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28/11/2001 | SUISSE | N°U.205/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2001, U.205/00


«AZA 7»
U 205/00

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, et Ferrari, Ribaux,
suppléant. Greffière : Mme Berset

Arrêt du 28 novembre 2001

dans la cause

D.________, recourant, représenté par Maître Christian
Dénériaz, avocat, rue Etraz 12, 1002 Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- D.________, a travaillé en qu

alité de manoeuvre au
service de l'entreprise X.________ et Y.________, à partir
du 29 juin 1995. A ce titre, il était assuré co...

«AZA 7»
U 205/00

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, et Ferrari, Ribaux,
suppléant. Greffière : Mme Berset

Arrêt du 28 novembre 2001

dans la cause

D.________, recourant, représenté par Maître Christian
Dénériaz, avocat, rue Etraz 12, 1002 Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- D.________, a travaillé en qualité de manoeuvre au
service de l'entreprise X.________ et Y.________, à partir
du 29 juin 1995. A ce titre, il était assuré contre le
risque d'accidents professionnels et non professionnels
auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA).
Le 3 juillet 1995, alors qu'il était occupé à démonter
un toit de tente, il est tombé sur le sol herbeux d'une

hauteur de 2,5 m à 3 m, subissant une fracture-tassement du
mur antérieur de D12, sans troubles neurologiques. Après
une hospitalisation de deux semaines, D.________ a porté un
corset plâtré durant trois mois. Il n'a cessé par la suite
de se plaindre d'importantes douleurs dorsales, compliquées
d'un blocage et d'une irradiation douloureuse dans le mem-
bre inférieur droit. Il n'a plus repris d'activité profes-
sionnelle.
Par décision du 25 avril 1997, la CNA a mis un terme à
ses prestations à partir du 1er mai suivant et a alloué à
son assuré une indemnité pour atteinte à l'intégrité de
5 %. L'opposition formée par ce dernier contre ce prononcé,
limitée au refus d'une rente d'invalidité, a été rejetée
dans une nouvelle décision du 2 septembre 1997.

B.- D.________ a déféré cette décision au Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en concluant à l'octroi d'une
rente d'invalidité correspondant à une incapacité de
travail totale, à partir du 1er mai 1997. Par jugement du
10 juin 1999, la cour cantonale a rejeté le recours.

C.- D.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il
conclut à l'octroi d'une rente d'invalidité pour une inca-
pacité de travail de 100 %, à partir du 1er mai 1997, sous
suite de dépens.
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Est litigieux le droit du recourant à une rente
d'invalidité LAA à partir du 1er mai 1997. Il n'est pas
contesté que son état de santé, à ce moment-là, l'empêchait
de reprendre une activité professionnelle. Reste à détermi-

ner si les troubles dont il souffre découlent de l'accident
assuré.

2.- Nonobstant l'avis du recourant, qui fait état es-
sentiellement de douleurs et de limitations subjectives,
mais non d'atteintes objectivables, force est de constater
que l'ensemble du dossier met en évidence des lésions soma-
tiques discrètes. Les médecins consultés sont pratiquement
unanimes sur ce point :

- dans un rapport du 27 décembre 1995, le docteur
A.________, chef de clinique adjoint au service d'ortho-
pédie et de traumatologie du Centre hospitalier Z.________,
relève déjà «une discrépance assez importante entre les
doléances du malade et (les) constatations objectives»;

- le rapport de sortie de la Clinique W.________, du
19 mars 1996, mentionne que les divers examens pratiqués
n'ont pas permis d'«expliquer la gravité des troubles enco-
re existants» et fait état d'une «extension considérable
des symptômes sur un terrain de névrose de conversion»;

- le docteur B.________, spécialiste FMH en neurologie, qui
juge son patient «extrêmement démonstratif dans ses plain-
tes et son attitude», constate aussi que D.________ pré-
sente «un status après évolution normale d'une fracture-
tassement de D12 pouvant expliquer quelques douleurs
résiduelles, mais s'étant malheureusement compliquée d'une
surcharge psychogène majeure expliquant le caractère et
l'importance actuels des troubles» (rapport du 28 mars
1996);

- le docteur C.________, médecin adjoint à l'Hôpital ortho-
pédique V.________, observe que «l'examen du patient est
rendu extrêmement difficile par un manque de collabora-
tion», et se dit «frappé par une discrépance entre les

plaintes du malade et les constatations objectives» (rap-
port médical intermédiaire du 25 juin 1996);

- le docteur E.________, médecin d'arrondissement de la CNA
estime que «ces constatations objectives ne permettent en
aucune manière de comprendre l'évolution catastrophique à
laquelle on assiste» et que «pour les seules suites orga-
niques de l'accident du 3 juillet 1995, rien ne s'oppose à
ce que ce patient reprenne en plein et sans aucune restric-
tion son métier d'agent de sécurité» (rapport médical final
du 23 avril 1997);

- la doctoresse F.________, médecin traitant, dans un
courrier du 23 mai 1997 déposé par l'avocat du recourant,
reprend à son compte tous les avis qui précèdent en ce qui
concerne la quasi absence de séquelles somatiques.

Seuls les spécialistes de la Policlinique psychiatri-
que universitaire du Département Universitaire de Psychi-
atrie Adulte (DUPA) de U.________ expriment un avis diver-
gent. Selon ces médecins «l'accident et la prise en charge
qui s'en est suivie ont provoqué une atteinte physique et
psychique dont la combinaison engendre une incapacité
totale de travail qui persiste à ce jour». Retenant le
diagnostic de «syndromes douloureux somatoformes persis-
tants», sans écarter celui de «névrose de conversion», ils
déclarent que l'équilibre psychique de leur patient a «été
ébranlé, ce qui explique l'importance et le caractère des
troubles actuels qui sont en décalage avec les constata-
tions objectives» (rapports des 3 juillet 1997 et 24 fé-
vrier 1998).
Dans ce contexte, c'est à juste titre que les premiers
juges et la CNA ont limité leur examen au lien de causalité
entre l'accident et les troubles psychiques présentés par
le recourant.

3.- a) Le droit à des prestations découlant d'un ac-
cident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommagea-
ble de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un
lien de causalité naturelle et adéquate. Les principes que
la jurisprudence a développés à propos de cette notion ont
été correctement exposés par les premiers juges, si bien
qu'on peut, à ce sujet, renvoyer aux considérants de leur
jugement.

b) Les premiers juges ont admis implicitement l'exis-
tence d'un lien de causalité naturelle entre la chute du
3 juillet 1995 et les troubles psychiques dont se plaint
l'assuré. Toutefois, si l'on considérait, au regard des
deux rapports des spécialistes de la Policlinique de Lau-
sanne, que cette première condition du droit à des pres-
tations de l'intimée était satisfaite, le recourant ne
saurait prétendre à une rente d'invalidité de l'assurance-
accidents, faute de causalité adéquate.

4.- a) A cet égard, dans son arrêt K. du 27 avril
1998, le Tribunal fédéral des assurances a rappelé, en ce
qui concerne la classification des accidents entraînant des
troubles psychiques réactionnels, sa jurisprudence relative
aux chutes d'une certaine hauteur (RAMA 1998 n° U 307
p. 448).
Il en résulte en particulier que la gravité d'un acci-
dent ne saurait être appréciée qu'en fonction seulement
d'une hauteur de chute déterminée.

b) En l'espèce, le recourant a chuté de 2,5 à 3 mètres
sur le sol herbeux. A la lumière de la jurisprudence pré-
citée - confirmée encore dans un arrêt non publié M. du
8 février 2000, U 167/99 (chute d'un assuré sur le sol,
d'une hauteur de six à huit mètres, provoquant une fissure
d'une vertèbre cervicale) - l'accident appartient, ainsi
qu'en ont décidé les premiers juges, à la catégorie des

accidents de gravité moyenne, à mi-chemin entre les acci-
dents graves et les accidents bénins (cf. également RAMA
1999 n° U 330 p. 122; arrêts P. du 27 janvier 2000,
U 308/98, et F. du 15 février 2000, U 171/99).
Dans un tel contexte, un seul des critères définis par
la jurisprudence pourrait, selon les circonstances, suffire
à faire admettre l'existence d'une relation de causalité
adéquate entre l'accident et l'incapacité de gain d'origine
psychique. Cette hypothèse n'est cependant pas réalisée
dans le cas d'espèce, où seul pourrait entrer en ligne de
compte le critère du caractère particulièrement impression-
nant de l'accident. Or, aucun élément du dossier ne permet
de qualifier l'accident litigieux de particulièrement
impressionnant.
L'avis contraire des médecins du DUPA n'est à cet
égard pas convaincant. Ceux-ci partent de l'idée erronée
que la chute a eu lieu d'une hauteur de 5 mètres, alors que
la toiture de la tente se trouvait en réalité à 2,5-3 mè-
tres du sol. Ils relèvent la nécessité d'une évacuation par
hélicoptère, alors que ce genre d'intervention, qui s'est
considérablement multiplié ces dernières années, ne permet
pas de déduire quoi que ce soit quant à l'événement acci-
dentel. En réalité, comme l'ont considéré à juste titre les
premiers juges, tel qu'il est survenu, l'accident liti-
gieux, sans être anodin, ne peut être considéré comme spé-
cialement marquant.

c) Le recourant invoque encore la lourde méprise de la
CNA qui a considéré qu'il était apte à reprendre le travail
en plein, un an après un diagnostic d'invalidité posé à la
sortie de la Clinique W.________ en mars 1996, ainsi que
«les erreurs commises lors du traitement médical post-trau-
matique»
En ce qui concerne le premier grief, D.________ semble
faire allusion à la décision du 25 avril 1997, confirmée le
2 septembre suivant. Or, c'est précisément sa conformité au
droit qui est examinée dans le présent arrêt.

Quant au second grief, il n'est pas fondé. En effet,
dans son rapport du 27 décembre 1995 le docteur A.________
indique, six mois après la chute, que la fracture-tassement
de D12 a été traitée orthopédiquement avec des suites ra-
diologiques satisfaisantes. Le rapport de sortie de la Cli-
nique W.________ du 19 mars 1996 fait également état d'une
évolution satisfaisante vers la guérison et d'un bon pro-
nostic au niveau somatique. Ce rapport mentionne également
qu'au niveau somatique d'autres mesures diagnostiques et/ou
thérapeutiques ne permettront vraisemblablement pas de dé-
couvrir d'autres points essentiels ou d'entraîner une amé-
lioration sensible des troubles. Par ailleurs, il ressort
du rapport du 23 avril 1997 du médecin d'arrondissement de
la CNA que le patient est satisfait de son médecin trai-
tant, le docteur G.________. De surcroît, à l'exception du
rapport des médecins du DUPA, l'ensemble du dossier médical
met en évidence le caractère démonstratif du recourant et
l'absence de substrat organique concernant les lésions phy-
siques, de sorte que, sur ce plan non plus, aucune erreur
médicale ne peut être constatée.

d) Dans ces circonstances, il y a lieu de nier l'exis-
tence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident du
3 juillet 1995 et les troubles observés, si bien que l'in-
timée ne répond pas de ceux-ci.

5.- a) Selon la jurisprudence, l'uniformité de la
notion d'invalidité, qui doit conduire à fixer pour une
même atteinte à la santé un même taux d'invalidité, règle
la coordination de l'évaluation de l'invalidité en droit
des assurances sociales (ATF 126 V 291 consid. 2a). Des
divergences ne sont toutefois pas à exclure d'emblée (même
arrêt, p. 292 consid. 2b et les références). L'uniformité
de la notion d'invalidité ne libère pas les divers assu-
reurs sociaux de l'obligation de procéder chacun de manière
indépendante à l'évaluation de l'invalidité dans chaque cas
concret. Ils ne peuvent en aucun cas se borner à repren-

dre, sans autre examen, le degré d'invalidité fixé par un
autre assureur. Un tel effet contraignant ne se justi-
fierait pas. Cependant, il ne convient pas non plus que
l'invalidité soit fixée dans les diverses branches des
assurances sociales de manière complètement indépendante de
décisions déjà prises par d'autres assureurs. A tout le
moins, des évaluations de l'AI entrées en force ne sau-
raient être purement ignorées (même arrêt, p. 293 con-
sid. 2d).

b) En l'espèce, le taux retenu par l'assurance-invali-
dité ne lie pas l'assureur-accidents, car il prend en con-
sidération les affections psychiques du recourant. Or,
l'intimée n'a pas à répondre des répercussions de ceux-ci
sur la capacité de gain du recourant, ainsi qu'il résulte
du consid. 4 ci-dessus.
Dans ces circonstances, le jugement du 10 juin 1999 ne
peut qu'être confirmé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud, et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.205/00
Date de la décision : 28/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-28;u.205.00 ?
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