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10/12/2001 | SUISSE | N°5C.38/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 décembre 2001, 5C.38/2001


«/2»
5C.38/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

10 décembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffière: Mme Revey.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

D.________, défendeur et recourant, représenté par Me Pierre
Boivin, avocat à Fribourg,

contre

B.________ SA, demanderesse et intimée, représentée par Me
Louis-Marc Perroud, avocat à Fribourg;

(droit de passage à pied et à char)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1997, B.______...

«/2»
5C.38/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

10 décembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffière: Mme Revey.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

D.________, défendeur et recourant, représenté par Me Pierre
Boivin, avocat à Fribourg,

contre

B.________ SA, demanderesse et intimée, représentée par Me
Louis-Marc Perroud, avocat à Fribourg;

(droit de passage à pied et à char)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1997, B.________ SA a acquis de X.________ les
deux parcelles juxtaposées nos uuu et vvv du registre
foncier
de la Commune de Y.________. Un chemin en ligne droite, sis
sur celles-ci, les sépare des parcelles contiguës nos eee et
ddd appartenant à D.________, fils de M.________. Selon les
extraits du registre foncier, les art. eee et ddd
bénéficient
chacun d'une servitude de passage sur les art. uuu et vvv,
lesquels en sont réciproquement grevés. Le libellé de la ser-
vitude est identique et a la teneur suivante:

CH passage à pied et à char de 4 m de large, en faveur

des nos ddd et eee

D passage à pied et à char de 4 m de large, à charge
des nos uuu et vvv

B.- Par demande du 14 janvier 1998, B.________ SA a ou-
vert action contre D.________. Elle a conclu à ce qu'il soit
constaté que le défendeur ne bénéficie que d'une servitude
permettant de passer à pied et à char sur ses art. uuu et
vvv, à l'exclusion de tout autre véhicule, et que cette ser-
vitude ne profite qu'à l'art. eee, à l'exclusion de l'art.
ddd. La société a en outre requis la modification correspon-
dante du registre foncier, à savoir la radiation de la ser-
vitude de passage inscrite en faveur de l'art. ddd. Elle a
encore demandé qu'interdiction soit faite au défendeur, sous
la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, de passer sur
le chemin actuellement utilisé au moyen de véhicules automo-
biles. Enfin, elle a conclu à ce que la haie de thuyas et
les
sapins plantés en limite soient enlevés. D.________ a conclu
au rejet de la demande. Statuant le 16 juin 1999, le
Tribunal
civil de l'arrondissement de la Sarine a rejeté l'action et
mis les dépens à charge de la demanderesse.

C.- a) Par arrêt du 11 décembre 2000, la Ie Cour
d'appel
du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a partiellement
admis le recours interjeté par la demanderesse et a réformé
le jugement attaqué comme suit:

"I.1 Il est constaté que l'assiette de la servitude de
passage à pied et à char de 4 m de large grevant
les art. uuu et vvv RF de la Commune de Y.________
en faveur de l'art. eee RF de la Commune de
Y.________ longe la limite nord-ouest de l'art.
uuu
et de l'art. vvv jusqu'au point polygone z et que
cette servitude permet l'accès à l'art. eee à pied
et au moyen de tous véhicules automobiles.

Partant, le chef de conclusions tendant à ce qu'in-
terdiction soit faite à D.________ d'utiliser
cette
servitude au moyen de véhicules automobiles est re-
jeté.

2 Il est constaté que l'assiette de la servitude de
passage à pied et à char de 4 m de large grevant
les art. uuu et vvv RF de la Commune de Y.________
en faveur de l'art. ddd RF de la Commune de
Y.________ longe la limite nord-ouest de l'art.
uuu
et de l'art. vvv sur toute sa longueur et que
cette
servitude ne permet l'accès à l'art. ddd qu'à pied
et à char.

Partant, interdiction est faite à D.________ d'uti-
liser cette servitude au moyen de véhicules automo-
biles.

Le chef de conclusions tendant à la rectification
du registre foncier est rejeté.

3 (...) (haie de thuyas)

II. (...) (règlement des frais et dépens)"

b) La Cour d'appel a notamment retenu les faits sui-
vants:

En 1962, la Commune de Y.________ a vendu à M.________
l'art. ddd (ci-après art. ddd ancien) puis, en 1967, une
surface détachée d'un art. fff ancien, qui fut alors réunie
à
l'art. ddd ancien. Cette opération a engendré l'art. ddd

agrandi, dont D.________ est devenu propriétaire ultérieure-
ment. En 1993, celui-ci a fait diviser l'art. ddd agrandi,
ce
qui a créé l'art. ddd actuel d'une part et l'art. eee
d'autre
part. De son côté, X.________ a acquis l'art. uuu puis, en
1967, la parcelle voisine n° vvv (ci-après art. vvv ancien),
à laquelle il a réuni l'art. www, toujours en 1967, pour
constituer l'art. vvv actuel.

Les art. uuu et vvv ancien étaient grevés d'une servi-
tude de passage "à pied et à char" en faveur des art. ddd et
fff anciens. En 1967, T._________, notamment, a signé un ver-
bal de modification du 17 juillet 1967 (n° 333/12'291), qui
a
complété le libellé de la servitude par la mention "de 4 m
de
large selon plan". Sur le plan, la servitude a été dessinée
le long de l'art. uuu et de l'art. vvv ancien jusqu'au point
polygone z (qui marquait la limite de cet art. vvv ancien).
Après agrandissement des art. ddd et vvv, M.________ et
T.________, notamment, ont signé un second verbal de modifi-
cation du 17 juillet 1967 également (n° 335/12'293), par le-
quel la servitude en cause a été inscrite à charge de l'art.
vvv, en faveur de l'art. ddd agrandi. Sur le plan, elle a
été
dessinée jusqu'à la nouvelle extrémité de l'art. vvv
(commune
à l'art. ddd agrandi), sur toute sa longueur, donc bien au-
delà du point polygone z.

En 1972, pour des motifs inconnus, la mention "selon
plan" a été barrée. Le tracé de la servitude a ainsi disparu
du plan cadastral.

Le père du défendeur, qui était géomètre, avait acquis
l'art. ddd ancien en 1962 comme terrain à bâtir. En 1969, il
y avait construit un chalet en bois, dans lequel il entre-
posait des bornes et le matériel nécessaire à son bureau de
géomètre. A l'époque, on accédait déjà à ce chalet au moyen
de véhicules automobiles. Ensuite de la division de l'art.
ddd agrandi survenue en 1993, le chalet s'est retrouvé sur
la

nouvelle parcelle eee. Plus tard, D.________ a érigé une
villa avec garage sur cet art. eee et a déplacé le chalet
sur
la parcelle ddd actuelle, en zone à bâtir. Il accède à sa
villa en voiture en empruntant le chemin de servitude, qui
traverse l'art. uuu, puis suit sur quelques mètres la limite
entre les art. eee et vvv jusqu'à l'endroit où l'on peut
tourner à droite pour entrer sur l'art. eee. L'accès à
l'art.
ddd se fait également par le chemin de servitude litigieux,
qui n'est pas aménagé, mais carrossable.

B.________ SA a entamé la construction de deux
bâtiments
sur l'art. vvv. Le 26 avril 1999, la société a revendu la
parcelle uuu à des tiers.

c) En droit, les juges cantonaux ont interprété l'as-
siette et le contenu de la servitude litigieuse en se réfé-
rant aux art. 738 et 739 CC. Ils ont considéré ce qui suit:

L'assiette de la servitude n'était plus déterminée,
étant donné la suppression de la mention "selon plan" et la
disparition de son tracé du plan cadastral. En conséquence,
elle s'exerçait sur l'entier des parcelles uuu et vvv. Elle
devait toutefois être exercée de la manière la moins domma-
geable en application de l'art. 737 al. 2 CC et pourrait
ainsi être déplacée en vertu de l'art. 742 al. 1 CC pour
tenir compte de projets de construction.

Pour définir le contenu de la servitude, il n'y avait
pas lieu de tenir compte de la volonté subjective des
parties
l'ayant modifiée en 1967 et 1972, car celles-ci ne partici-
paient pas au litige actuel. Seule était ainsi déterminante
la volonté objective selon le principe de la confiance. Les
deux fonds dominants devaient être examinés séparément, car
leurs circonstances de droit et de fait divergeaient. En
substance, il convenait dès lors de traiter, d'une part,
l'art. eee jusque peu après le point polygone z (soit une

surface correspondant à l'art. ddd ancien) et, d'autre part,
le solde de l'art. eee ajouté à l'art. ddd actuel (soit une
surface équivalant à la parcelle détachée en 1967 de l'art.
fff ancien pour former l'art. ddd agrandi).

En 1969, l'art. ddd ancien, alors englobé dans l'art.
ddd agrandi, supportait l'ancien chalet, auquel on accédait
déjà au moyen de véhicules automobiles. Objectivement, les
parties avaient donc en vue cette utilisation en signant le
verbal de modification de 1967, puis en barrant la mention
"selon plan" en 1972, bien qu'elles n'aient pas modifié le
libellé "à pied et à char". Certes, le chalet avait été rem-
placé depuis par une villa familiale avec garage, mais cela
n'entraînait pas une aggravation de la servitude. Il fallait
ainsi conclure que la servitude litigieuse en faveur de
l'art. eee permet l'accès à la villa à pied et au moyen de
tous véhicules automobiles, son assiette longeant la limite
nord-ouest de l'art. uuu et vvv jusqu'au point polygone z.

S'agissant de la parcelle détachée en 1967 de l'art.
fff
ancien, il fallait retenir en bref que la servitude grevant
les art. uuu et vvv en sa faveur, modifiée en 1967 et 1972,
n'avait pas été constituée dans le but de desservir une sur-
face bâtie au moyen de véhicules automobiles; elle n'avait
du
reste pas été utilisée de la sorte. Dans ces conditions, la
demanderesse n'avait pas à supporter la charge accrue qui
résulterait d'un changement de destination de cette
parcelle,
ce qui serait le cas si elle était aménagée pour y
construire
des villas ou des locatifs. Il fallait ainsi conclure que la
servitude litigieuse en faveur de l'art. ddd ne permet l'ac-
cès à ce dernier qu'à pied et à char, à l'exclusion de tous
véhicules automobiles, son assiette longeant la limite nord-
ouest de l'art. uuu et vvv sur toute sa longueur.

Par ailleurs, il convenait de relever que B.________ SA
n'avait jamais allégué sa bonne foi dans sa demande, de
sorte
qu'elle ne pouvait plus s'en prévaloir.

D.- D.________ interjette un recours en réforme au Tri-
bunal fédéral contre l'arrêt du 11 décembre 2000. Il
conclut,
avec suite de frais et dépens, à son annulation partielle
ainsi qu'à sa réforme: principalement, il demande l'annula-
tion des chiffres I.1 et I.2 et leur réforme en ce sens
qu'il
est constaté que l'assiette de la servitude de passage à
pied
et à char de 4 m de large grevant les art. uuu et vvv en fa-
veur des art. eee et ddd longe la limite nord-ouest des art.
uuu et vvv sur toute sa longueur et que cette servitude per-
met l'accès aux art. eee et ddd à pied et au moyen de tous
véhicules automobiles; partant, le chef de conclusions ten-
dant à ce qu'interdiction lui soit faite d'utiliser cette
servitude au moyen de véhicules automobiles doit être
rejeté.
Pour le surplus, il requiert en substance de confirmer le
solde du ch. I.2 et le ch. I.3. Il demande encore que les
dépens de première instance et de seconde instance soient
mis
à la charge de l'intimée. Subsidiairement, il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de l'affaire à
l'instance cantonale pour complément d'instruction et
nouveau
jugement.

L'intimée conclut, avec suite de frais et dépens, au
rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2
p. 202; 127 III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).

a) Interjeté en temps utile contre une décision finale
prise en dernière instance cantonale, dans une contestation
civile dont la valeur litigieuse a été évaluée à 32'000 fr.,
le recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et
54 al. 1 OJ.

b) Les dépens des instances cantonales ne sont pas
régis
par le droit fédéral. Le recours est donc irrecevable dans
la
mesure où le recourant cherche à en obtenir de l'intimée
(cf.
art. 43 al. 1 OJ). Toutefois, une telle conclusion peut être
interprétée comme une conséquence de l'admission du recours
(cf. art. 159 al. 6 OJ).

c) Dans la mesure où les conclusions du recourant ten-
dent à la confirmation de l'arrêt attaqué, elles sont irrece-
vables, la Cour de céans ne statuant que sur les modifica-
tions demandées de l'arrêt attaqué (art. 55 al. 1 let. b OJ).

d) L'intimée a la qualité pour défendre, bien qu'elle
ait vendu la parcelle n° uuu après l'ouverture de la procé-
dure. En effet, savoir si l'aliénateur conserve la qualité
pour agir ou pour défendre est une question régie par le
droit de procédure cantonal, lorsque la vente intervient
avant la notification de l'arrêt attaqué (Jean-François
Poudret/Suzette Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. 2, Berne 1990, n. 1.3.2.4 ad
art. 43 et n. 3 ad art. 53). Or, l'arrêt attaqué reconnaît
expressément à l'intimée la qualité pour agir à l'égard de
la
parcelle vendue n° uuu.

2.- Le recourant soutient que certaines constatations
de
fait de l'arrêt attaqué reposent sur une inadvertance mani-
feste commise par la Cour d'appel (art. 63 al. 2 OJ). Un tel
grief n'est recevable que si son admission a une influence
sur l'issue de la procédure. Tel n'est pas le cas en l'occur-
rence, dès lors que, conformément aux consid. 3 et 4 ci-

dessous, les faits qui ne sont pas remis en cause par le re-
courant conduisent de toute façon à admettre le recours.

3.- Le recourant dénonce notamment la violation de
l'art. 738 CC en reprochant aux juges cantonaux d'avoir exa-
miné séparément le contenu de la servitude en faveur de
l'art. eee de celui de la servitude en faveur de l'art. ddd
actuel. D'après lui, l'assiette des servitudes
grevant les
art. uuu et vvv actuel en faveur des art. eee et ddd actuel
s'étend jusqu'à l'extrémité de l'art. vvv actuel. En outre,
ces servitudes permettent d'accéder en véhicules automobiles
tant à l'art. eee qu'à l'art. ddd actuel.

a) Selon l'art. 730 al. 1 CC, la servitude est une char-
ge imposée sur un immeuble en faveur d'un autre immeuble et
qui oblige le propriétaire du fonds servant à souffrir, de
la
part du propriétaire du fonds dominant, certains actes d'usa-
ge notamment. La servitude est indivisible (Peter Liver, Die
Grunddienstbarkeiten [Art. 730-744 ZGB], in Commentaire zuri-
chois, 3e éd., 1980, n. 47 ad art. 730).

b) Toute servitude inscrite au feuillet d'un immeuble
grève celui-ci dans son entier. Certaines servitudes cepen-
dant, notamment le droit de passage, ne s'exercent que sur
une partie de l'immeuble grevé. La localisation de cet exer-
cice, c'est-à-dire l'assiette de la servitude, peut résulter
de l'exercice effectif de celle-ci, de son contrat constitu-
tif ou encore du plan cadastral sur lequel ses limites exac-
tes peuvent figurer (Liver, op. cit., n. 2 s. ad art. 742).

c) A teneur de l'art. 743 al. 1 CC, si le fonds
dominant
est divisé, la servitude reste due, dans la règle, à chaque
parcelle. Ce maintien de la servitude intégrale au profit de
toutes les parcelles est la conséquence du principe de l'in-
divisibilité des servitudes. Ainsi, la division du fonds do-
minant engendre une multiplication de la servitude. Ceci
vaut

tout particulièrement pour les servitudes indéterminées
telles que le droit de passage (Josette Moullet Auberson, La
division des bien-fonds, thèse, Fribourg 1993, p. 110 ss;
Liver, op. cit., n. 46 s. ad art. 730 et n. 23 ad art. 743;
Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, vol. II, 2e éd., Ber-
ne 1994, n. 2311a). Pour connaître le contenu et l'étendue
des servitudes après la division du fonds dominant, il y a
lieu de se référer à la servitude originaire et
d'interpréter
celle-ci en application des art. 737 et 738 CC (Liver, op.
cit., n. 24 ad art. 743). Les servitudes au profit des par-
celles issues de la division sont ainsi nécessairement iden-
tiques à la servitude qui bénéficiait au fonds dominant
avant
sa division; elles sont également identiques entre elles. La
multiplication de la servitude originaire ne doit toutefois
pas engendrer une aggravation de la charge subie par le
fonds
grevé (Liver, op. cit., n. 46 ad art. 730).

d) D'après l'art. 738 al. 1 CC, pour déterminer le con-
tenu d'une servitude, l'inscription fait règle, en tant
qu'elle désigne clairement les droits et les obligations en
dérivant. L'inscription étant très sommaire, il est souvent
nécessaire de recourir à d'autres éléments (Steinauer, op.
cit., n. 2292). Selon l'alinéa 2 de la disposition précitée,
le contenu de la servitude peut alors être précisé, dans les
limites de l'inscription, soit par son origine, soit par la
manière dont la servitude a été exercée pendant longtemps,
paisiblement et de bonne foi.

Par origine de la servitude, on entend le titre d'acqui-
sition, à savoir en général le contrat constitutif déposé
comme pièce justificative au registre foncier (Steinauer,
op.
cit., n. 2294). Ce titre doit être interprété de manière ob-
jective selon la théorie de la confiance lorsque les parties
en cause ne sont plus celles qui étaient parties à l'acte
constitutif de la servitude. Pour déterminer le contenu de
la
servitude, on prend aussi en considération le but connu ou

raisonnablement supposé de la constitution de la servitude
(Liver, op. cit., n. 96 ad art. 738; Paul Piotet, Les droits
réels limités en général, les servitudes et les charges fon-
cières, in Traité de droit privé suisse, vol. V,1,3,
Fribourg
1978, p. 64 s.).

4.- a) Les parcelles eee et ddd actuelle résultent de
la
division de l'art. ddd agrandi. Ce dernier bénéficiait, de-
puis 1967, d'une servitude de passage à pied et à char de
4 m de large, à charge des art. uuu et vvv actuel. En 1993,
lors de la division de l'art. ddd agrandi, la servitude de
passage à pied et à char de 4 m de large a été inscrite sur
les feuillets des art. eee et ddd actuel comme droit à
charge
des art. uuu et vvv actuel et, réciproquement, sur les feuil-
lets des art. uuu et vvv actuel comme charge en faveur des
art. eee et ddd actuel. L'arrêt attaqué ne mentionne pas que
ces servitudes auraient été modifiées depuis 1993. La servi-
tude restant due à chaque parcelle résultant de la division
du fonds dominant (art. 743 al. 1 CC; cf. supra, consid.
3c),
force est de retenir en l'espèce que la servitude de passage
bénéficiant à l'art. eee et celle en faveur de l'art. ddd
actuel demeurent toutes deux identiques à la servitude origi-
naire de passage à pied et à char de 4 m de large qui profi-
tait à l'art. ddd agrandi à charge des art. uuu et vvv
actuel; elles sont au surplus identiques l'une à l'autre.

La résolution du présent litige exige ainsi d'examiner
l'assiette et le contenu de la servitude qui bénéficiait à
l'art. ddd agrandi. En omettant de procéder à cet examen,
l'autorité cantonale a violé le droit fédéral.

b) De 1967 à 1972, l'assiette de la servitude était
constituée par le chemin de servitude situé sur les art. uuu
et vvv, longeant l'art. ddd agrandi jusqu'à l'extrémité de
l'art. vvv, comme dessiné sur les plans mentionnés par les
deux verbaux de modification de 1967. Il ne ressort pas de

l'arrêt attaqué que l'exercice de la servitude aurait été
déplacé par la suite, notamment en raison du biffage, en
1972, de la mention "selon plan" et de la radiation subsé-
quente du tracé sur le plan cadastral. Au contraire, la Cour
d'appel retient que l'accès aux parcelles eee et ddd se fait
encore par le chemin de servitude. L'assiette d'une
servitude
pouvant découler de son exercice (cf. supra consid. 3b), il
y
a lieu d'admettre en l'espèce que celle de la servitude béné-
ficiant à l'art. ddd agrandi est demeurée celle dessinée en
1967. La servitude restant due à chaque parcelle résultant
de
la division du fonds dominant, il faut constater en l'occur-
rence que l'assiette des servitudes de passage bénéficiant
aux art. eee et ddd correspond à celle indiquée sur le plan
cadastral en 1967, à savoir le long de la limite nord-ouest
des art. uuu et vvv jusqu'à l'extrémité de ce dernier.

c) Quant au contenu de la servitude, le litige porte
sur
la question de savoir si le terme "char" englobe ou non les
véhicules automobiles.

Le libellé de la servitude qui bénéficiait à l'art. ddd
agrandi, soit "passage à pied et à char de 4 m de large",
n'est pas clair. D'un côté, il ne signifie pas que le droit
de passage est restreint à une utilisation agricole, mais
d'un autre côté, il n'exclut pas le trafic automobile. Le
fait que ce libellé n'ait pas été modifié lors de la
division
du fonds dominant en 1993 ou de la vente des fonds servants
en 1997 ne contribue pas à l'éclaircir, ni dans un sens, ni
dans un autre.

L'origine de la servitude est constituée par les deux
verbaux de modification du 17 juillet 1967. Le premier vise
à
élargir à 4 m de large le droit de passage à pied et à char
bénéficiant à l'art. ddd ancien à charge des art. uuu et vvv
ancien jusqu'à la limite de celui-ci, soit le point polygone
z, et se réfère à l'indication de son tracé sur le plan

cadastral. Le second tend à prolonger cette servitude au pro-
fit de l'art. ddd agrandi, à charge de l'art. vvv agrandi
jusqu'à l'extrémité de ce dernier, soit bien au-delà du
point
polygone z; il mentionne également le tracé de cette prolon-
gation sur le plan cadastral.

Il reste à examiner le but des modifications
introduites
par ces deux verbaux. S'agissant de l'élargissement, on peut
supposer raisonnablement qu'il avait pour objectif d'adapter
la servitude à des moyens plus modernes de transport. Ce der-
nier point est confirmé par la manière dont la servitude a
été exercée dès 1969 (deux ans plus tard), soit en utilisant
des véhicules automobiles pour accéder au chalet alors sis
sur l'actuel art. eee. Aujourd'hui encore du reste, l'accès
à
l'art. eee se fait en véhicule automobile par le chemin de
servitude. Quant à la prolongation de la servitude au-delà
du
point polygone z, une personne raisonnable conçoit qu'elle
visait à rendre l'art. ddd agrandi accessible jusqu'à son
terme. En effet, la servitude existante permettait déjà d'en-
trer sur une partie de cette parcelle, soit jusqu'au point
polygone z. Par ailleurs, la prolongation comptant également
4 m de large, cela signifie raisonnablement qu'elle était
tout autant destinée à permettre le trafic automobile, sans
quoi le maintien d'un tel élargissement sur la prolongation
n'aurait guère de sens.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, dans son
contenu, la servitude de passage à pied et à char
bénéficiant
à l'art. ddd agrandi a été conçue en 1967 pour permettre le
passage à pied et au moyen de tous véhicules automobiles. La
division du fonds dominant ayant pour effet de multiplier la
servitude au profit de chaque parcelle, il sied de
considérer
en l'occurrence que les servitudes de passage à pied et à
char de 4 m de large bénéficiant à l'art. eee ainsi qu'à
l'art. ddd actuel consistent de même en un droit de passage
à
pied et au moyen de tous véhicules automobiles.

d) En conclusion, l'assiette de la servitude de passage
à pied et à char de 4 m de large grevant les art. uuu et vvv
en faveur des art. eee et ddd longe la limite nord-ouest des
art. uuu et vvv sur toute leur longueur, étant précisé que
cette servitude permet l'accès aux art. eee et ddd à pied et
au moyen de tous véhicules automobiles.

Par ailleurs, cette interprétation ne se heurte pas à
l'art. 973 CC (effet de l'inscription à l'égard des tiers de
bonne foi), dès lors que la Cour d'appel a explicitement
constaté que l'intimée n'avait jamais invoqué sa bonne foi
dans sa demande.

5.- Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans
la mesure où il est recevable et la cause renvoyée à l'auto-
rité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et
dépens
de la procédure cantonale (art. 159 al. 6 OJ). La charge des
frais et dépens de l'instance fédérale incombe à l'intimée
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Admet le recours dans la mesure où il est
recevable,
et réforme les chiffres I/1 et I/2 en ce sens qu'il est cons-
taté que l'assiette de la servitude de passage à pied et à
char de 4 m de large grevant les art. uuu et vvv RF de la
Commune de Y.________ en faveur des art. eee et ddd RF de la
Commune de Y.________ longe la limite nord-ouest des art.
uuu
et vvv sur toute leur longueur, étant précisé que cette ser-
vitude permet l'accès aux art. eee et ddd à pied et au moyen
de tous véhicules automobiles.

2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle
décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

3. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.,
b) une indemnité de 5'000 fr. à payer au
recourant à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de
l'Etat de Fribourg.

__________

Lausanne, le 10 décembre 2001
RED/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.38/2001
Date de la décision : 10/12/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-10;5c.38.2001 ?
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