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10/12/2001 | SUISSE | N°5P.233/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 décembre 2001, 5P.233/2001


«/2»
5P.233/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

10 décembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

D.________, et
S.________,
tous deux représentés par Me Nicolas Jeandin, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 7 juin 2001 par la Commission centrale
des améliorations foncières du canton de GenÃ

¨ve;

(art. 9 Cst.; morcellement d'une parcelle rurale,
réalisation de gage, qualité pour recourir)

Vu les pièces du dossi...

«/2»
5P.233/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

10 décembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

D.________, et
S.________,
tous deux représentés par Me Nicolas Jeandin, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 7 juin 2001 par la Commission centrale
des améliorations foncières du canton de Genève;

(art. 9 Cst.; morcellement d'une parcelle rurale,
réalisation de gage, qualité pour recourir)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- D.________ et S.________ sont copropriétaires,
chacun pour la moitié, de la parcelle n° XXXX, feuille Y, de
la commune de X.________, d'une contenance de 80'827 m2 et
sise en zone agricole.

La part de copropriété de D.________ a été séques-
trée et sa vente a été requise dans le cadre de la poursuite
en validation du séquestre.

L'intégralité de la parcelle fait par ailleurs l'ob-
jet de deux poursuites en réalisation de gage immobilier, di-
rigées contre les susnommés. A la demande de Z.________ SA,
créancière gagiste, l'office des poursuites a entrepris des
démarches aux fins d'obtenir le non-assujettissement de la
parcelle aux règles de la zone agricole. Par décisions des
10
août et 14 septembre 1999, la Commission foncière agricole
(CFA) du canton de Genève a ordonné une division
parcellaire,
la partie résidentielle devant être désassujettie, contraire-
ment aux parties agricoles. Cette autorité a en outre invité
l'office à lui soumettre un projet de mutation parcellaire.

Un premier projet du bureau de géomètres mandaté par
l'office des poursuites a dû être modifié pour tenir compte
des observations du Service de l'agriculture. Le 12 janvier
2000, l'office a une seconde fois saisi la CFA pour qu'elle
donne son aval au nouveau projet du bureau de géomètres du
22
décembre 1999.

Le 18 février 2000, la CFA a prononcé le non-assu-
jettissement de la parcelle n° XXXX, laquelle comprend le
bâtiment d'habitation et ses annexes et constitue une sous-
parcelle qui n'est pas appropriée à l'agriculture.

Par pli recommandé du 25 février 2000, l'office des
poursuites a notifié aux copropriétaires précités copie de
cette décision et de ses annexes, soit notamment le tableau
de mutation provisoire du 22 décembre 1999. Le 29 février
2000, D.________ a fait part à l'office de son souhait de
voir la parcelle n° XXXX, soit la parcelle non-assujettie,
"agrandie à la zone agricole actuelle". Par courrier recom-
mandé du 1er mars 2000, l'office lui a répondu qu'il n'enten-
dait pas remettre en cause la division parcellaire
préconisée
par la CFA. Les intéressés n'ont pas réagi à cette prise de
position de l'office; notamment, ils n'ont pas saisi l'auto-
rité de surveillance.

Le 20 mars 2000, le Service de l'agriculture a déli-
vré l'autorisation de diviser la parcelle n° XXXX, sur la ba-
se du tableau de mutation définitif déposé à sa demande par
le bureau de géomètres le 10 mars précédent.

Par courrier du 24 mai 2000, lesdits copropriétaires
ont sollicité de ce service qu'il lui communique sa
décision,
dont ils n'avaient pas été informés. Elle leur a été transmi-
se par pli du 6 juin 2000 adressé à leur conseil, qui l'a re-
çue le 8 juin suivant.

B.- Le 10 juillet 2000, D.________ et S.________ ont
saisi la Commission centrale des améliorations foncières (ci-
après: la Commission) d'un recours contre cette décision, en
demandant son annulation. Subsidiairement, ils ont proposé
une division de la parcelle différente de celle retenue par
le Service de l'agriculture.

Ils ont parallèlement déposé un recours de droit ad-
ministratif contre la décision de la CFA du 18 février 2000.
L'instruction de ce recours a été suspendue jusqu'à droit ju-
gé dans la procédure susmentionnée.

Par décision du 7 juin 2001, la Commission a déclaré
le recours irrecevable, faute pour les intéressés de
posséder
la qualité pour recourir.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour arbitraire et violation de la garantie de la propriété,
D.________ et S.________ concluent à l'annulation de la déci-
sion du 7 juin 2001.

Des observations n'ont pas été requises.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être
attaquée par une autre voie de droit, le recours de droit pu-
blic est en principe recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.- Les recourants reprochent à l'autorité cantonale
d'avoir commis arbitraire en considérant qu'ils n'avaient
pas
qualité pour recourir, la mise sous main de justice de leur
parcelle ayant entraîné leur dessaisissement.

Ils invoquent aussi à cet égard l'art. 26 Cst. Mais
ce grief de violation de la garantie de la propriété n'a pas
de portée indépendante: tel qu'il est formulé, il se confond
entièrement avec celui de violation de l'art. 9 Cst. et ne
mérite ainsi aucun examen de fond.

a) Selon la jurisprudence, une décision est arbi-
traire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par
l'autorité cantonale de dernière instance que si elle appa-

raît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situa-
tion effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objec-
tifs et en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas
que
les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, en-
core faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat.
En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution que celle adoptée par l'autorité intimée soit conce-
vable, voire préférable (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134;
124 I 247 consid. 5 p. 250, 310 consid. 5a p. 316; 123 I 1
consid. 4a p. 5; 122 I 61 consid. 3a p. 66/67). Sous peine
d'irrecevabilité, le recourant doit, en se fondant sur la dé-
cision attaquée, indiquer avec précision quel point paraît
insoutenable et démontrer en quoi consiste l'arbitraire
(art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les
références).

b) En l'espèce, la qualité pour recourir sur le
plan cantonal est régie par l'art. 60 let. b de la loi gene-
voise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative
(LPA/GE), qui accorde le droit de recours à toute personne
qui est touchée directement par la décision et a un intérêt
personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou
modifiée (let. b). Pour l'essentiel, le texte de cette dispo-
sition est identique à celui de l'art. 103 let. a OJ concer-
nant la qualité pour former un recours de droit
administratif
au Tribunal fédéral. Dans le cadre de l'application du droit
cantonal de procédure, la Commission a considéré que la mise
sous main de justice de la parcelle concernée avait entraîné
le dessaisissement de ses propriétaires. Dès lors, c'était à
l'office des poursuites de prendre les mesures nécessaires
en
vue de sauvegarder le droit des poursuivants à la
réalisation
des droits patrimoniaux des poursuivis, et leur droit à l'af-
fectation du produit de cette réalisation à la satisfaction
de leur prétention. Le dessaisissement du poursuivi provo-
quait en effet l'indisponibilité de ses droits patrimoniaux

et, avec celle-ci, la perte de son pouvoir d'exercer, d'ad-
ministrer et de disposer de ceux-ci. Il s'en suivait que les
intéressés ne possédaient pas la qualité pour recourir
contre
la décision du Service de l'agriculture.

3.- a) Il est exact que la mise sous main de justice
des biens patrimoniaux du poursuivi entraîne son dessaisisse-
ment. La loi ne définit cette notion que par l'énonciation
de
ses effets. En matière de saisie, le principe est posé à
l'art. 96 al. 1 LP, selon lequel il est interdit au
débiteur,
sous menace des peines prévues par la loi (art. 169 CP), de
disposer des biens saisis sans la permission du préposé. Cet-
te indication doit être complétée par l'énumération des tâ-
ches de l'office des poursuites, à savoir, notamment, pour-
voir à la gérance et à la culture de l'immeuble dont le
droit
de propriété est saisi (art. 102 al. 3 LP, 16 ss ORFI), avi-
ser les locataires et fermiers qu'ils ne peuvent s'acquitter
qu'en mains de l'office (art. 102 al. 2 LP, 15 al. 1 let. b
ORFI) et pourvoir à la récolte des fruits de l'immeuble dont
le droit de propriété est saisi (art. 103 al. 1 LP). L'art.
101 al. 1 LP précise en outre que "la saisie d'un immeuble a
l'effet d'une restriction du droit d'aliéner" et impose à
l'office des poursuites de faire annoter cette restriction
au
registre foncier, conformément à l'art. 960 al. 1 ch. 2 CC.
Cette définition est valable pour le séquestre vu le renvoi
de l'art. 275 LP (Pierre-Robert Gilliéron, Le
dessaisissement
du "débiteur" poursuivi dans l'exécution forcée selon la loi
fédérale, du 11 avril 1889, sur la poursuite pour dettes et
la faillite, in Mélanges Vogel, 1991, p. 261). Il en va de
même dans la procédure en réalisation de gage dès la réquisi-
tion de vente, la situation étant alors analogue à celle qui
résulte de la saisie (ATF 120 III 138 consid. 2a p. 140/141;
48 III 63 consid. 2 p. 68 et les dispositions légales ci-
tées); la liste des normes édictées pour la poursuite ordi-
naire par voie de saisie et applicables dans la poursuite en

réalisation de gage contenue dans les art. 155 et 156 LP
n'est d'ailleurs pas exhaustive (P.-R. Gilliéron,
Commentaire
de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la failli-
te, n. 8 et 9 ad art. 155). Le dessaisissement n'implique en
revanche aucun transfert de la titularité du ou des droits
patrimoniaux mis sous main de justice (P.-R. Gilliéron, Com-
mentaire précité, n. 11 et 12 ad art. 96).

b) En considérant que les poursuivis étaient dessai-
sis, au sens de l'art. 96 al. 1 LP, l'autorité cantonale a
implicitement admis que le fait de recourir contre la déci-
sion du Service de l'agriculture constituait un acte de dis-
position. Cette opinion n'apparaît à première vue pas insou-
tenable, dès lors que ce recours concerne les modalités
d'une
mesure - le parcellement - qui porte atteinte à la substance
de l'immeuble et vise en l'occurrence à modifier son usage
(cf. ATF 120 III 138 consid. 2b p. 140). Quoi qu'il en soit,
les recourants ne démontrent pas d'arbitraire à ce sujet.
Ils
se contentent de soutenir que le seul moyen dont ils dispo-
saient pour contester les modalités de morcellement de leur
parcelle consistait à recourir contre la décision du Service
de l'agriculture, ce qu'ils ont fait en temps utile. Cette
affirmation n'est de toute manière pas décisive, car la ques-
tion ne se pose pas en ces termes. Ce qui importe, en effet,
c'est de savoir si les intéressés pouvaient recourir contre
la décision litigieuse sans la permission du préposé de l'of-
fice des poursuites; or les recourants n'abordent pas ce
point. Tout en insistant sur le fait que le dessaisissement
n'influe pas sur la titularité des droits, ils se bornent à
prétendre qu'ils devaient se voir reconnaître un intérêt à
recourir, conformément aux règles de la procédure administra-
tive cantonale, indépendamment des normes relevant de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Une
telle argumentation, de nature essentiellement appellatoire,
ne satisfait manifestement pas aux exigences de motivation

découlant de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Autant qu'il est re-
cevable, le recours se révèle dès lors infondé.

4.- En conclusion, le recours doit être rejeté, dans
la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires seront
par conséquent mis à la charge des recourants, solidairement
entre eux (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met à la charge des recourants, solidairement en-
tre eux, un émolument judiciaire de 3'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re des recourants et à la Commission centrale des améliora-
tions foncières du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 10 décembre 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.233/2001
Date de la décision : 10/12/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-10;5p.233.2001 ?
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