La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2001 | SUISSE | N°B.90/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 novembre 2001, B.90/00


«AZA 7»
B 90/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 26 novembre 2001

dans la cause

C.________, recourant, représenté par le Syndicat inter-
professionnel de travailleuses et travailleurs, rue des
Chaudronniers 16, 1211 Genève,

contre

Fondation collective LPP Elvia, avenue du Bouchet 2,
1209 Genève, intimée, représentée par Elvia Vie,
Bleicherweg 19, 8022 Zürich,

et

Tribunal administra

tif du canton de Genève, Genève

A.- Inscrit au chômage depuis 1993, C.________ a été
engagé le 21 août 1995 en qualité de net...

«AZA 7»
B 90/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 26 novembre 2001

dans la cause

C.________, recourant, représenté par le Syndicat inter-
professionnel de travailleuses et travailleurs, rue des
Chaudronniers 16, 1211 Genève,

contre

Fondation collective LPP Elvia, avenue du Bouchet 2,
1209 Genève, intimée, représentée par Elvia Vie,
Bleicherweg 19, 8022 Zürich,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- Inscrit au chômage depuis 1993, C.________ a été
engagé le 21 août 1995 en qualité de nettoyeur par
l'entreprise X.________. Quelques jours après son engage-
ment, le 2 septembre, il s'est blessé en chutant d'une
échelle alors qu'il effectuait des travaux dans la salle
W.________ à Genève. Il a subi une fracture du scaphoïde

droit ainsi qu'une luxation de l'articulation astragalo-
naviculaire. La Caisse nationale suisse en cas d'accidents
(CNA) a pris en charge le cas et lui a versé des indemnités
journalières. Egalement appelée à intervenir, l'AI lui a
octroyé une rente entière du 1er septembre au 31 décembre
1996, une demi-rente du 1er janvier au 31 juin 1997, puis à
nouveau une rente entière à partir du 1er juillet 1997 (dé-
cisions du 8 octobre 1997).
Au mois de janvier 1999, C.________ a saisi la Fon-
dation collective LPP de l'Elvia (ci-après : la fonda-
tion) - à laquelle son ancien employeur, tombé en faillite
dans l'intervalle, était affilié pour la prévoyance profes-
sionnelle - d'une demande de rente. Celle-ci a refusé de
lui allouer des prestations, arguant qu'il n'avait jamais
été annoncé auprès d'elle comme salarié soumis à l'assuran-
ce obligatoire, et qu'il n'était donc pas assuré.

B.- Par mémoire du 15 juin 1999, C.________ a ouvert
action devant le Tribunal administratif du canton de
Genève, en concluant à ce que la fondation fût condamnée à
lui verser les prestations légales dues à la suite de son
accident du 2 septembre 1995.
Après avoir vainement tenté d'obtenir auprès des auto-
rités de chômage des renseignements sur la durée de l'enga-
gement du demandeur, le tribunal a déclaré l'action irrece-
vable (jugement du 26 septembre 2000).

C.- C.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
reprenant ses conclusions formulées devant la juridiction
cantonale.
La fondation conclut au rejet du recours. Quant à
l'Office fédéral des assurances sociales, il a renoncé à
présenter une proposition.

Considérant en droit :

1.- Nonobstant les termes du dispositif rendu par les
premiers juges, il ressort clairement des motifs du juge-
ment entrepris que ceux-ci sont entrés en matière sur le
fond du litige. A juste titre d'ailleurs, puisque la con-
testation ici en cause relève manifestement des autorités
juridictionnelles mentionnées à l'art. 73 LPP, tant du
point de vue de la compétence ratione temporis que celui de
la compétence ratione materiae (ATF 122 V 323 consid. 2,
120 V 18 consid. 1a et les références). Il y a donc lieu de
lever d'office cette contradiction et d'interpréter le dis-
positif selon son sens véritable, à savoir comme un rejet
de la demande du recourant (cf. ATF 123 V 106 consid. 1c
non publié).

2.- Est litigieux le point de savoir si, au moment de
la survenance de son accident, C.________ remplissait la
condition d'assurance à l'égard de la fondation (art. 23
LPP).

3.- Selon l'art. 10 al. 1 LPP, l'assurance obligatoire
commence en même temps que les rapports de travail. Y sont
soumis les salariés qui ont plus de 17 ans et reçoivent
d'un même employeur un salaire annuel supérieur au montant
limite fixé par l'art. 7 LPP (art. 2 al. 1 LPP). Lorsqu'un
salarié est occupé par un employeur pendant moins d'une an-
née, son salaire annuel est réputé être celui qu'il obtien-
drait en travaillant toute l'année (art. 2 OPP 2).
Conformément à la délégation de compétence que lui
confère l'art. 2 al. 2 LPP, le Conseil fédéral a défini, à
l'art. 1er OPP, certaines catégories de salariés qui, pour
des motifs particuliers, ne sont pas soumis à l'assurance
obligatoire. Sont ainsi exclus du cercle des assurés, les
salariés engagés pour une durée limitée ne dépassant pas
trois mois (art. 1 al. 1 let. b OPP 2, 1ère phrase).

4.- a) Les juges cantonaux ont considéré que le recou-
rant ne pouvait se prévaloir d'un contrat de travail d'une
durée supérieure à trois mois et qu'il n'était donc pas
soumis à l'assurance obligatoire en application de
l'art. 1er al. 1 let. b OPP 2. Pour cela, ils se sont prin-
cipalement fondés sur deux éléments : d'une part, le fait
que sur la déclaration d'accident LAA, X.________ avait
mentionné que le recourant effectuait un remplacement et,
d'autre part, le fait qu'au moment de son accident, celui-
ci travaillait à Y.________, soit dans un complexe accueil-
lant des manifestations généralement de courte durée.
Le recourant s'oppose à cette déduction. Selon lui, il
n'existe aucun élément parlant en faveur d'un contrat de
travail de durée déterminée, de surcroît inférieur à trois
mois, si bien que celui-ci doit, a contrario, être qualifié
comme étant de durée indéterminée. En particulier, le terme
«remplacement» apposé sur la déclaration d'accident LAA ne
constitue pas, à ses yeux, un indice propre à établir que
ses rapports de service auraient duré moins de trois mois.
Il précise enfin qu'il avait travaillé comme remplaçant aux
cuisines des Hôpitaux Z.________ pendant deux ans et qu'au
terme de ce contrat, intervenu au mois de mars 1995, il
n'aurait jamais accepté un travail de très courte durée.

b) Selon l'art. 334 al. 1 CO, le contrat de travail de
durée déterminée se définit comme celui qui prend fin sans
qu'il soit nécessaire de donner le congé. La durée détermi-
née du contrat résulte de la loi, de la nature du contrat
ou de la convention des parties. Celles-ci peuvent fixer
soit un terme, soit une durée, soit un laps de temps objec-
tivement déterminable (par exemple une saison). Dans tous
les cas, elles doivent être en mesure de connaître de façon
suffisamment précise la fin des rapports de travail (messa-
ge du Conseil fédéral du 9 mai 1984 concernant l'initiative
populaire «pour la protection des travailleurs contre les
licenciements dans le droit du contrat de travail» et la

révision des dispositions sur la résiliation du contrat de
travail dans le code des obligations, FF 1984 II 615; Brun-
ner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de travail, 2ème
édition, 1996, notes 1 et 2 ad art. 334 CO; Streiff/von
Kaenel, Leidfaden zum Arbeitsvertragsrecht, no 2 ad
art. 334 CO; Rehbinder, Berner Kommentar, 1992, p. 42
sv. no 7; Brand et al., Der Einzelarbeitsvertrag im Obliga-
tionenrecht, no 5 ad art. 334 CO). Inversement, sont des
contrats de durée indéterminée au sens de l'art. 335 CO,
tous les contrats dont l'échéance n'est pas fixée à
l'avance par les parties, de sorte qu'une résiliation est
nécessaire pour mettre fin aux rapports de travail
(Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., note 2 ad art. 335 CO).

c) Sous réserve du respect des dispositions impérati-
ves et relativement impératives régissant la matière, c'est
la volonté des parties qui fait règle quant à la durée du
contrat de travail (cf. Pierre Engel, Contrat de droit
suisse, 2ème éd. Berne 2000, p. 356).
En l'occurrence, le dossier renferme peu d'indices
susceptibles de renseigner sur le contenu des déclarations
échangées entre les parties contractantes. En particulier,
il n'existe pas de convention signée, ni de témoignages
portant sur les circonstances d'engagement du recourant.
Les éléments que l'intimée avance dans sa réponse au re-
cours n'apportent à cet égard aucune indication supplémen-
taire. Que C.________ était rémunéré sur la base d'un sa-
laire horaire ne constitue en effet pas un élément décisif
quant à la durée du contrat convenu; ce mode de rémunéra-
tion a cours dans de nombreux secteurs de l'économie (cons-
truction, industrie) sans pour autant être lié à la con-
clusion de contrats de courte durée. De même, on ne peut
rien déduire du fait que le recourant n'a pas été annoncé à
l'intimée par son employeur, une telle omission pouvant
tout aussi bien résulter d'un oubli, d'une négligence ou
d'une erreur. Il est vrai que C.________ n'a jamais reçu de

lettre de résiliation et qu'il était appelé en remplace-
ment. Si cette dernière circonstance permet sans doute de
présumer que les parties ont entendu se lier par un rapport
de travail temporaire, elle n'autorise en revanche aucune
conclusion au sujet de la durée convenue ou prévisible de
l'engagement. On ignore en effet tout des motifs de ce
remplacement (poste à repourvoir, employé malade etc.) et
rien n'indique que le recourant fût exclusivement engagé
pour le nettoyage de la salle de W.________ à Y.________
comme semblent le retenir les premiers juges. Or, à défaut
d'indice propre à établir une limitation dans le temps des
rapports contractuels, on ne saurait admettre l'existence
d'un contrat de durée déterminée; il convient bien plutôt
dans une telle situation de présumer l'existence d'un con-
trat de durée indéterminée (cf. Brühwiler, Kommentar zum
Einzelarbeitsvertrag, OR Art. 319-343, 1996, ad. art. 334
p. 291; Rehbinder, op. cit., no 6-7, p. 42-43).

d) Par ailleurs, vu le salaire horaire versé au recou-
rant (soit 17 fr. 25) et son temps de travail hebdomadaire
(soit 44 heures selon les indications fournies par l'em-
ployeur sur la déclaration d'accident LAA), il aurait pu
prétendre un revenu annualisé de 39 468 fr. (art. 2 OPP 2),
à savoir un montant supérieur au seuil fixé par l'art. 7
LPP qui s'élevait en 1995 à 23 280 francs (art. 5 OPP 2).
Par conséquent, C.________ remplissait, lors de la
survenance de son accident, les conditions de soumission à
l'assurance posés par l'art. 2 LPP. Il appartient donc à
l'intimée de prendre en charge les suites de cet accident
puisque c'est auprès de cette institution de prévoyance que
X.________ était affilié au moment déterminant (art. 10
LPP). Le recours est bien fondé, ce qui justifie l'annula-
tion du jugement entrepris et le renvoi de la cause aux
premiers juges afin qu'ils examinent le droit du recourant
à une rente d'invalidité, puis rendent un nouveau jugement.

5.- La procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Dès lors qu'il obtient gain de cause et qu'il est re-
présenté par un syndicats de travailleurs, le recourant a
en outre droit à des dépens à charge de l'intimée (art. 159
OJ; ATF 118 V 140 consid. 3; arrêt non publié D. F. du
18 juillet 1997, I 73/96; cf., par analogie, ATF 122 V 278
consid. 3b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 26 septembre
2000 du Tribunal administratif du canton de Genève est
annulé, la cause étant renvoyée à cette autorité pour
nouveau jugement au sens des considérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'avance de frais versée par le recourant, d'un mon-
tant de 500 fr., lui est restituée.

IV. L'intimée versera au recourant une indemnité de dépens
de 1200 fr.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 novembre 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.90/00
Date de la décision : 26/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-26;b.90.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award