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26/11/2001 | SUISSE | N°4C.270/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 novembre 2001, 4C.270/2001


«/2»

4C.270/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

26 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Pierre Mathyer, avocat à Lausanne,

et

les époux X.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Kathrin Gruber, avocate à Lausanne;

(bail à loyer; égards

du locataire envers les voisins)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Les époux X.______...

«/2»

4C.270/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

26 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Pierre Mathyer, avocat à Lausanne,

et

les époux X.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Kathrin Gruber, avocate à Lausanne;

(bail à loyer; égards du locataire envers les voisins)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Les époux X.________ louent, depuis le 1er
août 1974, un appartement de deux pièces au deuxième étage
d'un immeuble à Cheseaux-sur-Lausanne. Conclu pour une durée
initiale de trois ans, le bail devait ultérieurement se re-
nouveler de trois ans en trois ans, sauf avis de résiliation
donné quatre mois avant l'échéance. Le loyer mensuel net,
fixé initialement à 590 fr., est passé à 715 fr. le 1er
avril
1993, à la suite de différentes hausses de loyer.

L'immeuble précité a été acquis en 1979 par
A.________ . L'isolation acoustique du bâtiment, en particu-
lier celle de la porte d'entrée des logements, est assez fai-
ble.

Depuis les 1er mars 1980 et 15 janvier 1987, les
conjoints X.________ louent également à A.________ une place
de stationnement et un garage, dont les loyers mensuels
s'élevaient en dernier lieu respectivement à 80 fr. et
105 fr.

b) En juillet 1987, la gérance de l'immeuble, à la
suite de plaintes élevées par des locataires contre les
époux
X.________, a rappelé ces derniers à leur devoir de diligen-
ce. Le 23 octobre 1989, la gérance a prié les conjoints
X.________ d'adopter un comportement adéquat, faute de quoi
leur bail serait résilié. Elle a renouvelé cette invitation
le 3 décembre 1991, en l'assortissant de la même menace de
résiliation.

Après une période relativement calme, les concier-
ges de l'immeuble ont fait part à la gérance, le 2 novembre
1998, des difficultés qu'ils rencontraient avec le couple

X.________, dont ils devaient supporter les scènes de ménage
violentes et vulgaires, de plus en plus fréquentes depuis
six
ans.

Entre la fin novembre et le début décembre 1998, la
police est intervenue à trois reprises au domicile des époux
X.________ en raison de disputes bruyantes; aucun constat
n'a
été dressé à ces différentes occasions, car le calme était
revenu lorsque la police arrivait sur les lieux. A.________
a
eu connaissance de ces différentes interventions policières
par le courrier que lui ont adressé les concierges le 7 jan-
vier 1999.

Le 24 avril 1999, la gendarmerie s'est derechef
rendue au domicile des locataires précités, appelée par une
habitante de l'immeuble. Il résulte du rapport de cette in-
tervention que dame X.________, prise d'une crise d'hystérie
alors qu'elle évoquait avec son époux leur expulsion de l'im-
meuble, s'était rendue sur le balcon de son appartement et
avait crié et frappé sur une casserole afin de manifester
son
mécontentement à l'égard des autres locataires.

Par pli recommandé du 28 avril 1999, la gérance a
informé les conjoints X.________ que de nouvelles plaintes
avaient été formulées à leur endroit par les habitants de
l'immeuble; la gérance leur a rappelé les obligations qui in-
combent à tout locataire et leur a adressé une ultime mise
en
demeure.

Dans la nuit du 15 au 16 août 1999, les époux
X.________ ont provoqué un scandale en se disputant bruyam-
ment. Les locataires M.________ en ont avisé la gérance le
19
août 1999, en la priant de prendre à l'encontre des fauteurs
de troubles des mesures plus efficaces que de simples
lettres
d'avertissement dénuées d'effets.

Par lettre du 3 septembre 1999, la bailleresse, re-
présentée par la gérance, a notifié aux époux X.________ la
résiliation de leurs trois baux à loyer avec effet au 1er
avril 2000. La gérance a fait référence à son courrier du 28
avril 1999 et constaté que, malgré son avertissement, la si-
tuation ne s'était pas améliorée.

Les conjoints X.________ ont entrepris de nombreu-
ses démarches pour se reloger, qui sont restées vaines. La
situation financière des intéressés est précaire: leur seul
revenu est procuré par le salaire du mari, qui perçoit men-
suellement depuis le 1er juillet 2000 un montant net de
2843 fr.10.

B.- Les époux X.________ ont saisi la Commission
de conciliation en matière de baux à loyer du district de
Lausanne d'une requête en annulation du congé. Par décision
du 10 janvier 2000, ladite Commission a admis la validité du
congé et octroyé aux locataires une ultime prolongation de
trois mois de leur bail, l'échéance du contrat étant ainsi
repoussée au 30 juin 2000.

Les conjoints X.________ ont ouvert action contre
la bailleresse devant le Tribunal des baux du canton de
Vaud.
Ils ont conclu en dernier lieu, principalement, à l'ineffica-
cité des trois congés qui leur ont été signifiés; subsidiai-
rement, ils ont requis la prolongation des baux pour une du-
rée de quatre ans, soit jusqu'au 1er avril 2004.

Par lettre collective du 15 mars 2000, cinq loca-
taires de l'immeuble ont informé la gérance que la circons-
tance que les demandeurs puissent bénéficier d'une prolonga-
tion quadriennale de leur bail leur était insupportable, à
telle enseigne qu'ils seraient alors contraints de donner
leur congé sans préavis. Entendus comme témoins par la juri-
diction spécialisée, trois de ces locataires ont déclaré que

leurs menaces de résilier le bail étaient sérieuses, même si
l'un d'eux s'est déclaré prêt à donner au couple X.________
une nouvelle chance de se comporter correctement; deux
autres
locataires ont par contre affirmé qu'ils n'envisageaient pas
vraiment de rompre abruptement leur contrat de bail.

Dix locataires de l'immeuble ont été entendus par
le Tribunal des baux. Hormis quatre témoins qui ne se trou-
vent que rarement dans leur appartement, les six autres lo-
cataires ont relevé que les demandeurs, s'ils n'avaient gé-
néralement pas de différends avec les autres habitants de
l'immeuble, avaient de violentes disputes, ponctuées d'in-
jures réciproques, de bruits de portes claquées et de jets
de
divers objets. Tous ces témoins ont assuré qu'il était notoi-
re dans l'immeuble que le couple X.________ était
responsable
des claquements de portes et des éclats de voix qui retentis-
saient dans le bâtiment. Il a été établi que plus l'apparte-
ment des locataires était proche de celui des demandeurs,
plus ses occupants étaient incommodés par le bruit qui éma-
nait du logement des conjoints X.________. Ainsi, si un lo-
cataire a affirmé n'avoir été dérangé que trois ou quatre
fois en plus de vingt ans, d'autres ont déclaré que des dis-
putes se produisaient régulièrement, jusqu'à une fois par
semaine.

Par jugement du 9 octobre 2000, le Tribunal des
baux a prononcé que les résiliations de baux notifiées le 3
septembre 1999 par la défenderesse aux demandeurs étaient
inefficaces.

Statuant par arrêt du 26 juillet 2001, la Chambre
des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours
de la défenderesse et confirmé le jugement entrepris.

C.- La défenderesse exerce un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que les résiliations

de baux qu'elle a notifiées aux demandeurs le 3 septembre
1999 pour le 1er avril 2000 soient déclarées valables, ces
derniers devant restituer immédiatement à la défenderesse
les
choses louées.

Les demandeurs proposent le rejet du recours et la
confirmation de l'arrêt cantonal. Ils concluent en outre à
l'octroi de l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée

l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la qualification juridique des faits constatés
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.- a) Selon l'arrêt cantonal, la défenderesse,
qui a résilié avec effet immédiat le bail des demandeurs en
application de l'art. 257f al. 3 CO au motif que leurs vio-
lentes scènes de ménage rendaient intolérable leur présence
dans l'immeuble, ne pouvait pas exiger soudainement le dé-
guerpissement de ces locataires, car elle aurait pu à
maintes
reprises donner le congé pour l'échéance du bail. Ainsi, le
bailleur ne saurait tolérer le trublion durablement, puis,
tout-à-coup, sans que la situation ne soit nettement plus
insupportable, adopter une ligne dure et chasser l'intéressé
à bref délai. Pour cette raison déjà, à suivre l'autorité
cantonale, la résiliation abrupte du bail des demandeurs
n'est pas valable.

Pour le surplus, les magistrats vaudois se sont ré-
férés à l'opinion des premiers juges, qui ont admis que, si
les époux X.________ manquaient certes d'égards envers leurs
voisins depuis dix ans, la situation semblait désormais
s'apaiser dès l'instant où, hormis une locataire particuliè-
rement fragile, les signataires de la lettre collective du
15
mars 2000 n'avaient pas pris la décision irrémédiable de ré-
silier leur bail respectif. Dans ces conditions, a continué
le Tribunal des baux suivi par la Chambre des recours, le

maintien des baux est supportable et pour le bailleur et
pour
les habitants de l'immeuble.

b) La recourante invoque une violation de l'art.
257f CO. Elle soutient que si les disputes des demandeurs
ont
repris au printemps 1997, elle n'en a été avertie que par
courrier du 2 novembre 1998, si bien qu'elle ne pouvait
alors
plus leur adresser un congé ordinaire avant l'échéance loin-
taine du 1er octobre 2001. Elle allègue que le fait qu'elle
a
renoncé de 1987 à 1991 à résilier les baux en vertu de
l'art.
257f CO ne l'empêchait nullement d'y mettre fin abruptement
plus tard au cas où les locataires recommençaient à violer
leurs obligations de diligence, pour autant que ces derniers
aient reçu, comme en l'espèce, un nouvel avertissement et
que
la continuation du bail soit devenue insupportable en 1999.
Enfin, la défenderesse expose qu'il est exclu de faire
valoir
que la situation s'est améliorée dans l'immeuble, car cette
circonstance n'est survenue qu'après la résiliation du bail
des demandeurs.

3.- D'après l'art. 257f al. 2 CO, le locataire est
tenu d'avoir pour les personnes habitant la maison et les
voisins les égards qui leur sont dus. S'il persiste à
manquer
d'égards envers les voisins, nonobstant une protestation
écrite du bailleur, à tel point que le maintien du bail de-
vient insupportable pour ce dernier ou les personnes
habitant
la maison, l'art. 257f al. 3 CO autorise le bailleur à rési-
lier le contrat moyennant un délai de congé minimum de 30
jours pour la fin d'un mois.

a) Il convient tout d'abord d'examiner si les con-
ditions formelles instaurées par l'art. 257f al. 3 CO pour
qu'un bail soit résilié de manière anticipée ont été en l'oc-
currence réalisées.

Il est établi définitivement (art. 63 al. 2 OJ) que
la recourante a donné aux demandeurs l'avertissement écrit
prescrit par la disposition susmentionnée le 28 avril 1999.
Dans ce pli, elle a rappelé aux demandeurs leur devoir de di-
ligence et les a mis en demeure de bien se comporter envers
leurs voisins. Il n'importe que cette lettre ne menaçait pas
les intimés d'une résiliation extraordinaire de leurs baux
en
cas de récidive, puisque l'avertissement en cause n'avait
nul
besoin de contenir une telle menace (Peter Higi, Commentaire
zurichois, n. 51 ad art. 257f CO).

La protestation de la bailleresse a été envoyée aux
intimés dans un délai raisonnable après qu'elle a eu connais-
sance d'une nouvelle incartade de ces derniers, car elle est
intervenue seulement quatre jours à dater de l'intervention
du 24 avril 1999 de la gendarmerie à leur domicile (cf., sur
cette question, Higi, op. cit., n. 52 ad art. 257f CO; David
Lachat, le bail à loyer, p. 431, ch. 3.1.5).

Au cours de la nuit du 15 au 16 août 1999,
les de-
mandeurs ont causé un nouveau scandale dans l'immeuble à
l'occasion d'une bruyante algarade, de sorte que, par cour-
rier du 3 septembre 1999, la recourante a résilié les trois
baux des demandeurs pour le 1er avril 2000. Ce faisant, la
bailleresse, qui aurait pu donner le congé pour le 31
octobre
1999 déjà en vertu de l'art. 257f al. 3 in fine CO, a respec-
té le délai de congé minimum prévu par cette norme.

b) Il reste donc à vérifier si les congés signifiés
le 3 septembre 1999 aux demandeurs remplissaient les condi-
tions matérielles, cumulatives (Lachat, op. cit., p. 430,
ch.
3.1.2), posées par l'art. 257f al. 3 CO.

aa) Pour qu'un bail puisse être résilié en vertu de
la disposition susrappelée, il faut notamment que le locatai-
re, par sa manière de se comporter dans le bâtiment, n'ait

pas respecté les égards qui sont dus aux autres locataires,
en portant atteinte, par exemple, à leur tranquillité (cf.
Lachat, op. cit., p. 51/52, ch. 1.3.8; Higi, op. cit., n. 41
ad art. 257f CO; plus généralement: SVIT-Kommentar,
Mietrecht
II, n. 36 ad art. 257f CO).

Il est indubitable que les demandeurs, par leurs
bruyantes scènes de ménage, qui se manifestaient par des
flots d'injures entrecoupés de claquements de portes et de
jets d'objets divers, ont troublé la paix de l'immeuble,
dans
un premier temps de l'été 1987 à la fin 1991, puis à nouveau
dès l'automne 1998. Il a été constaté, de manière à lier le
Tribunal fédéral, qu'il était notoire dans cette habitation
que lorsque étaient entendus dans l'immeuble des bruits de
portes claquées et des éclats de voix, c'étaient les intimés
qui en étaient responsables.

bb) Les manques d'égards envers les voisins doivent
revêtir un certain degré de gravité (art. 271a al. 3 let. c
et 272a al. 1 let. b CO; SVIT-Kommentar, op. cit., n. 33 ad
art. 257f CO; Higi, op. cit., n. 58 ad art. 257f CO).

En l'espèce, on ne saurait nier que les intimés,
dont les violentes scènes de ménage ont suscité quatre inter-
ventions policières à leur domicile en l'espace de cinq mois
- de la fin novembre 1998 au 24 avril 1999 - ont gravement
manqué aux égards que les voisins d'un immeuble locatif se
doivent entre eux.

cc) Le congé anticipé selon l'art. 257f al. 3 CO
ne peut être donné au locataire fauteur de troubles que s'il
persévère, après avoir reçu une protestation écrite du bail-
leur, à enfreindre son devoir de diligence. La nouvelle con-
travention doit correspondre, par sa nature, à celle qui a
fait l'objet de l'avertissement initial (Higi, op. cit., n.
56 et n. 57 ad art. 257f CO) et ne pas survenir longtemps

après ce dernier (cf. Lachat, op. cit., p. 432, ch. 3.1.6,
pour lequel il faut entendre par-là plusieurs années plus
tard).

Dans le cas présent, il a été retenu en fait que
les intimés, nonobstant l'avertissement du 28 avril 1999,
ont
continué à faire du scandale dans l'immeuble de la défende-
resse à l'occasion de leurs disputes. Ainsi, dans la nuit du
15 au 16 août 1999, ils ont de nouveau eu une violente que-
relle. Cette scène de ménage ne s'étant déroulée que trois
mois et 18 jours après la protestation écrite adressée par
la
bailleresse, celle-ci était parfaitement en droit de consta-
ter que, malgré son avertissement, le calme n'était pas reve-
nu dans cette habitation.

dd) Le congé anticipé présuppose encore que le
maintien du bail est insupportable pour le bailleur ou pour
les personnes habitant la maison. La réponse à cette
question
ne repose pas sur des critères abstraits, mais fait appel
aux
règles de l'équité, lesquelles imposent de tenir compte de
toutes les circonstances importantes de l'espèce (Higi, op.
cit., n. 59 ad art. 257f CO; SVIT-Kommentar, op. cit., n. 35
ad art. 257f CO). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec ré-
serve la décision d'équité prise par l'autorité cantonale.
Il
n'intervient que lorsque celle-ci s'est écartée sans raison
des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en
matière de libre appréciation ou lorsqu'elle s'est appuyée
sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer
aucun rôle ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte
d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considéra-
tion. Le Tribunal fédéral sanctionne, en outre, la décision
d'équité lorsqu'elle aboutit à un résultat manifestement in-
juste ou à une iniquité choquante (ATF 123 III 246 consid.
6a
p. 255, 274 consid. 1a/cc; 122 III 262 consid. 2a/bb; 121
III
64 consid. 3c).

En l'occurrence, il s'est écoulé quatre mois et six
jours entre l'avertissement écrit communiqué aux demandeurs
et la résiliation des baux. Ce laps de temps court est déjà
un indice que le seuil de tolérance de la bailleresse envers
les troubles imputables aux intimés était devenu très faible
(arrêt du 8 août 2001 dans la cause 4C.118/2001, consid.
1b/bb/aaa). On le comprend d'autant plus que les scandales
répétés d'un locataire de l'immeuble constituent pour les au-
tres locataires un défaut de la chose louée (arrêt du 29 mai
1997 consid. 3a, publié in SJ 1997 p. 661 ss), qui expose le
bailleur à des demandes de réduction de loyer
proportionnelle
au défaut jusqu'à l'élimination de celui-ci (art. 259a al. 1
let. b et 259d CO; Higi, op. cit., n. 60 ad art. 257f CO). A
considérer les réclamations répétées et de plus en plus in-
sistantes des locataires de l'immeuble, la défenderesse ne
pouvait pas courir ce risque plus longtemps. Il est donc
sans
importance, dans l'appréciation du cas, que certains loca-
taires n'aient pas pris la décision irrémédiable de résilier
abruptement leurs baux à loyer.

Dans ces conditions, il n'était pas possible d'exi-
ger de la recourante le 3 septembre 1999 qu'elle laisse les
intimés disposer des choses louées jusqu'à l'échéance ordi-
naire de leurs baux triennaux, comme l'a admis la Chambre
des
recours, étant donné que cette échéance, à cette date, était
repoussée au 1er octobre 2001.

Les manques d'égards réitérés qu'ont manifesté les
intimés à l'endroit des autres habitants de l'immeuble
depuis
juillet 1987 pèsent d'un poids certain lorsqu'il s'agit d'ap-
précier le caractère insupportable du maintien du bail au
point de vue des intérêts de ces derniers. A cela s'ajoute
que les scènes de ménage des demandeurs étaient fréquentes,
différents locataires du bâtiment ayant déclaré qu'elles se
produisaient régulièrement, à un rythme même hebdomadaire.
Que l'isolation phonique, et singulièrement celle des portes

d'entrée des appartements, fût mauvaise dans le bâtiment ne
saurait disculper les demandeurs, qui, ne pouvant ignorer
cet
état de choses, devaient d'autant plus éviter de troubler la
tranquillité de l'immeuble lorsqu'ils se disputaient. Quant
à
la circonstance que les demandeurs semblent avoir adopté un
comportement plus pacifique depuis qu'ils ont ouvert action
devant les autorités judiciaires, elle est postérieure à la
résiliation du bail et ainsi sans portée sur celle-ci (arrêt
du 4 juin 1998 consid. 2c, publié in SJ 1999 p. 25 ss).

Il est vrai que les intimés sont dans une situation
financière précaire. Mais il s'agit d'un critère qui doit
être pris en compte pour décider de l'octroi ou non d'une
prolongation de bail (art. 272 al. 2 let. c CO), laquelle
est
précisément exclue lorsque le congé est donné en raison des
graves manques d'égards du locataire envers les voisins
(art.
272a al. 1 let. b CO).

Au terme de cette analyse, il apparaît que l'auto-
rité cantonale a omis de prendre en compte des circonstances
essentielles. Partant, on doit considérer que le maintien
des
baux, du fait de la persistance des intimés à enfreindre
leur
devoir de diligence, est insupportable non seulement pour la
défenderesse, mais encore pour les autres habitants de l'im-
meuble.

En définitive, le congé extraordinaire du 3 septem-
bre 1999 remplissait toutes les conditions posées par l'art.
257f al. 3 CO.

4.- Il suit de là que le recours doit être admis
et l'arrêt attaqué réformé en ce sens qu'il est dit que les
résiliations de baux que la recourante a notifiées le 3 sep-
tembre 1999 pour le 1er avril 2000 aux intimés concernant
l'appartement de deux pièces, la place de stationnement et
le

garage, sont valables, les demandeurs devant restituer
immédiatement à la défenderesse les trois choses louées.

Les demandeurs ont requis l'assistance judiciaire
pour la procédure devant le Tribunal fédéral. Leur impécunio-
sité est établie. Ils avaient obtenu gain de cause en instan-
ce cantonale, de sorte qu'ils étaient contraints de se défen-
dre devant la juridiction fédérale après le dépôt du présent
recours. Partant, la requête des intimés doit être admise;
leur conseil, désigné comme avocat d'office, sera rémunéré
par la Caisse du Tribunal fédéral.

Conformément à la décision sur l'assistance judi-
ciaire, les demandeurs seront dispensés de payer les frais
de
justice. En revanche, dès lors qu'ils succombent, ils
devront
verser à la recourante une indemnité à titre de dépens (art.
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en
ce sens que les résiliations de baux que la recourante a no-
tifiées le 3 septembre 1999 pour le 1er avril 2000 aux inti-
més concernant l'appartement de deux pièces, la place de
stationnement et le garage, sont déclarées valables, les de-
mandeurs devant restituer immédiatement à la défenderesse
les
objets loués;

2. Admet la requête d'assistance judiciaire des in-
timés, Me Kathrin Gruber, avocate à Lausanne, étant désignée
comme avocate d'office;

3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires;

4. Dit que les demandeurs verseront solidairement à
la défenderesse une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens;

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
Me Kathrin Gruber une indemnité de 3000 fr. à titre d'hono-
raires;

6. Renvoie la cause à la cour cantonale pour nou-
velle décision sur les frais de l'instance cantonale;

7. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois.

___________

Lausanne, le 26 novembre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.270/2001
Date de la décision : 26/11/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-26;4c.270.2001 ?
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