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04/12/2001 | SUISSE | N°H.79/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2001, H.79/01


«AZA 7»
H 79/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Spira et Ursprung.
Greffier : M. Wagner

Arrêt du 4 décembre 2001

dans la cause

Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, route du
Lac 2, 1094 Paudex, recourante,

contre

N.________, recourant, représenté par Maître Jérôme
Bénédict, avocat, rue du Bourg 33, 1002 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________ est titulaire du diplôme d'architec-

te délivré par l'École X.________. Autorisé dès le 27 mai
1983 par le Département des travaux publics à pratiquer sa
profession dans...

«AZA 7»
H 79/01 Tn

IIIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Spira et Ursprung.
Greffier : M. Wagner

Arrêt du 4 décembre 2001

dans la cause

Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, route du
Lac 2, 1094 Paudex, recourante,

contre

N.________, recourant, représenté par Maître Jérôme
Bénédict, avocat, rue du Bourg 33, 1002 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________ est titulaire du diplôme d'architec-
te délivré par l'École X.________. Autorisé dès le 27 mai
1983 par le Département des travaux publics à pratiquer sa
profession dans le canton de Vaud, il a exploité un bureau
d'architectes à Y.________. Le 27 septembre 1991, il a fon-
dé la société N.________, qui a son siège dans cette com-
mune. Elle a pour but l'exploitation d'un bureau d'archi-
tectes. Lui-même en est l'administrateur unique, avec

signature individuelle. B.________, expert-comptable à Lau-
sanne, est le réviseur de la société.

b) Le 8 décembre 1998, la Caisse AVS de la Fédération
Patronale Vaudoise a procédé à un contrôle d'employeur au-
près de N.________, lequel portait sur la période du
1er janvier 1994 au 31 décembre 1997. Par décision du
11 décembre 1998, elle a réclamé à la société le versement
de cotisations paritaires s'élevant à 84 352 fr. 95 (y com-
pris les intérêts de retard, fixés à 5195 fr. 90). Elle se
fondait sur un décompte, établi sur la base du rapport de
contrôle, selon lequel les salaires et gratifications non
déclarés - et revalorisation des salaires nets - étaient de
616 717 fr., dont la reprise de salaires concernant
A.________, de 42 350 fr. pour 1995, de 90 144 fr. pour
1996 et de 453 846 fr. pour 1997.

B.- a) N.________ a recouru contre cette décision
devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en
concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de
celle-ci, à titre subsidiaire qu'elle soit réformée dans un
sens à préciser en cours d'instance. Produisant plusieurs
documents, dont un dossier «Prix de revient des construc-
tions à Epalinges», elle déclarait que A.________ s'était
occupé à titre personnel de la promotion sur ces parcelles
jusqu'à fin 1993 et que ces activités avaient été reprises
par la suite par la société. Celui-ci avait subi une perte
personnelle dans la promotion immobilière de 53 637 fr.
pour les exercices 1993 & 1994 et de 473 564 fr. pour les
exercices 1995 & 1996. Selon elle, les «compléments de sa-
laire» retenus dans la décision attaquée avaient servi à
hauteur de 527 201 fr. (53 637 fr. + 473 564 fr.) à compen-
ser cette perte et n'étaient donc pas une rémunération au
sens de l'art. 5 al. 2 LAVS. Elle requérait l'audition de
témoins, ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise.

b) Dans sa réponse du 17 février 1999, la caisse a
établi le décompte suivant :
1994

Complément de salaire de Fr. 40'000.-- décidé en 1995,
converti en salaire brut, passé par compte courant débiteur
actionnaire

montant de la reprise: AVS Fr. 42'350.--
AC Fr. 13'200.--

1995

Complément de salaire de Fr. 85'000.-- décidé en 1996,
converti en salaire brut, passé par compte courant débiteur
actionnaire

montant de la reprise: AVS Fr. 90'144.--
AC Fr. 13'200.--
AC. sol. Fr. 76'944.--

1996

Complément de salaire de Fr. 430'000.-- décidé en 1997,
converti en salaire brut, passé par compte courant débiteur
actionnaire

montant de la reprise: AVS Fr. 453'846.--
AC Fr. 13'200.--
AC sol. Fr. 145'800.--

Elle produisait le détail du compte courant actionnai-
re relatif à 1996, en relevant que A.________ avait effec-
tué cette année-là des prélèvements privés à hauteur de
218 631 fr. 75, en partie compensés par des salaires nets
et des apports de fonds par l'actionnaire. Dans un décompte
complémentaire, elle a fixé à 4717 fr. 95 les cotisations
(y compris les intérêts de retard) dues par la société sur
les reprises de salaires non contestées, qui ne concernent
pas A.________.

c) Le 15 mars 2000, lors d'une audience devant le
président du tribunal des assurances, B.________, réviseur
de la société, a déclaré qu'il s'occupait également des
déclarations fiscales de A.________, qui avait perçu non

pas des «compléments de salaires», notion qui était erro-
née, mais des «rétrocessions d'honoraires».
Par jugement du 14 décembre 2000, la juridiction can-
tonale a rejeté la demande d'expertise, admis le recours et
annulé la décision attaquée en tant qu'elle soumet à la
perception de cotisations paritaires les sommes versées par
la société à A.________, le dossier étant renvoyé à la
caisse pour qu'elle fixe les cotisations personnelles dues
par celui-ci sur les sommes allouées par N.________ du chef
de l'activité de promoteur immobilier et qu'elle rende
telle nouvelle décision que de droit.

C.- La Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise
interjette recours de droit administratif contre ce juge-
ment, en concluant à l'annulation de celui-ci. Elle invite
le Tribunal fédéral des assurances à dire que les rémunéra-
tions versées par la société à A.________ en 1995, 1996 et
1997 font partie du salaire déterminant et à confirmer pour
ce motif la décision du 11 décembre 1998.
N.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales
(OFAS) ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Comme aucune prestation d'assurance n'est liti-
gieuse, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si le jugement de première instance viole le droit
fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus du pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été consta-
tés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a
et b et 105 al. 2 OJ).
Il faut en outre tenir compte de l'art. 114 al. 1 OJ,
selon lequel le Tribunal fédéral des assurances n'est pas

lié par les conclusions des parties en matière de contribu-
tions publiques, lorsque le litige porte sur la violation
du droit fédéral ou sur la constatation inexacte ou incom-
plète des faits.

2.- Il est constant que le contrôle d'employeur du
8 décembre 1998 porte sur la période du 1er janvier 1994 au
31 décembre 1997. La contestation concerne les cotisations
(y compris les intérêts de retard) réclamées par la recou-
rante à N.________ sur les sommes que la société a allouées
à A.________ pour son activité dans la promotion immobi-
lière. Le présent litige porte sur le point de savoir si
ces sommes font partie du salaire déterminant au sens de
l'art. 5 al. 2 LAVS ou si elles représentent le revenu
d'une activité indépendante.

3.- a) Le salaire déterminant, au sens de l'art. 5
al. 2 LAVS, comprend toute rémunération pour un travail
dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé.
Font partie de ce salaire déterminant, par définition, tou-
tes les sommes touchées par le salarié, si leur versement
est économiquement lié au contrat de travail; peu importe,
à ce propos, que les rapports de service soient maintenus
ou aient été résiliés, que les prestations soient versées
en vertu d'une obligation ou à titre bénévole. On considère
donc comme revenu d'une activité salariée, soumis à cotisa-
tions, non seulement les rétributions versées pour un tra-
vail effectué, mais en principe toute indemnité ou presta-
tion ayant une relation quelconque avec les rapports de
service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas
franches de cotisations en vertu de prescriptions légales
expressément formulées (ATF 126 V 222 consid. 4a, 124 V 101
consid. 2 et la jurisprudence citée).

b) Aux termes de l'art. 9 al. 1 LAVS, le revenu prove-
nant d'une activité indépendante comprend tout revenu du

travail autre que la rémunération pour un travail accompli
dans une situation dépendante.

4.- Les premiers juges ont retenu que A.________ avait
pratiqué la promotion immobilière, d'abord à titre person-
nel, et que par la suite la société N.________ avait repris
à son compte cette activité, pour des motifs qui ne res-
sortent pas de manière évidente du dossier mais ne justi-
fient pas une instruction complémentaire. Ils en ont conclu
qu'il s'était adonné à la promotion immobilière indépendam-
ment de sa fonction d'administrateur, au même titre qu'un
tiers aurait tout aussi bien pu exercer cette activité.
Lors de la reprise par la société du secteur immobilier, un
certain montant lui avait été versé, en vue de compenser
les pertes qu'il avait subies par le passé. Il ne s'agit
donc pas d'un complément de salaire ni d'une rétrocession
d'honoraires, mais d'un gain réalisé du fait de l'exercice
d'une activité indépendante, en l'occurrence celle de pro-
moteur immobilier.

5.- Pour autant, le fait, non contesté, que N.________
a repris à son compte les activités de promotion immobi-
lière de son administrateur unique ne permet pas de tran-
cher le point de savoir si les prestations litigieuses ont
une relation quelconque avec les rapports de service de
A.________ et de la société.
Il existe plusieurs indices que les prestations en
cause ont pu avoir un lien avec l'exploitation du bureau
d'architectes. Comme cela ressort du dossier «Prix de re-
vient des constructions à Epalinges», les opérations de
promotion-vente concernant ces parcelles, propriétés de
A.________, apparaissent comme étant en relation avec son
activité d'architecte. Or, le «complément de salaires» de
430 000 fr. a été porté au débit du compte courant actio-
nnaire pour l'année 1996, ce que confirme la déclaration
d'impôt 1997-1998 de A.________, qui indique un «complément
de salaire» de 85 000 fr. en 1995 et de 430 000 fr. en

1996. Les explications données après coup par le réviseur
de la société ne renversent pas la présomption d'exactitude
attachée à ces documents.
Dès lors, il se justifie d'annuler le jugement attaqué
et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour
qu'elle procède à une instruction complémentaire sur le
point de savoir si les prestations litigieuses sont en
relation avec les rapports de service de A.________ et de
la SA. Elle examinera si, comme l'allègue la recourante en
se fondant sur le détail du compte courant actionnaire pour
l'année 1996, les compléments de salaire attestés par les
pièces précitées sont à mettre en relation avec la compen-
sation de contre-prestation(s) ayant fait l'objet de mouve-
ment(s) comptable(s) sur son compte courant pendant les
années qui ont fait l'objet du contrôle d'employeur, ques-
tion qui se pose également en ce qui concerne le complément
de salaire de 40 000 fr. figurant dans le décompte du
17 février 1999.
S'il se révèle qu'il y a eu compensation avec une
contre-prestation, le moment de la réalisation des presta-
tions litigieuses sera présumé être celui où la compensa-
tion a été comptabilisée (Gustavo Scartazzini, in : Commen-
taire des articles 1 à 16 de la loi fédérale sur l'assu-
rance-vieillesse et survivants (LAVS), Champ d'application
personnel et cotisations, art. 5 LAVS, p. 156, ch. m. 17).
Pour déterminer le montant de ces prestations, la ju-
ridiction de première instance examinera s'il existe une
convention de salaire net entre N.________ et son action-
naire unique. Apparemment, la caisse est partie de l'idée
qu'il en est ainsi, puisqu'elle a procédé à la revalorisa-
tion des salaires nets (sur cette question, voir Gustavo
Scartazzini et Jean-Louis Duc, in op. cit., p. 152, ch. m.
6 et les notes n° 11 et 12, et p. 381 ch. m. 9 et la note
n° 20).

6.- La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario). L'intimée, qui succombe, supportera les frais

judiciaires (art. 156 al. 1 en corrélation avec l'art. 135
OJ). Elle ne saurait prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en liaison avec
l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud, du 14 dé-
cembre 2000, est annulé, la cause étant renvoyée à
l'autorité judiciaire de première instance pour com-
plément d'instruction au sens des considérants et
nouveau jugement.

II. Les frais de justice, d'un montant de 4500 fr., sont
mis à la charge de l'intimée.

III. L'avance de frais versée par la recourante, d'un mon-
tant de 4500 fr., lui est restituée.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 décembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.79/01
Date de la décision : 04/12/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-12-04;h.79.01 ?
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