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30/11/2001 | SUISSE | N°K.178/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 novembre 2001, K.178/00


«AZA 7»
K 178/00 Tn

Ière Chambre

MM. et Mme les juges Lustenberger, Président, Schön, Spira,
Rüedi et Widmer. Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 30 novembre 2001

dans la cause

Département de l'action sociale et de la santé, rue de
l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève, recourant, représenté par
Maître Bernard Ziegler, avocat, cours des Bastions 14,
1211 Genève,

contre

ASSURA, Assurance maladie et accident, avenue C.-F.
Ramuz 70, 1009 Pully, intimée, représentée par Maître

Pascal Marti, avocat, place des Philosophes 8, 1205 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

...

«AZA 7»
K 178/00 Tn

Ière Chambre

MM. et Mme les juges Lustenberger, Président, Schön, Spira,
Rüedi et Widmer. Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 30 novembre 2001

dans la cause

Département de l'action sociale et de la santé, rue de
l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève, recourant, représenté par
Maître Bernard Ziegler, avocat, cours des Bastions 14,
1211 Genève,

contre

ASSURA, Assurance maladie et accident, avenue C.-F.
Ramuz 70, 1009 Pully, intimée, représentée par Maître
Pascal Marti, avocat, place des Philosophes 8, 1205 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- S.________ a été hospitalisée à l'Hôpital
cantonal de Genève du 5 au 14 janvier 1998, en division
privée. Il en est résulté une facture de 10 695 fr. 70 que
l'hôpital a envoyée le 28 janvier 1998 à la caisse-maladie

Assura, assureur-maladie de la patiente, laquelle l'a prise
intégralement en charge.
Le 11 mars 1999, Assura a écrit au Département de
l'action sociale et de la santé du canton de Genève (ci-
après : DASS) pour lui communiquer la facture précitée et
l'inviter à lui faire parvenir, «en conformité de l'avis
exprimé par le TFA», la participation financière du canton
aux frais d'hospitalisation de l'assurée. La caisse fondait
sa demande sur la jurisprudence du Tribunal fédéral des
assurances d'après laquelle l'obligation du canton de rési-
dence de payer la différence de coûts existe en principe
également lorsqu'un assuré qui, pour des raisons médicales,
recourt aux services d'un hôpital public ou subventionné
par les pouvoirs publics situé hors de son canton de rési-
dence, séjourne dans la division privée ou mi-privée de cet
établissement.
Cette demande a été rejetée par le DASS, d'abord de
manière informelle en date du 18 mars 1999, puis le
29 avril 1999 par décision formelle, contre laquelle Assura
a formé opposition que la même autorité a rejetée par
décision du 23 septembre 1999.

B.- Saisi par Assura d'un recours contre cette der-
nière décision, le Tribunal administratif de la République
et canton de Genève, statuant en qualité de tribunal can-
tonal des assurances, l'a admis et, par jugement du
14 septembre 2000, il a condamné le DASS «à participer
financièrement, au minimum à hauteur de 50 % du coût
imputable de la division commune, au séjour de Madame
S.________ en division privée de l'HUG», sans frais ni
dépens.

C.- Le DASS interjette recours de droit administratif
contre ce jugement qu'il demande au Tribunal fédéral des
assurances d'annuler, le tribunal étant invité à dire que
le DASS n'est pas tenu de participer financièrement aux

frais d'hospitalisation de Madame S.________ en division
privée des HUG, sous suite de frais et dépens.
Assura conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.
L'assurée ne s'est pas déterminée. Au terme d'un préavis
circonstancié, l'Office fédéral des assurances sociales
(OFAS) propose de rejeter le recours.
Les moyens des parties seront, pour autant que de
besoin, exposés et discutés dans les considérants qui
suivent.

Considérant en droit :

1.- a) Dans l'arrêt ATF 123 V 290 sur lequel Assura
fonde sa prétention à l'encontre du recourant, le Tribunal
fédéral des assurances a examiné de manière approfondie sa
compétence ratione materiae pour connaître d'un litige
entre un canton et une caisse-maladie au sujet de l'inter-
prétation, dans un cas d'espèce, de l'art. 41 al. 3 LAMal.
Il est parvenu à la conclusion qu'un litige de cette nature
tombait sous le coup de l'art. 128 OJ, de sorte que la voie
du recours de droit administratif devant le Tribunal fédé-
ral des assurances était bien celle que devait suivre, en
l'occurrence, le canton recourant (loc. cit., consid. 3,
p. 296 ss).
En l'espèce, c'est l'interprétation de l'art. 49 al. 1
LAMal et plus particulièrement de sa deuxième phrase qui
divise les parties. Aux termes de cette disposition :

«Pour rémunérer le traitement hospitalier, y compris le sé-
jour à l'hôpital (art. 39, 1er al.), les parties à une con-
vention conviennent de forfaits. Pour les habitants du can-
ton, ces forfaits couvrent au maximum, par patient ou par
groupe d'assurés, 50 pour cent des coûts imputables dans la
division commune d'hôpitaux publics ou subventionnés par
les pouvoirs publics. Les coûts imputables sont établis
lors de la conclusion de la convention. La part des frais
d'exploitation résultant d'une surcapacité, les frais d'in-

vestissement et les frais de formation et de recherche ne
sont pas pris en compte.»

Peut-on déduire de cette réglementation le droit d'un
assuré hospitalisé dans la division privée ou semi-privée
d'un hôpital public ou subventionné par les pouvoirs
publics de son canton de résidence à une participation
financière de ce canton, d'un même montant que celle qui
serait à la charge du canton si l'assuré avait séjourné
dans la division commune de cet hôpital ? C'est ce que
soutient la caisse intimée et ce que conteste le recourant.
Cette problématique présente suffisamment d'analogie avec
celle qui se présentait dans l'arrêt précité. Il faut donc
admettre, par identité de motifs, la compétence du Tribunal
fédéral des assurances pour connaître du recours formé par
le DASS contre le jugement du Tribunal administratif du
canton de Genève.

b) Mutatis mutandis le même raisonnement s'applique à
la qualité pour agir de l'intimée qui a intégralement pris
en charge la facture de l'hôpital cantonal du 28 janvier
1998 pour les soins donnés à l'assurée (ATF 123 V 298 con-
sid. 4).
Partant, le recours est recevable.

c) Se fondant notamment sur l'art. 86 LAMal, la
juridiction cantonale s'est déclarée compétente pour se
prononcer sur le recours formé par Assura contre la déci-
sion sur opposition du DASS. En réalité, ce ne sont pas les
règles de compétence résultant des art. 80, 85 ou 86
LAMal - soit des règles de droit fédéral - qui sont appli-
cables en l'occurrence, mais exclusivement le droit de
procédure cantonal. Cela n'a toutefois pas d'incidence sur
la compétence du Tribunal fédéral des assurances d'entrer
en matière sur un recours contre un jugement fondé sur le
droit de procédure cantonal lorsque, comme en l'espèce,
l'objet du litige au fond concerne le droit fédéral des
assurances sociales (ATF 126 V 143).

2.- Le jugement attaqué n'ayant pas pour objet l'oc-
troi ou le refus de prestations d'assurance (ATF 123 V 297
consid. 3b/aa in fine), le Tribunal fédéral des assurances
doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé
le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de
leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont
été constatés d'une manière manifestement inexacte ou in-
complète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.- Après avoir retracé en détail les suites politi-
ques données à l'arrêt ATF 123 V 290, ainsi que les contro-
verses auxquelles cet arrêt a donné lieu entre les caisses-
maladie et les cantons, et constaté que cet arrêt «a laissé
indécise la question de la participation financière canto-
nale aux hospitalisations intracantonales», la juridiction
cantonale s'est attachée à l'interprétation de l'art. 49
al. 1 LAMal.
Elle a considéré, en particulier, que ni ce texte ni
l'art. 39 LAMal ne comportent de distinctions entre la
division commune et les divisions privée ou mi-privée des
hôpitaux publics, de sorte qu'aucun argument de texte ne
permet d'affirmer que les cantons n'auraient pas à financer
le traitement hospitalier des maladies aiguës dans les
divisions privée ou mi-privée des hôpitaux publics.
S'appuyant sur le message du Conseil fédéral concer-
nant la révision de l'assurance-maladie du 6 novembre 1991
et sur divers commentaires émanant de fonctionnaires de
l'OFAS, ainsi que sur l'art. 41 al. 1 let. a et b et al. 2
Cst., les juges cantonaux sont d'avis qu'il convient de
«garantir le même niveau de participation de l'Etat à tous
les séjours médicalement nécessaires dans les différentes
divisions servant au traitement hospitalier des hôpitaux
publics ou subventionnés». En conséquence, l'art. 49 al. 1
LAMal s'applique également lors d'une hospitalisation en
division privée d'un hôpital public ou subventionné, indé-

pendamment du point de savoir si l'assuré dispose d'une
assurance complémentaire pour cette éventualité. Ce n'est
donc ni à l'assuré, ni, le cas échéant, à son assureur, de
prendre en charge «l'équivalent de la contribution publique
pour les séjours en division commune» car cela reviendrait
à «limiter le devoir de participation du canton aux seuls
séjours en division commune», manière de faire qui res-
treindrait la division commune «à un lieu géographique», ce
qui ne correspond pas à l'approche fonctionnelle voulue par
la LAMal. Il en résulte que le DASS doit «participer à
l'hospitalisation en division privée de dame S.________ et
donc verser à Assura la part découlant de cette obliga-
tion», à savoir au minimum 50 % des coûts imputables à une
hospitalisation en division commune et remboursée par
l'assurance obligatoire des soins au sens de l'art. 49
al. 1 LAMal.

4.- Par un premier moyen, le recourant soutient que la
règle de base qu'exprime l'art. 49 al. 1 LAMal ne s'appli-
que ni aux hôpitaux privés, «ni aux patients qui séjournent
dans les hôpitaux publics ailleurs que dans la division
commune». Il se réfère, en particulier, au «sens commun» et
à la notion de division commune «telle qu'elle est vécue
tous les jours par la population», à savoir l'obligation
«de partager sa chambre avec plusieurs autres patients et
de se faire soigner par le médecin de service».

a) Pas plus que sous l'empire de la LAMA du 13 juin
1911 (art. 19bis qui employait, dans la version française,
le terme de «salle commune»), la LAMal ne définit ce qu'il
faut entendre par «division commune». C'est pourquoi, la
jurisprudence s'est attachée à l'interprétation de cette
notion qui joue un rôle de premier plan dans la détermina-
tion des prestations couvertes par l'assurance obligatoire
des soins, lesquelles comprennent notamment «le séjour en
division commune d'un hôpital» (art. 25 al. 2 let. e
LAMal).

Cette interprétation jurisprudentielle repose sur une
conception dite «fonctionnelle» de la division commune d'un
établissement hospitalier. Elle est explicitée en détail au
consid. 6b de l'arrêt ATF 123 V 290, auquel soit renvoi
(loc. cit. p. 302 ss). Contrairement à ce que paraît soute-
nir le recourant, elle s'applique d'une manière générale à
tous les cas où la loi use de cette expression et c'est
donc également d'après elle qu'il convient d'interpréter
l'art. 49 al. 1 LAMal.
A cet égard, il est constant que la LAMal réglemente
uniquement, au titre deuxième, l'assurance obligatoire des
soins (appelée parfois, improprement, «assurance de base»,
par référence implicite à l'ancien droit). En conséquence,
les forfaits dont il est question dans la première phrase
de l'art. 49 al. 1 LAMal ne s'appliquent qu'au traitement
hospitalier rétribué selon le tarif de la division commune
de l'hôpital. Cela n'est pas contesté.

b) Cette disposition légale s'inscrit dans le disposi-
tif de protection tarifaire des assurés instauré par la
législation entrée en vigueur le 1er janvier 1996 (art. 44
al. 1 LAMal) qui a pour effet que le fournisseur de pres-
tations ne peut pas facturer à l'assuré davantage que le
montant dû par la caisse-maladie selon le tarif (ATF
126 III 38 consid. 2a). L'art. 49 al. 1 de la loi est issu
de l'art. 42 du projet du Conseil fédéral, du 6 novembre
1991 (FF 1992 I 257), lui-même repris de l'art. 33 du
projet de la commission d'experts, du 2 novembre 1990. Ce
dernier s'inspirait, sur plusieurs points, de la réglemen-
tation prévue à l'art. 22quinquies LAMA, dans la version
révisée par la loi du 20 mars 1987 (FF 1987 I 982), rejetée
en votation populaire le 6 décembre de la même année (FF
1988 I 541).
Le litige ne porte donc pas sur le tarif applicable au
traitement hospitalier d'une personne qui séjourne dans la
division privée d'un hôpital public ou subventionné par les
pouvoirs publics - puisque les prestations de l'assurance

obligatoire ne comprennent que le séjour en division com-
mune d'un hôpital (art. 25 al. 2 let. e LAMal) - mais sur
le point de savoir si un habitant du canton où s'appliquent
les forfaits conventionnels prévus à l'art. 49 al. 1
LAMal - ou, en l'absence de convention, le tarif fixé par
le gouvernement cantonal en application de l'art. 47 al. 1
LAMal - peut faire valoir à l'encontre de ce canton les
mêmes droits qu'une personne qui séjourne dans la division
commune, en particulier la limitation des forfaits à 50
pour cent au maximum des coûts imputables dans cette divi-
sion. A cet égard, peu importe si l'habitant du canton est
au bénéfice d'une assurance complémentaire au sens de
l'art. 12 al. 2 LAMal.
Le recourant le conteste, en soutenant que seul peut
bénéficier de cette protection tarifaire l'assuré qui
séjourne effectivement dans la division commune d'un hôpi-
tal public ou subventionné.
Ce point de vue méconnaît toutefois la notion de
«division commune» qui se dégage de la jurisprudence sus-
mentionnée et qui s'applique à toute hospitalisation d'une
personne affiliée à l'assurance obligatoire qui séjourne
dans un établissement répondant à la définition et aux
conditions énoncées dans la loi (art. 39 al. 1 LAMal). En
effet, l'assuré qui choisit de séjourner en division privée
ne renonce pas ipso facto aux droits que lui confère la
réglementation légale de l'assurance obligatoire des soins,

qu'il soit ou non au bénéfice d'une assurance complémen-
taire. En tout état de cause, les personnes au bénéfice
d'une assurance complémentaire s'acquittent aussi des
primes à l'assurance obligatoire. Qu'il doive s'acquitter
d'un prix plus élevé que s'il séjournait en division
commune ne prive pas l'assuré du droit de connaître la
manière dont l'hôpital calcule ce prix par rapport à celui
qu'il encaisserait si l'hospitalisation avait lieu en
division commune. Cela résulte en particulier de l'art. 42
al. 3 LAMal qui dispose que le fournisseur de prestations

doit remettre au débiteur de la rémunération une facture
détaillée et compréhensible. Il doit aussi lui transmettre
toutes les indications nécessaires pour qu'il puisse
vérifier le calcul de la rémunération et le caractère
économique de la prestation. En outre, comme le précise
l'art. 59 al. 3 OAMal, les prestations prises en charge par
l'assurance obligatoire des soins doivent être clairement
distinguées des autres prestations dans les factures. Or,
chaque assuré bénéficie de ces règles, quelle que soit la
division de l'établissement où il séjourne en cas de
traitement hospitalier. Les mêmes règles s'appliquent en
faveur de l'assureur dans le régime du tiers payant
(art. 42 al. 2 LAMal).
C'est dès lors dans ce cadre - celui de la protection
tarifaire des assurés et de l'exigence de transparence qui
résulte aussi du texte de l'art. 49 al. 1 LAMal lui-même
(cf. à ce propos la décision du Conseil fédéral publiée in
RAMA 1997 n° KV 16 p. 362 consid. 8.5) - que doit être
examiné, en l'espèce, le droit de l'assurée (ou, pour elle,
de la caisse intimée) à une «participation financière» du
recourant, comme l'énonce le dispositif du jugement atta-
qué, durant son séjour à l'Hôpital cantonal de Genève du 5
au 14 janvier 1998.

c) Il n'est pas non plus possible d'affirmer, comme le
fait le recourant, qu'en édictant la norme qui figure à
l'art. 49 al. 1 LAMal, le législateur fédéral entendait
d'emblée exclure du bénéfice de cette règle les assurés qui
choisissent de séjourner dans la division privée d'un hôpi-
tal public. En réalité, cette disposition légale doit se
comprendre de manière inverse, c'est-à-dire qu'elle déli-
mite l'étendue du droit qu'un assuré peut faire valoir à
l'égard de l'assurance obligatoire des soins lorsqu'il
séjourne dans un hôpital public ou subventionné, indépen-
damment de la division qu'il choisit (ATF 125 V 105 con-
sid. 3e). En d'autres termes, qu'il dispose ou non d'une
assurance complémentaire, l'assuré a toujours droit à un

montant équivalent à celui que l'assureur devrait payer à
l'hôpital en cas de séjour dans la division commune.
Au demeurant, un exemple tiré de la pratique genevoise
illustre parfaitement ce principe : dans ce canton, en
effet, la législation sur les prélèvements et les trans-
plantations d'organes et de tissus concentre les transplan-
tations en division commune de l'Hôpital cantonal, égale-
ment lorsque l'opération se fait sur un patient hospitalisé
en division privée. Ce dernier bénéficie alors de la même
protection tarifaire à l'égard des médecins que le malade
hospitalisé en division commune. Le Tribunal fédéral a
considéré que cette pratique n'engendrait aucune discri-
mination entre les patients des divisions privées et ceux
qui séjournent dans les divisions communes (ATF 123 I 142
consid. 10c à e; v. aussi l'art. 15 du règlement fixant le
tarif-cadre des prestations fournies par les hôpitaux
universitaires de Genève aux assurés selon la loi fédérale
sur l'assurance-maladie en cas d'hospitalisation en
division commune, du 18 décembre 1995 [RS GE J 3 05.04]).
Cela démontre par un exemple concret que seule la
conception fonctionnelle de la division commune développée
par la jurisprudence, c'est-à-dire celle d'une entité tari-
faire et non d'une localisation physique à l'intérieur de
l'établissement hospitalier, correspond au sens de la loi.
Tel est, du reste, également l'avis du Conseil fédéral dans
sa jurisprudence relative à la fixation du tarif pour la
division commune d'une clinique privée (RAMA 1999 n° KV 83
p. 352 consid. 3.3; cf. aussi EUGSTER, Krankenversicherung,
p. 126 n. 245).

5.- Le recourant reproche ensuite aux juges cantonaux
une «erreur fondamentale» qui réside, d'après lui, en ce
que le jugement attaqué «met sur un même pied les obliga-
tions que la LAMal impose aux assureurs et la participation
des cantons au financement de leurs hôpitaux», alors même
que la loi ne consacre nullement un tel parallélisme. Cet
argument se heurte pourtant au texte clair de l'art. 49

al. 1 LAMal qui a précisément pour but d'instaurer un
financement dual des coûts imputables dans la division
commune des hôpitaux publics ou subventionnés par les pou-
voirs publics. Dès lors, si tout assuré qui séjourne en
division privée d'un tel établissement est en droit, comme
on l'a vu, de recevoir de son assureur-maladie l'équivalent
du forfait que celui-ci aurait dû acquitter s'il avait été
hospitalisé en division commune, ce forfait doit être cal-
culé selon la règle prévue à l'art. 49 al. 1 LAMal. Or, le
texte légal spécifie que, pour les habitants du canton, un
tel forfait couvre au maximum, par patient ou par groupe
d'assurés, 50 % des coûts imputables dans la division com-
mune. C'est pourquoi, logiquement, le canton doit supporter
dans tous les cas l'autre partie de ces coûts imputables,
soit 50 % au minimum, sans égard à la division de l'hôpital
public ou subventionné par les pouvoirs publics où séjourne
l'assuré.
Seule cette manière de faire répond à l'exigence
d'égalité de traitement (art. 8 Cst.) entre les assurés
soumis à l'obligation d'assurance en vertu de l'art. 3
LAMal et qui remplissent, en outre, la condition d'habiter
le canton où se situe l'établissement hospitalier, comme le
prévoit la loi.
A cet égard, les considérations d'ordre financier
relatives au taux de couverture des coûts imputables, sur
lesquelles se fonde en majeure partie l'argumentation du
recourant, sont étrangères à la cause. Elles sont d'autant
moins convaincantes que tout assuré est, en principe, libre
de choisir la division dans laquelle il entend être hospi-
talisé et qu'on ne voit dès lors pas ce qui autoriserait un
canton à lui refuser la prise en charge des coûts imputa-
bles en fonction de ce choix. Cela reviendrait, en effet, à
discriminer sans raison objective le patient qui accepte de
supporter la différence de prix - souvent considérable -
facturée pour un séjour en division privée, en l'obligeant,
de surcroît, à renoncer à la part de frais que le canton

aurait l'obligation de supporter s'il séjournait en divi-
sion commune.
Une telle manière de raisonner est d'autant moins
soutenable en l'occurrence que dans le canton de Genève, la
relation qui s'instaure entre l'hôpital cantonal et le
patient hospitalisé en division privée se fonde, en prin-
cipe, sur un rapport de droit public (cf. à ce propos
l'arrêt ATF 122 III 103 consid. 2). C'est ainsi que des
règles particulières s'appliquent aux activités et à la
rétribution des médecins qui sont autorisés à soigner des
malades hospitalisés en 1ère ou 2ème classe (clientèle pri-
vée) tout en ayant l'obligation de prendre soin de tous les
patients de manière égale, quelle que soit leur classe
d'hospitalisation (VSI 1998 p. 237 consid. 5 non reproduit
aux ATF 124 V 97). Selon la jurisprudence, lorsqu'ils trai-
tent des patients privés hospitalisés en chambres privées
des hôpitaux publics, les médecins genevois exercent une
activité lucrative dépendante. A l'égard du patient, l'hô-
pital n'est pas un simple intermédiaire, chargé seulement
de l'encaissement. Avec une facture établie à son en-tête,
il fait valoir des prétentions propres pour lesquelles il
se présente comme créancier (ATF 124 V 98 consid. 6). C'est
d'ailleurs ce qui s'est produit en l'espèce, la facture de
l'hôpital cantonal adressée à la caisse-maladie intimée
pour le compte de l'assurée incluant les honoraires des
trois médecins qui ont traité cette dernière.

6.- Les autres arguments invoqués par le recourant ne
sont guère plus convaincants, à mesure qu'ils excèdent
largement le cadre du problème soumis au juge dans le
présent cas. En particulier, il n'appartient pas au Tri-
bunal fédéral des assurances de se prononcer sur la
constitutionnalité de l'art. 49 al. 1 LAMal, au regard
notamment des art. 3 et 117 Cst. Le tribunal est en effet
tenu d'appliquer la loi (art. 191 Cst.).
De même, c'est de manière erronée que le recourant
soutient qu'il est difficile, voire impossible de calculer

le montant de la participation financière mise à sa charge
en l'espèce. S'il est vrai que la notion de «coûts impu-
tables dans la division commune d'hôpitaux publics ou sub-
ventionnés par les pouvoirs publics» au sens de l'art. 49
al. 1 LAMal a donné lieu à des débats nourris lors des tra-
vaux préparatoires de la loi et que le Conseil fédéral
lui-même reconnaît, dans son message du 18 septembre 2000
relatif à la révision partielle de la LAMal, que la mise en
oeuvre de la méthode uniforme préconisée par l'art. 49
al. 6 de la loi pour calculer les coûts en question s'est
révélée d'autant plus compliquée que des différences entre
les trois versions linguistiques de cette disposition en
rendent l'interprétation difficile (FF 2001 744 ad art. 49
al. 7; cf. aussi la décision du Conseil fédéral publiée in
RAMA 1997 n° KV 16 p. 343 ss, ainsi que Vincent Koch, Les
différents types de forfaits appliqués dans les hôpitaux de
soins aigus, in: Sécurité sociale 2001 p. 63 ss), il n'en
demeure pas moins qu'un canton ne saurait se soustraire à
son obligation légale de déterminer le plus précisément
possible ces coûts imputables. En conséquence, le recourant
doit être en mesure de calculer la part des coûts
imputables de la division commune qui serait restée à sa
charge si l'assurée avait séjourné pour la même durée et
pour y recevoir les mêmes soins, en division commune de
l'hôpital cantonal. Cela doit nécessairement se traduire
par un montant chiffré et c'est cette somme qui devra être
déduite de la facture adressée par l'hôpital à la caisse
intimée.

7.- Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle
infondé et doit être rejeté en toutes ses conclusions,
comme le propose d'ailleurs l'autorité fédérale de surveil-
lance dont l'avis revêt un poids particulier dans ce
contexte, compte tenu de la portée de principe du présent
arrêt.
La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contra-
rio) mais des frais ne peuvent être mis à la charge du

canton qui succombe (ATF 123 V 309 consid. 9). C'est dès
lors à tort qu'une avance de frais a été demandée au recou-
rant et celle-ci doit lui être restituée.

8.- Bien qu'elle obtienne gain de cause et qu'elle
soit représentée par un avocat, l'intimée ne peut prétendre
des dépens (ATF 123 V 309 consid. 10).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. L'avance de frais, d'un montant de 800 fr., est
restituée au recourant.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève, à
S.________ et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 30 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.178/00
Date de la décision : 30/11/2001
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 49 al. 1, art. 42 al. 3 et art. 44 al. 1 LAMal; art. 59 al. 3 OAMal; art. 8 Cst. Une personne hospitalisée en division privée ou semi-privée d'un hôpital public du canton où elle habite - ou, pour elle, son assureur-maladie - peut prétendre de ce canton la part des coûts imputables dans la division commune de cet hôpital à la charge du canton.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-30;k.178.00 ?
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