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22/11/2001 | SUISSE | N°H.27/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 novembre 2001, H.27/01


«AZA 7»
H 27/01 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Frésard

Arrêt du 22 novembre 2001

dans la cause

1. A.________, Transports internationaux SA,
2. B.________,
recourants, tous deux représentés par la Fiduciaire
Jordan SA, boulevard de Pérolles 4, 1700 Fribourg,

contre

Caisse de compensation du canton de Fribourg, impasse de la
Colline 1, 1762 Givisiez, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg

, Givisiez

A.- Par acte authentique du 28 décembre 1983,
B.________, C.________ et D.________ ont constitué la
société ...

«AZA 7»
H 27/01 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Frésard

Arrêt du 22 novembre 2001

dans la cause

1. A.________, Transports internationaux SA,
2. B.________,
recourants, tous deux représentés par la Fiduciaire
Jordan SA, boulevard de Pérolles 4, 1700 Fribourg,

contre

Caisse de compensation du canton de Fribourg, impasse de la
Colline 1, 1762 Givisiez, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- Par acte authentique du 28 décembre 1983,
B.________, C.________ et D.________ ont constitué la
société A.________, Transports internationaux SA, qui avait
pour but l'exploitation d'une entreprise de transports par
camions sur le plan international. B.________ en était le
directeur, tout d'abord avec signature individuelle, puis

avec signature collective à deux. La société a repris
l'exploitation de l'entreprise de transports auparavant
exploitée en raison individuelle par B.________. Par con-
vention du 28 décembre 1983 également, ce dernier s'est
engagé à travailler comme chauffeur au service de la
société de telle manière qu'un salaire minimum de 2500 fr.
par mois puisse lui être versé.
Le 6 juillet 1984, la société anonyme et B.________
ont conclu un contrat par lequel la première s'engageait à
prêter au second la somme de 31 313 fr. Par la suite,
d'autres prêts ont été accordés par la société à
B.________. Le montant total de ces prêts successifs a
atteint, en 1997, 345 660 fr. En mars 1997, B.________ a
mis fin à ses rapports de travail avec la société.
A la suite d'un contrôle d'employeur, le 19 janvier
1999, il est apparu que la société, dans le cadre de son
assainissement, avait abandonné la créance de 345 660 fr.
qu'elle détenait à l'encontre de B.________ et procédé à
son annulation comptable le 31 mars 1997.
Le 23 avril 1999, la Caisse de compensation du canton
de Fribourg a notifié à A.________, Transports internatio-
naux SA une décision par laquelle elle lui réclamait le
montant de 50 137 fr. 65 au titre de cotisations
AVS/AI/APG/AC, de cotisations au régime d'allocations fami-
liales et de frais de gestion sur le montant précité de
345 660 fr. Elle lui a également notifié, le même jour, une
décision par laquelle elle lui a réclamé le montant de
3088 fr. 85 au titre d'intérêts moratoires sur les cotisa-
tions dues.
Le 23 avril 1999, elle a envoyé une copie de sa déci-
sion de cotisations à B.________.

B.- A.________, Transports internationaux SA et
B.________ ont tous deux recouru contre ces décisions.
Statuant le 14 décembre 2000, le Tribunal administra-
tif du canton de Fribourg a rejeté les recours.

C.- Contre ce jugement, A.________, Transports
internationaux SA et B.________ interjettent un recours de
droit administratif dans lequel ils concluent à l'annula-
tion du jugement cantonal et à la «nullité» des décisions
du 23 avril 1999.
La caisse de compensation conclut au rejet du recours.
Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il ne
s'est pas déterminé à son sujet.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assu-
rances connaît en dernière instance des recours de droit
administratif contre des décisions au sens des art. 97, 98
let. b à h et 98a OJ en matière d'assurances sociales.
Quant à la notion de décision pouvant faire l'objet d'un
recours de droit administratif, l'art. 97 OJ renvoie à
l'art. 5 PA. Selon le premier alinéa de cette disposition,
sont considérées comme décisions les mesures prises par les
autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit pu-
blic fédéral (et qui remplissent par ailleurs certaines
conditions relatives à leur objet). Il s'ensuit que le
recours de droit administratif est irrecevable dans la
mesure où le litige a trait à des cotisations au régime des
allocations familiales du droit cantonal (ATF 124 V 146
consid. 1 et la référence).

2.- Les décisions litigieuses n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.- a) Le salaire déterminant, au sens de l'art. 5
al. 2 LAVS, comprend toute rémunération pour un travail
dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé.
Font partie de ce salaire déterminant, par définition,
toutes les sommes touchées par le salarié, si leur verse-
ment est économiquement lié au contrat de travail; peu
importe, à ce propos, que les rapports de service soient
maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient
versées en vertu d'une obligation ou à titre bénévole. On
considère donc comme revenu d'une activité salariée, soumis
à cotisations, non seulement les rétributions versées pour
un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou
prestation ayant une relation quelconque avec les rapports
de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas
franches de cotisations en vertu de prescriptions légales
expressément formulées (ATF 126 V 222 consid. 4a, 124 V 101
consid. 2 et la jurisprudence citée).

b) Lorsque l'employeur renonce à une créance contre le
salarié, cette prestation constitue en principe un salaire
déterminant (voir Hans Peter Käser, Unterstellung- und
Beitragswesen in der obligatorischen AHV, 2ème édition,
p. 100 sv., ch. 3.93 et 3.94; Greber/Duc/Scartazzini, Com-
mentaire des articles 1 à 16 de la Loi fédérale sur l'assu-
rance-vieillesse et survivants [LAVS], note 18 ad art. 5
LAVS). La jurisprudence a admis toutefois une exception à
ce principe lorsque l'employeur favorise - au moyen d'une
subvention remboursable à certaines conditions - la con-
struction par le salarié d'un logement individuel; les
amortissements gratuits portés au crédit du bénéficiaire ne
font pas partie du salaire déterminant, s'ils ne dépassent
pas le cadre usuel en la matière et qu'ils sont dans un
rapport raisonnable avec la rémunération du travail, en
excluant toute intention de tourner la loi (ATF 106 V 133).
Dans un tel cas, il s'agit en fait de libéralités spora-
diques de l'employeur, de peu d'importance et qui ne sont
pas soumises à cotisations, comme par exemple un prêt à des

conditions avantageuses ou certains avantages à l'achat de
marchandises (voir Ueli Kieser, Alters- und Hinterlassenen-
versicherung in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], Soziale Sicherheit, p. 36, ch. 48).

4.- a) En l'espèce, il n'est guère contestable que les
sommes prêtées par la société à B.________ étaient économi-
quement liées à une relation de travail. Comme cela ressort
tant du jugement attaqué que des allégués mêmes des recou-
rants, B.________ était insolvable en 1983 en raison des
dettes (plusieurs centaines de milliers de francs) qu'il
avait accumulées à l'époque où il exploitait à titre indi-
viduel une entreprise de transports. En outre, l'étalement
des prêts correspond à la durée des rapports de travail. La
modicité du salaire perçu par l'employé (2500 fr. par mois)
rendait aléatoire toute perspective de remboursement et
donne à penser que les parties entendaient en réalité, par
l'octroi de ces prêts, accorder à l'employé un complément
de rémunération. Sinon, on voit mal que la société ait
consenti à prêter des sommes - importantes par rapport au
salaire versé - à un salarié dont elle connaissait la si-
tuation financière pour le moins précaire. Il faut donc
admettre, avec les premiers juges, que l'octroi des prêts
en question constituait la contrepartie d'une prestation
liée aux rapports de travail entre les parties et, de ce
fait, soumise à cotisations.

b) Les recourants font valoir que la société anonyme a
été contrainte d'abandonner sa créance en raison, précisé-
ment, de l'insolvabilité du débiteur. Toutefois, comme on
l'a vu, B.________ n'avait pas les moyens, dès 1983 déjà,
d'honorer son passif. Les prêts successifs constituaient
donc, dès le départ, des prestations à fonds perdu de la
société en faveur de son salarié. Contrairement à ce que
soutiennent les recourants, la situation n'est pas compara-
ble aux circonstances qui sont à la base de l'arrêt ATF
98 V 186. Dans cette affaire, il s'agissait d'un détaillant

en denrées alimentaires, qui exerçait une activité lucrati-
ve indépendante et auquel un fournisseur avait accordé une
remise partielle d'une dette commerciale. L'abandon partiel
de créance par le fournisseur était assorti d'un plan d'a-
mortissement pour le solde de la dette. Dans de telles
circonstances, la diminution du montant de la dette ne
représentait pas, a estimé le Tribunal fédéral des assuran-
ces, une contre-prestation pour une activité (indépendante)
habituellement rémunérée du débiteur dans l'intérêt de son
créancier.

c) Les recourants se prévalent aussi du fait que
l'abandon de créance consenti en l'occurrence par la
société était conditionnel. Il est exact que selon l'art. 3
d'une convention d'abandon de créance passée entre la
société et B.________ le 24 novembre 1998, le débiteur
s'engageait à rembourser la société «au cas où il revien-
drait à meilleure fortune (par exemple : gain à la loterie,
PMU, héritage, etc.)». L'éventualité d'un remboursement ne
paraît toutefois pas sérieusement envisageable, puisqu'il
était subordonné à des conditions tellement aléatoires que
sont l'obtention d'un gain (important) à la loterie ou en
pariant aux courses ou encore des expectatives successora-
les, sur la réalité desquelles les recourants ne fournis-
sent d'ailleurs aucune précision.

d) Les recourants font aussi valoir que B.________ a
remboursé partiellement sa dette, le 14 juin 1999, par un
versement de 29 000 fr. A l'appui de leurs allégués, ils
produisent une convention, datée du même jour, par laquelle
B.________ cède à la société les droits et obligations en
capital d'une police d'assurance-vie d'une valeur de
50 000 fr., représentant une valeur de rachat d'environ
29 000 fr. Il est précisé que le montant de 29 000 fr.
viendra en diminution de la dette de B.________ à l'égard
de la société. On peut toutefois s'interroger sur les
véritables motivations des parties à cette convention

établie peu de temps après que les décisions litigieuses de
la caisse eurent été rendues.
Quoi qu'il en soit, les recourants n'ont pas allégué
ce fait ni n'ont produit la convention en cause au cours de
la procédure cantonale. Or, lorsque le pouvoir d'examen du
Tribunal fédéral des assurances est limité par l'art. 105
al. 2 OJ, la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou
de faire valoir de nouveaux moyens de preuve est très res-
treinte. Selon la jurisprudence, seules sont admissibles
dans ce cas les preuves que l'instance inférieure aurait dû
réunir d'office, et dont le défaut d'administration consti-
tue une violation de règles essentielles de procédure (ATF
121 II 99 consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b et les référen-
ces). A plus forte raison les parties ne peuvent-elles
invoquer devant le Tribunal fédéral des assurances des
faits nouveaux, qu'elles auraient été en mesure - ou qu'il
leur appartenait, en vertu de leur devoir de collaborer à
l'instruction de la cause - de faire valoir devant la juri-
diction inférieure déjà. De tels allégués tardifs ne per-
mettent pas de qualifier d'imparfaites, au sens de
l'art. 105 al. 2 OJ, les constatations des premiers juges
(ATF 121 II 100 consid. 1c, 102 Ib 127).
L'existence d'un remboursement partiel de la dette
aurait pu être invoquée en procédure cantonale, en particu-
lier dans les répliques des recourants, datées du
13 juillet 1999. Partant, il s'agit d'un fait nouveau qui
ne peut être invoqué devant le Tribunal fédéral des assu-
rances.

5.- De ce qui précède, il résulte que le recours est
mal fondé.
Vu la nature du litige, la procédure n'est pas gratui-
te (art. 134 OJ a contrario). Les frais judiciaires seront
supportés par les recourants, qui succombent (art. 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant de 5000 fr., sont
mis à la charge des recourants et sont compensés avec
l'avance de frais qu'ils ont versée. Le solde de cette
avance, par 3000 fr., leur est restituée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, et à l'Office fédéral des assu-
rances sociales.

Lucerne, le 22 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.27/01
Date de la décision : 22/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-22;h.27.01 ?
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