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10/12/2001 | SUISSE | N°1E.18/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 décembre 2001, 1E.18/2001


{T 0/2}
1E.18/2001/col

Arrêt du 10 décembre 2001
Ire Cour de droit public

Les Juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Catenazzi,
greffier Jomini.

A.________,
B.________,
C.________,
D.________,recourants,
tous les quatre représentés par Me Jacques Philippoz, avocat, case
postale
44, 1912 Leytron,

contre

SA L'Energie de l'Ouest-Suisse, 1001 Lausanne, intimée, représentée
par Me
Chantal Ducrot, avocat

e, rue de la Moya 1, 1920 Martigny,
Commission fédérale d'estimation du 3ème arrondissement, c/o Me
Alphonse-Marie Veuthey, case...

{T 0/2}
1E.18/2001/col

Arrêt du 10 décembre 2001
Ire Cour de droit public

Les Juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Catenazzi,
greffier Jomini.

A.________,
B.________,
C.________,
D.________,recourants,
tous les quatre représentés par Me Jacques Philippoz, avocat, case
postale
44, 1912 Leytron,

contre

SA L'Energie de l'Ouest-Suisse, 1001 Lausanne, intimée, représentée
par Me
Chantal Ducrot, avocate, rue de la Moya 1, 1920 Martigny,
Commission fédérale d'estimation du 3ème arrondissement, c/o Me
Alphonse-Marie Veuthey, case postale 1036, 1870 Monthey.

décision incidente, expertise

(recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
d'estimation du 3ème arrondissement du 13 décembre 2000)

Faits:

A.
Une procédure d'expropriation a été ouverte en 1997 à la requête de la
société anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse (ci-après: la société
EOS), afin
de lui permettre d'acquérir les droits nécessaires au passage des
conducteurs
d'une nouvelle ligne électrique aérienne (artère 380/132 kV EOS-CFF
Saint-Triphon - Chamoson) sur une parcelle, à Saint-Maurice, dont sont
propriétaires, respectivement usufruitiers, A.________, B.________,
C.________ et D.________, épouse de ce dernier (constitution d'une
servitude
de passage d'une durée limitée à cinquante ans).

A.________ et consorts (les expropriés) se sont opposés à
l'expropriation. Le
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie
et de la
communication (DETEC) a statué à ce sujet le 22 juin 1998; par sa
décision,
il a accordé le droit d'expropriation à la société EOS, en rejetant
l'opposition. Les expropriés ont formé un recours de droit
administratif
contre cette décision, que le Tribunal fédéral a rejeté par un arrêt
rendu le
9 novembre 1999 (cause 1E.13/1998). Au cours de l'instruction de cette
affaire, la société EOS a produit divers rapports sur les nuisances
de la
ligne électrique: l'un, du 16 avril 1999, établi par l'Inspection
fédérale
des installations à courant fort (IFICF), relatif notamment à des
mesures des
champs électromagnétiques; un autre, émanant du Bureau d'ingénieurs
Y.________, à Lausanne, concernant le bruit de l'installation
(rapport final
de l'expertise acoustique).

D'autres analyses des immissions produites par la ligne électrique
ont été
effectuées dans le cadre de l'étude de l'impact sur l'environnement, à
l'occasion de la procédure préalable d'approbation des plans.

B.
La procédure d'estimation a été ouverte après le prononcé du
Département
fédéral sur l'opposition (art. 57ss de la loi fédérale sur
l'expropriation,
LEx - RS 711). La Commission fédérale d'estimation du 3ème
arrondissement a
entendu les parties lors d'une séance sur place le 13 décembre 2000.
A cette
audience, les expropriés ont demandé à la Commission fédérale
d'ordonner une
nouvelle expertise des nuisances de la ligne électrique, en
contestant le «
caractère neutre » de l'IFICF.

La Commission fédérale a rendu le jour même une décision incidente
sur cette
requête; elle l'a rejetée, en mettant les frais de la procédure, par
1'200
fr., à la charge des expropriés. Elle a considéré, en substance, que
l'indépendance de l'IFICF avait déjà été reconnue par le Tribunal
fédéral
dans son arrêt du 9 novembre 1999 relatif à l'opposition à
l'expropriation
(cause 1E.13/1998).

Cette décision a été notifiée aux parties le 26 septembre 2001.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, les expropriés
demandent au Tribunal fédéral d'admettre leur requête de nomination
d'un
expert neutre statuant sur les nuisances des champs
électromagnétiques et du
bruit acoustique, et de dire que les frais de procédure et de
décision sont
mis à la charge de la société EOS, expropriante.

La société EOS conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est
recevable.

La Commission fédérale n'a pas répondu au recours.

D.
Les recourants demandent l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée est une décision incidente. Le recours de droit
administratif étant recevable, dans la procédure d'expropriation,
contre la
décision finale de la Commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1
LEx),
il l'est également contre les décisions incidentes prises par cette
autorité,
pour autant qu'elles puissent causer au recourant un préjudice
irréparable
(art. 101 let. a OJ et art. 97 OJ en relation avec les art. 5 et 45
al. 1 PA;
ATF 127 II 132 consid. 2a p. 136; 125 II 613 consid. 2a p. 619 et les
arrêts
cités). En droit administratif fédéral, la possibilité d'un tel
préjudice
doit être admise lorsque la décision incidente porte sur le refus
d'admettre
des preuves (cf. art. 45 al. 2 let. f PA), en l'occurrence sur le
refus
d'ordonner une expertise requise par les expropriés.

Le recours a été formé dans le délai légal de dix jours dès la
notification
de la décision attaquée (art. 106 al. 1 OJ). Les autres conditions de
recevabilité des art. 97ss OJ sont remplies et il y a lieu d'entrer en
matière.

2.
La requête des expropriés lors de l'audience de la Commission
fédérale, telle
qu'elle a été transcrite dans la décision attaquée, tendait à ce
qu'une
expertise soit ordonnée afin qu'un nouvel expert, neutre, se prononce
- de
façon plus précise que ce qu'avaient fait les précédents experts ou
autorités
spécialisées - sur les immissions causées par l'installation de
l'expropriante. D'après le dossier transmis au Tribunal fédéral, cette
requête n'a pas été déposée par écrit. En l'absence d'un
procès-verbal de
l'audience du 13 décembre 2000, le contenu de cette requête ressort
uniquement de la transcription qui en a été faite dans la décision
attaquée.
Il apparaît ainsi que la Commission fédérale avait à se prononcer, à
titre
préalable, sur la nécessité d'une nouvelle expertise parce que les
expropriés contestaient l'impartialité des auteurs des rapports
d'expertise,
ou des rapports techniques, déjà produits dans le cadre de la
procédure
d'expropriation. Cette autorité n'a donc pas rendu une décision de
clôture de
l'instruction et elle ne s'est pas prononcée, de manière générale, sur
l'administration des preuves. En d'autres termes, la décision attaquée
n'empêche pas les parties d'offrir des moyens de preuve sur l'un ou
l'autre
point déterminant, tant que l'instruction est ouverte; elle se borne à
rejeter une demande d'expertise, portant sur l'ensemble des nuisances
de
l'installation - y compris sur des points déjà traités et examinés
dans la
phase de l'opposition à l'expropriation -, motivée par une prétendue
absence
de neutralité de rapports techniques figurant au dossier.

A lire le recours de droit administratif, on ne voit pas en quoi la
neutralité, ou l'impartialité, du Bureau d'ingénieurs Y.________,
auteur d'un
rapport d'expertise acoustique, serait mise en cause. Seule
l'Inspection
fédérale des installations à courant fort (IFICF) est critiquée de ce
point
de vue, les recourants faisant valoir que cet organisme, tout en
ayant la
fonction d'autorité de surveillance et de contrôle des installations
électriques (art. 1 al. 1 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur
l'Inspection
fédérale des installations à courant fort, RS 734.24), est un service
spécial
de l'Association suisse des électriciens (art. 1 al. 2 de l'ordonnance
précitée). Les recourants mentionnent à ce propos différents éléments
relatifs à l'organisation administrative et technique de l'IFICF,
notamment
pour les affaires qu'elle doit traiter en Suisse romande. Or le
Tribunal
fédéral, saisi de critiques analogues de la part des mêmes
recourants, a déjà
considéré, dans son arrêt du 9 novembre 1999 précité, que pareils
motifs ne
justifiaient pas une mise en doute de l'indépendance et de
l'impartialité de
l'IFICF (consid. 3c de cet arrêt, p. 15). La Commission fédérale, qui
a
refusé la requête en se fondant précisément sur cette jurisprudence,
sur
laquelle il n'y a pas lieu de revenir, n'a manifestement pas violé le
droit
fédéral (cf. art. 104 let. a OJ).

3.
Les recourants, qui invoquent les garanties générales de procédure de
la
Constitution fédérale (en l'occurrence l'art. 4 aCst.) et de la
Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales
(art. 6 par. 1 CEDH), ainsi que des règles des lois fédérales sur la
procédure administrative et sur la procédure civile en matière
d'expertise
(art. 12 et 19 PA, art. 57ss PCF), critiquent les conditions
d'établissement
des rapports précités de l'IFICF et du Bureau d'ingénieurs Y.________,
déposés par l'expropriante sans qu'ils aient pu être préalablement
entendus
sur le choix des experts ou les questions à traiter. Or tel n'est
manifestement pas l'objet de la présente procédure incidente. C'est à
l'occasion de la procédure d'opposition à l'expropriation que ces
griefs
auraient, éventuellement, pu être formulés.

4.
Les recourants critiquent, à certains égards, le contenu des rapports
techniques précités. Il n'appartient toutefois ni à la Commission
fédérale,
ni au Tribunal fédéral, à ce stade de la procédure et vu l'objet de la
requête incidente, de se prononcer sur l'appréciation des preuves,
voire sur
l'administration de preuves encore nécessaires pour la décision
finale (cf.
supra, consid. 2).

5.
Les recourants se plaignent enfin d'une violation des règles du droit
fédéral
sur la répartition des frais de la procédure devant la Commission
fédérale.
Ils se réfèrent au principe selon lequel l'expropriant supporte les
frais
résultant de l'exercice du droit d'expropriation (règle consacrée à
l'art.
114 al. 1 LEx) et ils estiment que l'émolument de 1'200 fr. mis à
leur charge
est de toute manière excessif, s'agissant d'une décision incidente
sommairement motivée.

La loi fédérale sur l'expropriation permet, en dérogation à la règle
de
l'art. 114 al. 1 LEx, de mettre les frais de la décision de la
Commission
fédérale à la charge de l'exproprié, lorsque sa réclamation est
manifestement
abusive ou ses prétentions nettement exagérées (art. 114 al. 2 LEx).
Selon la
décision attaquée, les conditions pour pareille dérogation seraient
réunies,
la contestation portant sur une question - la neutralité de l'IFICF -
déjà
tranchée par le Tribunal fédéral. A ce stade-ci de la procédure
d'estimation,
il est toutefois difficile de se prononcer sur le caractère abusif ou
non
d'une requête incidente concernant l'administration des preuves,
avant toute
appréciation des éléments matériels du dossier et avant tout examen
des
prétentions des expropriés. Certes, il n'est pas exclu qu'à la fin de
la
procédure d'estimation, la Commission d'estimation puisse le cas
échéant
considérer comme abusives les prétentions des expropriés ou certaines
démarches à l'appui de leurs prétentions, ayant donné lieu à des
décisions
incidentes; en pareil cas, un émolument pourrait alors être mis à
leur charge
dans la décision finale, réglant de façon globale le sort des frais
de la
procédure. Néanmoins, en l'état, il n'y a aucun motif de condamner les
recourants aux frais de la décision incidente en application de
l'art. 114
al. 2 OJ. Le recours de droit administratif doit donc être admis sur
ce point
et la décision attaquée doit être partiellement annulée, en tant
qu'elle met
les frais de la cause à la charge des recourants (ch. 2 du
dispositif).

Le sort des frais et dépens de la décision attaquée peut demeurer
indécis
jusqu'à la fin de la procédure d'estimation; il ne se justifie donc
pas de
réformer cette décision pour les mettre à la charge de l'expropriante.

6.
Vu les particularités de la cause, le présent arrêt doit être rendu
sans
frais.

Les recourants, représentés par un avocat, ont droit à des dépens,
supportés
par l'expropriante, pour leurs frais liés à la procédure de recours
de droit
administratif (art. 116 al. 1 LEx).

Dans ces conditions, la demande d'assistance judiciaire est sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est partiellement admis et la
décision
rendue le 13 décembre 2000 par la Commission fédérale d'estimation du
3ème
arrondissement est annulée en tant qu'elle met les frais de la cause,
par
1'200 fr., à la charge de A.________, B.________, C.________ et
D.________;
le recours est rejeté pour le surplus.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 1'000 fr., à payer à titre de dépens aux recourants
A.________, B.________, C.________ et D.________, pris solidairement,
est
mise à la charge de la société anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Commission fédérale d'estimation du 3ème arrondissement.

Lausanne, le 10 décembre 2001

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1E.18/2001
Date de la décision : 10/12/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-10;1e.18.2001 ?
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