le
contenu et l'étendue du droit de vote ou qui sont en relation étroite
avec
celui-ci, telles que les règles sur les incompatibilités; il
n'examine en
revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation
d'autres
règles du droit cantonal (ATF 123 I 175 consid. 2d/aa p. 178; 121 I 1
consid.
2 p. 3, 291 consid. 1c, 334 consid. 2b p. 338, 357 consid. 3 p. 360
et les
arrêts cités). En présence de deux interprétations également
défendables, il
s'en tient à celle retenue par la plus haute autorité cantonale (ATF
121 I
334 consid. 2c p. 339; sur l'évolution du pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral, voir ATF 111 Ia 201 consid. 4 p. 206-208).

2.
2.1 L'art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite
les droits
politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. Il
ne
définit en revanche pas en détail leur contenu mais renvoie à cet
égard aux
constitutions et autres lois cantonales. La Constitution fédérale
n'exclut
ainsi pas que le droit d'être élu ou d'exercer une charge publique
soit
concrétisé selon des modalités différentes suivant les cantons (ATF
116 Ia
242 consid. 2c p. 251). Ces derniers sont en principe libres
d'établir les
règles d'incompatibilité qui leur paraissent opportunes compte tenu
des
circonstances. Ces règles peuvent trouver leur fondement dans le
principe de
la séparation des pouvoirs; elles peuvent aussi être motivées pour
d'autres
raisons, telles que l'indépendance d'une fonction ou le risque de
collusion
pouvant exister entre les membres d'une même famille. Les
incompatibilités de
fonction ou de parenté constituent dans tous les cas des restrictions
au
droit d'être élu ou d'exercer une charge publique qui, à l'instar de
celles
apportées aux autres libertés individuelles, ne sont justifiées que
si elles
reposent sur une base légale au sens formel, répondent à un intérêt
public
prépondérant et respectent les principes d'égalité et de la
proportionnalité
(cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 97 consid. 4b p. 105 et les
références
citées; voir aussi l'art. 13 de la Constitution jurassienne [Cst.
Jur.]; RJJ
1998 p. 302 consid. 2 p. 306; Message relatif à une nouvelle
constitution
fédérale du 20 novembre 1996, FF 1997 I 193).

2.2 Selon l'art. 63 Cst. jur., la loi règle les incompatibilités de
fonctions
entre parents et alliés. A teneur de l'art. 11 LCom, est notamment
incompatible avec la qualité de membre d'une autorité communale la
qualité de
fonctionnaire communal à plein emploi immédiatement subordonné à cette
autorité (al. 1 ch. 2). Les communes peuvent, dans leurs règlements,
étendre
l'incompatibilité à d'autres fonctions communales (al. 2). En vertu
de l'art.
12 LCom, ne peuvent faire partie ensemble d'une autorité communale
les frères
ou soeurs, germains, utérins ou consanguins (al. 1 ch. 2). Les
personnes
ainsi apparentées ne peuvent pas non plus occuper des emplois
communaux dont
l'un est immédiatement subordonné à l'autre (al. 2). En application
de l'art.
13 LCom, le Service des communes peut, pour de justes motifs,
autoriser des
exceptions à la règle posée à l'art. 12 LCom.

2.3 Le recourant prétend que l'annulation de son élection au poste de
maire
de X.________ en raison du lien de parenté l'unissant à la secrétaire
communale reposerait sur une interprétation arbitraire de l'art. 12
al. 2
LCom. Pour l'autorité intimée, le terme d'emploi communal visé par
cette
disposition s'entendrait de toute fonction ou charge au sein d'un
organe de
la commune et engloberait la fonction de maire. Le recourant prétend
pour sa
part que cette notion impliquerait nécessairement une activité
rémunérée et
dépendante, de sorte qu'elle ne s'appliquerait qu'aux employés et
fonctionnaires salariés par la commune à l'exclusion des personnes
assumant
des mandats politiques.
Ce faisant, il perd de vue que la charge de maire est également
rémunérée,
même si son titulaire ne l'exerce pas à titre professionnel. En
outre, si le
terme d'emploi recouvre effectivement l'activité rétribuée d'une
personne, il
s'entend également de manière générale de ce à quoi une personne est
occupée
ou employée, soit son occupation ou son rôle (Le nouveau Petit
Robert, Paris
1993, p. 748). Le terme litigieux n'est donc pas univoque, mais peut
se
prêter à deux interprétations également soutenables, l'une incluant
la notion
de rémunération, l'autre non. Dans ces conditions, l'autorité intimée
a
considéré à juste titre que le sens du mot "emploi" devait être
dégagé en
relation avec la finalité des règles d'incompatibilité frappant des
personnes
apparentées. L'incompatibilité de parenté entre des fonctions
immédiatement
subordonnées l'une à l'autre, telle que celle aménagée à l'art. 12
al. 2
LCom, tend à éviter une apparence de partialité ou un risque de
collusion
entre les personnes concernées qui pourrait résulter des liens
familiaux les
unissant et qui serait préjudiciable au déroulement régulier de la
fonction
publique. Elle vise également à écarter une érosion du devoir de
surveillance
que l'un doit exercer sur l'autre (Malek Buffat, Les
incompatibilités, thèse
Lausanne 1987, p. 181/182; Jean Meyer, Les motifs d'inéligibilité et
d'incompatibilité dans le droit communal vaudois, RDAF 1990 p. 138).
Dans
cette optique, le fait que l'une des fonctions ne soit exercée qu'à
titre
accessoire n'est pas déterminant, seule la subordination de l'une à
l'autre
étant décisive du point de vue des incompatibilités. Aussi, l'on ne
saurait
reprocher aux autorités cantonales d'avoir interprété la notion
d'"emplois
communaux" dans un sens large et d'avoir inclus dans ce terme les
fonctions
communales.
Au demeurant, le terme d'"emplois communaux" visé à l'art. 12 al. 2
LCom est
une traduction littérale de la locution allemande "Stellen der
Gemeinde"
utilisée à l'art. 12 al. 2 de la loi sur les communes du canton de
Berne, du
20 mai 1973. Cette expression n'implique pas nécessairement une
activité
salariée et dépendante, mais a un caractère plus général et
fonctionnel (voir
aussi la version française de l'art. 29 al. 2 de la loi bernoise sur
l'organisation communale du 9 décembre 1917, qui recourait au terme de
"places communales"). En outre, la pratique suivie par les autorités
bernoises sous l'empire de cette disposition, aujourd'hui abrogée,
soumettait
au régime d'incompatibilité tous les membres d'une autorité occupant
un
emploi communal (voir notamment JAB 1980 p. 61; Ulrich Zimmerli, Droit
administratif bernois, éd. 1993, p. 43). Les autorités jurassiennes
ne sont
certes pas liées par cette pratique, mais en l'absence de cas
d'application
concrets, il n'était à tout le moins pas infondé de s'en inspirer dans
l'interprétation de l'art. 12 al. 2 LCom, s'agissant d'une disposition
directement reprise de cette législation (cf. ATF 116 Ia 477 consid.
2b p.
481).
On observera enfin que l'incompatibilité litigieuse n'est pas
spécifique au
droit jurassien, mais qu'elle est également consacrée dans d'autres
cantons.
Ainsi, en droit valaisan, les parents en ligne directe du président
de la
municipalité ne peuvent pas exercer la fonction de secrétaire
municipal, sous
réserve de dérogations octroyées par le Conseil d'Etat dans des
circonstances
exceptionnelles (art. 23 de la loi valaisanne sur les
incompatibilités du 11
février
1998). En droit vaudois, le secrétaire de la municipalité ne
peut
être parent ou allié du syndic au degré prohibé pour les conseillers
municipaux, sans dérogation possible (art. 51 de la loi vaudoise sur
les
communes du 28 février 1956).
Le recours est donc mal fondé en tant qu'il s'en prend à
l'interprétation
faite de la notion d'"emplois communaux" utilisée à l'art. 12 al. 2
LCom.
Pour le surplus, le recourant ne conteste pas que la fonction de
secrétaire
communal serait immédiatement subordonnée à celle de maire, au sens
de cette
disposition, de sorte qu'en l'absence de tout grief à ce sujet, le
Tribunal
fédéral n'a pas à trancher d'office cette question (cf. ATF 127 I 38
consid.
3c p. 43 et les arrêts cités).
En définitive, le recours est mal fondé en tant qu'il dénonce une
interprétation prétendument arbitraire du droit cantonal.

2.4 Le recourant soutient que l'art. 12 al. 2 LCom, tel qu'il est
interprété,
serait inconstitutionnel au regard des principes qui doivent présider
à toute
restriction aux droits fondamentaux et serait contraire au droit de
chaque
électeur d'exiger qu'un candidat ne soit pas indûment privé de la
faculté
d'exercer son mandat pour des motifs d'incompatibilité dépourvus de
toute
justification objective; à son avis, le respect de la volonté
populaire
clairement exprimée à l'occasion du scrutin du 4 mars 2001 devrait
l'emporter
sur la règle prévue à l'art. 12 al. 2 LCom, qui reposerait sur une
conception
aujourd'hui dépassée de la famille.
Chaque citoyen a en principe le droit d'être élu et d'assumer la
charge
publique pour laquelle il a été élu. De même, tout citoyen a le droit
d'exiger qu'un candidat élu ne soit pas privé irrégulièrement de la
possibilité d'exercer son mandat électif sur la base de règles
d'incompatibilités qui seraient dénuées de justification objective
(ATF 123 I
97 consid. 1b/dd p. 101/102).
Le secrétaire communal joue un rôle important dans la vie des
communes aux
côtés des membres de l'autorité exécutive. Son pouvoir s'explique
notamment
par le fait qu'il reste en place souvent plus longtemps que les
membres de
l'exécutif communal qui ont, dans un premier temps en tout cas,
recours à
l'expérience du secrétaire. Par ailleurs, en vertu de l'art. 84 LCom,
ce
dernier dispose, sous réserve d'une prescription contraire du
règlement
communal, d'une voie consultative et d'un droit de proposition lors
des
séances du Conseil communal, qui lui permet d'exercer une certaine
influence
sur les affaires de la commune. L'indépendance et l'objectivité du
pouvoir
exécutif proscrit dès lors que des parents soient simultanément
membre et
secrétaire de cette autorité (cf. Buffat, op. cit., p. 192/193).
L'incompatibilité prévue à l'art. 12 al. 2 LCom repose ainsi sur des
motifs
objectifs et n'est pas contraire au droit constitutionnel. Il est
vrai que la
conception de la famille a évolué depuis l'adoption de cette norme,
amenant
le législateur bernois à renoncer à cette règle d'incompatibilité
dans le
cadre de la nouvelle loi sur les communes (cf. Buffat, op. cit., p.
182;
Stefan Müller, Kommentar zum Gemeindegesetz des Kantons Bern, Berne
1999, n.
2 ad art. 37, p. 261/262). Le canton du Valais l'a en revanche
maintenue dans
sa loi sur les incompatibilités adoptée le 11 février 1998,
démontrant ainsi
que l'objectif visé par cette règle conservait encore sa raison
d'être pour
une partie de la population suisse. Pour le surplus, s'agissant d'une
incompatibilité permanente, on ne voit pas quelle mesure moins grave
permettrait d'éviter le risque de collusion ou le manque
d'indépendance qui
sous-tend cette règle.

2.5 Il reste encore à examiner si l'annulation d'office de l'élection
du
recourant au poste de maire est compatible avec les principes
auxquels doit
répondre toute restriction aux libertés publiques.
Selon la jurisprudence, il incombe au législateur de désigner le
parent ou
l'allié qui est autorisé à exercer la fonction publique en cas
d'incompatibilité de parenté (ATF 116 Ia 477 consid. 1a p. 480). En
l'occurrence, l'art. 15 al. 2 LCom prévoit que lorsqu'un nouvel élu se
trouve, à l'égard d'une personne déjà en fonctions, dans un rapport de
parenté entraînant l'incompatibilité au sens de l'art. 12 LCom, son
élection
est nulle si cette personne ne se retire pas. Cette solution est
également
celle qui prévaut pour les incompatibilités à l'échelon cantonal (cf.
art. 11
al. 3 de la loi d'incompatibilité jurassienne du 29 avril 1982) et
dans
d'autres cantons (cf. art. 55 al. 4 de la loi sur les communes et 12
al. 2 de
la loi d'organisation judiciaire du canton de Fribourg; art. 96 de la
loi sur
les communes du canton de Vaud). Dans ce cas, un délai est accordé à
la
personne déjà en fonction pour démissionner, mettant ainsi fin à
l'incompatibilité faisant obstacle à l'élection de son parent.
Certes, il est soutenu en doctrine que la charge de maire devrait être
privilégiée par rapport à la fonction de secrétaire communal, car la
première
est une émanation du vote populaire, alors que la seconde ressortit à
l'organisation de l'administration communale; il appartiendrait ainsi
au
secrétaire communal de quitter ses fonctions (Jean Meyer, op. cit., p.
151/152, qui rejoint sur ce point la position du recourant). Etant
donné la
retenue dont le Tribunal fédéral doit faire preuve dans les modalités
d'exercice du droit de vote et l'aménagement des règles
d'incompatibilité, il
ne saurait imposer cette solution plutôt que celle choisie par le
droit
jurassien consistant à donner un droit d'option à l'employé en place,
partagée par d'autres cantons (ATF 116 Ia 242 consid. 1b in fine p.
245). On
peut d'ailleurs voir dans la nécessité financière de ce dernier de
conserver
son emploi un motif objectif en faveur de la règle adoptée à l'art.
15 al. 2
LCom.

2.6 Le recourant reproche en outre au Service des communes d'avoir
refusé de
faire application de l'art. 13 LCom, qui autorise celui-ci à faire des
exceptions, pour de justes motifs, à la règle posée à l'art. 12 al. 2
LCom.
Les récentes élections communales qui ont eu lieu tacitement
démontreraient,
selon lui, les difficultés rencontrées à X.________ pour recruter des
candidats au Conseil communal.
Selon l'autorité intimée, les justes motifs propres à admettre une
exception
aux règles d'incompatibilité tirées de la parenté peuvent découler de
la
nécessité de garantir le bon fonctionnement de l'administration
communale,
par exemple dans les petites communes confrontées aux difficultés à
trouver
du personnel disponible et compétent pour gérer les affaires
communales ou
des candidats aux postes de responsables politiques. Ainsi, une
exception est
envisageable lorsque l'activité exercée n'exige pas du titulaire de la
fonction qu'il assume une responsabilité particulièrement importante
ou
lorsque le rapport de subordination entre les fonctions déclarées
incompatibles par la loi est faible ou encore lorsque les liens de
parenté
sont lâches. Dans le cas particulier, la Chambre administrative a
considéré
que l'étroitesse du lien familial unissant A.________ à B.________,
l'importance respective des fonctions de maire et de secrétaire
communal et
l'existence d'un rapport de subordination entre ces deux fonctions
impliquaient un risque de collusion suffisamment important pour
renoncer à
déroger à la règle de l'art. 12 al. 2 LCom.
L'intensité des liens de parenté qui unissent les personnes
concernées est un
élément pertinent pour apprécier l'existence de justes motifs propres
à
justifier une dérogation à la règle d'incompatibilité prévue à l'art.
12 al.
2 LCom. Or, d'une manière générale, les rapports entre frères et
soeurs sont
plus intenses que ceux unissant par exemple des cousins, même s'ils
ne vivent
plus sous le même toit; le recourant ne prétend d'ailleurs pas qu'il
entretiendrait de mauvaises relations avec sa soeur, de sorte qu'en
l'absence
d'indices en ce sens, l'autorité intimée pouvait à juste titre
considérer
cette relation comme étroite. De même, elle pouvait également
admettre que la
Commune de X.________, forte plus de 1'200 habitants au 1er janvier
2000,
était en mesure de recruter des candidats compétents et disponibles
pour
assumer la fonction de maire auprès d'une autre personne que celle du
recourant. Ce dernier voit une circonstance propre à établir les
difficultés
rencontrées à X.________ pour rechercher des candidats et, partant, à
justifier une dérogation à l'art. 12 al. 2 LCom dans le fait que
plusieurs
élections au Conseil communal ont eu lieu tacitement; il est douteux
que cet
argument soit recevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ en tant qu'il
repose
sur des éléments de fait qui n'ont pas été invoqués en procédure
cantonale
(ATF 123 I 87 consid. 2b et 2d p. 89; 120 Ia 19 consid. 2c p. 25/26);
quoi
qu'il en soit, une élection tacite ne dénote pas nécessairement un
désintérêt
des citoyens pour la chose publique, mais peut également signifier
que ces
derniers estiment les candidats en place comme suffisamment
compétents pour
continuer à assumer leur charge. Dans une commune qui compte des
partis
politiques régulièrement structurés, il est par ailleurs douteux
qu'aucun
candidat ne puisse être trouvé pour assumer une telle charge.
Les autorités cantonales n'ont donc pas abusé du large pouvoir
d'appréciation
que leur confère l'art. 13 LCom en refusant de faire exception à la
règle de
l'art. 12 al. 2 LCom. Sur ce point, le recours doit également être
rejeté
dans le mesure où il est recevable.

3.
Le recourant reproche au Service des communes d'avoir violé son droit
à
l'égalité de traitement tel qu'il découle de l'art. 8 al. 1 Cst. en
annulant
d'office le scrutin populaire du 4 mars 2001 pour une incompatibilité
qu'il
aurait tolérée dans d'autres communes.

3.1 Il y a inégalité de traitement lorsque, sans motifs sérieux, deux
décisions soumettent deux situations de fait semblables à des règles
juridiques différentes; les situations comparées ne doivent pas
nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude
doit être
établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la
décision à
prendre. Le droit à l'égalité de traitement découlant de l'art. 8 al.
1 Cst.
consiste donc à traiter de manière identique ce qui est semblable et
de
manière différente ce qui est dissemblable (ATF 127 I 49 consid. 3c
p. 52;
125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et l'arrêt cité). Ce principe, qui
s'impose aussi
au législateur, est notamment violé lorsqu'une loi fait des
distinctions ou
introduit des discriminations dans l'exercice et la jouissance des
droits
politiques qui ne reposent sur aucune base objective (ATF 114 Ia 395
consid.
7e p. 406). Par ailleurs, un administré ne peut pas invoquer le
principe de
l'égalité de traitement pour bénéficier d'un traitement accordé
illégalement
à des tiers. En d'autres termes, il n'y a pas d'égalité dans
l'illégalité, à
moins que l'autorité ne refuse de revenir sur sa pratique illégale
(ATF 127 I
1 consid. 3a p. 2/3) et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant
ne s'y
oppose (ATF 123 II 248 consid. 3c p. 254).

3.2 En l'occurrence, les cas auxquels fait référence le recourant
concernent
tous des communes dont la population est inférieure à 400 habitants
et sont
de nature à justifier une exception à la règle d'incompatibilité
prévue à
l'art. 12 al. 2 LCom en raison de la difficulté à trouver assez de
candidats
ne présentant pas de liens de parenté au sein de la population. Ce
critère
n'est d'ailleurs pas propre au canton du Jura (cf. notamment l'art.
50 al. 2
de la loi vaudoise sur les communes, qui autorise l'octroi de
dérogations à
la règle d'incompatibilité entre les fonctions de syndic et de
boursier
communal dans les communes de moins de 400 habitants, en cas de
nécessité
absolue). Pour les motifs évoqués ci-dessus en relation avec le refus
d'appliquer l'art. 13 LCom, il y a lieu d'admettre que ce problème ne
se
rencontre pas dans une commune comptant, à l'instar de celle de
X.________,
plus de 1'200 habitants. Au demeurant, comme le relève à juste titre
l'autorité intimée, les cas cités ne posent pas l'incompatibilité
dans les
mêmes termes, soit parce que les personnes concernées n'ont pas de
liens de
parenté aussi étroits que ceux unissant le recourant à sa soeur, soit
parce
qu'elles occupent des fonctions qui ne sont pas subordonnées l'une à
l'autre,
de sorte que l'on ne saurait en déduire que le Service des communes
tolérerait sciemment et de manière systématique des situations
illégales, de
manière à le lier dans le cas particulier.
Le grief tiré d'une violation du droit à l'égalité de traitement se
révèle
ainsi mal fondé.

4.
Le recourant reproche enfin au Service des communes d'avoir adopté une
attitude contraire aux règles de la bonne foi en l'autorisant à se
présenter
à l'élection au poste de maire, alors que la question d'une éventuelle
incompatibilité de fonction en raison de la parenté lui avait été
soumise,
puis en annulant celle-ci pour ce motif.
Il n'a toutefois pas invoqué ce grief devant la Chambre
administrative. Il ne
prétend pas qu'il aurait été empêché de le faire au cours de la
procédure
cantonale ou que cette dernière autorité n'aurait pas été compétente
pour
examiner ce grief (cf. art. 71 du Code de procédure administrative du
canton
du Jura; voir aussi sur ce point, Robert Zimmermann, Le contrôle
préjudiciel
en droit fédéral et dans les cantons
suisses, thèse Genève 1987, p.
182), de
sorte que le recours est irrecevable sur ce point (cf. ATF 123 I 87
consid.
2b et 2d p. 89; 118 Ia 110 consid. 3 p. 111; 118 III 37 consid. 2a p.
39; 116
Ia 73 consid. 1b p. 74; 114 Ia 204 consid. 1a p. 205). Au demeurant,
supposé
recevable, il serait mal fondé; le Service des communes n'avait en
effet
aucune raison d'interdire au recourant de se présenter à l'élection
au poste
de maire de X.________ puisqu'il suffisait à B.________ de se retirer
de ses
fonctions de secrétaire municipale pour mettre fin à
l'incompatibilité. En
agissant de la sorte, il aurait au contraire violé le droit d'être
élu du
recourant (cf. sur la distinction entre le droit de se présenter à
une charge
publique et le droit d'exercer celle-ci, qui peut être restreint pour
un
motif d'incompatibilité, ATF 116 Ia 477 consid. 1a p. 479/480). Par
courrier
du 31 janvier 2001, il avait du reste averti A.________ du conflit
éventuel
qui pourrait se poser en cas d'élection et ce dernier a maintenu sa
candidature aux élections du 4 mars 2001 en pleine connaissance de
cause. On
observera enfin que le Service des communes n'a pas agi d'office,
mais sur
dénonciation des présidents des sections locales des partis
démocrate-chrétien, chrétien-social indépendant et socialiste et d'un
citoyen
actif de X.________, qui déclarait s'opposer à l'élection du
recourant.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il
est
recevable.
Suivant la pratique qui prévaut en matière de recours de droit public
pour
violation des droits politiques, il n'y a pas lieu de percevoir
d'émolument
judiciaire (cf. art. 154 OJ; ZBl 95/1994 p. 79 consid. 2b). Le canton
du Jura
n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ). Il en va de même de la
Commune de X.________ qui a renoncé à présenter des observations.

Le Tribunal fédéral, prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable;

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens;

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Conseil communal de la Commune de X.________, au Service des communes
ainsi
qu'à la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 11 décembre 2001

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.456/2001
Date de la décision : 11/12/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-11;1p.456.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award