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28/11/2001 | SUISSE | N°I.23/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 novembre 2001, I.23/01


«AZA 7»
I 23/01 Tn

Ière Chambre

MM. et Mme les juges Lustenberger, Président, Schön, Spira,
Widmer et Ursprung. Greffier : M. Métral

Arrêt du 28 novembre 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par A.________,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) B.________

, ressortissant espagnol, exerçait en
Suisse la profession de poseur de sols lorsqu'il se blessa
au genou droit, le 3 août 1991. A la su...

«AZA 7»
I 23/01 Tn

Ière Chambre

MM. et Mme les juges Lustenberger, Président, Schön, Spira,
Widmer et Ursprung. Greffier : M. Métral

Arrêt du 28 novembre 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par A.________,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) B.________, ressortissant espagnol, exerçait en
Suisse la profession de poseur de sols lorsqu'il se blessa
au genou droit, le 3 août 1991. A la suite de cet accident,
qui fut immédiatement annoncé à la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la CNA) et donna
lieu à une méniscectomie partielle, il a cessé son activité
professionnelle, hormis pendant une brève tentative de
reprise du travail. Le 13 octobre 1992, il déposa une

demande de prestations de l'assurance-invalidité à l'Office
AI du canton de Berne.

b) Selon les rapports médicaux établis par le médecin
d'arrondissement de la CNA, le docteur C.________ (rapports
des 11 décembre 1991, 6 juillet et 14 septembre 1992),
l'assuré souffrait de douleurs à la cheville, au genou, au
bas du dos, à l'épaule droite et à la nuque, mais ne
présentait plus d'incapacité de travail en rapport avec
l'accident subi depuis le 1er avril 1992. Ce praticien n'a
pas relevé d'atteinte significative à la santé, au niveau
de la nuque et des épaules. Pour sa part, le médecin trai-
tant de l'assuré, le docteur D.________, a posé un diagnos-
tic de status après distorsion de la jambe droite et
méniscectomie, ainsi que de syndrome vertébral généralisé
et de polytendinoses, avec une mauvaise posture de la
colonne vertébrale (rapport du 29 janvier 1993). D'après
lui, l'assuré n'était que légèrement limité par ces attein-
tes à la santé, sous réserve d'éventuels troubles psychi-
ques : en dehors des travaux nécessitant de s'agenouiller,
il bénéficiait d'une pleine capacité de travail dans toute
activité n'entraînant pas, pour son dos, de charge supé-
rieure à la moyenne; un reclassement dans une activité
permettant de changer de position était recommandé. A
réception du rapport du docteur D.________, une expertise
psychiatrique a été confiée au docteur E.________, qui n'a
pas mis en évidence de troubles psychiques, hormis une
réaction dépressive passagère (expertise du 30 mars 1993).

c) B.________ a alors effectué un stage d'évaluation
professionnelle auprès de l'entreprise X.________, à Berne.
Au terme de cette période d'observation, le rapport de sta-
ge faisait état d'une pleine capacité de travail dans des
activités légères, par exemple lorsqu'il s'agissait de
réunir et d'expédier les commandes de la clientèle; mais
l'accomplissement de tâches plus pénibles avait rapidement
conduit à des périodes d'incapacité de travail. L'entre-

prise X.________, indiquait qu'elle aurait pu engager
l'assuré pour un salaire mensuel de 1936 fr. si elle avait
disposé d'une place vacante adaptée à son handicap.
Par décision du 15 juillet 1994, l'Office AI du canton
de Berne a alloué à l'assuré une demi-rente d'invalidité,
considérant qu'il disposait d'une capacité de gain rési-
duelle de 1936 fr. par mois et présentait un taux d'invali-
dité de 59 %. B.________ est ensuite retourné s'établir en
Espagne.

B.- Par décision du 30 juin 1999, l'Office AI pour les
assurés résidant à l'étranger, se fondant sur une expertise
médicale confiée au docteur F.________, a supprimé les
prestations dont bénéficiait B.________, à partir du
1er janvier 1998. L'assuré a déféré cette décision à la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes
résidant à l'étranger (ci-après : la commission), en
produisant un nouveau rapport médical (rapport du 2 décem-
bre 1999 du docteur G.________). La commission a rejeté le
recours, par jugement du 22 novembre 2000.

C.- B.________ interjette un recours de droit
administratif, en concluant à l'annulation du jugement
entrepris et de la décision du 30 juin 1999 de l'office AI.
Ce dernier, produisant une prise de position de son service
médical, conclut au rejet du recours, alors que l'Office
fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

D.- Par courrier du 22 octobre, le Tribunal fédéral
des assurances a informé le recourant du fait qu'il envisa-
geait de déclarer manifestement erronée la décision du
15 juillet 1994 de l'Office AI du canton de Berne. Il a
invité le recourant à se déterminer à ce sujet, ce que ce
dernier a fait par courrier du 2 novembre 2001.

Considérant en droit :

1.- a) Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à
une rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à
une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un
quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les
cas pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis
LAI, prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au
moins. Toutefois, les rentes correspondant à un degré d'in-
validité inférieur à 50 % ne sont versées qu'aux assurés
qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en
Suisse (art. 28 al. 1ter LAI).
Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du tra-
vail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité
qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution
éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une
situation équilibrée du marché du travail (revenu d'inva-
lide), est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il
n'était pas invalide (revenu sans invalidité; art. 28 al. 2
LAI).

b) Par ailleurs, en vertu de l'art. 41 LAI, les rentes
en cours doivent être, pour l'avenir, augmentées, réduites
ou supprimées si le degré d'invalidité se modifie de maniè-
re à influencer le droit à ces prestations. Tout changement
important des circonstances propre à influencer le degré
d'invalidité et donc le droit à la rente, peut motiver une
révision. Pour juger si un tel changement s'est produit, il
faut comparer les faits tels qu'ils se présentaient au
moment de la décision de rente initiale avec les circons-
tances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF
125 V 369 consid. 2 et la référence).
Si les conditions prévues à l'art. 41 LAI font défaut,
la décision de rente peut être éventuellement modifiée
d'après les règles applicables à la reconsidération de
décisions administratives passées en force. Conformément à
ces règles, l'administration peut en tout temps revenir

d'office sur une décision formellement passée en force de
chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne
s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à condition
qu'elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification
revête une importance notable. Le juge peut, le cas
échéant, confirmer une décision de révision rendue à tort
pour le motif substitué que la décision de rente initiale
était sans nul doute erronée et que sa rectification revêt
une importance notable (ATF 125 V 369 consid. 2 et les
arrêts cités).

2.- a) Les premiers juges, se fondant sur le rapport
du docteur F.________, ont admis que les conditions d'une
révision du droit à la rente étaient réunies. Cependant, on
ne saurait se rallier à ce point de vue, si l'on compare le
rapport médical du 29 janvier 1993 du docteur D.________
avec l'expertise du 2 mars 1999 du docteur F.________.
Ce dernier fait état, notamment, d'un status après
morbus Scheuermann, avec cyphose dorsale accentuée et spina
bifida en S1 dans le cadre d'une colonne vertébrale sans
autre particularité, et d'un status après méniscectomie du
genou droit, avec signes discrets d'une arthrose débutante.
Son diagnostic ne diffère donc que très peu de celui posé
par le docteur D.________ en 1993. Certes, ce dernier
reflète plus les douleurs décrites par le patient («syn-
drome vertébral généralisé»), alors que celui posé par le
docteur F.________ se concentre sur l'état objectif de
l'assuré. Néanmoins, d'une part, le docteur F.________ a
indiqué que le recourant se plaignait de douleurs tant dans
le genou droit que dans la nuque et le dos, et d'autre
part, le docteur D.________ a précisé que les indications
subjectives de son patient ne correspondaient que partiel-
lement aux constatations objectives (rapport du 29 janvier
1993, pts 2.1).
Selon le docteur F.________, le recourant ne peut
travailler qu'à 50 % comme ouvrier dans la construction,
mais dispose d'une pleine capacité de travail dans des

professions plus légères, par exemple dans le secteur
industriel, dans un entrepôt, comme coursier ou dans une
activité ménagère. Il est vrai que d'après cette évalua-
tion, la capacité de travail résiduelle du recourant semble
légèrement supérieure à celle décrite par le docteur
D.________ en 1993. Toutefois, cela traduit plus une
différence d'appréciation, par deux praticiens, des
conséquences d'atteintes stationnaires à la santé qu'une
véritable modification de l'état de santé pouvant justifier
une révision du droit à la rente au sens de l'art. 41 LAI.
Du reste, le docteur C.________ avait pour sa part proposé
une reprise du travail sans restriction dès le 1er avril
1992 déjà.

b) Le recourant, s'appuyant sur le rapport du docteur
G.________, soutient que son état de santé s'est péjoré
depuis la décision du 15 juillet 1994 de l'Office AI du
canton de Berne. Cette allégation est toutefois contredite
par le rapport d'expertise du docteur F.________, qui
remplit toutes les conditions posées par la jurisprudence
pour lui reconnaître une pleine valeur probante (cf. ATF
125 V 352 consid. 3a et les références). Le docteur
F.________ a analysé de manière détaillée dans quelle
mesure les atteintes constatées à la colonne vertébrale et
au genou conduisaient à des limites fonctionnelles, alors
que le docteur G.________ s'est borné à affirmer que ces
atteintes expliquaient les douleurs décrites par son
patient et le rendaient totalement incapable d'accomplir
une quelconque activité. Dans ces conditions, la péjoration
de l'état de santé alléguée par le recourant n'est pas
établie.

3.- Il reste à déterminer si la décision administra-
tive litigieuse doit être confirmée, pour le motif substi-
tué que les conditions d'une reconsidération de la décision
de rente du 15 juillet 1994 sont remplies (consid. 1b
supra).

a) Le revenu sans invalidité retenu à cette époque par
l'Office AI du canton de Berne - 60 710 fr. en 1993 - est
correct, sous réserve d'une adaptation de ce montant à
l'évolution des salaires nominaux entre 1993 et 1994 (+
1,5 %; La Vie économique 1996/12, p. 13 table B4.4). Cela
conduit à un revenu hypothétique de 61 620 fr. (montant
arrondi), ou 5135 fr. par mois. En revanche, il y a lieu de
réexaminer le montant du revenu d'invalide sur lequel
s'était fondé l'Office AI du canton de Berne, sur la base
du rapport établi par l'entreprise X.________.

b) aa) Selon la jurisprudence, le revenu d'invalide
doit être évalué avant tout en fonction de la situation
professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un
revenu effectivement réalisé - soit lorsque l'assuré, après
la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris
d'activité ou alors aucune activité adaptée, normalement
exigible -, le revenu d'invalide peut être évalué sur la
base des données statistiques telles qu'elles résultent des
enquêtes suisse sur la structure des salaires, publiées par
l'Office fédéral de la statistique (ATF 124 V 322 con-
sid. 3b/aa). Dans ce cas, on réduira le montant des salai-
res ressortant de ces données en fonction des empêchements
propres à la personne de l'invalide, par exemple certaines
limitations liées au handicap, à l'âge, à la nationalité, à
la catégorie de permis de séjour ou au taux d'occupation.
Il n'y a toutefois pas lieu d'opérer des déductions dis-
tinctes pour chacun des facteurs entrant en considération,
mais il convient plutôt de procéder à une évaluation glo-
bale des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide,
compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret.
La jurisprudence n'admet pas de déduction globale supé-
rieure à 25 % (ATF 126 V 78 consid. 5).

bb) Le recourant n'a pas repris d'activité lucrative.
Le rapport établi par X.________, permet de mieux cerner sa
capacité de travail résiduelle, mais ne fournit pas

d'indication fiable sur le revenu qu'il pouvait réaliser,
en 1994, en utilisant pleinement cette capacité de travail.
En effet, le recourant pouvait travailler dans d'autres
secteurs que celui dans lequel X.________ était active; par
ailleurs, les indications fournies par une seule entreprise
ne sont pas forcément représentatives des salaires
pratiqués sur le marché du travail. L'absence de fiabilité
des données salariales mises en cause ressort du reste
clairement d'une comparaison avec les données statistiques
de l'enquête suisse sur la structure des salaires 1994.
D'après cette publication, le salaire mensuel brut
(valeur centrale) auquel pouvaient prétendre les hommes
effectuant des activités simples et répétitives dans le
secteur privé était de 4127 fr. en 1994, dans les secteurs
de la production et des services (table A 1.1.1). De tels
secteurs offrent un large éventail d'activités simples et
répétitives, de sorte qu'un nombre significatif d'entre
elles sont adaptées aux problèmes physiques du recourant.
Comme les salaires bruts standardisés tiennent compte d'un
horaire de travail de 40 heures, soit une durée hebdoma-
daire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises
en 1994 (41,9 heures; cf. La Vie économique 1996/12, p. 12,
table B3.2), ce montant doit être porté à 4323 fr. En pro-

cédant à un abattement maximum de 25 % - mais un taux de
15 % serait plus approprié - pour tenir compte en particu-
lier de la nationalité étrangère du recourant et de son
empêchement à effectuer des travaux lourds ou en position
agenouillée, on obtient un revenu d'invalide de 3242 fr.
par mois (montant arrondi), nettement supérieur a celui
retenu par l'Office AI du canton de Berne.
Compte tenu d'un revenu sans invalidité de 5135 fr.
par mois et d'un revenu d'invalide de 3242 fr. par mois, le
recourant présentait en 1994 un taux d'invalidité de 37 %
(montant arrondi), inférieur à celui ouvrant droit à une
rente d'invalidité (consid. 1a supra). Fondée sur des
données salariales erronées, la décision du 15 juillet
1994, par laquelle l'Office AI du canton de Berne avait

alloué au recourant une demi-rente d'invalidité, pour un
taux d'invalidité de 59 %, était donc manifestement
erronée. Sa rectification revêt par ailleurs une importance
notable, dans la mesure où elle conduit à supprimer la
demi-rente allouée au recourant. C'est dès lors pour ce
motif substitué qu'il y a lieu de confirmer le jugement
attaqué.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté au sens des motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission de recours en matière d'assurance-vieil-
lesse, survivants et invalidité pour les personnes
résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.23/01
Date de la décision : 28/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-28;i.23.01 ?
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