La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2001 | SUISSE | N°I.320/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 décembre 2001, I.320/01


«AZA 7»
I 320/01 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 10 décembre 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par la Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH), place
Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne


A.- A.________ a travaillé depuis le 10 décembre 1984
en qualité de gérante du centre de X.________ (Center-
leiterin) de l'e...

«AZA 7»
I 320/01 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Vallat

Arrêt du 10 décembre 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par la Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH), place
Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ a travaillé depuis le 10 décembre 1984
en qualité de gérante du centre de X.________ (Center-
leiterin) de l'entreprise Y.________ AG. En tant que
responsable pour la Suisse romande, elle effectuait les
travaux liés à la gestion du magasin (mise en rayon,
stockage, nettoyage), le service après-vente (réception des

appareils défectueux, contrôles, petites réparations et
expédition) et assumait les tâches administratives (petite
comptabilité, commandes de pièces détachées et d'appareils,
conseil à la clientèle). Elle percevait à ce titre une
rémunération annuelle de 65 975 fr. Le 9 février 1996, son
employeur a résilié les rapports de travail au 31 décembre
1996, date de la cessation d'exploitation du centre.
Souffrant de douleurs aux hanches depuis 1982,
A.________ a été opérée (pose de prothèses) à droite en
1989, puis à gauche en mars 1996. Ensuite de cette dernière
opération, elle a été totalement incapable de travailler du
19 mars au 3 novembre 1996; elle a ensuite repris son
activité à 50 % du 4 novembre 1996 au 1er décembre 1996,
puis à 100 % jusqu'à l'échéance des rapports de travail.
Depuis lors, elle a bénéficié d'indemnités journalières de
l'assurance-chômage. Engagée le 26 mai 1997 par l'entre-
prise Z.________ SA comme auxiliaire conductrice filtres,
elle a dû interrompre cette activité physiquement trop
pénible le 23 juin 1997; depuis le 1er juin 1997 son
médecin traitant, le docteur B.________, a attesté une
incapacité de travail de 50 %. Par la suite, A.________ a
encore travaillé à temps partiel d'août 1997 au mois de
janvier 1999 comme vendeuse auprès de T.________ SA.
Engagée en dernier lieu à plein temps dans le cadre d'un
programme temporaire d'occupation (R.________), A.________
a dû réduire son activité à 50 % après un mois et demi.
En date du 13 septembre 1996, A.________ a déposé une
demande de prestations de l'assurance-invalidité. Par
décision du 28 mars 2000 l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud (ci-après : l'OAI) a nié le droit de
l'assurée à une rente, au motif que le degré de son
invalidité (37 %), calculé sur la base d'un revenu annuel
d'invalide de 31 000 fr. et d'un revenu sans invalidité de
49 400 fr., correspondant à la rémunération d'une vendeuse
ou d'une responsable de rayon électroménager dans une
grande surface, était insuffisant pour ouvrir le droit à
une rente d'invalidité.

B.- Par jugement du 9 mars 2001, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé
contre cette décision par l'assurée.

C.- Cette dernière interjette recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement. Elle conclut, avec suite de
dépens, à son annulation et à l'octroi d'une demi-rente
d'invalidité.
L'OAI s'est référé au jugement cantonal. L'Office
fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.- a) Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la
diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou
de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé
physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale,
d'une maladie ou d'un accident.
Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une
rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une
demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart
de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI,
prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

b) Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit
être déterminé sur la base d'une comparaison des revenus.
Pour cela, le revenu du travail que l'invalide pourrait
obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du
marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu

obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI). La
comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en
chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces
deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la
différence permettant de calculer le taux d'invalidité
(méthode générale de comparaison des revenus; ATF 104 V 136
consid. 2a et 2b).

2.- a) Pour évaluer le revenu sans invalidité, les
premiers juges ont retenu que la recourante avait perdu son
emploi pour des motifs étrangers à son invalidité
(cessation de l'activité de l'établissement de X.________)
et qu'il était exclu qu'elle pût réaliser auprès d'un autre
employeur un revenu équivalent à celui versé par
Y.________ AG. Ils ont estimé que l'activité décrite par la
recourante correspondait en réalité à une activité de chef
de rayon qui, chez H.________ SA, lui aurait assuré un
revenu annuel de 49 400 fr.

b) Hypothétique, le revenu sans invalidité n'en doit
pas moins être évalué de manière aussi concrète que possi-
ble. C'est pourquoi il convient, en règle générale, de se
référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant
l'atteinte à la santé, qui équivaut normalement à une
prestation de travail correspondante. Pour cette raison, la
preuve de l'existence de circonstances justifiant de
s'écarter du revenu effectivement réalisé est soumise à des
exigences sévères, qu'il s'agisse de l'évaluation du revenu
avec ou sans invalidité et de la preuve de circonstances
justifiant de s'écarter du revenu effectif en faveur ou en
défaveur de l'assuré (arrêt non publié W. du 23 juillet
1999 [I 200/98]; cf. en relation avec l'évaluation du
revenu d'invalide, ATF 117 V 18; 110 V 277 consid. 4c).
La preuve de l'existence de telles circonstances n'est
pas rapportée en l'espèce. D'une part, le salaire versé à
la recourante correspondait, selon son ancien employeur, à

son rendement (réponses au questionnaire pour l'employeur,
du 30 septembre 1996). On ne peut, d'autre part, opérer
aucune déduction, en ce qui concerne la capacité de gain de
la recourante, des termes utilisés par son ancien employeur
qui la désignait tantôt comme «collaboratrice», tantôt
comme «gérante du centre» (Centerleiterin). Par ailleurs,
les seuls renseignements fournis par un unique exploitant
de grande surface de vente au détail ne permettent pas
d'établir que l'ancienne activité de la recourante aurait
correspondu à une activité de vendeuse en électroménager,
voire de chef de rayon, et qu'elle n'aurait pu, de ce chef,
espérer un revenu supérieur à 49 400 fr. l'an. Enfin,
contrairement à l'opinion des premiers juges, l'activité
déployée par la recourante, au bénéfice de l'expérience
acquise durant plus de dix ans et exercée de manière auto-
nome, ne saurait être qualifiée de simple et répétitive
selon la classification de l'Enquête suisse sur la struc-
ture des salaires, si bien que les données économiques
statistiques auxquelles ils se sont référés ne permettent
pas non plus d'étayer la solution à laquelle ils sont
parvenus.
Il n'existe dès lors pas de raison suffisante, en
l'espèce, de ne pas retenir le revenu que la recourante
réalisait chez son ancien employeur comme revenu sans
invalidité, si bien qu'il convient de se référer au salaire
de 65 975 fr. qu'elle percevait auprès de Y.________ AG.

3.- a) En ce qui concerne le revenu d'invalide, les
premiers juges ont considéré, en substance, que la recou-
rante disposait d'une pleine capacité de travail dans une
activité adaptée, exercée en position assise mais permet-
tant de changer de position au moins toutes les demi-heures
et n'exigeant ni le port de charges ni marches prolongées.
Ils ont notamment relevé qu'il n'apparaissait pas à la
lecture du rapport du docteur B.________, du 6 novembre
1998, que l'arthrose évolutive symptomatique des deux

poignets et des doigts dont souffre également la recou-
rante, fût susceptible de l'entraver dans l'exercice d'une
activité de conditionnement ou de montage industriel et
que, compte tenu, par ailleurs, d'une réduction de 25 % de
son rendement dans une telle activité, elle serait en
mesure d'en retirer un gain annuel de 31 000 fr.

b) La cour de céans n'a pas de raison de s'écarter de
cette appréciation. Contrairement à ce que soutient la
recourante, les constatations du docteur B.________ selon
lesquelles lors de travaux de manutention qui durent plus
de deux à trois heures, elle ressent des douleurs aux deux
poignets, irradiant dans les avant-bras jusqu'aux coudes ne
remettent pas en cause sa capacité d'exercer des activités
de conditionnement ou de montage industriel. Selon ce mé-
decin, en effet, seules doivent être évitées les activités
comportant des travaux lourds. Or, bien que manuelles, de
telles activités ne constituent ni des activités de manu-
tention ni des activités lourdes.

c) Il résulte de ce qui précède que le degré
d'invalidité de la recourante doit être fixé à 54,2 %
([67 749.54 - 31 000]/67 749.54), après indexation de son
revenu sans invalidité à l'évolution des salaires nominaux
de 1996 à 2000 (base 1993 = 100; 1996 = 104.1 [Annuaire
statistique de la Suisse 2001, T. 3.4.3.2 p. 204];
2000 = 106.9 [La vie économique 11/2001, T. B 10.4,
p. 102]), ce qui lui ouvre droit à une demi-rente
d'invalidité.

4.- a) Selon l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente
au sens de l'art. 28 LAI prend naissance au plus tôt à la
date à partir de laquelle l'assuré présente une incapacité
de gain durable de 40 pour cent au moins (let. a) ou à
partir de laquelle il a présenté, en moyenne, une incapa-
cité de travail de 40 pour cent au moins pendant une année
sans interruption notable (let. b).

Une incapacité de gain est réputée durable, au sens de
l'art. 29 al. 1 let. a LAI, lorsqu'on ne doit pas s'atten-
dre, selon toute vraisemblance, à une amélioration non plus
qu'à une aggravation de l'état de santé de l'assuré
(art. 29 RAI). Une atteinte de nature labile est considérée
comme relativement stabilisée seulement lorsque son
caractère s'est sensiblement modifié et que, selon toute
vraisemblance, aucune modification notable n'interviendra
dans un avenir proche (ATF 119 V 102 consid. 4a, 111 V 22
consid. 2b; VSI 1999 p. 80 consid. 1a)

b) En l'espèce, l'état de santé de la recourante,
décrit comme stationnaire par son médecin traitant, a
évolué entre le moment de la demande de rente et la
décision du 28 mars 2000 et ne peut être considéré comme
stable. Il convient dès lors d'examiner la question du
début du droit de la recourante à une rente au regard de
l'art. 29 al. 1 let. b LAI.

c) La recourante a été incapable de travailler à 100 %
du 19 mars au 3 novembre, puis à 50 % du 4 novembre au
1er décembre 1996. Elle a toutefois recouvré sa pleine
capacité de travail du 2 décembre 1996 au 31 mai 1997, soit
durant une période excédant largement trente jours
(art. 29ter RAI). Ce n'est, en conséquence, qu'à partir du
1er juin 1997, date à partir de la quelle elle a à nouveau
subi une incapacité de travail de 50 %, que la période de
carence de l'art. 29 al. 1 let. b LAI a commencé à courir,
si bien que la recourante peut prétendre le versement d'une
demi-rente d'invalidité dès le 1er juin 1998 (art. 29 al. 2
LAI).

5.- La recourante, qui obtient gain de cause et s'est
fait assister d'un représentant de la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés, peut prétendre une
indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis; la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du
28 mars 2000 ainsi que le jugement du Tribunal des
assurances du canton de Vaud du 9 mars 2001 sont
annulés.

II. A.________ a droit à une demi-rente d'invalidité dès
le 1er juin 1998.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'office intimé versera à la recourante la somme de
1800 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

V. Le Tribunal cantonal des assurances du canton de Vaud
statuera sur les dépens de première instance, au
regard de l'issue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS/AI/APG,
au Tribunal des assurances du canton de Vaud ainsi
qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 décembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.320/01
Date de la décision : 10/12/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-10;i.320.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award