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23/11/2001 | SUISSE | N°C.143/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 novembre 2001, C.143/01


«AZA 7»
C 143/01 Tn

IVe Chambre

MM. et Mme les juges Borella, Leuzinger et Kernen.
Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 23 novembre 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Charles
Bavaud, avocat, place de la Gare 10, 1002 Lausanne,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) Par contrat de travail de durée indéterminée du

14 juin 1996, B.________ a été engagé à partir du 1er juil-
let suivant par X.________. Le salaire mensuel brut s'éle-
vait à 365...

«AZA 7»
C 143/01 Tn

IVe Chambre

MM. et Mme les juges Borella, Leuzinger et Kernen.
Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 23 novembre 2001

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Charles
Bavaud, avocat, place de la Gare 10, 1002 Lausanne,

contre

Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, 1014 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) Par contrat de travail de durée indéterminée du
14 juin 1996, B.________ a été engagé à partir du 1er juil-
let suivant par X.________. Le salaire mensuel brut s'éle-
vait à 3650 fr.; le délai de résiliation était de deux
mois. Le contrat a été résilié par l'employeuse le 4 août
1996, après que les bailleurs des locaux où s'exerçait
l'activité professionnelle en avaient interdit l'accès.

Par jugement du 18 août 1997, confirmé en instance
supérieure, le Tribunal civil du district de Lausanne a
reconnu X.________ débitrice de B.________ de la somme de
12 100 fr., correspondant aux salaires dus pour la période
du 1er juillet au 31 octobre 1996, sous déduction d'un
acompte de 2500 fr. et des retenues légales.

b) Après une poursuite infructueuse, B.________ a
déposé une demande d'indemnité en cas d'insolvabilité
portant sur le montant de 12 100 fr. Selon décompte du
10 août 1999, la Caisse publique cantonale vaudoise de
chômage lui a versé le montant de 1145 fr. 65, correspon-
dant à 70 % de la créance totale de 1636 fr. 65 - pour la
période du 1er juillet au 4 août 1996 - après déduction
d'une avance de 2500 fr.
L'assuré a recouru le 18 août 1999 devant le Service
de l'emploi du canton de Vaud, première instance cantonale
de recours en matière d'assurance-chômage. En cours de pro-
cédure, il a pris acte de ce que le versement à raison de
70 % avait été effectué dans l'attente de la détermination
du montant des charges sociales à retenir. Par décision du
25 avril 2000, le service de l'emploi a rejeté le recours,
au motif que le recourant n'avait accompli un travail ef-
fectif que jusqu'au 4 août 1996.

B.- Le 29 mai 2000, B.________ a recouru contre cette
décision devant le Tribunal administratif du canton de Vaud
et conclu à ce que le droit à une indemnité pour insolvabi-
lité de 12 100 fr. lui fût reconnu.
Par jugement du 30 mars 2001, la juridiction cantonale
a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée.

C.- B.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il
conclut, avec suite de dépens, au versement par la caisse
de chômage du montant de 12 100 fr.

La caisse s'en remet à justice. Le service de l'emploi
et la juridiction cantonale concluent au rejet du recours.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie n'a pas formulé d'obser-
vation.

Considérant en droit :

1.- La question litigieuse est celle de savoir si la
caisse a limité à juste titre l'indemnité pour insolvabili-
té à la créance de salaire due au recourant jusqu'au 4 août
1996.

2.- Selon l'art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assu-
jettis au paiement des cotisations, qui sont au service
d'un employeur insolvable sujet à une procédure d'exécution
forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse,
ont droit à une indemnité pour insolvabilité lorsque :
a. Une procédure de faillite est engagée contre leur
employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des créances de
salaire envers lui ou que
b. la procédure de faillite n'est pas engagée pour la
seule raison qu'aucun créancier n'est prêt, à cause de
l'endettement notoire de l'employeur, à faire l'avance de
frais ou
c. ils ont présenté une demande de saisie pour créance
de salaire envers leur employeur.
L'indemnité en cas d'insolvabilité couvre les créances
de salaire portant sur les quatre derniers mois du rapport
de travail, jusqu'à concurrence, pour chaque mois, du mon-
tant maximum selon l'art. 3 al. 1 LACI. Les allocations
dues aux travailleurs sont réputées partie intégrante du
salaire (art. 52 al. 1 LACI).

3.- a) Les dispositions des art. 51 ss LACI ont intro-
duit une assurance perte de gain en cas d'insolvabilité de
l'employeur, destinée à combler une lacune dans le système

de protection sociale. Pour le législateur, le privilège
conféré par la LP aux créances de salaire (art. 219 LP) ne
donnait en effet pas une garantie suffisante au travail-
leur, si bien qu'il était nécessaire de lui assurer la pro-
tection par le droit public, à tout le moins pendant une
période limitée et déterminée. Il s'est donc agi de proté-
ger les créances de salaire du travailleur pour lui assurer
les moyens d'existence et éviter que des pertes ne le tou-
chent durement dans son existence (Message du Conseil fédé-
ral concernant une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-
chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité
du 2 juillet 1980, FF 1980 III pp. 532-533; Nussbaumer,
Arbeitslosenversicherung, in : Schweizerisches Bundesver-
waltungsrecht, Bâle, Genève et Munich 1998 [SBVR], n° 492).

b) Par «créances de salaire» au sens de l'art. 52
LACI, on entend d'abord le salaire déterminant selon
l'art. 5 al. 2 LAVS, auquel s'ajoutent les allocations
(Nussbaumer, op. cit. n° 519). Par cette référence à la
LAVS se trouve ainsi délimité le cercle des bénéficiaires
de cette protection. Il reste que ces dispositions en ma-
tière d'assurance sociale reposent en premier lieu sur le
droit du contrat de travail en ce qui concerne notamment
les éléments contractuels, les obligations réciproques des
parties et les dispositions impératives dont il y a lieu
ensuite de tirer des conséquences juridiques en matière
d'affiliation ou de prestations (Meyer-Blaser, Résiliation
abusive du contrat de travail, nouvelles règles du Code des
obligations en la matière et incidences de ces dernières
dans le domaine de l'assurance sociale, en particulier sur
le maintien de la couverture d'assurance et le droit aux
prestations, in : Droit du travail et droit des assurances
sociales, Questions choisies, Colloque de Lausanne [IRAL]
1994 Lausanne, p. 177).
Contrat synallagmatique, le contrat de travail impose
principalement le versement d'un salaire au regard de l'en-
gagement de fournir un travail régulier. La conséquence

juridique, dans l'assurance-chômage, est que la créance de
salaire est principalement liée à la fourniture d'un tra-
vail. Ainsi, selon la jurisprudence, l'indemnité en cas
d'insolvabilité ne couvre que des créances de salaire qui
portent sur un travail réellement fourni et non pas sur
des prétentions en raison d'un congédiement immédiat et
injustifié du travailleur (ATF 114 V 60 in fine, 111 V 270
consid. 1b, 110 V 30; Munoz, La fin du contrat individuel
de travail et le droit aux indemnités de l'assurance-chôma-
ge, thèse Lausanne 1992, p. 192). Cette jurisprudence se
fonde sur le texte même de la loi et sur l'intention clai-
rement exprimée du législateur (Message du Conseil fédéral
précité p. 613; ATF 121 V 379 consid. 2a).
Ainsi que cela ressort de l'arrêt précité (ATF
121 V 379 consid. 2b), pour délimiter l'indemnité de chô-
mage et l'indemnité en cas d'insolvabilité, il faut se
demander si l'assuré, durant la période en cause, était
apte au placement (art. 15 al. 1 LACI) et s'il pouvait se
soumettre aux prescriptions de contrôle de l'administration
(art. 17 LACI); dans l'affirmative, il n'a pas droit à
l'indemnité en cas d'insolvabilité. Ainsi, l'assuré qui a
été licencié avec effet immédiat et sans juste motif - et
qui de ce fait ne travaille plus - est en principe apte au
placement et son droit aux prestations doit être examiné à
la lumière des conditions mises à l'allocation de l'indem-
nité de chômage (art. 8 ss LACI); il existe une situation
de chômage, qui est la condition première du droit à ladite
indemnité (art. 8 al. 1 let. a LACI; ATF 119 V 157 con-
sid. 2a; Meyer-Blaser, Résiliation abusive du contrat de
travail, nouvelles règles du Code des obligations en la
matière et incidences de ces dernières dans le domaine de
l'assurance sociale, en particulier sur le maintien de la
couverture d'assurance et le droit aux prestations, Col-
loque de l'IRAL 1994, p. 183 ss.).
Certes, si l'assuré au chômage a encore des droits à
faire valoir découlant du contrat de travail (salaire ou
indemnité pour résiliation anticipée des rapports de tra-

vail), il ne subit pas de perte de travail à prendre en
considération (art. 11 al. 3 LACI) et il ne peut prétendre
l'indemnité de chômage (art. 8 al. 1 let. b LACI; ATF
119 V 46, 115 V 437; Meyer-Blaser, loc. cit., p. 184).
Toutefois, en cas de doutes quant aux droits découlant du
contrat de travail, la caisse verse l'indemnité et se su-
broge au chômeur dans tous ses droits, y compris le privi-
lège légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité de chômage
versée par elle, conformément à l'art. 29 al. 1 et 2 LACI.
En application de cette disposition, des indemnités de
chômage peuvent être versées, plus particulièrement, lors-
que la créance du travailleur est certes incontestée, mais
que son recouvrement est aléatoire en raison de l'insolva-
bilité de l'employeur. Dans un tel cas, il existe, comme
l'exprime la loi, un doute quant à la satisfaction des
prétentions du travailleur (art. 29 al. 1 in fine LACI;
Munoz, loc. cit., p. 194).

c) La fourniture d'un travail, énoncée comme condition
nécessaire en toutes hypothèses à l'application des
art. 51 ss LACI, ne reflète cependant pas exactement la
jurisprudence rendue en la matière. En effet, est assimilé
à cette situation le cas où le travailleur n'a fourni aucun
travail en raison de la demeure de l'employeur au sens de
l'art. 324 al. 1 CO. Dans ce cas, tant que le contrat n'est
pas résilié, le travailleur a une créance de salaire qui
peut justifier, le cas échéant, l'octroi de l'indemnité en
cas d'insolvabilité (ATF 111 V 269; SVR 1996 ALV n° 59). La
question de savoir s'il y a lieu d'assimiler à cette éven-
tualité le cas du travailleur libéré de l'obligation de
fournir un travail (dans ce sens, voir Nussbaumer, op.
cit., note 1029) est indécise.

4.- En l'espèce, la résiliation des rapports de tra-
vail est intervenue le 4 août 1996. Sans avoir qualifié
précisément le licenciement intervenu, le juge civil a
alloué au recourant le montant de 12 100 fr., sous déduc-

tion d'un acompte de 2500 fr. et des charges légales,
correspondant aux salaires des mois de juillet, août,
septembre et octobre 1996.

a) Selon le tribunal administratif, le juge civil a
écarté l'hypothèse d'un congé immédiat sans juste motif au
sens de l'art. 337c CO. La Cour de céans n'a aucune raison
de s'écarter de cette appréciation au regard des éléments
retenus en procédure civile, tels qu'ils ressortent du
jugement du 18 août 1997 et de l'arrêt du 18 février 1998.
Au demeurant, si l'on devait, contrairement aux premiers
juges, retenir une telle hypothèse, le recourant ne pour-
rait prétendre à l'indemnité pour insolvabilité au-delà du
4 août 1996, dans la mesure où celle-ci ne couvre pas les
prétentions en raison d'un congédiement immédiat et injus-
tifié du travailleur en l'absence de travail fourni (ATF
121 V 379 consid. 2a, 114 V 60 in fine, 111 V 270
consid. 1b).

b) Le Tribunal administratif a considéré que le juge
civil avait retenu un congé ordinaire (art. 335 CO), donné
par l'employeur en demeure (art. 324 CO). Celle-ci justi-
fiait l'obligation de payer le salaire pendant le délai de
congé. Toutefois, sous l'angle de l'indemnité pour insolva-
bilité, la libération du travailleur avait pris effet
immédiatement, ensuite du congé, vu la fermeture de l'éta-
blissement. Le recourant s'était trouvé en situation de
prendre un emploi dès que les rapports de travail avaient
été résiliés, soit à compter du 5 août 1996. Dès cette
date, il n'avait ni la possibilité ni l'obligation de
fournir sa prestation à l'employeur (art. 324 al. 1 CO) et
le droit à l'indemnité avait cessé le 4 août 1996.
Ainsi que cela a été rappelé plus haut, le critère de
distinction réside dans la délimitation entre indemnité
pour insolvabilité et indemnité de chômage. Si, durant la
période en cause l'assuré était apte au placement et s'il
pouvait se soumettre aux prescriptions de contrôle, il n'a

pas droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité. Or, en
l'espèce, la résiliation des rapports de travail, liée à la
fermeture immédiate de l'établissement et au conflit avec
l'employeur au sujet du salaire, laissent apparaître une
aptitude au placement et à la soumission aux prescriptions
de contrôle, ainsi que la possibilité de se voir allouer
des indemnités de chômage en cas de doute quant aux droits
découlant du contrat de travail (art. 29 al. 1 LACI). Le
refus de prendre en compte les prétentions de salaire du
recourant au-delà du 4 août 1996 s'avère dès lors conforme
à la loi.

c) Le recourant se réfère en vain à la circulaire de
l'OFIAMT relative à l'indemnité en cas d'insolvabilité (ICI
01.92). Les créances de salaire pour certains cas de demeu-
re de l'employeur visés dans cette ordonnance ne couvrent
que des hypothèses où l'employeur n'a pas résilié les rap-
ports de travail. A cet égard, le Tribunal fédéral des
assurances n'a reconnu un droit à des indemnités pour in-
solvabilité en cas de demeure de l'employeur que dans des
situations où aucune résiliation du contrat de travail
n'était intervenue pendant la période en cause (ATF
111 V 269; SVR 1996 ALV n° 59 181).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif
du canton de Vaud, au Service
de l'emploi du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat
à l'économie.

Lucerne, le 23 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.143/01
Date de la décision : 23/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-23;c.143.01 ?
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