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23/11/2001 | SUISSE | N°2P.291/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 novembre 2001, 2P.291/2000


«/4»
2P.291/2000
2A.574/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

Séance du 23 novembre 2001

Présidence de M. le Juge Wurzburger, Président de la Cour.
Présents: MM. et Mme les Juges Hungerbühler, Müller, Yersin
et Merkli. Greffier: M. Dubey.

__________

A.________, représenté par Me Philippe-Edouard Journot, avo-
cat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 novembre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vau

d, dans la cause qui oppose le recourant
à la C o m m i s s i o n d' i m p ô t e t r e c e t t e
d e d i s t r i ...

«/4»
2P.291/2000
2A.574/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

Séance du 23 novembre 2001

Présidence de M. le Juge Wurzburger, Président de la Cour.
Présents: MM. et Mme les Juges Hungerbühler, Müller, Yersin
et Merkli. Greffier: M. Dubey.

__________

A.________, représenté par Me Philippe-Edouard Journot, avo-
cat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 novembre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recourant
à la C o m m i s s i o n d' i m p ô t e t r e c e t t e
d e d i s t r i c t d e N y o n et à l ' A d m i n i s -
t r a t i o n c a n t o n a l e d e s i m p ô t s d u
c a n t o n d e V a u d;

(impôt fédéral direct et impôts cantonal et communal
1989/1990: prescription; transposition)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________, domicilié alors à Montreux, et
B.________, domicilié à Genève, tous deux de nationalité
française, ont fondé la société C.________ SA, au capital de
50'000 fr., à Genève en juillet 1985. A.________ a souscrit
la moitié du capital-actions.

En été 1987, A.________ et B.________ ont vendu le
capital-actions de C.________ SA, qui avait été porté à
400'000 fr. entre-temps, à la société D.________ SA, à
Vevey,
dans laquelle ils venaient d'acquérir une participation
majoritaire. Le prix de la transaction s'élevait à 8'970'000
fr., auquel s'ajoutait le remboursement d'avances faites par
les actionnaires à la société (530'000 fr.) et la reprise de
bons de jouissance (200'000 fr.). D.________ SA, au capital-
actions de 2 millions de francs composé de 8'000 actions au
porteur de 250 fr., finançait cette acquisition par l'émis-
sion de 8'000 nouvelles actions au porteur de 1'250 fr.,
souscrites presque entièrement par divers investisseurs ins-
titutionnels et portait son capital-actions à 12 millions de
francs. Simultanément, elle transformait les 8'000 actions
au
porteur de 250 fr. en 16'000 actions nominatives de 125 fr.
à
droit de vote privilégié. A.________ et B.________
détenaient
ensemble 15'912 actions nominatives, au moins 1'377 actions
au porteur et autant de bons de jouissance, représentant au
total au moins 73,8% des voix que comportait le nouveau capi-
tal social et 31% du capital-actions.

La part de A.________ s'élevait à 3'912 actions no-
minatives, au moins 958 actions au porteur et 958 bons de
jouissance. Il détenait ainsi au total au moins 20% des voix
et 14% du capital de la société D.________ SA. Au terme de

l'opération, il s'est retiré progressivement de D.________
SA, son retrait définitif étant intervenu en 1990.

B.- L'Administration fédérale des contributions (ci-
après: l'Administration fédérale) a considéré que le
bénéfice
réalisé par A.________ lors de la vente à D.________ SA de
sa
participation dans C.________ SA constituait un revenu de
participation soumis à l'impôt fédéral direct et a demandé,
par courrier du 24 juillet 1989, à la Commission d'impôt et
recette de district de Nyon (ci-après: la Commission
d'impôt)
d'ajouter au revenu imposable de l'intéressé la différence
entre le prix de vente des actions et leur valeur nominale.

C.- Taxant d'abord les impôts cantonal et communal
1989/1990, la Commission d'impôt a notifié le 5 février 1990
à A.________ une décision de taxation provisoire fixant le
revenu imposable dans le canton à 345'300 fr. au taux de
578'600 fr.

Par décision de taxation définitive prise le
10 avril 1990, elle a retenu un revenu de 1'009'100 fr. impo-
sable au taux de 1'259'700 fr.

A.________ a recouru contre cette décision le 2 mai
1990.

A la suite d'un changement législatif, l'Administra-
tion cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Ad-
ministration cantonale) a traité ce recours comme une récla-
mation, qu'elle a rejetée le 19 décembre 1997. Procédant au
calcul de la différence entre le prix de vente des actions
(4'585'000 fr.) et leur valeur nominale (200'000 fr., plus
100'000 fr. pour la reprise des bons de jouissance), elle a
fixé le montant de cette prestation à 4'285'000 fr. Elle a
en
conséquence retenu un revenu imposable de 2'686'731 fr. pour
la période de taxation 1989/1990.

Par mémoire du 19 janvier 1998, l'intéressé a recou-
ru contre la décision précitée.

D.- Pour l'impôt fédéral direct 1989/1990, la Com-
mission d'impôt a taxé provisoirement A.________ le 15 fé-
vrier 1990 sur la base d'un revenu imposable de 345'200 fr.
et fixé l'impôt annuel à 39'698 fr.

Par décision sur réclamation prise le 20 juillet
1990, confirmant une taxation du 6 juillet 1990, elle a arrê-
té le revenu imposable à 1'009'000 fr. (et celui déterminant
pour le taux à 1'259'600 fr.), compte tenu de la vente des
droits de participations à D.________ SA. L'impôt annuel
était fixé à 116'035 fr.

L'intéressé a recouru contre cette décision le
30 juillet 1990.

Le 13 mai 1998, la Commission d'impôt a notifié à
A.________ une taxation complémentaire arrêtant le revenu à
2'487'400 fr., imposable au taux de 2'737'900 fr. et l'impôt
à 286'051 fr.

E.- Le 9 novembre 2000, le Tribunal administratif du
canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) a
rejeté
le recours de l'intéressé contre la décision de la
Commission
d'impôt. Il a confirmé la décision sur réclamation du
20 juillet 1990, la taxation complémentaire du 13 mai 1998
(impôt fédéral direct) ainsi que la décision sur réclamation
prise le 19 décembre 1997 (impôts cantonal et communal). Il
a
considéré que la vente de la participation de A.________
dans
C.________ SA à D.________ SA remplissait les conditions po-
sées par la jurisprudence en matière de transposition.
A.________ avait ainsi obtenu une prestation appréciable en
argent, dès lors qu'il dominait, avec B.________, la société
acquéreuse.

F.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif (2A.574/2000), A.________ demande principalement
que soient annulées la décision sur réclamation prise le
20 juillet 1990 par la Commission d'impôt en tant qu'elle re-
tient le cas de transposition et fonde la taxation complémen-
taire établie le 13 mai 1998 ainsi que la décision sur récla-
mation prise le 19 décembre 1997 par l'Administration canto-
nale et que le dossier soit renvoyé à cette administration
pour nouvelle décision. Subsidiairement, il requiert l'annu-
lation de l'arrêt attaqué et le renvoi de l'affaire à "l'au-
torité de première instance" pour nouvelle décision. Se plai-
gnant d'une mauvaise application du droit fédéral concernant
la transposition, il fait valoir qu'il ne dominait pas
D.________ SA. Par ailleurs, le Tribunal administratif
aurait
violé son droit d'être entendu. Sa dette d'impôt serait en
outre prescrite. Le droit à ce que sa cause soit traitée
dans
un délai raisonnable - consacré désormais à l'art. 29 al. 1
Cst. - aurait au surplus été violé.

Dans son recours de droit public (2P.291/2000),
l'intéressé conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de la cause à l'Administration cantonale pour
nouvelle
décision constatant que la vente des actions C.________ SA à
D.________ SA ne constituait pas une restructuration de son
patrimoine. A l'appui de son recours, il se prévaut d'une
violation de son droit d'être entendu et du principe de célé-
rité.

Le Tribunal administratif, se référant à l'arrêt at-
taqué, conclut au rejet des deux recours. L'Administration
cantonale conclut au rejet des deux recours dans la mesure

ils sont recevables. La Commission d'impôt ne s'est pas dé-
terminée. L'Administration fédérale conclut au rejet du re-
cours de droit administratif.

G.- La requête d'effet suspensif présentée par le
recourant a été admise par ordonnance présidentielle du
17 janvier 2001.

Extrait des considérants:

5.- Le recourant est d'avis que les créances d'impôt
fédéral direct pour la période fiscale 1989/1990 sont pres-
crites.

a) La loi sur l'impôt fédéral direct, entrée en vi-
gueur le 1er janvier 1995, a abrogé l'arrêté sur l'impôt fé-
déral direct (art. 201 LIFD).

aa) Aux termes de l'art. 128 AIFD, les créances fis-
cales se prescrivent par cinq ans. La prescription court dès
l'échéance de la créance. Elle est interrompue par tout acte
tendant au recouvrement de celle-ci; elle est suspendue tant
que le contribuable ne peut être poursuivi en Suisse.

L'arrêté sur l'impôt fédéral direct prévoit un délai
unique de prescription du droit de réclamer l'impôt (art.
128
AIFD; Ernst Känzig/Urs Behnisch, Die direkte Bundessteuer,
vol. III, 2ème éd., Bâle 1992, n° 2 ad art. 128) qui englobe
aussi bien le droit de taxer que celui de percevoir l'impôt.
Ce délai est suspendu uniquement lorsque le contribuable ne
peut être poursuivi en Suisse. Il commence à courir dès
l'échéance générale de l'impôt annuel fixé par le
Département
fédéral des finances conformément à l'art. 114 al. 1 AIFD;
il
est à cet égard sans importance qu'une taxation (définitive
ou provisoire) ait ou non été notifiée au contribuable avant
cette date (ATF 112 Ib 88 consid. 2a p. 92). Si cette pres-
cription est interrompue, un nouveau délai de cinq ans com-
mence à courir (Ernst Känzig/Urs Behnisch, op. cit., n° 12
ad

art. 128). En outre, aucun délai au terme duquel la
procédure
de taxation introduite à temps (art. 98 AIFD) devrait être
achevée n'est prévu.

bb) La loi sur l'impôt fédéral direct prévoit en re-
vanche des délais de prescription distincts pour le droit de
taxer (art. 120 LIFD) et pour celui de percevoir l'impôt
(art. 121 LIFD). Elle introduit également des délais de pres-
cription absolue (cf. art. 120 al. 4 et 121 al. 3 LIFD) et
prévoit notamment que la prescription du droit de taxer est
suspendue durant les procédures de réclamation, de recours
ou
de révision (art. 120 al. 2 lettre a et art. 121 al. 2
LIFD).
La prescription absolue du droit de procéder à la taxation
est de quinze ans après la fin de la période fiscale
(art. 120 al. 4 LIFD). La réglementation concernant la pres-
cription du droit de taxer s'applique par analogie à la pres-
cription du droit de percevoir l'impôt qui est acquise dans
tous les cas dix ans à compter de l'année au cours de la-
quelle la taxation est entrée en force (art. 121 al. 3 LIFD).

cc) En l'espèce, l'autorité de taxation a taxé pro-
visoirement le recourant le 15 février 1990. Elle a pris une
décision de taxation définitive le 6 juillet 1990, confirmée
sur réclamation le 20 juillet 1990. Suite au recours inter-
jeté par l'intéressé, l'Administration fédérale lui a
demandé
des renseignements complémentaires le 10 octobre 1990. Celui-
ci y a répondu le 30 octobre 1990. Ensuite, jusqu'à la noti-
fication de la taxation complémentaire du 13 mai 1998, l'au-
torité fiscale n'a rien entrepris. Les parties ne prétendent
au demeurant pas le contraire.

dd) Conformément à l'ordonnance du Département fédé-
ral des finances, les délais de prescription des créances
fiscales en cause ont commencé à courir le 1er mars 1990
(impôt 1989), respectivement le 1er mars 1991 (impôt 1990).
Par sa lettre du 10 octobre 1990, l'Administration fédérale
a

toutefois interrompu la prescription de l'art. 128 AIFD pour
la créance d'impôt fédéral direct 1989, de sorte qu'à partir
de cette date, un nouveau délai de prescription a commencé à
courir pour cette créance.

Si ces créances fiscales, nées sous l'ancien droit,
restaient soumises à ce droit, elles seraient prescrites
cinq
ans après le dernier acte de l'autorité, soit en l'espèce en
octobre 1995 (impôt 1989), respectivement le 1er mars 1996
(impôt 1990). En revanche, si la loi sur l'impôt fédéral di-
rect leur était applicable dès son entrée en vigueur, le
droit de taxer (la période 1989/1990) et l'impôt qui s'y rap-
porte seraient suspendus dès le 1er janvier 1995 en vertu de
l'art. 120 al. 2 LIFD, de sorte qu'un acte interruptif de la
prescription des autorités ne serait plus nécessaire.

b) Dans un arrêt du 26 novembre 1999, concernant des
créances en matière d'impôt fédéral direct nées et interrom-
pues sous l'empire de l'arrêté sur l'impôt fédéral direct,
l'autorité de céans a jugé que les dispositions relatives à
la prescription de la nouvelle loi sur l'impôt fédéral
direct
n'étaient pas applicables, bien que ces normes soient inté-
grées à la cinquième partie, relative à la procédure, de
cette loi. En effet, la prescription était une institution
de
droit matériel qui concerne directement l'existence de la
créance fiscale; en l'absence d'une réglementation expresse
contraire du nouveau droit, il se justifiait dès lors de
l'examiner d'après les dispositions de l'ancien droit
(ATF 126 II 1 consid. 2a p. 2/3 et les arrêts cités). Le Tri-
bunal fédéral n'a pas de motifs sérieux - et les parties
n'en
invoquent aucun - de modifier la jurisprudence, de sorte
qu'il y a lieu de s'y tenir, d'autant que la combinaison de
deux systèmes différents, même sans chevauchement dans le
temps, est discutable.

c) Dans le cas d'espèce, aucun acte interruptif de
prescription n'ayant été entrepris dans le délai de cinq ans
à compter du 10 octobre 1990 par l'Administration fédérale,
la créance de l'impôt fédéral direct 1989 est prescrite de-
puis le mois d'octobre 1995 et celle de l'impôt fédéral di-
rect 1990 depuis le 1er mars 1996.

Lausanne, le 23 novembre 2001


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.291/2000
Date de la décision : 23/11/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-23;2p.291.2000 ?
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